Everything happens for a reason [Tawan #2]

A-t-elle le même talent que Picasso ? Je crois que le style du bonhomme est plutôt unique et bon nombre ont tenté de l’imiter. « Te reste plus qu’à essayer de percer dans le milieu de l’art alors. » je souris et regarde à nouveau son dessin « Et de trouver d’autres modèles biscornues du coup. » un petit clin d’œil plus tard et je redeviens un peu plus sérieuse pour me montrer encourageante. Je suis comme ça, positive et optimiste, toujours à voir ce qu’il y a de bon dans quelque chose ou quelqu’un quand c’est possible. La brune m’accuse de simplement vouloir être gentille, je hausse les épaules « Si tu m’as dessiné et que ça ressemble à rien, est-ce que je dois en tirer une conclusion ? » plaisanté-je avec un air faussement suspicieux pas crédible. Ce n’est pas le dessin du siècle on est d’accord mais il est améliorable et je lui montre aussitôt comment il est possible de progresser rapidement sur des petits détails qui ont leur importance. Je lui explique que ses traits sont trop abruptes et je tente de l’initier à un mouvement plus fluide pour qu’elle comprenne d’où vient sa difficulté. Et si la recrue s’est appliquée en faisant preuve de concentration pour réaliser son œuvre, je crois que son quota d’attention pour le dessin est dépassé. De cheveux raides comme des baguettes, digne d’un dessin d’enfant, mon portrait se retrouve de couettes ainsi que d’une moustache en plus du reste. Je ris de concert avec la jeune femme, secouant la tête quand elle me soumet l’idée de vraiment envisager de porter une moustache « D’accord, je vais y réfléchir. » je hausse les épaules « Je perdrais moins de temps le matin si je n’ai plus à me raser la moustache. » ce qui sous-entend, fini les retards comme celui qui nous a fait nous rencontrer. Je la pousse gentiment de l’épaule « Merci pour le petit conseil tendance. Nul doute que mon sex appeal va monter en flèche. » et je ris encore, elle va finir par croire que je ne fais que ça.
J’observe encore quelques secondes ce dessin qui ne ressemble désormais vraiment plus à rien. La brune me demande alors si je veux bien dessiner à mon tour, je relève le regard dans sa direction et vois qu’elle a retrouvé un semblant de sérieux. Elle aimerait garder un dessin fait par moi. Je fais une petite moue de fausse hésitation « J’dois pouvoir faire ça. ». Je tourne la page du carnet pour en avoir une blanche « N’importe quoi… c’est vague. » dis-je en pensant tout haut. Une chance que je ne manque jamais d’idée quand il s’agit de noircir le papier avec un dessin. Je descends du muret, m’assoie parterre en m’adossant contre, et replie mes jambes pour m’en servir comme appuie. Je sais déjà ce que je vais faire, la mine du crayon entre en action et les traits se multiplient sur le papier. Je ne veux pas prendre trop de temps, mais tient à m’appliquer, j’opte pour un croquis plutôt que quelque chose de très détaillé. Je joue sur les ombres, l’intensité des traits. Assez rapidement une silhouette se détache, adossée à un mur dans une attitude désinvolte, un pied relevé et appuyé contre la paroi derrière elle. Je l’habille d’une veste qu’on devine être celle d’une tenue militaire tout comme le pantalon, des cheveux attachés, une cigarette, un peu de fumée et un sourire en coin. Je peaufine quelques détails, estompe du bout du doigt et observe le résultat. Je n’ai aucune idée du temps qui s’est écoulé. Je tends le carnet à la jeune femme en me relevant « Voilà, un dessin de moi. Enfin… non plutôt un dessin de toi fait par moi. » je lui souris et attends de voir ce qu’elle en pense.

« Si tu m’as dessiné et que ça ressemble à rien, est-ce que je dois en tirer une conclusion ? » Je hausse les épaules l’air de rien, lui laissant croire que peut-être elle pourrait se trouver aussi moche que mon dessin, mais très vite je lui fais comprendre que je la taquine. « Le jour où tu te vois aussi moche que ce dessin dans la glace, pose toi les bonnes questions. » Je ris et rajoute. « Je te rassure, tu es beaucoup plus belle que… ça. » Dis-je en montrant le dessin au crayon d’un mouvement de menton. Nous jouons comme des enfants, ou disons que je suis sans doute la moins mature de nous deux dans cette situation, et la voilà vite affublée de couettes et d’une moustache digne de Napoléon. « Je perdrais moins de temps le matin si je n’ai plus à me raser la moustache. » Je hoche la tête et passe mes doigts sur ma lèvre supérieur, en dessous de mon nez. « J’ai pas bien rasé la mienne ce matin, maintenant ça pique. » Elle se marre et moi j’en profite. « Merci pour le petit conseil tendance. Nul doute que mon sex appeal va monter en flèche. » Je hoche vivement la tête en souriant. « Tu me remercieras j’en suis sûre. Et si tu as trop de demandes, viens me voir je ferai le tri. » Je la taquine, et je me rends compte que depuis que je la connais, je ne fais que ça, mais qu’elle ne semble pas dérangée pour autant, au contraire, elle semble même apprécier. Notre échange est naturel, complice, je ne cherche pas - encore - à la draguer chose que j’ai l’habitude de faire avec quasiment toutes les filles que je rencontre et pour lesquelles je trouve un intérêt physique particulier. Mais Birdy n’est pas seulement jolie, elle a aussi cette aura caractéristique des filles avec qui on a envie de passer du temps, des filles qu’on a envie d’écouter autant que de regarder.

Je lui demande de me faire un dessin, un dessin rien que pour moi, c’est peut-être bête dit comme ça, mais ça me ferait plaisir. Elle accepte et je semble être la plus heureuse du monde présentement. « N’importe quoi… c’est vague. » Je hausse les épaules et la regarde descendre du muret pour s’installer contre ce dernier. Je me décale un peu et me penche pour être quasiment au dessus d’elle et la regarde faire, parce que c’est exactement ce que j’attendais, ça autant que d’avoir en ma possession le dessin en question. Je souris de la voir croquer, ses mains qui bougent avec précision, ce poignet fluide, et sa tête qu’elle oriente d’un côté puis de l’autre. Elle estompe, corrige, ne gomme quasiment jamais ou seulement pour redonner une couleur plus claire à certaines parties du dessin. Très vite je comprends qu’il ne s’agit pas seulement d’un dessin, mais d’un dessin de moi, et je me sens étrangement flattée. Elle termine, se relève et me tend son carnet que je prends entre mes mains pour admirer le dessin. « Voilà, un dessin de moi. Enfin… non plutôt un dessin de toi fait par moi. » Je le regarde en souriant pendant quelques secondes. « Il est parfait. Je peux ? » lui faisant comprendre que je voudrais arracher la page. Elle hoche la tête et je m’applique, avant de rouler le dessin, surtout ne pas le plier, et le ranger dans la poche intérieure de ma veste. Je remarque que le soleil est en train de se coucher, signe que le couvre feu ne devrait pas trop tarder. Je saute du muret et plonge mon regard dans celui de la jeune femme. « Je vais y aller, au lieu de risquer une belle sanction. Je passerai sûrement demain à la même heure alors si t’as rien à faire... » Je lui souris à nouveau et m’éloigne de quelques pas en arrière pour pouvoir continuer de la regarder, de lui sourire. Je lui adresse un salut militaire avant de me retourner pour courir en direction de mon dortoir. Je pense que je vais bien dormir cette nuit.