Worst family reunion ever ~ Les Tomson

Worst family reunion ever

Les Tomson

"Taxi ! Taxiiiii !" Courir en talons, pas la meilleure idée que j'ai eu mais je veux absolument attraper ce taxi. Essoufflée je finis par arriver à sa hauteur. Mon anglais est un peu rouillé mais j'arrive à me faire assez comprendre pour qu'il se dirige vers chez mes enfants Sage et Billy. Je dois avoir une tête à faire peur en ce moment entre le voyage, le décalage horaire et tout le reste mais ça m'est bien égal. Ça n'a pas été très facile ces temps-ci avec le mort de fils Thomas. Je remonte peu à peu la pente mais j'ai ouïe dire que ce n'était pas nécessairement la même chose pour mes enfants. La tristesse est toujours là chez moi comme chez eux bien évidemment mais selon Sage, Billy a vraiment des soucis. Et si je dois me montrer totalement objective, je pense que Sage ne va pas si bien que ça non plus. Je n'ai pas donc hésité une seule seconde, j'ai pris le premier avion direction Wellington. Pour être honnête, ce n'est pas comme si beaucoup de chose me retenait à Lunel, j'ai récemment divorcée Marc et je commençais en rond dans cette petite ville. Je pense qu'un nouveau départ me fera du bien et surtout, je tiens à veiller sur mes enfants. Je ne veux perdre un autre de mes bébés, pour quelques raisons que ce soit. Puis c'est le rôle d'une mère non, de faire passer ses enfants en premier ? C'est en tout cas ce que j'ai toujours fait, ils sont comme la prunelle de mes yeux, je les aime plus que tout au monde. Perdue dans mes pensées, je ne me rends compte que nous sommes arrivés que quand le taxi me le signale. Il m'aide à sortir mes bagages et bien vite, je me retrouve sur la porte d'entrée. Heureuse de retrouver Sage et Billy, je toque à la morte de manière enthousiaste. Pas de réponse. Je tente une nouvelle fois mais la réponse est la même. Ils ne seraient pas là ? Surprise, je me rends compte que la porte n'est pas verrouillée. Ce n'est pas malin, ils vont m'entendre. Je passe donc l'entrée, mes valises sous le bras. Je ne dirais pas que c'est le chantier ici mais le ménage n'est apparemment pas non plus nécessairement leur priorité, quelques bouteilles traînent ci et là. Je soupire : quand le chat n'est pas les souris dansent à ce que je vois. Imaginez ma surprise que je vois Billy avachi sur le canapé, ronflant légèrement. "Billy ?" Pas de réponse. "William Tomson debout !" Visiblement le ton haussé que j'ai pris arrive enfin à le réveiller. Il émerge doucement et le moins qu'on puisse c'est qu'il a une sale tête. "Je peux savoir ce qui se passe ici ? Où ta soeur ?" Je n'ai jamais été une mère autoritaire, j'avais plutôt le rôle de parent cool mais à certains moments, il faut bien savoir s'imposer.

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La musique électronique bourdonne dans ses oreilles, forçant son corps à se dandiner en suivant son rythme déchainé. L’alcool a complètement pris possession de son corps, si bien qu’il ne s’attarde même pas au fait qu’il a l’air complètement idiot à se déhancher de la sorte. La salle est bondée de gens, alors il doute qu’on s’attardera réellement sur ses piètres talents de danseur. À ses côtés, son ami danse à peu près de la même façon. Si les jeunes hommes croient qu’ils rentreront accompagnés ce soir, ce n’est pas avec leur horrible danse d’hommes en rut qu’ils y parviendront! Il ne sait pas combien de temps il s’est débridé sur cette piste de danse, car il n’est plus vraiment dans un état où il a la notion du temps. Il alimente son ivresse par un occasionnel shooter ainsi que par une main qu’il tâche toujours de garder occupée par une bouteille de bière. Inutile de dire qu’il aura un sacré mal de crâne le lendemain, mais la soirée est tellement profitable qu’il ne s’en soucie même pas. Parfois, il faut vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain, et c’est exactement ce qu’il fait. […]

Oh putain qu’il regrette! À peine passe-t-il le pas de la porte qu’il doit se ruer jusqu’à la salle de bain pour vider ses tripes. Il vomit quelques fois et réalise qu’il y ait peut-être allé un peu trop fort sur la quantité d’alcool ingérée. Il reste enfermé dans la salle de bain une bonne vingtaine de minutes, question de s’assurer que son estomac est bel et bien vide. Ne voulant toutefois pas prendre de chance de salir son lit, il décide de s’affaler sur le fauteuil du salon, de sorte à ce que si l’envie de vomir lui reprend, la course ne sera pas très longue. Il s’endort avec une tête qui tourne beaucoup trop et un mal de coeur prenant, se promettant de ne plus jamais recommencer de telles conneries. Mais va-t-il tenir sa promesse? Je vous laisse deviner.
Ce n’est pas les doux rayons de soleil qui le réveillent ce matin-là, non. C’est la voix d’une maman inquiète qui pénètre les oreilles de Billy. Bien sûr que c’est la sienne, qui d’autre l’appelle encore William? Il ouvre difficilement les yeux et tourne sa tête vers Sam qui se trouve tout près de lui. Eh misère, est-elle réellement en train de le voir dans un tel état? Il a l’air d’un baleine naufragée sur la plage! “Bon matin, maman”, souffle-t-il difficilement, sentant le mal de tête le foudroyer comme une puissante éclair. “Rien de bien spécial”, ment-il avec un faux sourire pendu au visage. “Je sais pas… On est quel jour?”, demande-t-il complètement perdu. La vie de party animal ne lui va pas du tout. Il ne semble d'ailleurs même pas réaliser que sa mère est là, devant lui, à des milliers de kilomètres de là où elle devrait se trouver.

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J'ai plusieurs défauts, j'en suis consciente, mais je minimise souvent la gravité de ceux-ci. Par exemple, je suis bavarde, ce qui n'est pas vraiment malin en soi, mais souvent je ne sais pas me la fermer lorsque le moment est opportun. Je suis du genre à parler pour faire le ménage de mes émotions et réussir à comprendre comment je me sens, ce qui me force à intégrer une personne supplémentaire dans l'équation alors que ce n'est pas toujours une bonne idée. C'est exactement ce qui s'est passé alors que j'ai déversé mon sac contre mon frère lors de ma dernière conversation téléphonique... avec ma mère. Je n'ai jamais eu beaucoup d'amies fille à qui je me confiais, préférant toujours les conseils de ma maman lors des moment difficiles. Ce n'était pas plus mal autrefois, mais lorsque vient le temps de lui dire que son fils est hors de contrôle, ouais, j'aurais pu me confier à quelqu'un d'autre... Comme Jo. Pas maman. Sauf que je n'en pouvais plus de tomber sur des inconnues le matin ou d'entendre mon frère faire le con et rentrer à pas d'heures, alors dans un moment de désespoir j'ai tout raconté à notre mère dans l'espoir de savoir comment arranger la chose. Ses mots m'ont calmés, et je me suis dis qu'elle avait raison: seul le temps saura arranger le comportement de mon frère ainé. Sauf que du temps, je lui en avais donné, et j'avais hâte de pouvoir continuer ma vie sans son comportement complètement puéril... Ça devenait de plus en plus envahissant et j'avais hâte de retrouver un rythme de vie correct, moi aussi devant digérer la perte de Thomas... Et les sorties répétées de Billy font en sorte que je ne peux pas compter sur son support alors que j'ai besoin qu'on se serre les coudes: je ne pourrais pas tolérer de le perdre, lui aussi.

Assise à ma vanité, je termine mon maquillage du jour, appliquant un peu plus de blush qu'à l'ordinaire, dans l'espoir peut-être stupide d'attirer l'oeil de mon patron. Ok, c'est stupide, il est hyper rigide et ne s'ouvre à rien, alors je ne vois pas pourquoi je fais des efforts alors que j'ai un copain. Mais ça, il ne le sait pas... Je souffle, désespérée par ma connerie et mon manque d'attention, alors que j'entends de l'agitation au rez-de chaussée. Merde, il se passe quoi ? Incertaine, je descends dans l'escalier, cherchant la source de la perturbation et ma mâchoire tombe presque sur le sol alors que je pose les yeux sur ma mère. J'ai envie de courir dans ses bras, mais à voir l'air qu'elle jette à Billy, ça me coupe mon élan. "Maman ?" Je débute, confuse dans mes émotions. Une partie de moi est trop heureuse de la savoir ici, mais une autre partie de moi ne peut s'empêcher d'en chercher la raison. Je m'approche quand même doucement d'elle pour la prendre dans mes bras, appréciant la tendresse de cette étreinte qui m'a tant manqué. "Qu'est-ce que tu fais ici ?" je lui demande, quelques secondes après m'être reculée.

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Les Tomson

Dieu sait que j'aime mes enfants de tout mon coeur mais, là, à cet instant précis, j'ai envie d'en égorger un. Mon fils a l'allure d'une vraie épave, tant que j'en aurais presque de la peine pour lui. J'ai dit presque parce que je suit trop furibonde pour ça. "Bon matin, maman." Et voilà qu'il m'offre un magnifique sourire hypocrite. Il veut jour à l'autruche ? Il n'y a pas de soucis, on va jouer. "Oh non pas bon matin, je crois au contraire que tu vas trouver cette matinée trèèèès longue parce qu'on va une sérieuse discussion tous les deux." Mon ton est catégorique, je ne plaisante pas. Je n'ai cessé de me faire du soucis pour mes enfants depuis qu'ils sont parti en Nouvelle-Zélande et visiblement j'avais raison de m'en faire parce que rien ne va. "Rien de bien spécial." Voilà ce qu'il me répond quand je lui demande ce qu'il se passe. Décidément, il a décidé de me prendre pour une andouille je crois bien. "Tu sais que tu parles à ta mère là quand même ? Alors évites de jouer à l'idiot William, je ne suis pas née de la dernière pluie." Je croise les bras, une mine contrariée au visage, ce qui est très rare, moi qui suis d'un naturel si souriant. Je ne voulais pas que mes retrouvailles avec mes enfants se passent comme ça. Seulement, je ne peux pas ignorer l'état de mon fils tout comme  je ne peux pas ignorer les inquiétudes de ma fille. "Je sais pas… On est quel jour ?" J'écarquille les yeux. Voilà vraiment ce qu'il me répond alors que je lui demande où est sa soeur ? Il est vraiment pommé à ce point là ?"On est dimanche. Je vois que ta soeur avait raison de s'inquiéter..." Je soupire, parlant plus pour moi-même qu'autre chose. En parlant de Sage, c'est à cet instant qu'elle choisi de venir nous rejoindre. Elle a l'air surprise au possible ; quand à moi, je suis rassurée de voir qu'elle n'est pas dans le même état que son frère. C'est déjà ça. "Maman ?" Je lui offre un grand sourire. "C'est moi ma chérie." Elle vient alors me serrer dans ses bras. Je profite de cette étreinte, ma fille m'a terriblement manqué. C'est vrai ce qu'on dit : un enfant, c'est une partie de soi-même. Et c'est pour cela que j'ai comme l'impression d'être bien mieux avec mes deux enfants près de moi. "Qu'est-ce que tu fais ici ?" Je jette un coup d'oeil de biais à Billy qui semble avoir bien du mal à émerger totalement. "À ton avis ?" Je secoue quelque peu la tête. "Mes enfants me manquaient et je me faisais du soucis." Oh ça oui, depuis la mort de Thomas, je ne peux m'empêcher d'être plus craintive, j'ai sans arrêt peur qu'ils leur arrivent quelque chose. J'essaie de le cacher du mieux que je peux mais, c'est bien le cas. "Il semblerait que j'ai eu raison de venir." Au vu de la situation, il est clair que j'aurais commis une énorme erreur en restant en France. Visiblement mes enfants ont besoin de moi.

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Il lui faudrait certainement une sacrée douche froide pour rapatrier ne serait-ce qu'une infime partie de sa contenance qui l'a déserté la nuit dernière. Écrasé sur son fauteuil, Billy a l'air d'une loque humaine qui lutte pour rester réveillé. Les cheveux en bataille, des cernes dignes de la Fosse des Mariannes sous les yeux et ses vêtements tout fripés laissent vite comprendre que la nuit a été longue pour le jeune scientifique. Au moins, il faut se réjouir qu'il n'a pas rapporté de miss dans son lit! C'est déjà cette honte en moins qu'il se serait tapée devant sa mère. Pouvez-vous imaginer la scène rien qu'un instant? Oui, je vous en conviens: c'aurait été catastrophique! Son ivresse a eu bien vite raison de lui et son ami a décidé d'appeler un taxi dans l'immédiat pour le ramener chez lui. Il lui en aurait fallu un aussi pour se rendre à sa chambre, car décidément, il n'était pas plus en état de monter les escaliers. C'est sur le canapé que s'est terminée sa soirée de grand fêtard au cours de laquelle il ne s'est décidément pas fixé de limite. Conséquemment, maman a l'honneur d'assister à une très belle scène lorsqu'elle entre dans la demeure de ses enfants; son fils a l'air à moitié mort dans le salon et parvient difficilement à formuler des paroles claires lorsqu'elle lui pose des questions des plus banales.

Au même moment, Sage descend pour rejoindre la petite famille au salon. Encore une fois, elle retrouve son frère dans le même état pitoyable. Il faut un coeur en or et une patience impressionnante pour ne pas l'avoir déjà trucidé. À peine réveillé, il ne fait qu'observer sa soeur un instant et laisse sa tête retomber sur l'oreiller désormais tâché de bave. Le petit Billy aura bien du plaisir à faire du lavage ce matin! "Une discussion à propos de quoi?", demande-t-il d'une voix complaisante, n'ayant pas du tout envie d'avoir une discussion sérieuse avec sa mère. "Je vais bien, t'en fais pas. De toute façon, il y a déjà Sage qui joue à la maman", poursuit-il sur le même ton réprobateur tout en jetant un coup d'oeil rempli d'animosité en direction de sa soeur. Il est persuadé qu'elle l'a appelée. Ça ne peut qu'être elle qui ait pu faire voyager sa mère à des kilomètres de la France. "Maman, pourquoi t'es ici?", ose-t-il demander en se redressant sur le fauteuil pour s'asseoir. Il frotte ses yeux et pose ses grands yeux bruns sur les deux femmes, s'attendant très bien à la réponse qu'elle lui fournirait. Ce n'est pas qu'il n'est pas content de voir sa mère, au contraire, mais la savoir à Island Bay pour des raisons en relation avec son comportement dépravé ne peut que l'embêter.

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Je sentais les mauvaises vibrations dans l'air à mon réveil, mais je pensais simplement que le temps allait se couvrir pour inonder la baie d'une pluie torrentielle. J'ai ce sentiment qui me prend au ventre, qui te serre l'estomac sans que tu ne saches réellement pourquoi... J'ai rabattu ma couette sur ma tête en blâmant mon stage qui ne se passait pas si bien que cela, avant de souffler et de sortir du lit. Avant, j'étais toujours la première levée, matinale plus qu'il ne le faut. Depuis quelques semaines, c'est tout le contraire. Mon monde me fait peur, dans cet environnement que je ne connais pas encore assez bien. Vivre avec mon frère qui est aujourd'hui plus un étranger qu'autre chose, ne pas avoir mon copain ni mes amis près de moi... J'ai fait part de mes inquiétudes à ma mère qui a su trouver les bons mots, mais aussitôt notre appel skype terminé, j'ai fondu en larme dans mon oreiller. Elle me manque tellement. C'est pourquoi je prends quelques secondes de plus pour me défaire de son étreinte, humant une dernière fois son parfum fleurit qui apaise mon rythme cardiaque en quelques secondes. Sa présence me rassure autant qu'elle me stresse à la fois. Si Billy sait que je lui ai fait part de notre situation sentimentale précaire, il serait facilement capable de me blâmer pour la chose. Notre relation n'est pas au beau fixe non plus, et je ne souhaite pas ajouter de l'huile sur le feu. Il est peut-être trop tard pour cela... Visiblement, maman n'est pas toute guimauve face à nos retrouvailles et le regard noir qu'elle jette à Billy me confirme mes pensées: elle est venue à cause de ce que je lui ai dis. Il est vrai que mon frère tombe dans la débauche de plus en plus et que je ne me sens d'aucune aide pour l'aider à s'en sortir, mais la voir arriver ici... Je ne peux que fixer mes pieds, me sentant coupable comme si je venais de rapporter un mauvais coup. Billy me fait bien sentir son irritation en me comparant à notre mère et piquée au vif, je relève les yeux vers lui. "T'es sérieux Billy?" Je vois déjà rouge et ce matin n'est pas le matin où il faut me chercher. "Peut-être que si t'agissais pas comme un con arrogant, j'aurais pas à me faire de soucis pour toi?" J'ouvre les hostilités, mais c'est peut-être de ça que nous avons tous besoin: une bonne engueulade pour soulager les tensions.

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"Une discussion à propos de quoi ?" Ça ne s'annonce pas de tout repos... Je déteste devoir jouer à la mère moralisatrice mais là, pour le coup, il ne me laisse pas le choix. Je sais que son jumeau est mort et que ça le fait souffrir, moi même j'ai perdu un fils ; mais ce n'est pas une raison pour que je le laisse s'engouffrer dans les abimes comme il le fait. "Tu veux jouer à l'idiot, c'est vraiment ça que tu veux faire ?" Je lève les bras en l'air, exaspérée. "C'est la première fois que tu revois ta mère depuis des mois et c'est ce tu fais ?" J'aurais espéré mieux pour être honnête. Un minimum d'entrain n'aurait pas été de trop je l'avoue, ça m'aurait fait plaisir... Car moi, je suis heureuse de le retrouver, de les retrouver. Ça ne semble néanmoins pas trop être son cas et j'en suis désolée pour lui parce que je ne suis pas prête de partir. "Je vais bien, t'en fais pas. De toute façon, il y a déjà Sage qui joue à la maman." Manquait plus que ça, voilà maintenant qu'ils vont commencer à se chamailler. J'ai vu ça maintes et maintes fois et le moins qu'on puisse dire, c'est que ça va monter dans les tours, ça j'en suis sûre. Or je ne suis pas là pour ça. Jouer à l'arbitre entre mes enfants, ça n'a jamais été mon fort et je doute que ça le devienne d'ici deux minutes. "T'es sérieux Billy ?" Et c'est parti, je lève les yeux aux ciels. Je sais que je ne devrais pas dire ça mais quelques fois, je me dis que si je pouvais avoir une télécommande pour les faire taire, comme avec une télévision, ce serait quand même pas mal. "Peut-être que si t'agissais pas comme un con arrogant, j'aurais pas à me faire de soucis pour toi ?" Dieu sait que je n'aime pas m'immiscer dans les discussions ou les disputes de mes enfants, je considère que ce sont leurs affaires, leur vie privée... J'ai toujours veillé à leur donner l'espace nécéssaire pour qu'il évolue à leur manière mais là, c'est trop. Si je n'interviens pas, ils vont continuer leur petite vendetta si bien qu'ils vont oublier ma présence. Je vais avoir droit à des cris indignés de colère pendant des heures et des heures... Je viens de passer plus de dix heures dans un avion, je suis claquée et je n'ai aucunement la force de supporter ça. Sans compter qu'il faut réellement qu'on ait une discussion, c'est important. Autant ne pas s'éparpiller. Ainsi, je me décide à agir. "Vous vous taisez, je ne veux plus vous entendre, c'est compris ?!?" Je n'ai hurlé que très peu de fois dans ma vie mais il parait que c'est assez terrifiant lorsque je m'y mets. "Billy tu nous doit le respect à ta soeur et moi alors tu baisses d'un ton tout de suite." Mon ton sec, si inhabituel moi qui suis d'habitude si chaleureuse, ne laisse pas place à la discussion. "Et Sage, ton langage ! Je sais qu'on est pas vraiment un exemple de bien séance dans cette famille..." Je me racle la gorge, il faut avouer que nous jurons tout autant qu'une famille de pirate. C'est vrai, on est même sans doute loin d'être la famille modèle. On est à part, oui, mais il n'empêche qu'on reste une famille. "Mais c'est quand même de ton frère dont il s'agit." Je lève les yeux aux ciels. "Ça ne fait pas cinq minutes que je suis arrivée et vous commencez déjà à hurler !" Peu habituée à faire des remontrances, je cherche mes mots. En effet, habituellement je suis plus ce qu'on pourrait appeler la maman cool. "J'aimerais qu'on s'assoit tranquillement tous ensemble et qu'on discute comme on avait l'habitude de le faire avant, vous vous souvenez ? Dans la joie et la bonne humeur." Moi je m'en souviens très bien en tout cas, on était une famille heureuse et aimante où chacun acceptait le caractère de l'autre. On rigolait sans cesse des bêtises de chacun, on s'entre-aidait ; en somme, on était réellement soudé. Je nous ai souvent comparé d'ailleurs à la famille Kyle dans la série Ma famille d'abord, je nous trouvé aussi loufoque et drôle qu'eux, c'est pour dire. "Je sais que c'est dur... Il y a eu beaucoup de changement ces temps-ci. Mon divorce avec votre père, les déménagements consécutifs, Thomas..." Rien que d'évoquer son nom, les larmes menacent de couler. "Mais nous on est toujours vivant, on est là et on doit vivre notre vie, en faire quelque chose de bien !" Je veux m'asseoir sur la petite table mais maladroite comme je suis, je prends place trop à l'extrémité de celle-ci et manque de tomber. Les mouvements que je dois faire pour reprendre un semblant d'équilibre sont assez... hilarant et j'éclate de rire avant que mes enfants ne me suivent. "Je reste une véritable Calimity Jane et vous restez vous. Alors j'aimerais bien qu'on discute plutôt que d'hurlez, vous en pensez quoi ?" Mon ton a repris sa gaieté habituelle ou tout du moins sa douceur, j'essaie réellement d'apaiser les choses, pour mes enfants. Il n'y a rien d'autre qui compte.

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Il est conscient que son comportement des dernières semaines a été tout sauf exemplaire. Il n'a cessé de boire, de faire la fête et de ramener une fille différente lorsqu'il n'avait pas envie de passer la nuit seul. Il ne s'est pas soucié de sa soeur ni de ses amis, préférant noyer tout semblant de réalité dans de l'eau-de-vie qui, dans ces moments-là, semble être son unique acolyte. "Dis ce que tu veux, mais j'ai vingt-sept ans et je suis entièrement capable de m'occuper de moi-même", lui dit-il sur un ton réprobateur. Il se relève pour débarrasser la cuisine de quelques cadavres de bouteilles qui s'y trouvent depuis la veille. Il les vide, les rince puis en dispose dans un bac prévu à cet effet. "Je ne comprends même pas pourquoi tu t'en mêles", rajoute-t-il lorsqu'il regagne le salon sur un ton un peu plus sec. Maman peace and love s'en mêle, pense-t-il lorsque sa mère hausse le ton pour leur demander de se calmer. Il est plutôt rare d'entendre Sam s'énerver, mais il ne faut négliger le fait que la petite famille a eu à traverser maintes situations déroutantes au courant des derniers mois. Il l'écoute déblatérer son discours de maman bienveillante qui cherche à calmer les esprits énervés de ses enfants. Le scientifique prend place sur le fauteuil et demeure silencieux, jetant quelques coups d'oeil furtifs à sa soeur. Il baisse les yeux et observe ses orteils, comme s'il cherche les bons mots pour se racheter. Toutefois, ceux-ci ne viennent pas et il est contraint de garder le silence.

Néanmoins, il ne peut s'empêcher de lever les yeux vers Sam lorsqu'elle mentionne le nom de son frère. Son coeur manque un battement. Il n'a pas envie d'en parler, pas envie que son nom soit évoqué. Non, absolument pas. "Justement. J'suis vivant. Comment pouvez-vous espérer que j'sois fonctionnel alors que j'ai littéralement perdu ma moitié. Merde, Thomas et moi on... Putain." Il se lève et pousse un long soupir. Sa main parcourt sa chevelure ébouriffée, résultat d'une courte nuit passée sur le fauteuil du salon. "Très bien, parlons-en alors.", dit-il après une courte pause. Il croise les bras sur son torse. Il tente de faire une croix sur les émotions négatives que ravive la mention de son frère jumeau récemment décédé. À contre-coeur, il reprend place sur le fauteuil et se promet d'agir de façon plus mature et posée, ce qui s'avérera une tâche difficile considérant ses états d'esprit plutôt chaotiques.

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La tension monte et nous qui sommes assez calmes normalement, voilà que n'importe lequel d'entre nous peut exploser à tout instant. Billy et moi qui nous nous entendions si bien avant... avant, depuis quelques semaines les décibels sont cadeaux de la maison lors de nos échanges. Il fout sa vie en l'air, s'engageant sur un chemin qu'il va forcément regretter et je ne peux pas laisser la seule famille qui me reste ici se brûler sans intervenir. J'hurle presque sur Billy juste en face de maman, comme si elle n'était pas là. Ce spectacle doit profondément la choquer puisqu'elle ne se gêne pas pour nous remettre à notre place par la suite. Elle n'a jamais été le genre de mère contrôlante qui veut tout gérer à notre place, mais je sens qu'en temps de crise comme maintenant on a besoin d'elle pour ne plus s'éparpiller autant. S'hurler dessus, ce n'est pas ce qui se passe dans la famille Tomson. Pourtant, c'est ce qu'on fait, encore et encore. Billy et moi, soi on d'hurle dessus où l'on s'ignore un peu trop, il n'y a pas de juste milieu ou de moments complices comme il devrait y avoir. Je me raidis aux propos de Sam, honteuse d'avoir utilisé un langage aussi cru devant elle. On pourrait croire que j'ai seize ans et que je n'assume pas de m'être fait prendre à jurer contre mon frère, mais ce n'est pas du tout le cas. Depuis la mort de Thomas, quelque chose a changé entre Sam et moi... On dirait que j'ai eu besoin de m'éloigner de tout pour mieux gérer mon deuil, affaiblissant peut-être notre lien mère-fille si particulier et renforcé par les éléments passés. Je ne sais pas comment réagir à cette tempête qui éclate juste devant mes yeux, à la fois soulagée que maman vienne nous rapprocher pour que l'on puisse guérir ensemble, tout en étant brusquée de ne pas pouvoir avoir un libre contrôle de mes sentiments. Si j'ai envie d'hurler, je vais hurler. Pas vrai ? Alors pourquoi si Billy veut forcer sur la bouteille pour oublier, je le juge et lui dis que ce n'est pas le bon chemin à prendre ? Je souffle et mes épaules s'apaisent: il faut qu'on parle. Tous. Je glisse ma main sur mon bras, ne sachant pas comment débuter le tout, l'ambiance toujours aussi lourde malgré ce que maman vient de dire. Sa presque chute m'arrache un rire et je me détends un peu, mais toujours crispée à l'idée d'évoquer cette perte qui meurtrit toujours nos vies. Sauf que Billy ne l'entend pas de cette façon, réfutant la proposition d'armistice proposée par notre mère. Je roule les yeux et j'ai presque envie de glisser un 'qu'est-ce que je disais'. Sauf que contre toute attente, il accepte la discussion. Un silence s'installe et perdure une seconde, puis deux. Je sens que c'est à moi de le briser. « On a tous perdu une partie de notre être... » Contrairement à ce que je pensais, ma gorge ne se sert pas alors que j'évoque le moment le plus difficile de ma vie. C'est sûrement le fait d'être en compagnie des êtres les plus chers à ma vie qui rend la conversation plus facile. « Mais depuis que... Je sais que tu dois vivre ça à ta façon, mais... » Mais quoi ? « Je ne te reconnais plus Billy... Chaque soir quand tu pars, je vois juste la rage dans ton regard et une envie d'oublier qui semble surplomber tout le reste. Je veux pas qu'il t'arrive quelque chose... Je veux pas qu'on se perde tous à tenter de garder la tête à la surface. » Je relève les yeux vers maman et mon frère, énonçant ma plus grande crainte: que sans Thomas, nous ne formions plus une famille.