(dakrew) heaven in hiding

Dakota, elle mange.
Devant elle, y’a le gamin qui lui raconte des salades, mais elle s’en fiche un peu puisqu’elle mange. Il fait les éloges de la vie en famille d’accueil et, déjà, Dakota n’écoute plus tant que ça. C’est un ramassis de conneries. C’est à peine si elle croit à l’histoire du bébé abandonné à la caserne de pompiers maintenant. Il veut avoir l’air cool et, bien qu’elle parvienne à le comprendre, elle déplore la situation. Alors, en silence, elle mange en hochant la tête une fois de temps en temps. Parce que bon, elle avait une si bonne excuse pour se sucrer le bec, elle va pas la gâcher pour un menteur qui vit dans le déni pour apprécier un peu plus sa vie de chiotte.

Quand il parle de Murphy, elle hausse les épaules, les yeux rivés sur son assiette.

- J’vais pas te parler de ma sœur. Ça se passe pas tellement bien entre elle et moi par les temps qui courent. Comme t’es son pote y’aurait conflit d’intérêt. (nouveau haussement d’épaules) Ça : j’m’en fou, mais j’ai pas envie d’entendre quelqu’un prendre sa défense. Alors si tu veux parler de ma famille, choisis quelqu’un d’autre.

Elle relève son regard vers lui :

- Avec sept gamins, t’as l’embarras du choix. Je te les nomme si tu veux et tu choisis le prénom que tu préfères.

L’idée ne lui parait pas si mal à Dakota. Même qu’elle l’aime bien. Si le gamin ne veut pas participer, elle proposera le jeu à Balthazar. Ouais. C’est un bon plan. Et puis, ça lui éviterait de toujours se mêler les pinceaux quand il écoute Dakota se plaindre de sa fratrie s’il les connait un peu plus. Non ? Sans doute. Dako, elle met l’idée dans le tiroir « Balthazar » de sa mémoire puis reviens au garçon dont les lèvres remuent. Il a répondu, clairement. Mais Dakota elle n’a rien entendu. Elle pensait à Balth, donc, forcément, tout le reste elle n’a pas capté. Elle bat des paupières et se secoue un peu pour revenir sur terre, en compagnie de son nouvel étranger-accompagnateur.

- Ahem ? Excuse-moi, j’ai pas compris. Tu pourrais répété ? »

Elle lui fait un radieux sourire, espérant amoindrir sa maladresse. Elle ne veut quand même pas que tout parte en couille maintenant et pour si peu.

Elle n’a même pas terminé sa crêpe.

Bon, d’accord. C’est nul comme excuse. Mais Dakota elle y peut rien. Elle ne le connait pas ce type. En plus c’est un pote à Nolan et Murphy. En gros, elle n’y est pas attaché le moins du monde et ce qu’il pense, elle s’en contrebalance un peu…

« On est vachement potes moi et ta sœur, ouais. C’est pour ça qu’on s’retient de s’insulter quand on traîne avec Nolan, parfois. Je la porte vraiment dans mon cœur… » Sa main sur la poitrine, les yeux levés, il l’annonçait avec tellement de joie qu’on pourrait penser qu’il était sérieux dans ses paroles. Non, Murphy et lui étaient loin d’être amis. Bien au contraire. Drew l’avait dit quelques minutes plus tôt à Dakota, mais elle l’écoutait tellement qu’elle ne s’en était même pas rendu compte. « Non, c’est bon… On va pas partir dans l’énumération des noms de tes frères. » il riait, secouant la tête négativement tout en se penchant sur son assiette pour manger un bout de ces friandises qu’il n’avait jamais goûté auparavant. Et il faut dire que c’était loin d’être mauvais, Dakota avait du goût, niveau nourritures. Il a pris une bouchée, une seconde, une troisième… puis il s’est essuyé les mains pour se mettre à parler, pour lui raconter un peu sa vie, son vécu.

Andrew était là, à se livrer à cette inconnue, à lui raconter son passé, une partie de sa vie et la seule chose qu’il pouvait remarquer avec le fait qu’elle mangeait comme un animal, c’était qu’elle avait carrément l’air d’en avoir rien à faire de ce qu’il lui disait. Elle était là, les yeux baissés vers son assiette. Dire que ça ne lui faisait rien, qu’il s’en fichait de la voir n’en avoir rien à faire de ses paroles serait mentir. Ça lui mettait un peu la haine, mais bon, il passait un trop bon moment pour dire quoi que ce soit. Au moins, il saurait que la prochaine fois, il la fermerait sur sa vie qui est loin d’être intéressante, si on en croit la tête que faisait la gamine.

Il a fini par se taire, et sa question ne l’a même pas étonné. Il se sentait déçu sans même comprendre pourquoi il l’était. Il ne la connaissait qu’à peine, après tout. « Ouais, laisse tomber… Ça a pas trop l’air de t’intéresser, j’vais pas t’emmerder avec ça. » Il ne comprenait pas vraiment son attitude, surtout qu’elle était celle qui lui avait demandé de lui raconter son parcours en famille d’accueil, mais il s’est tut, reprenant juste sa crêpe en main pour la terminer dans le silence.

Une fois cela fait, il s’est essuyé les mains avec cette serviette qui traînait sur la table. Il était avec une fille, il n’allait quand même pas se comporter comme le vrai Andrew, hein ? Il ne fallait pas l’effrayer aussi tôt. « Y a des sujets qui t’intéressent, ou t’es toujours un peu en mode ‘j’m’en bats les couilles’ ? » qu’il lui a demandé d’un simple hochement de tête avant de sortir son portable qui vibrait de sa poche pour lire ce message que Nolan, en pleine panique venait de lui envoyer.

Bon.
Sur ce coup-là, Dakota elle n’a pas fait fort. Elle l’a bien capté à la réponse de son interlocuteur. Quelque part, même si elle est persuadée de s’en foutre, ça lui fait un petit quelque chose. Elle peut bien se claquer les bretelles, il n’en reste pas moins que Dakota, elle aime ça quand on l’aime. Alors bon, du coup, se faire regarder comme une déception, ça lui gratte un peu le fond de la gorge. Elle se la racle, histoire d’essayer de faire disparaître le malaise.

Mais ça ne marche pas vraiment. Parce que l’autre, il termine sa crêpe sans dire un mot. Et Dakota, elle le regarde faire. Parce qu’elle, bien sûr, elle a déjà tout gobé. Alors elle patiente. Parce qu’elle ne va quand même pas se barrer et surtout parce qu’elle ne sait pas quoi dire pour qu’il l’aime encore. Finalement, quand il termine son met, il se décide à parler de nouveau. C’est une question. Une question qui picote.

Les doigts de Dak’ pianotent sur la table. Elle prend une grande respiration, cherche ses mots. Et puis zut, elle ne sait pas mentir de toutes façons, aussi bien y aller avec la vérité.

- J’ai du mal à me concentrer quand je n’arrive pas à savoir si ce qu’on me dit est vrai.

Sur l’air offusqué que prend le garçon Dakota se laisse tomber le dos contre la chaise.

- Allez, on sait tous les deux quel genre de type t’es. T’as l’allure, les belles paroles, le sourire aguicheur, l’histoire du vilain petit canard… Pourquoi ce serait vrai ?

Elle secoue la tête et précise :

- Non : pourquoi j’y croirais ? J’suis pas une meuf à appâter. Et si j’ai à être un trophée de chasse, tu ne m’auras certainement pas avec des munitions aussi misérables.

C’est après ces belles paroles que le téléphone du garçon vibre. Et Dakoa glousse :

- Laisses-moi deviner. Faut que tu partes ?

Elle s’essuie les mains avec sa serviette de papier et rapatrie ses déchets.

- Et une sortie de scène mystérieuse, une !

Elle se lève en précisant :

- Ça aussi c’est prévisible chez les beaux parleurs. »

Puis elle gratifie le tout d’un clin d’œil et se dirige vers la poubelle pour nettoyer son cabaret. Et une sortie théâtrale, une ! Ça aussi c’est prévisible chez les femmes fatales. Elle glousse pour elle-même. Au fond, ce petit jeu lui plait.

Ça lui plait vachement.

« Donc tu crois que j’te mens ? T’as raison, faire croire aux gens que j’ai une vie de merde, c’est un peu une passion pour moi. J’trouve ça marrant. » Au fond, qu’elle le croit ou non, Andrew s’en fiche un peu. Il aurait juste aimé qu’elle l’écoute discuter, c’était la moindre des choses à faire, surtout quand c’est elle qui lui a posé la question… mais il n’a préféré rien dire, ne pas lui faire la remarque. Il passait un bon moment, il n’avait pas envie de tout gâcher avec quelque chose de débile qui n’avait probablement aucune importance. « T’as raison sur certains points, mais j’vois vraiment pas pourquoi j’te mentirais là-dessus. Mais c’est pas vraiment important, de toute façon… passons. » Il se contentait d’hausser les épaules, grimaçant un peu, cachant un petit air boudeur.

C’était pas la première à ne pas le croire sur certains points, et ce ne serait probablement pas la dernière. Sauf que Dakota, c’est pas une fille qu’il veut mettre dans son pieu, alors forcément, avec elle, ça pique un peu. « T’inquiète pas va, même si j’aime la chasse, j’pensais pas faire de toi une proie. Pas tout de suite, en tout cas. » Il lui a fait un petit clin d’œil avant de se lever de sa chaise après avoir lu ce fameux texto que Nolan lui avait envoyé. Son meilleur ami était dans la merde, il avait besoin de lui et même si Drew aurait préféré rester là, aux côtés de cette jolie petite blonde, il n’avait pas d’autres choix que celui de partir rejoindre son meilleur ami pour le consoler. « Désolé, un pote a besoin de moi. Il va me raconter sa vie de merde, et j’vais devoir l’écouter. » Un petit sourire en coin, il rangeait son téléphone dans la poche de son jean, laissant son assiette sur la table du resto.

Ses mots, son attitude le faisait marrer. Elle n’avait pas l’air d’être ce genre de filles qui se prennent au sérieux, et Dieu sait qu’Andrew les adore, ces filles-là. « C’est la première, et sûrement pas la dernière… Tu t’en rendras compte si on se revoit. » Se barrer en plein rencard, se barrer en plein évènement, c’est son truc. Quand ses potes ont besoin de lui, Drew n’est pas du genre à les recaler. Il est là pour assumer son rôle de meilleur pote, même si parfois, ça lui casse bien les couilles. On doit respecter ses promesses. « Allez, j’bouge. J’te ramènerai bien chez toi en te prenant sur mes épaules, mais j’ai pas trop le temps, petite puce. » Il s’est approché d’elle, la regardant brièvement dans les yeux. « Salut. » Puis il s’est cassé du restaurant, sur ce dernier mot, il est parti sans se retourner. En route pour aller s’occuper d’une énième merde dans laquelle Nolan a su s’enterrer. Encore.