Music Is A Hope Or A Fear ♪ Feat Victoire

Après mon insomnie de cette nuit, j'ai besoin de bouger. De me vider la tête et surtout, de prendre l'air. Il est à peine six heures du matin lorsque je quitte l'appartement, mon casque audio sur la tête. L'air frais du matin me caresse le visage et je profite un instant de ce sentiment d'excitation qui précède chacune de mes courses. J'aperçois dans le ciel un groupe d'oiseaux et même si ces petits animaux ne me rassurent pas, je me rends soudain compte d'une chose : ils volent comme moi je cours, pour la liberté. Ce constat est à la fois rassurant et alarmant. Je respire un grand coup et décide enfin de m'élancer vers le parc. Quelques minutes plus tard, j'arrive enfin à destination et je sais que c'est maintenant que tout se joue. C'est maintenant que je dois donner le meilleur de moi-même et courir jusqu'à ce que je me sente complètement vidée de toute émotion excessive. J'ai besoin de ça pour affronter une nouvelle journée. Dans mes oreilles, Sia chante des paroles qui me motivent et me poussent à courir plus vite.



Mes foulées se font de plus en plus rapides et agressives. Si quelqu'un me voyait maintenant, il pourrait penser que je fuis un danger mortel. Mais à cette heure matinale, le parc est vide. Enfin, je crois. À mon arrivée, j'ai cru voir une jeune femme courir. J'avoue que je n'en suis pas certaine, peut-être mon esprit m'a-t-il joué un tour.

Après presque une heure de course, je trouve enfin ce que je suis venue chercher : la sérénité. Je ralentis afin d'habituer mon corps à un rythme plus lent avant de m'arrêter totalement. Mes étirements faits, je décide de reprendre mon souffle et je m'installe au pied d'un arbre pour me désaltérer. Ça ne vaut pas un bon lait chocolaté, mais après une telle course, l'eau me paraît plus judicieuse. Mon rythme cardiaque se calme et je ferme les yeux un instant. Profitant du calme régnant dans le parc, je commence à chantonner l'air d'une chanson que j'aime particulièrement. Une histoire de cœurs brisés, évidemment. Comme souvent avec la musique, je me sens porter dans un autre monde et les paroles sortent instinctivement de ma bouche. D'abord discrète, je pousse maintenant la chansonnette à pleine voix. De toute façon, ce parc est vide. À l'appartement, je ne peux pas chanter car May pourrait m'entendre et je ne suis pas capable d'affronter les propos que pourraient susciter mes fausses notes. Pas même ceux de May. Ce petit moment n'appartient qu'à moi et je le savoure de mon être. Quand je rouvre les yeux, heureuse d'avoir enfin pu élever la voix, je redescends brusquement sur terre. Mon regard de pose sur une magnifique femme et je me crispe. Pas de doute, c'est celle que j'ai aperçue tout à l'heure. Ses yeux sont plantés dans les miens et je suis incapable de bouger. La panique m'envahit. Je n'étais définitivement pas prête à ça. Aucun doute non plus qu'elle m'ait entendu. Eh merde, je suis cuite.

Mais qu'est-ce qu'elle raconte là ? Un don ? Elle doit avoir eu un coup sur la tête. Ou alors, carrément une  météorite. Je ferais peut-être mieux de lui demander si tout va bien, si elle n'est pas perdue. Elle me dévisage et attend une réponse de ma part. Mais les mots refusent de sortirent. Je me sens bête de m'être fait surprendre, mais je suis encore plus abasourdie par ses paroles. Pourtant, je vois dans ses yeux que ce petit discours lui a coûté cher. Sans doute, voulait-elle simplement se montrer polie, mais que ces mots lui ont écorché la bouche. Même si franchement j'en doute... Dans ses yeux, un voile de sincérité et de douceur se dresse. Mon Dieu. Elle le pense vraiment. Cette fille est folle.. Pourtant, installée à mes côtés, elle me paraît tout à fait normale. Bien qu'un peu anxieuse. Comme moi. Je me détends quelque peu et nous restons assises en silence. Je joue avec une brindille d'herbe et elle a la gentillesse de ne pas se formaliser de mon malaise. Je ne l'ai jamais aperçue auparavant. Je crois que je m'en souviendrais, elle est tellement belle. Elle porte une certaine fragilité dans ses traits et quelque chose me dit que la vie n'a pas été sympa avec elle. Cependant, je suis certaine que derrière cette fragilité frappante, sa cache une force incroyable. Je me rends alors compte que je la scrute un peu trop et mon regard se lève aussitôt sur le ciel gris. Les oiseaux, en groupe, fuient à toute vitesse si bien que je peine à les voir. C'est sur, la pluie arrive. Victoire ne dit toujours rien et j'hésite un instant à lui demander pourquoi je ne l'aie jamais vue. Si son attitude a réussi à me détendre un peu, une autre pensée me traverse et la panique reprend de plus belle. J'espère qu'elle ne va répéter à personne ce qu'elle vient de voir et d'entendre ! «Excusez-moi, mais... je préférerais que personne ne soit au courant de cet épisode honteux... ». Elle lève un regard sur moi et lorsque nos yeux se croisent, je suis une fois de plus surprise par la sincérité que j'y lis.