purple rain (simone)

les néons qui s’illuminent, brillent de mille feux, éclairent les ruelles comme un passage vers le septième ciel. les lumières s’accrochent autour de ses jambes galbées, attirent le regard, poussent aux vices. c’est dans cet univers brillant et décadent qu’elle a toujours vécu, simone. enfin, toujours… la seule partie de sa vie qui compte vraiment.
la partie où l’ange s’est cassé le talon aiguille et où il a dégringolé, tentant en vain de se raccrocher aux nuages cotonneux pour mieux accuser le béton contre sa joue humidifiée par les larmes qui se sont libérées.
mais c’est mieux, elle pense simone, d’avoir la face écrabouillée et salie par le goudron plutôt que d’être encore sur le piédestal construit par la figure parentale, imposée comme un droit mais jaugée par la gamine comme un devoir. être une pétasse de plus à remuer son popotin en beuglant des « j’m’habille chez guess » ou les autres marques huppées. simone, elle s’habille plus en LVMH et ça lui va très bien. elle s’habille avec des vêtements qui lui plaisent, des vêtements trop courts, des vêtements indécents, des trucs flashys qui font rougir les étoiles.
et elle en devient une, simone, d’étoile. elle se déhanche entre les lumières des néons, fait claquer ses talons sur l’asphalte comme si la terre lui appartenait. cette après-midi pourtant, c’est pas pour vendre son cul. elle a l’habitude, ça la ferait même pas tressaillir… mais ça fait du bien d’savoir qu’elle passera la nuit à remuer pour son plaisir, à s’exténuer dans des danses lascives plutôt que de devoir écarter les cuisses en feignant d’apprécier.
pas de comètes qui s’éclatent, pas de baisers enfiévrés déposés, pas de jouissance écœurante à accuser en son sein. juste les œillades énamourées, les billets glissés dans l’soutien-gorge ou sur l’côté d’la culotte. juste les voix masculines, testostérone à l’appui, qui vomissent des « simone ! » à s’en époumoner, asphyxie réparatrice.
et elle aime ça, simone, d’être regardée. d’être adulée. ici, dans l’monde du vice, c’est pas juste un clone d’une future femme de président, d’une future potiche juste bonne à s’occuper (mal) des enfants. ici, dans l’monde du vice, c’est la reine des déchus. la reine des nus. la reine qui écrase les insectes du haut de son escarpin vertigineux, pensant pouvoir gouverner un jour prochain.

mais pour ça, simone, elle a b’soin de quelque chose. un mec friqué. simone, elle apprend jamais… avoir été chassée pour être foutue derrière les barreaux y’a quelques années après avoir arnaqué un peu trop d’cons, ça lui a pas suffit. simone, c’est le magicien d’oz : elle a toujours un coup d’plus dans son sac (celui de marie popins). c’est des jeux d’cartes, des lapins, des lames qui s’rétractent en rentrant en contact avec la chair offerte… c’est tout et n’importe quoi, si tant est que la dorure délestée (dégoût de la famille, dégoût du monde) puisse être à nouveau abordée et choyée. cette fois, en côtoyant un compte en banque bien garni, simone saura en profiter.
elle en profitera de manière libérée.
et la proie est déjà trouvée : rhys. le boss (le deuxième) du sapphire. y’a un truc entre lui et mack (la première boss), elle l’a déjà senti. elle a du nez pour ces choses-là… et si elle veut pas s’mettre la patronne à dos, rhys semble être un appât bien trop appétissant pour la gamine-famine. poupée qui n’a rien d’autre à se mettre sous la dent, poupée qui laisse parfois ses mirettes divaguer autour des muscles du bellâtre. il est un peu vieux, mais qu’à peine. il pue le fric, et il a cette gentillesse sous-jacente qui la fait fondre… (mais elle aime les mauvais garçons, simone. sauf que les mauvais garçons, ça donne pas une jolie bague à exhiber).
quand elle voit l’boss (rhys, donc), chose assez rare pour être signalée, simone elle sent l’feu lécher ses intestins, le bas de ses reins. elle a l’envie folle de passer ses doigts dans sa crinière indomptable, de le regarder souffler son nom du bout de ses lèvres.

et c’est en rêvassant qu’elle passe les portes du sapphire. il est tôt, mais simone a envie de s’entraîner. les quelques années rasoir de danse classique ont laissé quelques marques dans l’palpitant de la blonde, aussi quelques idées pour une nouvelle chorégraphie l’ont effleurée. on pense trop souvent (à tort) qu’être stripteaseuse, c’est bouger comme une détraquée autour d’un poteau et c’est tout… mais faut s’préparer. c’est pas pour rien qu’les gars arrêtent pas d’gueuler « simone ! » d’un ton enjoué. elle sait quels mouvements effectuer pour les rendre faibles, les pousser à allonger les billets.
puis y’a un bruit qui s’fait entendre. ça vient du bureau. y’a rhys qui en émane. quand on parle du loup… elle a les idées savamment oubliées qui lui reviennent en mémoire. les corps enlacés, échauffés, embrasés. ça ferait sans doute rougir n’importe qui, mais pas simone. simone, ça lui donne encore plus de détermination. « bonjour, rhys. » elle ronronne. il a ce geste qu’elle l’avait souvent imaginé effectuer : le rabattage de ses mèches rebelles vers l’arrière. « oh mais vous pouvez rester ! » elle s’empresse d’arguer alors qu’il tente déjà de lui fausser compagnie. elle sourit, le genre de sourire qui ferait fondre n’importe qui… mais rhys, c’est pas n’importe qui. « j’avais justement besoin d’un avis, et mack n’est pas là… » elle se mordille la lèvre innocemment, baisse un tantinet les yeux. le regard le plus mignon qu’elle ait en stock. « j’avais envisagé une nouvelle chorégraphie. ça vous dérangerait de regarder et de me dire si ça va ? » elle suggère, provocation et défi brillant dans ses opales sombres, métal en fusion.
le plan « rhys dans le nid » (l’originalité pour les noms, ça a jamais été son fort) est en place. il va craquer, parce qu’il le faut. parce que simone, elle veut personne d’autre. c’est sa cible et il sera à elle après quelques tours de passe-passe.