Are you still my best friend now ? ♠ Roman

En arrivant dans ce pays à l’âge de 17 ans, je n’avais pas eu grand espoir de m’adapter à une nouvelle vie. J’avais mon cousin, ma meilleure amie, et à vrai dire ça m’avait toujours suffit comme ça. Je n’avais jamais eu besoin de chercher plus loin. Entre amitié, conquêtes et travail au bar, je n’avais pas réellement le temps de me poser des questions sur mon entourage où sur mes besoins d’être écouté, et pourtant, il y a quelques mois, ça m’était tombé dessus comme ça. Depuis quelques temps maintenant, j’avais, ce que tout le monde appelait communément, un meilleur ami. Moi qui ne suis pas vraiment docile, et qui ne s’attache que rarement aux autres, j’avais été surpris moi-même de considérer Roman de cette façon, mais pourquoi nier l’évidence, j’avais trouvé ma bromance. Trouver cet autre soi qui nous comprends comme personne, celui avec qui un simple regard peut finir en éclat de rire pendant des heures, savoir ce que l’autre pense sans même se parler, tout savoir de l’un et de l’autre, et ne jamais rien faire sans lui. Une amitié fusionnelle en somme, c’est ce que j’avais fini par trouver avec Roman. Pourtant, si je lui avais volontiers beaucoup de choses de ma vie, comme le fait que j’avais abandonné une petite amie enceinte à mes 16 ans, il y avait d’autres sujets, que je n’avais pas encore abordé avec lui. Ma bisexualité, était certainement la seule chose que je n’avais jamais évoquée. Par crainte de perdre son amitié, par crainte de perdre la seule personne qui comptait réellement pour moi à part ma meilleure amie. Avant, ça m’aurait sans doute été égal. Plutôt égoïste, je ne me serais pas inquiété de perdre quelqu’un  qui ne puisse pas m’accepter comme je suis. Mais avec Roman, c’était différent, je tenais beaucoup trop à lui, plus qu’un ami, un meilleur ami, comme un frère. Ce lien, je ne voulais pas risquer de le voir disparaître. Bien qu’en ce moment, je m’inquiétais pas mal sur notre amitié. Il faut dire que si j’avais partagé beaucoup de moi avec lui, il ne me parlait pas autant de son passé, de sa famille, et parfois, j’en arrivais à me demander si il me faisait réellement confiance, si lui aussi me considérais aussi fortement que le considérais. Peut-être qu'’il ne me voyait que comme un seul pote. Cette idée me fit grimacer intérieurement. Peu importe, aujourd’hui, j’avais décidé d’être honnête et de lui parler de ma faiblesse pour le sexe masculin. Il me connaissait, il me savait particulièrement dragueur, à vrai dire mes relations ne dépassaient jamais trois mois, et pourtant, que je puisse aimer les hommes, il n’en savait rien encore. Prenant une grande inspiration, j’étais allé le rejoindre. Je pouvais deviner sa silhouette de loin. Il était temps de me confronter à lui. Même si l’idée ne m’amusait pas spécialement. J’avais décidé de le rencontrer au parc. Je préférais faire les choses de façon plus discrète, dans un coin de verdure, assis sur un banc plutôt qu’au beau milieu d’un café ou de mon bar. Je ne l’imaginais pas hurler devant la foule, mais sait-on jamais. Et puis j’avais décidé de promener Galaxie par la même occasion. Je laissais mon berger allemand s’en aller à travers les allées. Au moins ça amadouera peut-être Roman. J’avais finalement assis mes fesses à côté de lui sur un banc. « Hey. » Je souriais rapidement. J’espérais ne pas montrer que j’étais un peu tendu. « Désolé pour le retard, j’ai fermé le bar et deux abrutis voulaient pas dégager. » Je soupirais doucement glissant finalement mon regard sur lui. « Toi, ça va ? » Ma voix était normal, j’essayais de ne pas montrer ma tension.

Il y a beaucoup de petits plaisirs simples dans la vie. Un des miens considérait à me rendre dans ce parc, quand le soleil s’amuse à être au plus haut dans le soleil, sortir avec mes chiens, et puis, parfois, rejoindre mes amis. Cette fois-ci, il n’y avait que mon berger allemand à mes côtés, Curry était resté à la maison. Depuis quelques jours maintenant il avait un petit souci à la patte, et je préférais ne pas prolonger se sorties avant d’être allé chez le vétérinaire avec lui. Mais je préférais ne pas trop y penser, j’avais d’autres problèmes à aborder aujourd’hui, et ça ne risquait pas d’être une partie de plaisir alors resté concentrer là-dessus. Je soupirais doucement, me penchant pour aller gratter généreusement Marmotte. J’avais eu une affection particulière pour elle, j’ai toujours aimé les animaux, et son prénom me rappelait vaguement le surnom que j’avais donné il y a longtemps à l’une de mes sœurs. Sans doute avec sa trop grande affection pour sa couette quand le week-end venait dans la maison. Un court instant je me souvenais encore de l’ambiance familiale, et je repensais un peu à ce moment où j’avais été adolescent, sac sur le dos, prêt à embarquer dans cet avion loin de ma famille. Pourtant, ce n’était pas un souvenir triste bien au contraire. J’avais été heureux de m’en aller, et je n’avais jamais regretté ce choix. Quitter l’Australie, m’avait également permis de quitter Kaitlyn, la mère de cet enfant, que je ne connaissais pas, et que je ne voulais pas connaître. Je sentais subitement mon Iphone vibrer, c’était sans doute encore elle. Depuis quelques temps, j’avais la désagréable sensation qu’elle tentait de revenir dans ma vie, et même si j’espérais que j’avais tort, j’en doutais fort. L’aboiement de Galaxie me fit revenir dans la réalité, quittant alors le doux confort de mes pensées. Je dirigeais mon regard vers mon ami, quittant un peu Marmotte. « ça tombe bien, j’aurai peut-être besoin de tes talents. Il me manque une commode pour l’appartement. Quoique…Si on continue à vivre à trois, parce qu’il y a de nouveau des problèmes de cœur entre Thibo et Alba. » Mon cousin et ma meilleure amie, se fréquentaient à nouveau depuis quelques temps. Et je dois bien avouer que je ne comprenais plus rien à leurs allers et venues en statut en couple ou célibataire sur Facebook. Je secouais doucement la tête rien qu’en y pensant. J’avais abandonné l’idée de les comprendre ou de les suivre dans leur délire. « Tu te trompes pas non. En même temps un bar ça risque pas de se vider je pense. » C’est vrai que depuis l’ouverture je n’avais pas à me plaindre en terme de fréquentation. J’étais toujours bondé de monde, l’endroit était bien situé il faut dire. J’avais repris un ancien bar populaire en changeant le nom, et j’étais souvent plus le barman bon ami que le patron derrière ses employés. Employés que je ne voyais le plus souvent qu’à mi-temps et pour quelques temps seulement. Je faisais le plus gros du travail moi-même, mais en même temps je suis comme ça depuis toujours, je n’aime pas déléguer mon travail, alors quitte à en perdre la santé, je le ferais quand même. Les derniers mots de Roman me firent rirent doucement, tandis que je me tournais vers lui. « Oh oui papa, et ensuite tu m’achèteras une glace et on ira acheter des fleurs pour maman avant de rentrer. » Je tapotai son épaule en souriant. « Magnifique vêtement, vraiment. » Je me foutais de sa gueule mais je n’avais pas besoin de lui préciser, il me connaissait assez. Je soupirais doucement. C’était bien sympathique de s’amuser comme ça, mais le sujet que je voulais aborder me fit nouer la gorge subitement. « Je pense pas pleurer non plus, mais j’espère que tu va pas partir en courant. Si je voulais te voir, c’est surtout pour te parler qu’un sujet en particulier. » Et c’était le moment tant attendu, je me lançais, un peu.

Le soleil caressait la peau de mon visage, et j’étais parfois obligé de fermer légèrement les yeux pour ne pas être ébloui. Un léger vent fouettait la peau de mes bras, et je pouvais sentir mes frissons de temps en temps. J’observais mon chien qui avait fini par se poser sur le flanc, regardant tour à tout Marmotte puis Roman. Je n’avais pas pu emmener mon autre ami, blessé à la patte depuis quelques jours je préférais le laisser se reposer tranquillement. J’avais souri à la remarque de Roman concernant la particularité amoureuse du duo qui formait ma colocation. Et j’avais encore plus ris en l’entendant parler de son âge. C’est vrai que son âge n’était pas le même que le mien. Après tout j’avais seulement 26 ans, et même si je ne le considérais pas comme plus âgé, il l’était. Je n’avais jamais senti notre différence, et ça m’allait très bien. « Je cherche plus à les comprendre moi non plus. Le seul truc c’est qui me fait chier c’est la colocation. Pour le moment on s’en sort au niveau du loyer, mais si l’un des deux se barre… » Je soupirais. C’est vrai que je n’en avais pas encore parlé avec Alba ni Thibo, mais le budget était juste suffisant. « En plus je me vois pas devoir choisir entre les deux. Et vu qu’ils ont tous les deux un caractère de merde je te raconte le bordel… » J’haussai les épaules doucement. Je ne voulais pas l’embêter avec mes histoires, mais c’est vrai que mine de rien c’était un sujet qui me travaillait, ça et le fait que la mère de ma fille essaye de revenir dans ma vie en ce moment. Surtout que Alba ne savait rien de ma paternité, et que je tenais à ce qu’elle continue d’être ignorante à ce sujet. « Enfin, comme tu dis, ce n’est plus de ton âge…Papy. » Je riais doucement en laissant mon corps s’affaler un peu sur le banc. J’aurai presque pu en oublier la raison de ma venue ici. Il faisait bon, j’étais avec mon meilleur ami et j’aurai bien aimer continuer à parler de tout et de rien, seulement, je ne l’avais pas fait venir pour rien dans ce parc. Il y avait peu de personnes à qui j’avais tenu moi-même à annoncer ma bisexualité. En général, c’était plutôt dans mon ancienne ville que les gens ne savaient rien. Une fois en Nouvelle-Zélande, je m’étais laissé à aller à qui je suis vraiment et le regard des gens m’importait peu. Mais je tenais à Roman, même si je ne le connaissais pas depuis des années comme le reste de mes amis, il n’en était pas moins le plus précieux à mes yeux. J’avais trouvé ma bromance, et c’était tellement cool. « Si j’avais flingué quelqu’un tu le saurais mec, c’est à toi que j’aurai demandé de m’aider à cacher le corps. T’es le seul à qui je fasse réellement confiance. » Je me penchai pour gratouiller la tête de Galaxie. Je n’aimais pas trop me pencher sur mes sentiments. Je n’ai jamais été du genre à parler de mon ressenti ou de mes émotions, j’ai toujours été un homme d’action plus que de paroles, aussi j’évitais de m’étendre sur le sujet. Je n’avais jamais réussi à lui dire qu’il était à mes yeux un meilleur ami, comme un frère aussi. Mais j’étais certain qu’il le savait. On n’avait pas vraiment besoin de se parler. En l’entendant me dire que j’étais presque une famille, j’avais senti mon cœur s’emballer doucement, et ça m’avait fait incroyablement plaisir. D’ailleurs je me rendais compte que je ne savais absolument rien sur sa famille. « Je te fais confiance. C’est juste…Délicat tu vois. Certaines personnes réagissent bien d’autre mal. J’ai déjà eu des réactions de dégout aussi. » J’haussai les épaules doucement. L’avis des autres m’importait peu. Je faisais ma route avec ceux qui voulaient bien de moi et le reste du monde je m’en foutais. J’avais souris en sentant sa main sur mon épaule. J’avais justement peur que ce genre de gestes s’en aillent si je lui expliquais tout. Mais tant pis, il fallait prendre le risque. Je ne voulais rien lui cacher, et je préférais être détesté pour ce que je suis qu’aimé pour ce que je ne suis pas. « C’est rien de grave, je te rassure tout de suite. C’est quelque chose qui me concerne uniquement moi. J’ai toujours été comme ça, seulement je l’ai compris seulement à l’adolescence. Et aujourd’hui j’assume. Alors…Je me vois pas te le cacher encore longtemps. »

Il faisait toujours aussi bon dans le parc, et je ne pouvais pas m’empêcher de regarder mon chien qui désormais bien installé, s’endormais presque. Parfois il rouvrait les yeux, et je souriais doucement en le voyant faire. Je me penchai un court instant pour pouvoir le caresser, et enfin le laisser tranquille. Je ne regrettais pas d’être venu, et je soupirais doucement en me tournant à nouveau vers mon ami. Je le regardais simplement, et je me demandais si j’étais aussi transparent que ça comme homme. D’habitude, personne n’est capable de lire dans un livre ouvert en moi, et pourtant il me semblait que Roman y parvenait sans trop d’efforts, ce qui me laissant plutôt interdit. C’était sans doute un peu ça quand on trouvait un meilleur ami. Je n’avais pas l’habitude d’être aussi proche que quelqu’un, alors ça me faisait un peu étrange. Je passais une main dans ma nuque, la frottant, un peu gêné, et puis je le regardais encore une fois. Je me demandais comment il avait pu comprendre aussi rapidement. Après tout je n’avais jamais rien laissé paraître et plus encore, je ne parlais jamais des hommes avec lui. « Ouais je sais. Je doute pas de toi je t’assures. » Je soupirais un peu en haussant les épaules. « Tu sais…J’ai déjà connu beaucoup de réactions différentes, même des gens que je pensais être mes amis. Alors forcément, ça m’inquiète toujours un peu, même si je te fais confiance. » Je soupirais légèrement. J’assumais depuis mon arrivée à Island Bay, mais il est vrai que quand j’étais encore à Melbourne, je n’en parlais pas vraiment. Il faut dire que j’avais trouvé des vrais amis ici et je pouvais être celui que je suis, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Mais pour autant tout le monde n’est pas de confiance, et je me suis souvent fait insulté et j’ai pourtant perdu des amis à cause de ce que je suis. Tant pis. Ils ne me méritaient pas et voilà tout. J’hochai un peu la tête. C’était sans doute vrai, je devais le dire à voix haute pour me sentir bien. Même s’il avait visiblement deviné ce que je voulais lui avouer depuis maintenant un certain temps. Je me mordais un peu la lèvre en haussant les épaules. « J’espère que tu ne m’en veux pas de ne pas t’en avoir parlé plus tôt. Ce n’est pas vraiment un truc qui se lâche comme ça dans une conversation qu’on est bisexuel. » Je secouais la tête doucement. Je ne voulais pas qu’il croit que je ne lui faisais pas confiance. « Non, je me doutais bien que tu ne me laisserais pas tomber. Désolé de t’avoir fait pensé le contraire. » Je lui souriais doucement. Sa remarque me fit rire légèrement, tandis que je secouais la tête en levant les yeux vers le ciel. « J’hallucine ! Avoue que ça te plairait bien hein ! C’est vrai que t’es plutôt pas mal mais un peu vieux pour moi… » Je riais en embrassant sa joue. J’étais vraiment soulagé de m’être enfin confié à lui. Je le regardais, haussant les épaules. « Je suis content d’en avoir parlé avec toi ».