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Eden & May-Line

Je lève les yeux vers l'horloge de la librairie. Dans dix minutes, ce sera la libération. Je termine de ranger les derniers bouquins que je devais mettre en rayon. Encore une fois, la journée s'est déroulée dans le calme le plus total. Et aussi étonnant que ça puisse paraître, Cassie n'est pas passée aujourd'hui. Je ne sais pas si elle est sortie de sa période de boulimique de livres ou si elle avait tout simplement autre chose de prévue, mais sa présence quasi quotidienne me manque. Au moins, j'avais quelqu'un à qui parler. Là, à part les livres, il n'y a pas grand monde. J'étais l'un des seuls employés présents aujourd'hui. Je soupire. L'ennuie commence vraiment à me gagner.
Je jette un petit coup d’œil à travers les rayons et commence à ranger les romans sur les bonnes étagères. Ce sera ça à faire en moins demain matin. Soudain, je sens mon portable vibrer dans la poche de mon jean. Je fronce les sourcils, coince la pile de livre que je tiens sous mon coude gauche. Je déverrouille l'écran et regarde de qui il provient. Eden. Une amie d'enfance. Elle m'a appris il y a quelques jours qu'elle était venue à Island Bay et qu'elle souhaitait qu'on se revoit. Évidemment, je ne pouvais pas refuser.
Nous avons qu'une seule année d'écart et nous avons, presque toujours, été voisine. Au début, je n'osais pas trop l'approcher, j'étais bien trop timide pour ça et je n'étais pas tellement douée pour me faire des amies. Puis un jour, alors qu'elle se faisait embêter par l'un des garçons de l'école, j'ai décidé d'intervenir. J'ai mis en pratique les conseils de mon frère et je lui ai fait passer un très mauvais moment. Je suis sûr qu'il s'en souvient encore. En revanche, moi, je ne me souviens même pas de son prénom. En même temps, ça remonte à mon enfance et on ne peut pas vraiment dire que ce soit intéressant. Enfin bref, depuis ce jour-là, on ne s'est plus quittée. Jusqu'à ce qu'elle soit obligée de déménager. Malgré la distance, nous avons fait tout notre possible pour continuer de nous parler et nous avons eu l'occasion de nous revoir quelquefois.
Je clique sur le message et le lis en fronçant les sourcils. Comment ça ? Je relis une seconde fois son SMS afin d'être certaine de bien comprendre le sens de celui-ci. Oui, elle me dit bien de regarder derrière moi. Je me tourne et un immense sourire se dessine sur mon visage. Je dépose les livres sur une partie libre de l'étagère, mets le téléphone dans ma poche et m'approche d'elle. « Eden ! » Je la prends dans mes bras et la serre contre moi. Je suis tellement contente de la revoir qu'une petite larme s'échappe de mon œil droit. Je me retire de notre étreinte et m'essuie les yeux. « Je suis tellement heureuse que tu sois là ! Et tellement surprise aussi. » Je lui souris. J'ai tellement de choses à lui raconter. Tout comme elle. On a du temps à rattraper. « Je dois faire la fermeture d'ici cinq minutes, j'espère que ça ne te dérange pas ? Il y a meilleur endroit pour parler, mais pour le moment, je pense qu'il faudra qu'on s'en contente. » Je récupère les livres que j'avais déposé quelques secondes auparavant et les range à leur place. « Alors, tu es à Island Bay pour tes études ? »

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Eden & May-Line

Je crois que May est sincèrement heureuse de me revoir. Elle me prend dans ses bras et je suis surprise - mais soulagée – de voir qu'entre nous, rien n'a changé malgré les années. Je la vois sourire et je souris à mon tour. C'est agréable de constater que, comme lorsque nous étions enfants, nous n'avons pas besoin de mots pour nous comprendre. Ce moment est parfait. Il me semble que cela fait un siècle que je n'ai plus été aussi heureuse qu'à cet instant précis. Certains souvenirs de notre enfance commune me remontent en tête et l'émotion me submerge discrètement. Génial. Moi qui m'étais promis de ne pas pleurer, c'est complètement raté. Puis, tout d'un coup, je l'entends me demander si je suis ici en raison de mes études. Douche froide. Je me fige et un frisson me parcourt. Non, non, je suis venue t'annoncer que je suis ta demi-sœur cachée ! Oui parce qu'en fait, ma mère a couché avec ton père. Enfin, notre père. Ne t'énerve pas May, voit le bon côté des choses : nous pourrons faire un cadeau groupé pour la fête des pères. Classe, non ? Vu de l'extérieur, je suis seulement une jeune femme qui a perdu sa langue. Mais de l'intérieur, je deviens complètement hystérique. Heureusement que May ne lit pas dans les pensées. Je dois absolument me reprendre, je ne veux pas passer pour une demi-tarée. Ah, j'ai oublié de te dire que ta nouvelle demi-sœur est aussi une vraie folle. Je vois May qui me regarde avec un air interrogateur et impatient. Je déglutis et m'entend à peine répondre : « Heu... pas vraiment. »  Je me sens mal à l'aise. Vu la tête que fait May, elle devait s'attendre à un peu plus de détails de ma part. Il faut dire qu'enfant, lorsque je me suis enfin décidée à parler, on ne pouvait plus m'arrêter. Pas même May. Vite, vite Eden. Trouve un autre sujet. Je regarde autour de moi et mes yeux se posent sur un livre dont j'ai entendu parler la semaine dernière. Une histoire d'amour, encore. « Ce livre à l'air absolument génial. Je le prends ! » May avance vers le comptoir et sceptique, encaisse le livre dont je suis désormais l'heureuse propriétaire. Elle dépose le livre dans un sac et me le tend avec le reste de ma monnaie. Je lui souris et dis : « Cette librairie me plaît déjà ! Allez, viens. Je t'offre un bon thé. »

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Je ne sais pas si la réaction d'Eden et bizarre ou naturelle. Comme ça fait plusieurs années qu'on ne s'est pas vue, je ne sais pas vraiment comment elle a changé et encore moins ce qu'elle devient. Si ça se trouve, elle ne fait plus d'études et a commencé à travailler. Ou alors elle a prit une année sabbatique. Ma question était peut-être trop abrupte et j'ai peur de l'avoir froissé. Surtout au vu sa réponse qui commence vraiment à m'intriguer. Qu'est-ce qui l'amène ici si ce n'est pas pour les études ? J'ai du mal à croire que la raison, ce soit moi. Je lui manquais, ça j'en suis sûre, mais sûrement pas au point de venir vivre ici. Peut-être qu'elle a rencontré un garçon et que comme Clarisse, venir s’installer ici pour les études n'était qu'une excuse pour le retrouver, lui. Je souris à cette idée et hausse les épaules, signe que je lâche l'affaire. Pour cette fois. Je finirais bien par savoir la raison de son arrivée un jour ou l'autre. Mais il faut avouer qu'entre le retour de Claüs dans ma vie et maintenant celle de mon amie d'enfance, ça commence à faire beaucoup. C'est carrément cool, mais un peu déstabilisant. Je m'apprête à reprendre la parole pour faire cesser ce froid immense quand elle me coupe pour s'extasier devant un nouveau livre. Une romance. Je ne peux pas m'empêcher de rire. « J'avais oublié ta passion pour les histoires à l'eau de rose ! » J'ai eu ma période, moi aussi. Jusqu'à être totalement vaccinée. Ou presque. Disons que je m'attarde moins sur ce genre et préfère m'évader avec un preux chevalier aux pouvoirs mystiques. L'histoire d'amour de ces romans, j'aimerais plutôt la vivre en vraie, malheureusement, on ne peut pas dire que cette partie de ma vie soit très animée.
Je conduis Eden jusqu'au comptoir où je l'encaisse. J'en profite au passage pour lire le résumé du bouquin. Bon, je ne vais pas mentir, c'est vrai qu'il a l'air plutôt pas mal. En plus, j'ai déjà entendu parlé de l'auteur et je n'ai eu que des retours positifs. « Tu me diras ce que tu en penses, peut-être que je me laisserais tenter. » Je termine ma phrase par un clin d’œil avant de glisser son bien dans un petit sac au nom de la librairie.
Comme il est l'heure de fermeture, je m'occupe de compter la caisse pendant que mon amie m'attend à côté. Une fois que j'ai terminé, elle me propose de m'offrir un thé. Mon visage s'illumine et je sautille presque sur place. « Toi, tu sais comment me parler et comment me faire plaisir ! » Je termine avec la caisse et me dirige vers l'arrière de la boutique. « Je récupère mes affaires et on y va ! » Je m'exécute aussitôt. J'attrape mon sac, mon gilet kimono à fleurs et une fois de retour dans la boutique, je prends Eden par le bras pour l'amener vers la sortie. « Je connais un petit bar à thé sympa et pas très loin d'ici. Est-ce que ça t'irait ? Puis on doit avoir tellement de choses à se raconter ! » En attendant sa réponse, je ferme la boutique.

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En effet. May n'a même pas idée de tout ce qu'on a à se dire. Enfin, surtout moi. Je souris doucement, heureuse d'être là. « Tu connais un bar à thé ? Je n'en attendais pas moins de toi. » Je pouffe et nous sortons de la librairie quelques instants plus tard. Dehors, le soleil est à son maximum mais heureusement, une légère brise me caresse le visage. Je suis mon amie ou plutôt, ma sœur et je l'écoute blablater sur tout et sur rien. La pluie, le beau temps. L'école. Les livres. Le boulot. La famille... Je devrais tout lui dire. Là, maintenant, tout de suite. C'est le bon moment. Mais elle a l'air si enthousiaste de nos retrouvailles, si légère et heureuse, que mes lèvres restent closent. Par les étoiles ! May est un vrai moulin à paroles. Heureusement, car ses mots comblent ceux que je ne peux pas prononcer.  Je décide alors de simplement profiter de l'instant et je me détends. Pour le moment, cette histoire de demi-sœur doit rester dans un coin de ma tête. Nulle part ailleurs. Surtout pas dans les pensées de May. Car quand elle saura, c'est sûr, elle me détestera. Nous arrivons au salon de thé dont May m'a parlé et lorsque mes yeux se posent sur l'enseigne, je pars dans un rictus difficilement contrôlé. Le « Thé toit ». Non mais, ils sont sérieux ? Si ça, ce n'est pas un signe qu'il ne vaut mieux rien dire à May, alors, je ne sais pas ce qui en sera un ! May me regarde une fois de plus avec interrogations et je me reprends aussitôt. « Je vois qu'on a de l'humour dans le coin ». May rit à son tour, passe son bras sous le mien et m'entraîne à l'intérieur. Nous rions encore lorsqu'à ma grande surprise, je découvre un endroit chaleureusement décoré et cosy. Avec un nom pareil, qui l'aurait cru ?! Les sièges ressemblent plus à des fauteuils qu'à des chaises, certaines poutres sont apparentes et grâce à ses couleurs d'automne, le salon entier ressemble à une grande forêt. « C'est super joli, ici. Tu connais cet endroit depuis longtemps ? » Je ne dis rien, mais intérieurement, j'espère qu'il y a du chocolat chaud sur la carte. Sinon, pas le choix.. Sinon, je pars en courant ! « Je t'offre un bon thé. » Un thé ! Mais bon dieu, qu'est ce qui m'a prit ?!

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Pendant le trajet, je parle de tout et de rien. Je débite un flot incroyable de paroles et autant vous dire, je ne serais même pas capable de vous expliquer de quoi j'ai bien pu parler. J'en ai tellement dit… Je pense que je me suis surtout attardée sur ma nouvelle vie, ici, à Island bay. Rien de bien intéressant. Juste mon quotidien.  L'université, mon travail à la librairie, le soleil, la plage, les livres, le chocolat. Enfin ce genre de banalité. Je ne préfère pas m'attarder tout de suite sur mes problèmes relationnels avec mes parents ou encore mon frère. On aura bien le temps d'en discuter. Plus tard. Autour d'une tasse fumante de thé, par exemple. D'ailleurs, je suis étonnée qu'elle m'ait proposé cette boisson. Dans mes souvenirs elle n'en était pas fan. Peut-être que ma mémoire me fait défaut et que je me trompe ? Par ailleurs, s'il s'avère que j'ai raison, elle pourra toujours demander autre chose. Je crois qu'ils servent toute sorte de boisson chaude. Bien que le thé reste leur spécialité et qu'il soit un véritable délice. Je pense que j'en profiterais pour refaire un stock. On n'en a jamais assez.
Nous arrivons devant la boutique et je regarde Eden avec interrogation. Elle fixe l'enseigne un petit moment avant de me dire enfin l'arrière de ses pensées. Je n'avais jamais fait attention au jeu de mots. Pour tout dire, je ne savais même pas comment cet endroit ce nommait. Honte à moi. Je l'accompagne dans son rire. Ils auraient quand même pu mieux trouver ! D'autant plus qu'ayant tenu toute la conversation pendant le trajet, je le prends un peu comme un avertissement. Alors c'est décidé, c'est à son tour de me parler d'elle. Et elle ne pourra pas se défiler.
Nous pénétrons à l'intérieur et choisissons une table avec banquette. C'est plus confortable que les chaises. Depuis la dernière fois, ils ont changé la déco pour un style plus automnal. J'aime beaucoup ce raccord avec la saison. D'autant plus qu'il s'agit de ma préférée. Les couleurs chaudes sont tout simplement sublimes. Je pique deux cartes sur la table vide de derrière et en tends une à Eden. « Hm... »  fais-je en réfléchissant. « Quelques mois. En fait, je suis tombée un peu par hasard en me promenant dans la rue. C'était peu de temps après mon arrivée. Donc pas plus de quatre mois. » Je lui souris et porte mon attention sur les boissons. Parfois, j'ai l'impression d'être arrivée dans cette ville il y a des années. Avec tout ce qui s'est déroulé, ma vie n'a jamais été autant mouvementé qu'ici. Je referme la carte après quelques secondes. « Tu trouves ton bonheur ? Moi, je pense que je vais jeter mon dévolu sur un thé aux fruits rouges. » Avec ceux qui me rappellent Noël, ce sont, sans aucun doute, les meilleurs !
Une fois qu'Eden m'affirme avoir fait mon choix, j'appelle un serveur pour passer notre commande. Dès qu'il repart, je m'accoude sur la table et joins mes mains entre elles afin d'y déposer ma tête. « J'ai suffisamment parlé pour la journée. C'est à tout tour maintenant ! Qu'est-ce que tu deviens ? Comment va ta mère ? Je veux tout savoir. Dans les moindres détails. » J'insiste bien sur certains des mots, non pas pour lui mettre la pression, mais pour éviter qu'elle se défile. Parce que je la connais. Quelque chose la tracasse et j'ai envie de savoir quoi.

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Assises sur une banquette, nous consultons la carte du salon. Oh, joie ! Il n'y a pas que du thé. May me demande si je trouve mon bonheur, et avec un petit sourire en coin, je lui réponds : « Bon, je te laisse bien volontiers le thé aux fruits rouges. Moi je vais prendre un chocolat chaud. Et pas de remarques sur cette bizarrerie. Merci » Nous riions et May appelle le serveur. Pas mal. Pas mal de tout. Eden ! Tu n'es pas là pour draguer ma vielle ! May me sort de ma rêverie en me demandant de parler de moi, de ma mère. Heu... Oui ? Que vais-je bien pouvoir lui dire ? « Oh tu sais, je n'ai pas grand-chose à dire... » Elle me regarde, dubitative. Je sais qu'elle attend de moi des détails. Mais en ce moment, ma vie tourne tellement autour de notre secret de famille, que je n'ai rien d'autre de très trépidant à lui raconter. Je peux tout de même lui parler un peu de ma mère sans éveiller le moindre soupçon. « Tu veux que je te parle de ma mère ? Alors, prépares-toi parce que ce n'est pas joli ! Figures-toi qu'elle s'est enfin trouvé un chéri. » Je m'approche de May avec ma main sur le côté de la bouche, comme si je m'apprêtais à lui révéler un secret d'État. Vu sa tête, elle s'attend sûrement à ce que ça soit le cas. « Ce mec est tellement bizarre que je n'ose même pas prononcer son nom ! Tu te rends compte qu'il emmène ma mère manger des glaces à 4 heures du mat' ! Et il a des gros yeux globuleux qui ont l'air de dire '' Prends garde ! Je vais te bouffer ! '' » Je mime toute la scène en espérant ne pas être trop ridicule. Mais May part dans un rire joyeux et communicatif. Ouf ! En parlant de ça, et surtout en créant une atmosphère légère, j'espère qu'elle ne me demande pas plus d'informations sur le reste de ma vie.. « Eh, tu rigoles mais ce mec n'est pas net, je te dis. Non, mais je t'assure ! » Le serveur de tout à l'heure revient avec notre commande. VRAIMENT PAS MAL . Je regarde May discuter une seconde avec lui, et je me surprends à observer ma sœur. Est-ce qu'on a le même nez ? Les mêmes yeux, peut-être ? Il me semble que nous avons les mêmes mimiques du visage. Ou alors pas. Je me mets alors à me souvenir de May enfant, assise sur sa balançoire et son père jouer avec elle. J'entends encore leurs éclats de rire, leur complicité. Dans ses moments-là, je les regardais par ma fenêtre en me demandant pourquoi je n'avais pas de papa. Parce que c'est elle qui l'avait. Je sens que les larmes menacent de couler à flots. Mais je me rappelle d'être forte. Et de ne pas passer pour une tarée. Tout d'un coup, une chanson retentit dans le salon. Je la reconnais immédiatement. Avril Lavigne.



Les paroles de la chanson me frappent plus fort qu'une gifle en plein visage. Je ne peux plus respirer. J'étouffe. Les larmes que j'avais réussies à contrôler quelques instants plus tôt s'échappent de mes yeux, comme un torrent en pleine tempête. Non. S'en est trop. Il faut que je sorte d'ici. Vite.  Je me lève brusquement de la banquette, attrape mon sac et malgré le regard affolé de May, je m’enfuis en courant.

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La remarque de mon amie me fait plus rire qu'autre chose, mais pour ne pas la contrarier, je m'abstiendrais de tous commentaires Même si, pour moi, le chocolat chaud va de pair avec la période de Noël, je ne pourrais pas me permettre de faire la moindre réflexion sur cette… bizarrerie, comme elle dit. Peut-être parce que comme me l'a si souvent fait remarquer Ashton, je suis une fille étrange et avec des goûts étonnants. Je suppose que c'est une particularité des gens de Nelson.
Une fois le serveur parti pour s'occuper de notre commande, j'attends avec impatience un résumé de la vie d'Eden. Et je suis prête à mettre ma main au feu qu'elle me ment quand elle prétend ne rien avoir à me raconter. C'est IM-PO-SSIBLE. Après autant de temps, on ne peut pas ne pas avoir une petite information croustillante à raconter à son amie d'enfance, si ? J'imagine que c'est là que mon regard dubitatif et plein de sous-entendus entre en jeu. Elle se décide enfin à me raconter quelques détails sur sa mère. Et pas des moindres ! Dans mes souvenirs, madame Blackburn se complaisait dans son rôle de célibat. Mais bon, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. J'écoute Eden me raconter les derniers ragots. C'est hilarant. Je ris joyeusement avec elle. Je suis sûre qu'elle exagère et que ce type ne peut pas être si terrible que ça, mais tout de même. « Oui, c'est vrai ça. Qui, à part les psychopathes emmène sa compagne manger des glaces à quatre heures du matin ? » Je fais mine de réfléchir, puis écarquille les yeux. Ma mère nous a racontée que lorsqu'elle était enceinte de Clarisse, elle obligeait notre père à aller lui chercher des pots de glace pour assouvir ses envies nocturnes. Qu'importe l'heure. « Ou alors, ce sont des envies de femme enceinte et il est obligé de lui obéir. Par peur des représailles ! » Bien évidemment, je dis ça sur le ton de la plaisanterie. J'ignore depuis combien de temps sa mère est avec lui et je suppose qu'avoir une grossesse maintenant ne serait pas l'idée la plus judicieuse. Le serveur arrive, nous coupant dans notre discussion. Je le remercie et paie pour nous deux. Je sais qu'elle voulait m'inviter, mais tant pis pour elle, fallait être plus rapide. Seulement, je crois qu'elle est bien trop occupée à dévisager le jeune homme. Une fois qu'il s'éloigne de nous, je prends une gorgée de mon thé et affiche un petit sourire en coin, amusée par la situation. « Fait gaffe, tu vas finir par baver dans ton chocolat... » Et là se passe quelque chose d’inexplicable. Eden se lève brusquement, attrape ses affaires et part. En courant. Me laissant plantée là. Comme une imbécile.  Je ne sais même pas comment réagir. Techniquement, ce genre de situation ça arrive lors d'un rendez-vous amoureux ou que sais-je ! Pas pendant de simples retrouvailles entre amies.
Mon cerveau remit en étant de marche, je me lève à mon tour et attrape mon sac. Le serveur me lance un regard compatissant et je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il s'imagine lui ? Je l'ignore et court à sa poursuite. Vu mon temps de réaction, elle est déjà bien trop loin pour que je la rattrape. Je ne suis pas sportive pour un sous, moi. Par chance, je connais ce quartier comme ma poche et donc les raccourcis aussi. Je me mets à courir et bifurque sur la droite. Avec un peu de chance, j'arriverais à l'intercepter au prochain croisement.
Quelques minutes plus tard, je tourne à gauche et par, je ne sais quel miracle, me retrouve devant elle. Elle n'a pas d'autres choix que de s'arrêter. « Qu'est-ce qui t'as pris ? » Je reprends mon souffle, une main posée sur les poumons. « J'ai dit quelques choses de mal ? » C'est vrai que j'aurais pu me taire au lieu de parler de sa mère et du serveur. Mais quand même ! Je n'ai pas été méchante, si ? « T'es bizarre… Tu es sûre que ça va ? » Maintenant, je suis encore plus persuadée qu'elle me cache quelque chose, mais quoi ? J'ai envie de savoir, de l'aider. Mais tant qu'elle ne se sera pas décidée à me parler, je ne pourrais malheureusement rien faire…

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Je cours un petit moment sans m'arrêter. Mes yeux sont embués de larmes et mes jambes commencent à flancher. Si je cours encore deux secondes de plus, je vais m'effondrer, c'est sûr. Je me force à m'arrêter et je prends soudain conscience des regards posés sur moi. Je vois passer un éclair de pitié dans les yeux des passants.. Mais qu'est-ce qui te prend, Eden ? Un autre fait s'impose à moi : je ne connais pas la ville, et je ne sais pas où je suis. Je suis perdue. Cette simple constatation me force à me ressaisir et à réfléchir à une solution. J'ai encore le souffle coupé du à ma course effrénée. Je décide de reprendre mon chemin, en marchant cette fois. Après tout, ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome ? En marchant, je repense au regard de May lorsque je me suis enfuie du salon de thé. Elle n'a pas dû comprendre ce qui se passait. Cette fois, elle va vraiment penser que je suis folle. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir trouver comme excuse ? Et surtout, comment est-ce que je vais me faire pardonner ? Je décide d'y réfléchir plus tard, lorsque j'aurai trouvé le moyen de rejoindre mon hôtel. À la prochaine personne que je croise, je demande mon chemin. Je marche encore quelques instants et lorsque je m'apprête à prendre mon courage à deux mains, c'est May qui se trouve devant moi. Elle a dû me suivre après mon incartade.. Mince. Il ne manquait plus que ça. Mes yeux sont encore bouffis et même sans miroir, j'ai conscience de la rougeur de mes joues. May quant à elle essaye de reprendre son souffle et lorsqu'elle me demande si elle a dit quelque chose de mal, la culpabilité s'insinue dans ma tête. May me regarde alors avec une lueur d'espoir dans les yeux, et me demande si je vais bien. Dans son regard, je vois bien le message dissimulé : '' Si quelque chose ne va pas, c'est le moment de parler Eden ''. Il faut que je trouve une excuse, et surtout que je lui donne un os à ronger. Je sais qu'elle ne laissera pas tomber facilement. C'est alors qu'une idée me vient : Sasha. Je vais lui parler de Sasha.. Cette idée n'est pas la meilleure, mais c'est la seule que j'aie. « Désolé de m'être enfuie comme ça, May. Je ne voulais pas t’embarrasser... » Dans ma tête, j'essaye de me préparer à lui raconter mon histoire avec Sasha. Mais rien ne peut me préparer à ça. Cet épisode de ma vie est tellement douloureux que j'ai un peu honte de m'en servir pour détourner May de la vérité. Mais d'un autre côté, ça me fera peut-être du bien de vider mon sac.. « Il y a bien quelque chose qui ne va pas. Quand j'ai quitté Nelson avec ma mère et que nous avons trouvé une nouvelle maison, j'ai rencontré un garçon. Oh, bien sûr, nous étions encore des enfants. À l'époque, c'était mon meilleur copain.» Mes jambes flanchent pour la deuxième fois de la journée. Je tourne légèrement la tête et aperçois un banc sur lequel personne n'est. Je m'en approche alors, May sur mes talons. Vaux mieux que je sois assise pour expliquer tout cela à May. Je vois bien que j'ai attisé la curiosité de May, car elle ne parle plus. Elle attend la suite. « Au fur et à mesure des années, nous sommes devenus plus que de simples amis.. Nous étions très fusionnels et je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est comme si on était... ''connectés'' l'un à l'autre. Mais... il y a deux ans, son père a été muté dans une autre antenne de l'entreprise familiale et ils ont dû déménager à l'autre bout de la planète... J'ai eu l'impression de ne plus exister après son départ. Pendant des années j'avais eu un compagnon de vie parfait, et d'un coup, je n'avais plus rien. Le pire, c'est qu'il est parti sans rien dire. Je ne l'ai jamais revu et il ne m'a jamais recontacté. » En effet, rien ne pouvait me préparer à cette tristesse infinie que je ressentais après avoir rouvert cette vieille blessure..  

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Devant les yeux rougis et bouffis d'Eden, mon cœur se serre. Je déteste voir les gens pleurer et je déteste encore plus lire la détresse sur leur visage. Et sur celle de mon amie, ça me fait vraiment de la peine. Je farfouille dans mon sac et lui tends un paquet de mouchoirs. Je ne sais pas vraiment comment je dois réagir alors c'est la seule chose, le seul geste, que je suis encore capable de faire et que je ne trouve pas profondément stupide. Si c'est à cause de moi qu'elle pleure, je crois que je m'en voudrais pour le restant de mes jours. Et je ne préfère pas envenimer les choses en la prenant dans les bras par exemple. Alors il vaut mieux attendre de vraies explications. Mais ai-je vraiment dit quelque chose de mal ? Bon sang, je n'espère pas…
Je baisse les yeux vers mes pieds et elle se décide enfin à me parler. Pour mon plus grand étonnement, elle s'excuse. Je relève la tête vers elle, sourcils arqués. Pour être embarrassée, ça, je l'ai été ! C'est bien la première fois que quelqu'un réagit de la sorte avec moi et autant vous dire que ça fait bizarre. Mais je n'ai pas le temps de me torturer plus longtemps l'esprit. J'obtiens enfin une once d'explication. Alors cette scène, c'est à cause d'un mec ? J'ai besoin d'en savoir plus et je l'invite du regard à poursuivre. Avant ça, nous nous installons sur un banc, prenant quelques minutes pour écouter le silence. Une légère brise me caresse le visage et je soupire légèrement. Les mecs sont de véritables aimants à problèmes. Puis le fait que le garçon dont elle me parle ait été son meilleur ami avant son copain me ramène automatique vers un de mes problèmes. Et ce problème, c'est Ashton. Je secoue la tête pour dissiper mes pensées et croise les bras sur mon ventre en entendant Eden reprendre. J'écoute son histoire sans dire un mot. Je comprends ce qu'elle ressent et je sais que ce qu'elle a traversé est difficile. Moi aussi, j'ai eu le cœur brisé à plusieurs reprises. Évidemment, dans son cas, ça doit être encore plus douloureux. Moi, j'ai eu des réponses et je sais pourquoi ça n'a pas marché. Mais ne pas savoir et ne pas comprendre, je ne peux pas imaginer ce que ça fait. Je prends sa main dans la mienne et lui souris. « Dee, je suis désolée… » Même si je le pense sincèrement et que je suppose qu'elle aimerait qu'on change de sujet, je ne peux pas m'empêcher de poser la question qui me brûle les lèvres. « Mais qu'est-ce qui t'a amené à penser à ça subitement ? C'est à cause de quoi ? » Je lâche sa main pour la passer dans mes cheveux, gênée. « Ne me dis pas qu'il ressemblait au serveur… ? Parce que si c'est le cas, il était vraiment moche et tu mérites bien mieux ! » Je ne me fais pas d'illusions, mais j'espère que ma tentative d'humour pour lui remonter le moral aura au moins réussit à la faire rire. Ou même sourire. « Et tu as essayé, toi, de prendre de ses nouvelles… ? Enfin j'imagine que oui, mais ça veut dire qu'il n'a répondu à aucun de tes appels ? Pas même à tes messages ? » Je penche la tête en arrière et ferme les yeux. Je crois que je ne comprendrais jamais les garçons. Pourquoi sont-ils si compliqués, franchement ? « Tu as essayé les lettres ? C'est romantique en plus. » Je me tourne dans sa direction. « Non, plus sérieusement, tu ne sais vraiment rien ? Tu n'as même pas un petit indice sur le pourquoi du comment ? »

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May me souris et prend ma main dans la sienne. Je n'aspire qu'à une seule chose : changer de sujet. Parler de Sasha m'a rappelé à quel point le trou présent dans ma poitrine me faisait souffrir. Je me demande si un jour ce trou se referma. J'en doute. Malgré mon explication – une pseudo excuse - , May est loin de lâcher l'affaire et me demande pourquoi j'ai repensé subitement à tout ça. Elle pense que c'est parce que le serveur ressemble à Sasha. Oh non, pas du tout ! J'essaye d'esquiver sa question. De toute sa délicatesse, elle ne manque pas de me donner son avis sur le serveur, qu'elle juge moche. J'ai conscience de ses efforts pour me faire rire, mais là tout de suite, j'en suis incapable. Je lui adresse cependant un petit sourire un coin et mon sourcil droit se lève exagérément. « Déjà, le serveur était vraiment craquant, mais là n'est pas la question. Non.. Sasha est bien plus que craquant. Un air ténébreux, les cheveux en bataille, un regard profond... » Je me mets à rougir et gênée, je plaque mes deux mains sur mon visage. Lorsque je vois May hausser les sourcils, je suis finalement capable d'esquiver un petit rire. Ce petit moment de légèreté s'arrête quand May recommence à me poser toutes sortes de questions. Visiblement, je ne suis pas la seule à ne pas comprendre le comportement de Sasha. « Je l'ai appelé un nombre incalculable de fois mais au bout d'un moment, son numéro de portable a été désactivé. J'ai aussi essayé les mails, mais jamais aucune réponse en retour... Et concernant les lettres... Il ne m'a évidemment pas laissé sa nouvelle adresse sur un post-it en forme de cœur. » Elle me regarde, perplexe. Lorsque je croise son regard, je m'aperçois que mes paroles ont dû réveiller chez elle certains doutes. Je suis tellement en train de penser à mon propre sort, qu'à aucun moment je ne me suis dit que mon amie pouvait, elle aussi, avoir des problèmes. Quelle idiote ! « Écoute May, je suis vraiment désolée de t'avoir embarrassée. Ne parlons plus de tout ça et profitons de nos retrouvailles. » Je remarque son air maussade et la culpabilité en moi ne fait que grandir. Pour tenter de la distraire de ses tracas, je lui dis « En fait, je suis contente que tu m'aies rattrapé. Je crois que je suis complètement perdue. »  Je prends un air solennel et continue : « Puis-je faire de toi mon Gps attitré ? » Elle me prend le bras, nous nous levons bras dessus, bras dessous et je me laisse emporter par mon amie, ma sœur..

Tout à l'heure, May m'a dit que je méritais mieux qu'un garçon comme le serveur. Sa phrase tourne et retourne dans ma tête. Je ne sais pas ce que je mérite, mais une chose est sûre. Pour avoir une vie telle que la mienne aujourd'hui, j'ai sans doute dû faire des choses horribles dans mes vies antérieures...

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Eden & May-Line

Après les explications de Dee, j'hoche la tête. Je me contenterais de ces quelques phrases. De toute façon, je vois bien qu'elle n'est pas à l'aise et que ces souvenirs sont trop récents. Elle est blessée et retourner le couteau dans la plaie ne l'aidera pas à aller mieux. Je préfère arrêter avec mes questions trop intrusives. Si un jour elle veut m'en parler, me faire part de ses doutes et de ses interrogations, elle sait que je serais toujours là pour elle. Pour l'heure, le mieux, c'est de me taire et d'accepter le fait qu'elle ne souhaite pas en parler. Les amies, ça sert à ça aussi. Et accepter son silence, c'est sûrement la meilleure chose que je pourrais faire. Alors je me tais. Quand elle s'excuse, je lui souris et hausse les épaules. « Ce n'est pas grave, c'est déjà oublié ! » Je lui fais un clin d’œil et lâche un petit rire à cause de la suite. Je ne m'attendais pas à ça. Bon, en même temps, si elle n'avait pas couru comme une dératée, elle ce serait rendue compte qu'elle n'était pas partie dans la bonne direction. Je la prends par le bras, comme lorsque nous sommes sortis de la librairie, qui se situe à l'opposé d'où nous sommes et reprend notre chemin. « Bien sûr ! Mais je suis meilleure qu'un GPS classique. Je t'épargnerais la voix horripilante qui dit ''Dans trois cent mètres, tournez à droite.'' » D'ailleurs, en parlant de ça, je ne sais même pas où mon amie réside. Si je dois l'aider pour se repérer dans la ville, j'ai tout intérêt à lui demander l'adresse. Mais on verra ce léger détail plus tard. Comme notre petit moment au salon de thé a tourné au drame, j'ai envie d'essayer de rattraper le coup. Je ne veux pas rester sur cette image de chocolat chaud non entamé et de ma seule gorgée de thé aux fruits rouges. En parlant de ça, je n'ai même pas pu en acheter. Tant pis, je reviendrais. De plus, j'ai soif et je crois qu'on a toutes les deux besoin de sucres. Une idée soudaine germe dans mon esprit. Je sais ! « Viens, je sais ce qu'il nous faut. » Je la traîne avec moi dans ma course effrénée à la recherche de notre remonte-moral. La dernière fois que je l'ai vu, il était par là. Nous marchons encore une petite dizaine de minute jusqu'à le trouver. Bingo ! Je me dirige vers le camion de glace et demande deux Milk Shake à la vanille. Je ne laisse pas le temps à Eden de faire quoi que ce soit que je paie et récupère quelques minutes après nos deux boissons. Je lui tends la sienne avec un immense sourire. « C'est le remède à tous les maux. Alors santé ! » Je donne un petit coup dans son immense verre en plastique et reprend notre marche tout en sirotant. Puis nous parlons de tout et rien. De façon enjouée. En oubliant le petit accident de tout à l'heure.

Les cloches de la ville se mettent à sonner et je regarde ma montre. Il est bientôt l'heure de dîner. Je lance le contenant de ma boisson à la poubelle et me tourne vers mon amie. « Tu habites où en fait ? Tu as un logement étudiant ou tu as de la famille ici ? » Soudain, une vérité me frappe de plein fouet. Je ne connais presque rien sur la famille de mon amie. Alors qu'elle, elle connaît presque toute ma vie, toute ma famille. Malgré la distance, elle était là quand Claüs est parti en voyage et elle était aussi là pour Clarisse. Mais moi, je ne sais définitivement rien d'elle. Est-ce parce qu'elle n'a aucune famille à part sa mère ou parce que je suis trop centrée sur moi pour ne pas y avoir pensé plus tôt ?

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Eden & May-Line

Si May affirme savoir de quoi nous avons besoin, je la crois sur parole ! Je pourrais la suivre les yeux fermés, en totale confiance. Bon ok, pour le moment elle à l'air de chercher son chemin. Mais je suis sûre qu'elle a une idée derrière la tête. Dieu seul sait ce qu'elle prépare. Environ dix minutes plus tard, nous nous retrouvons face à un camion de glace. May, je t'aime ! Si je suis accro au chocolat chaud, je ne refuse cependant jamais un bon Milk Shake, surtout à la vanille. Je crois qu'à ce niveau, nous avons les mêmes goûts. Peut-être un truc de famille ? Je sors alors mon portefeuille de mon sac afin d'inviter May et rattraper ma bêtise de tout à l'heure au salon de thé. Mais je n'ai même pas le temps de sortir le billet qu'elle a déjà payé notre commande. Je fronce les sourcils, soupire un bon coup et elle me souris. « Santé ! Et la prochaine fois, c'est moi qui invite ! C'est non négociable. »

Les instants qui suivent semblent être hors du temps. À cet instant précis, May et moi sommes redevenues des enfants, comme avant. Je prends soudain conscience de notre complicité, nos rires, nos confidences, ... Tout cela m'avait manqué. Et rien que pour ça, mais vraiment que pour ça, je suis heureuse d'être venue à Island Bay. Nous discutons de tout ce qui nous passe par la tête, tout en sirotant notre délicieuse boisson. Si tu continues à te goinfrer, tu vas ma prendre du poids, ma vielle ! Cette pensée me rend nerveuse, et je décide qu'il est temps pour moi d'aller faire un jogging le soir même.  Avec un air légèrement gêné, May me demande où j'habite. Et si j'ai de la famille dans le coin. Bon, une énième excuse, vite.. « J'ai pris une chambre à l'hôtel, pour l'instant. En attendant d'avoir assez d'argent pour me louer un petit appart' » Je vois son visage inquiet et je regrette aussitôt d'avoir parlé si vite. Parce que je la connais. Je sais ce qui va suivre.. Et je sais déjà que devant son sourire enjoué, je ne pourrais pas me résoudre à lui dire non. « Oh, ne me regarde pas comme ça ! L’hôtel est vraiment bien, je ne suis pas du tout à plaindre. » Mal à l'aise, je me retourne et cherche du regard une poubelle pour jeter mon gobelet vide. Lorsque je reviens, May me regarde sérieusement et ce que je craignais arriva. Elle me proposait auberge. On avait à peine passé une journée ensemble, et je me triturais déjà le cerveau pour ne pas griller mon secret de famille. Alors habiter sous le même toit.. « May, c'est gentil mais... Mais je ne peux pas accepter. En venant ici, je voulais prouver à ma mère que je savais me débrouiller par moi-même et je veux qu'elle soit fière de moi... Tu comprends ? »  En voyant son air perplexe, je compris rapidement qu'elle pensait être la raison pour laquelle je refusais son offre. Je ne pouvais pas la laisser croire une chose pareille, alors je m'empressai d'ajouter « Tu n'y es absolument pour rien, au contraire. Ce n'est pas contre toi.. Je suis si heureuse de t'avoir retrouvé, tu m'as tellement manqué ces dernières années ! » Je vis un éclair d'incompréhension passer dans ses yeux, et je me maudis d'être si égoïste. Une idée me vint alors : plus May serait attachée à moi, moins elle aurait envie de me rejeter en apprenant la vérité... Non ? « C'est d'accord, j'accepte. Merci. » Je prends May dans mes bras en tentant de me rassurer intérieurement. Non ?

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