testing my luck [Simone]

Elle mâchonne le capuchon de son stylo, observe les lignes noires sur blanc sans parvenir à les lire. Ça fait pourtant un moment qu'elle y est, s'est mis en tête de gérer un peu d'administratif et de gestion. Il y a les comptes, les dernières commandes des fournisseurs, les emplois du temps, les fiches de salaire. Rhys avait fini par céder, accepter de l'aider dans cette nouvelle affaire florissante. Il y avait eu quelques soirées déjà, les billets avaient coulé au-delà de ses espérances. Mais toujours pas de salle comble, toujours pas ce sentiment d'accomplissement. C'était en partie pour cela que Mack n'avait pas appelé l'homme à la rescousse aujourd'hui, était partie seule au club. Il était à peine seize heure, la plupart des employés n'arrivaient que vers dix-huit. À cette heure-ci, les lumières étaient grandes allumées, dévoilant sans aucune intimité les podiums, sièges en cuir et tables basses où le soir, les verres s'accumulaient. C'était un bel endroit, certes. Les travaux avaient fait leur effet. En soi, la blonde aurait pu être fière si seulement elle y trouvait son compte. Il fallait voir les choses en face, s'absorber dans le boulot ne la faisait pas se sentir utile. Il y avait toujours la sensation que c'était l'affaire de Van, qu'elle ferait certainement mieux de rester à la maison à s'occuper de sa fille. Quand elle y pensait, ça lui serrait la gorge de voir combien sa proximité avec son bébé s'était fêlée depuis l'arriver à Island Bay. Mack ne parvenait plus à rester dans la maison trop longtemps, détestait devoir se farcir les sorties en poussette. Parce que ce n'était pas le genre de femme qu'elle était.

Dans un soupir las, la blonde ferma le livre des comptes, écrasant au passage toute la paperasse qui s'y trouvait. Prestement, elle se leva de son tabouret pour se glisser derrière le bar, se servir un généreux verre de whisky. Une mauvaise habitude de plus. Ça avait le mérite d'atténuer les pensées sombres, au moins. Et c'est ce qu'elle espéra en descendant les premières gorgées, avant d'être stoppée net dans son élan par le bruit de la porte de service. Les pas, légers, discrets. Et bientôt, Simone qui débarqua dans la salle principale. Le laisser-aller solitaire était fini, semblait-il. « Bonjour Simone. » Elle force un sourire, referme discrètement la bouteille qu'elle glisse sous le bar. L'alcool est un sujet tabou au club, elle l'a bien spécifié. Qu'un seul des employés mette le nez derrière le bar sans qu'elle n'ait donné son aval, et ce serait un avertissement salé. C'était pas dans un but rabat-joie ; mais fallait que les choses se déroulent bien. L'alcool ou la drogue pouvaient rapidement faire dévier les attitudes, provoquer les conflits. Elle avait pas besoin de ça. « Pendant que tu es là, fallait que je te demande... une des filles ne pourra pas assurer son service lundi. Elle danse à la toute fin de soirée. Tu pourrais la remplacer ? T'y gagneras son jour de repos mardi. »  Et ça arrangerait tout le monde. Honnêtement, la blonde n'a pas que ça à faire, de faire le tour des filles pour avoir une remplaçante et s'assurer de ne pas avoir de sous-effectif une fois le soir venu. « Et vu que t'es la première arrivée, tu vas avoir le privilège d'essayer la tenue de lapine playboy. Enterrement de vie de garçon. » Elle soupire. Elle n'a jamais eu un esprit de leader et ça lui pèse sur les épaules. Elle se sent fatiguée, n'a pas envie de devoir jouer la patronne modèle. Si bien qu'elle finit par ressortir la bouteille, admettre son méfait. « Je peux te proposer un verre de ce whisky de 23 ans d'âge, qui est facturé abusivement aux clients. Profite, ce sera peut-être la seule et unique fois où je laisserais quelqu'un boire avant le service. » Elle aurait largement le temps de faire redescendre son alcoolémie une fois un verre ingéré. Mais c'était surtout sur la forme, que Mack insistait.