You again (Tawan #3)

Zéro révision au programme de ce week-end, un temps pas trop pourri malgré l’hiver qui s’installe doucement, c’est une journée idéale pour sortir. Les sollicitations n’ont pas manqué, entre mes amis de l’Université et d’autres que je connais depuis plus longtemps encore, je n’ai que l’embarra du choix. Finalement c’est avec Jeremiah que je passe l’après-midi, il est arrivé au début de l’année à Wellington pour un échange. Il vient des Etats-Unis. C’est un mec sympa, j’ai été la première à lui parler et je lui ai fait visiter l’Université, alors forcément ça créé des liens. D’ailleurs on nous taquine un peu là dessus, certains étant persuadés qu’on va finir ensemble. Pourtant y’a rien d’ambiguë entre nous, on s’entend bien c’est tout. Il est passé me chercher devant la base militaire et nous prenons la direction du sud de Wellington, pour aller à Island Bay et y retrouver une autre amie plus tard dans l’après midi. L’intérêt majeur de ce coin c’est la plage et la tranquillité des lieux. A cette époque de l’année il y a moins de monde, même si la météo étant au rendez-vous aujourd’hui on croise pas mal de gens ayant également eu cette idée de venir se balader là. On discute art bien sûr et puis surtout un peu de tout et de rien. Le temps est passé vite, je reçois un message de mon amie d’enfance, elle a terminé le boulot et on la rejoint, Jeremiah et moi, dans un café. C’est fou comme le temps s’écoule plus vite quand on est en week-end plutôt qu’en cours ou à réviser… la preuve, j’ai l’impression que ça fait à peine vingt minutes qu’on s’est assis quand Jeremiah doit déjà partir, il travaille dans un fast-food quelques soirs par semaine pour se faire un peu d’argent. Je me rends compte que j’ai oublié des affaires dans sa voiture, je pars donc le raccompagner jusqu’à celle-ci en laissant mon amie seule pendant quelques minutes.
Lorsque je reviens elle n’est plus vraiment seule, en m’avançant d’avantage vers notre table je plisse un peu les yeux en observant la silhouette qui semble lui faire la conversation. C’est une jeune femme, elle est de dos et ne me voit pas arriver. Je comprends rapidement que mon amie est tout simplement en train de se faire draguer, et en me voyant elle me fait comprendre d’un regard que je tombe à pic « Ah bah te revoilà ! » elle sourit « Ça va il est bien reparti ? » je sais au ton qu’elle emploi ce que ça sous-entend mais je me contente d’un hochement de tête avant de désigner du regard la jeune femme et d’articuler sans pour autant prononcer ces mots « C’est qui ? ». A ce même moment l’inconnue se retourne et je suis surprise d’être nez à nez avec cette recrue avec qui j’ai récemment sympathisé… qui plus est en train de draguer une de mes amies d’enfance. « Oh salut… » dis-je en esquissant un sourire, passant outre ma surprise. Bien entendu c’est au tour de mon amie de m’interroger du regard, étonnée que j’ai l’air de connaître la jeune femme. Je me rassieds à ma place « Tu veux te joindre à nous ? » il serait très impoli de ne pas lui proposer, non ?

J’attends le week end avec grande impatience, retrouver mon chez moi, mes instruments de musique, et ma meilleure amie. Lui raconter ma semaine, lui dire combien ça a été dur, lui parler de Birdy aussi parce qu’elle a été ma plus belle distraction. Je suis toute excitée de rentrer, pouvoir sortir un peu, aller au Fox pour voir mes amies et sans doute passer du temps avec Janis, puisque c’est un peu devenu comme une habitude. Le réveil dans mon lit est un réel bonheur et je laisse Greelzy me fouetter de sa queue tellement il est content de me voir. Vu l’heure, j’imagine que Bee est déjà levée et qu’elle lui a déjà donné à manger, donc il vient pas pour réclamer. Quoi que, avec lui je me méfie. Je me lève donc, enfile un vulgaire t-shirt par dessus mon boxer et descends dans la cuisine attirée par les odeurs de café et de pancakes. « Tu sais je mange à l’armée hein ! » Je ris et claque un baiser sur la joue de ma soeur de coeur avant de partager mon petit déjeuner avec elle. La journée s’annonce bien, et je sens que je commence à aller mieux, doucement mais sûrement. Je passe la plupart de ma journée dans la salle de musique avant de ressentir l’envie de bouger et je file en moto en centre ville pour aller faire quelques apparitions dans les endroits que je fréquente le plus souvent.

C’est dans un petit bar sympa en bord de plage que je viens boire un verre et tombe nez à nez avec une magnifique demoiselle sur laquelle je manque de renverser ma bière. Merde alors. « J’suis vraiment désolée, ça va j’tai pas tâchée ? » Elle me sourit, elle me plait. Je tire la chaise près d’elle et m’y installe à califourchon, commençant à discuter avec elle tout naturellement. Elle est gentille, et souriante, et en ce moment c’est exactement ce dont j’ai besoin. Au bout d’un moment, la jeune femme relève la tête et s’adresse à quelqu’un dans mon dos. « Ah bah te revoilà ! Ça va il est bien reparti ? » C’est alors que je me retourne pour voir à qui elle parle, et tombe nez à nez avec Birdy. La surprise sur mon visage et mes yeux s’écarquillent un peu. « Oh salut… » « Birdy ! » Je penche un peu la tête sur le côté en souriant. « C’est marrant de te croiser ici. » Ça change de l’environnement qu’on a l’habitude de fréquenter toutes les deux. Birdy se rassied et je vais pour me lever et les laisser tranquille mais elle me propose de me joindre à elles. Je pose mon regard sur la jeune femme que j’étais en train de draguer et cette dernière me sourit en hochant la tête. « Avec plaisir alors, je vous offre un truc à boire ? » Je pose ma main sur le dossier de ma chaise et la fais pivoter pour m’y installer un peu plus ‘normalement’. « Ça fait un moment que je t’ai pas croisée ! » Dis-je à l’attention de la dessinatrice. Ça doit lui faire bizarre de me voir en mode civile.

Le monde est petit ce n’est plus à prouver, et bien sûr il m’arrive de croiser des gens qui vivent sur la base quand je suis en ville. Mais tomber sur cette jeune femme me surprends encore d’avantage, le contexte sûrement. Elle me sourit, et je fais de même en notant au passage la manière dont elle est installée sur sa chaise. Confirmant que la désinvolture a tout l’air d’être un credo chez elle, et à vrai dire je trouve ça assez amusant. Son attitude est bien différente de celle des gens que je fréquente habituellement. Elle a ce truc qui sort de l’ordinaire, un peu mystérieux et qui me donne envie de la connaître. Point positif de cette rencontre imprévue c’est que je sais désormais qu’elle s’intéresse aux femmes, moi qui avait dans l’idée de lui présenter certains de mes potes masculins ça m’évitera d’avoir l’air bête. Quoi qu’elle peut aussi aimer les hommes également… Peu importe ça la regarde et je ne lui présenterais personne dans l’optique de jouer les entremetteuses au moins c’est réglé. Je me rassois tandis qu’elle souligne le caractère amusant de me croiser ici, j’arque un sourcil un peu perplexe face à cette remarque « Tu pensais que je passais ma vie la tête dans les bouquins ou en train de dessiner ? » dis-je avec un petit air ironique, si tel était le cas je suis contente de pouvoir lui prouver le contraire. La brune s’apprête à prendre congé et je lui propose de se joindre à nous. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Ma sociabilité à toute épreuve sans doute. Jess, mon amie d’enfance acquiesce d’un signe de la tête, elle est du genre sociable aussi, même si la connais assez bien pour savoir qu’intérieurement elle doit se poser des tonnes de questions et m’en vouloir un tout petit peu. La recrue se réinstalle correctement sur sa chaise et propose de nous payer un verre, j’offre un regard à Jess pour lui signifier qu’on a pas tout perdu à l’accueillir à notre table. « Je vais prendre une bière. » dis-je tout naturellement et je remarque le petit sourire en coin de la brune. Quoi ça aussi c’est marrant ?
Mon amie suit le mouvement mais avec un jus de fruit, elle n’aime l’alcool. Je souris à la remarque de la militaire, ça fait quelques jours que nos chemins ne se sont pas croisés, c’est vrai. « J’ai eu des horaires un peu différents cette semaine, on travaillait sur un projet en partenariat avec l’école de communication. » expliqué-je pour justifier que nous ne nous soyons pas vu « Tu t’es ennuyée ? » je prends un petit air innocent. C’est un peu étrange de la voir là, dans un bar et en civile, alors que d’habitude elle a toujours une tenue militaire et ses rangers aux pieds. « Elle travaille sur la base… » dis-je à l’intention de Jess pour l’éclairer un peu sur cette vague connaissance qu’est la brune. Et si sur la base je me sens comme ayant un avantage, parce que je connais les lieux comme ma poche et que mon père étant qui il est c’est vraiment mon terrain, ici c’est différent. Ça peut paraître stupide mais ça a presque un petit côté dangereux. Enfin je crois que j’ai cette sensation parce qu’au vu de l’indiscipline de la brune et son attitude globale, la suivre ne doit pas être de tout repos. « Je dois appeler Stan, je reviens. » à peine à t’elle dit ça que Jess se lève et se dirige vers la sortie du bar, je la suis du regard un bref instant avec une légère moue. « Son mec. » lâché-je en portant à nouveau mon attention sur la seule interlocutrice qui me reste. « Alors tu profites bien de la vie hors de la base ? Même si c’est court, deux jours. » demandé-je, toujours très intriguée par cette singulière jeune femme.

« Tu pensais que je passais ma vie la tête dans les bouquins ou en train de dessiner ? » Mon sourire s’agrandit, je pourrai bien lui dire que c’est pas du tout à ça que je pensais, mais mon envie de la taquiner est plus forte. « C’est à peu près ça ouais ! » J’aime le petit sourire ironique qu’elle arbore, faisant ressortir la cicatrice sous sa lèvre inférieure. Nous commandons toutes les trois quelque chose à boire, c’est moi qui invite. Lorsque Birdy commande une bière, je fais une mine surprise, toujours dans l’optique de la faire chier. Après tout, elle a bien le droit de boire une bière, c’est pas comme si elle avait commandé un whisky à cette heure-ci. « J’ai eu des horaires un peu différents cette semaine, on travaillait sur un projet en partenariat avec l’école de communication. Tu t’es ennuyée ? » Je hausse légèrement les épaules. « Ennuyée c’est pas le mot, mais j’suis venue plusieurs soirs griller ma clope au terrain de course et j’étais étonnée de pas te voir. J’irai pas jusqu’à dire que tu m’as manquée, quand même ! » Je lui souris à nouveau, oubliant totalement son amie que je draguais pourtant juste avant l’arrivée de Birdy. Preuve que cette fille me happe bien plus que je ne m’en rends compte. Elle explique sans plus tarder à son amie qui je suis, ou plutôt ce que je fais et ce pourquoi on se connaît. Je m’amuse à faire un salut militaire à la jeune femme, mais très vite celle-ci nous abandonne pour passer un coup de fil. « Son mec. » Je hoche la tête en souriant avant de me risquer à une question indiscrète, sourire mutin au coin des lèvres. « Et toi, t’en as un de mec ? » Je remonte mon pied sur l’assise de la chaise, faisant dépasser mon genou au dessus de la surface de la table, dans une attitude rebelle qui me caractérise. « Alors tu profites bien de la vie hors de la base ? Même si c’est court, deux jours. » Je hoche la tête. « Ouais, pas le temps de faire grand chose, je me risque pas non plus à sortir jusqu’à pas d’heure comme j’en avais l’habitude si je veux réussir à tenir le rythme, j’ai pas vraiment droit à l’erreur. Mais bon, ça me permet de voir un peu autre chose que ton père et ses disciples ! » Je ris un peu et joue avec le sous verre qui restait sur la table, vestige de la commande des anciens clients sûrement. « Elle est mimi ta copine, ça fait longtemps qu’elle est avec son mec ? » Nouveau sourire, comme une habitude lorsque je suis avec elle. Je ne veux surtout pas être lourde, je tâte seulement le terrain, elle avait l’air plutôt réceptive pourtant quand elle discutait tout à l’heure, et j’étais pourtant pas très fine dans mon rentre dedans.

J’ai du mal à savoir si la brune pense vraiment que je suis une sorte de rat de bibliothèque ou si elle dit ça seulement pour me taquiner. Un peu des deux ? En tout cas ça serait bien son genre du peu que j’en connaisse d’elle, j’ai cru comprendre que m’embêter gentiment l’amuse. Et puis je me prête assez bien au jeu, j’imagine que ça l’encourage à poursuivre dans cette voie. De mon côté je ne me gêne pas non plus, j’ai bien l’intention de lui faire savoir que j’ai le sens de la répartie. J’explique mon absence de la semaine, je n’ai pas été au terrain de course pour la simple raison que je finissais souvent assez tard de bosser sur le projet avec mon binôme de travail et j’avais plutôt envie de me poser à la maison que d’être dehors. Je demande à la recrue si elle s’est ennuyée et le sourire qui suit sa réponse provoque automatiquement le mien, on ne se connaît presque pas mais indéniablement une certaine complicité nous lie. De peur que mon amie se sente à l’écart je lui explique alors comment je connais la jeune femme venue squatter notre table. Jess nous fausse rapidement compagnie pour aller appeler Stan depuis l’extérieur du bar, je suis un peu perplexe nous en parlerons peut-être plus tard mais j’ai l’impression qu’un truc cloche. Je résume la situation à la brune en deux mots ne me rendant pas compte de la perche tendue au passage. La recrue en profite pour s’engouffrer dans la brèche et m’interroge sur ma propre situation, je pourrais éluder la question mais non, je réponds en secouant doucement la tête « Pas en ce moment. ». Mon célibat n’est pas un secret et je n’ai aucune raison de lui mentir, ça ne servirait à rien. Néanmoins avant que la  brune soit trop curieuse je change de sujet la questionnant sur son week-end, deux jours de liberté dont elle doit probablement savourer chaque instant. Ça lui fait du bien de prendre l’air hors de la base, même si elle a dû revoir ses habitudes. Sortir jusqu’à pas d’heure… Pourquoi ça ne m’étonne pas ? « Tu es une fêtarde dans l’âme, hein ? » demandé-je sans vraiment attendre de réponse, j’ai déjà mon idée sur la question. Y’a qu’à voir son attitude actuellement, c’est comme si tout glissait sur elle, qu’elle s’accommode de toute les situations et fait un peu de chaque endroit son terrain de jeu. J’arque un sourcil à sa question concernant Jess et me mets à rire « Un peu plus de deux ans je crois. Tu perdrais ton temps à la draguer. » je hausse les épaules « En plus t’es pas son genre. » je me touche le menton « Pas assez de barbe. ». Nos boissons arrivent, je jette un coup d’œil vers l’extérieur du bar et aperçoit mon amie qui semble être encore en pleine conversation. « Bon et bah on va trinquer sans elle… » dis-je en levant mon verre « Au week-end. » c’est ce qui me semble le plus approprié dans le contexte présent. Je bois une gorgée de bière et repose ma boisson soigneusement sur le dessous de verre. Du bout du doigt je dessine abstraitement dans la condensation sur la paroi du verre « Ça te plait l’armée ? » je relève les yeux vers la brune, il n’y a cette fois aucune ironie dans ma question je suis vraiment intéressée de savoir comment elle se sent dans son nouveau rôle de militaire.

Je suis ravie d’apprendre que ma jolie Birdy n’a personne dans sa vie. Jusqu’à aujourd’hui je n’avais pas émis l’idée qu’elle pourrait me plaire, d’ailleurs, ce n’est pas du tout le type de fille qui me plait en général, pas que j’ai nécessairement un ‘type’, mais les nana dans son genre, à être accro aux études, la tête dans les nuages, et filles à papa, je les fuis du mieux que je peux. Mais elle, c’est différent, et si jusqu’à maintenant j’avais plutôt bien évité le sujet, je suis bien contente d’avoir posé la question. Un rictus prend place au coin de mes lèvres et je contente pour le moment de hocher la tête. Nous parlons d’autres choses entre temps, mais je garde mes questions dans un coin de ma tête. « Tu es une fêtarde dans l’âme, hein ? » Je hausse un peu les épaules en hochant en même temps la tête. « On peut dire ça oui ! » J’imagine qu’elle s’en doutait, je crois que ça se porte assez sur moi, j’ai pas trop le profil d’une étudiante assidue. Je suis une rosk star moi madame, oui. Alors que nous parlons de son amie je lui demande depuis combien de temps elle est en couple, il m’a semblé qu’elle était plutôt réceptive à mes avances tout à l’heure. « Un peu plus de deux ans je crois. Tu perdrais ton temps à la draguer. » J’arque un sourcil à sa réflexion, dubitative, et un peu de défi naissant dans mon regard. « En plus t’es pas son genre. Pas assez de barbe. » Cette fois je ris. « Tsss, ça veut rien dire ça. Si tu savais le nombre de filles soit disant hétéro que j’ai réussi à faire douter, je les compte plus. » Nous sommes interrompues par le serveur qui nous apporte nos consommations et je le remercie d’un sourire courtois, avant que Birdy ne propose de commencer sans son amie. Ça me va. Nous trinquons et je la regarde boire sa bière en souriant. « Ouais, au week-end. J’imagine que tu en profites aussi pas mal, je suis pas sûre que papa Oakley te laisse boire des bières avec lui le dimanche pendant le barbecue ! » Je ris pour moi même en imaginant mon colonel à un barbec en short tongs marcel à faire cuire ses merguez et sirotant sa bière. « Ça te plait l’armée ? » me demande-t-elle innocemment. « Non. » La réponse a le mérite d’être claire. « Qui aime l’armée sérieusement ? » Je soupire un peu et laisse mon dos épouser le dossier de ma chaise. « C’est pas parce que j’ai fait le choix d’entrer à l’armée que ça me plait. Mais bon c’est comme ça. » J’ai pas envie de m’étaler, et je pense que Birdy l’a compris. « Bon et toi alors, t’es passée trop furtivement sur le sujet tout à l’heure, mais pourquoi t’as pas de copain ? T’es mimi, intelligente visiblement, y’a rien qui cloche enfin j’ai pas l’impression, mis à part que tu sois la fille d’un colonel de l’armée de terre et ça je peux comprendre que ça fait flipper mais… pourquoi ? » Je penche un peu la tête sur le côté, véritablement intéressée par sa réponse à venir.

J’essaye petit à petit de grappiller des infos sur la brune, un peu comme on fait un puzzle, pièces par pièces que j’assemble pour tenter d’avoir un tableau plus clair de qui elle est. J’avoue que ça m’amuse, cette dose de mystère qui l’entoure et son côté rock’n roll. Pas difficile de deviner qu’elle aime faire la fête, la jeune femme m’en donne la confirmation puis profite à nouveau d’un moment de latence pour reprendre la main de notre échange. Pour ça elle est très forte, mais je sais trouver des parades. Elle m’interroge à propos de Jess, apparemment elle l’intéresse sans doute un peu induite en erreur par la gentillesse naturelle de mon amie. Elle est du genre à parler à n’importe qui et se retrouver bloquer pendant des plombes sans savoir comment se sortir de la situation de peur de blesser la personne face à elle. Lorsque nous étions enfants elle souffrait d’être rejetée par les autres, elle est de ce fait très empathique mais ça lui joue parfois des tours. Je souligne que la recrue manque de masculinité pour plaire à Jess mais ça n’a pas l’air d’être un argument valable à ses yeux. Je ris à sa réponse, elle ne manque pas d’aplomb j’avais déjà remarqué mais en l’occurrence je crois qu’elle se trompe vraiment, j’allais d’ailleurs le lui dire mais le serveur se pointe à ce moment là. Nous trinquons et je remarque le petit sourire de la brune. Je secoue la tête, affichant un petit air malicieux « Tu vas t’en remettre que je boive une bière ? » j’arque un sourcil en ajoutant « Si tu savais ! ». Bon ok j’en rajoute un peu… mon père n’est pas trop pour que je boive de l’alcool, mais il n’est pas né de la dernière pluie et sait très bien que j’en consomme de temps en temps. Par contre boire en sa compagnie, c’est vrai que ce n’est pas trop un truc père fille que nous faisons. Je crois qu’elle a besoin de l’humaniser un peu, défaire son image de Colonel autoritaire et impressionnant.
Ce changement de sujet me permet de me saisir du lead de la conversation, je lui demande si ça lui plait d’être à l’armée et sa réponse est on ne peut plus claire. Je hausse les épaules « Pleins de militaires de carrière aiment l’armée… » dis-je sans trop insister, je sens que ça a l’air d’un sujet sensible. Pourtant elle le dit elle-même, c’est un choix qu’elle a fait que de s’engager. Tout cela me fait m’interroger d’avantage sur cette étonnante jeune femme qui n’est décidément pas prête à dissiper le mystère qui l’entoure. Elle n’en demeure pas moins curieuse, voire très curieuse ! Voilà qu’elle remet sur le tapis mon célibat, s’étonnant que je ne sois pas en couple en me gratifiant de quelques compliments au passage, je crois. Je la regarde avec perplexité « Y’a vraiment besoin d’une raison pour être célibataire ? Toi tu l’es, à priori. T’as une raison ? » je ris « Et puis j’vais quand même pas étaler ma vie sentimentale à quelqu’un dont je ne connais même pas le prénom… » j’affiche une petite mine triomphante, assez fière de ma réplique. Bon clairement ça n’a pas l’air de la dissuader plus que ça d’en savoir d’avantage sur ma situation. Merde, elle est forte quand même ! Je soupire « Bah j’en sais rien, y’en a pas qui me plaisent en ce moment, c’est tout. » je hausse les épaules et bois une nouvelle gorgée de bière, je ne vais pas lui dire que depuis mon dernier mec le énième que j’ai rembarré quand il a voulu aller plus loin, je me tiens à distance d’eux et évite de me mettre en couple ayant trop peur qu’on finisse par être au courant de mon blocage. Je reprends un peu plus d’aplomb et lui souris « Tu sais je blaguais pas pour la barbe… c’est vraiment un truc qui lui plait. Elle fantasme sur les mecs barbus, le genre hipster, tu vois ? » je fais une moue désolée « Dommage pour tes stats. » je la regarde avec un air amusé, ouais moi aussi je sais éluder les sujets qui m’embêtent.

Le fait qu’elle boive de l’alcool ne colle pas avec sa bouille d’ange, c’est le ressenti que j’en ai, mais ça n’a pas l’air d’être la première fois et je continue de la taquiner à ce sujet. Mais vient vite le moment où elle reprend le fil de la conversation en me demandant si j’aime l’armée. Ma réponse est sans appel. elle a beau me dire que certains militaires aiment ce qu’ils font, j’ai juste un peu de mal à le croire. Mais qu’importe. Je m’efforce de hausser les épaules d’un air nonchalant. Sans attendre je reprends la main sur notre échange et lui parle de son célibat qui entre nous me semble plutôt étrange. Les filles dans son genre n’ont pas de mal à trouver quelqu’un, et surtout rester posé pendant un moment. Je l’aurai bien imaginée comme sa copine avec un mec depuis deux ans. « Y’a vraiment besoin d’une raison pour être célibataire ? Toi tu l’es, à priori. T’as une raison ? » Je souris lorsqu’elle se met à rire et je hoche la tête. « Je suis invivable. C’est une bonne raison non ? » Raison qui n’est pas totalement fausse, mais il n’y a pas que ça non plus. Disons que les attaches ce n’est pas pour moi, j’ai tenté, deux fois, et je me suis ramassé la gueule. Alors pour le moment, je ne cherche pas à me poser. Et puis à quoi bon après tout ? « Et puis j’vais quand même pas étaler ma vie sentimentale à quelqu’un dont je ne connais même pas le prénom… » Je lève les yeux au ciel en souriant. Nous y voilà. Après tout, j’aimais bien qu’on apprenne à se connaître sans même connaître nos prénoms respectifs. Ça donnait un côté plus intéressant à notre début de relation - qui entre nous me semble assez inqualifiable, du moins pour le moment. « Je connais pas non plus le tien. » Et quand bien même si je le connaissais, je suis sûre que rien ne lui irait mieux que le surnom que je lui ai donné. Birdy. J’insiste un peu sur le fait qu’elle soit célibataire et selon moi, ça cache quelque chose. « Bah j’en sais rien, y’en a pas qui me plaisent en ce moment, c’est tout. » Je me contente alors de hocher la tête en voyant bien au ton qu’elle emploie que c’est un sujet épineux. « Ok. » Je ne vais pas chercher plus loin pour le moment. Très vite, comme une balle qu’on s’échange, c’est elle qui reçoit le droit de mener la danse et elle ne perd pas de temps. « Tu sais je blaguais pas pour la barbe… c’est vraiment un truc qui lui plait. Elle fantasme sur les mecs barbus, le genre hipster, tu vois ? Dommage pour tes stats. » J’arque un sourcil en souriant. « Mes stats ? Ils vont bien je m’en fais pas. Elle a le droit d’aimer la barbe après tout, dommage pour elle ! » Je souris de plus belle et bois une ou deux gorgées de ma bière. « Toi aussi t’aimes ça les mecs avec de la barbe ? » Je ne peux réprimer une moue légèrement de dégoût. Les mecs c’est vraiment pas fait pour moi, et les barbes encore moins. J’ai bien failli péter un plomb et faire une grosse connerie avec un mec pas plus tard qu’il y a un mois mais heureusement je n’avais pas assez bu pour ça. « Hum non laisse moi deviner ton type de gars. Plutôt grand, pas trop épais, une bouille de minet rasé de près avec des petits yeux malicieux, mais gentil hein ! En plus faut qu’il plaise à papa ! » Je ris un peu et fais mine de réfléchir. « Je réfléchis si j’ai pas ça dans mon carnet d’adresse. » Et là je vais mine de chercher dans mon téléphone, juste pour lui faire peur un peu, pour la faire chier.

Invivable ? Rien que ça ! La réponse de la recrue me fait sourire, je pense qu’elle en rajoute pas mal. « Bonne je ne sais pas, mais c’est une raison. Ton côté psychopathe ? » dis-je en faisant référence à notre toute première rencontre, avec un regard plus complice que je ne le voudrais. J’ai raté cette tentative d’esquive de sa question, je m’essaye à un second argument qui n’a pas plus d’efficacité que le premier. Je ne connais pas son prénom mais elle non plus ne connaît pas le mien. A vrai dire ça ne me pose aucun problème, je trouve même ça amusant dans le fond. Je hausse les épaules « C’est pas faux. » pour autant je ne lui dévoile pas mon identité, préférant finalement répondre à sa question, dans les grandes lignes. Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails parce que le vrai problème est beaucoup trop personnel pour être abordé. Et puis elle n’a pas besoin de savoir, alors je peux bien dire ce que j’ai envie. Aucun mec ne me plait en ce moment, point. Je préfère remettre mon amie au centre de la discussion, j’avoue que parler d’elle et son goût pour les hommes barbus est un bon moyen de changer de sujet. Je souligne encore une fois que la brune n’a aucune chance de séduire Jess, tant pis pour ses statistiques d’hétéro qu’elle a réussi à faire douter. Avec aplomb la jeune femme déclare que ce n’est pas franchement un problème. Fêtarde et dragueuse, donc… enfin je fais peut-être des conclusions hâtives. Nouvelle brèche, nouvelle question j’ai bien dû mal à mener l’échange, je crois que je suis tombée sur une adversaire redoutable en la matière. Heureusement que je ne suis pas du genre orgueilleuse, et puis je me prête quand même au jeu. Est-ce que j’aime les mecs avec de la barbes, leur seule évocation fait grimacer la brune et ça me fait rire. Je hausse les épaules « Bin… » elle ne me laisse pas finir préférant jouer les devins pour essayer de cibler quel genre de mec peut me plaire.
J’écoute sa description, une moue perplexe sur le visage et lève les yeux faussement excédée quand elle évoque à nouveau mon père. Certes elle n’a pas tort, mais elle pense sans doute que c’est lui qui m’impose cela, or c’est moi qui est besoin de son avis parce que nous sommes proches et qu’il sait ce qui est bon pour moi. Enfin le problème d’un mec qui ne lui plairait pas n’a jamais été d’actualité puisque je n’en ai présenté qu’un seul officiellement pour le quitter peu de temps après. Dès qu’il a voulu qu’on couche ensemble en fait… Malgré moi je pique un fard lorsque la brune commence à chercher dans son téléphone un mec qui pourrait me correspondre « Oh non tu vas pas t’y mettre toi aussi. » je me pare d’une mine boudeuse qui n’a pas l’air franchement efficace, je me penche alors dans sa direction pour tenter d’attraper son portable bien sûr elle m’en empêche « Mais arrêtes ! Je… j’veux pas de mec de toute façon ! » protesté-je avec un peu trop de sincérité. Je me reprends « Pas en ce moment quoi… » je soupire « J’ai pleins d’autres choses à penser. J’ai pas le temps pour ça. » un argument qui apparemment ne convint personne vu le nombre de fois où on me dit qu’à mon âge on a toujours le temps pour ce genre de chose et qu’il faut en profiter. Tu parles ! C’est à ce moment que Jess nous rejoint, l’air désolée « Je dois y aller, Stan a cassé sa voiture. Mais ça va il n’a rien c’est un truc stupide et bien sûr il faut que j’aille le chercher. » elle fait une moue « Du coup je pourrai pas te ramener. » je secoue la tête et lui souris « T’en fais pas je me débrouillerai, y’a des bus. Et puis sinon j’appellerai chez moi. » elle s’excuse une nouvelle fois, salue la recrue puis quitte le bar. « Bon bah voilà comment une aprem entre amies tombe à la flotte. » dis-je avant de boire une nouvelle gorgée de bière.

J’embête clairement Birdy, j’adore ça, je trouve que c’est trop mignon de la voir froncer son petit nez quand elle est contrariée ou ce genre de truc. Ça reste bon enfant, je ne veux pas qu’elle se sente oppressée par ma présence ou ma manière de jouer. Le but c’est surtout de continuer à entretenir la complicité qui semble opérer entre nous. Je fais mine de chercher dans mes contacts si un mec pourrait lui convenir. « Oh non tu vas pas t’y mettre toi aussi. » J’arque un sourcil. « Moi aussi ? Parce que tes copines essaient de te fourrer avec le premier mec qui passe ou quoi ? » Je la regarde faire sa bouille de bébé boudeur et même si elle est carrément à croquer, je joue les indignées, levant les yeux au ciel. « Oh ça va ! Me la joue pas grumpy ! Ça te va même pas bien ! » Elle se penche pour essayer d’attraper mon portable mais bien sûr je l’en empêche, elle imaginait quoi ? « Mais arrêtes ! Je… j’veux pas de mec de toute façon ! » Je m’immobilise sans la lâcher des yeux et arque un sourcil. « Ah oui ? » « Pas en ce moment quoi… J’ai pleins d’autres choses à penser. J’ai pas le temps pour ça. » Je penche la tête sur le côté cette fois en plissant les yeux. « Pas le temps hum ? Mais on a toujours le temps pour l’amour pourtant ! » Je sens qu’il y a quelque chose derrière et je me demande ce qu’elle peut bien cacher. « Déception amoureuse ? » Si c’est ça, ça nous ferait un joli point commun. enfin joli tout est relatif parce qu’une déception amoureuse, c’est jamais très glamour. Mais avant que Birdy n’ait pu répondre à ma question, sa copine débarque pour nous dire qu’elle va rejoindre son mec. Je hoche la tête et lui adresse un sourire courtois, gardant en tête qu’elle ne peut pas ramener Birdy chez elle. « T’en fais pas je me débrouillerai, y’a des bus. Et puis sinon j’appellerai chez moi. » Oui bien sûr, papa viendra la chercher ! Je salue la fameuse amie lorsqu’elle m’adresse un geste de la main et la laisse repartir. « Bon bah voilà comment une aprem entre amies tombe à la flotte. » Je hausse les épaules avant de déclarer. « Eh ouais, mais je suis là moi ! » Nouveau sourire avant qu’une idée ne germe dans ma tête. « Bon alors, raconte ! Pourquoi tu veux pas de mec, t’es bizarre toi ! T’es la première fille que je rencontre qui n’ait pas envie de trouver le prince charmant ! » je penche alors la tête sur le côté, sourire mutin. « Et les filles, t’as déjà essayé ? » J’ai du mal à l’imaginer avec une fille, bien qu’elle passerait pas si mal pour une nouvelle recrue de la communauté gay. Je ne fais que m’intéresser à elle, j’ai pas dit que je voulais l’initier à mes pratiques, juste j’aimerai l’aider à trouver quelqu’un qui puisse lui correspondre. Sa manière de s’avérer fermée au sujet me met la puce à l’oreille, il y a quelque chose qui coince dans l’histoire. Mais quoi ? Je dois savoir, ça va devenir ma nouvelle mission.

Je me vends toute seule en protestant pour que la brune arrête d’essayer de me trouver un mec qui pourrait me plaire. Mine contrariée à l’appuie je confirme son hypothèse « Ouais… à croire qu’elles ont rien de mieux à faire. » j’affiche un air boudeur et elle souligne que ça ne me va pas du tout, ce à quoi je réponds avec une grande maturité par un bout de langue furtivement tiré. Je tente de la priver de son téléphone, mais elle n’a aucun mal à m’esquiver. Me taquiner a tout l’air d’être en train de devenir une activité qu’elle apprécie particulièrement. Prise dans le flot de mes protestations j’en dis plus que ce que je ne devrais lui tendant une perche évidente. Je vais devoir m’exercer si je veux rivaliser un peu plus équitablement avec la jeune femme. Mais j’aime bien le challenge. Enfin pour le moment je subis plus que je n’arrive à me dégager de ce sujet délicat. La brune me fait elle aussi cette remarque sur le manque de temps, je lève les yeux « La preuve que non. » répliqué-je. Je hausse les épaules à sa question suivante, je ne peux pas y répondre, je n’ai pas envie de mentir et à la fois je ne veux pas qu’elle m’interroge d’avantage si j’exclue cette éventualité là. Heureusement Jess réapparait et ça me donne un peu de répit, cependant elle annonce devoir nous fausser compagnie ce qui annule nos plans pour le reste de l’après-midi. Certes je ne suis pas toute seule, la recrue est encore là mais sans doute a t’elle ses propres projets de son côté. Mon amie s’en va, je souris à la brune « Ouais, tu me sauves de la solitude devant ma bière. Ç’aurait été moche. » le cas échéant je me serai dépêchée de la finir et serai rentrée rapidement.
J’ai espéré un bref instant que la recrue lâche l’affaire quant à ma vie sentimentale, mais faut croire que le sujet la passionne, elle y revient plus déterminée que jamais. Curieuse elle m’interroge sur les raisons de mon célibat mais surtout de mon absence d’envie de rencontrer le prince charmant. « Une preuve supplémentaire que je suis unique en mon genre. » dis-je avec un petit air fier. Au moins je me démarque de ces filles qui sont à tout prix à la recherche du grand amour, moi ça me fait juste flipper. Enfin… en partie. « De toute façon le prince charmant c’est que chez Disney, non ? » je joue les nanas détaché mais il m’arrive aussi de rêvasser à une belle rencontre, différente des autres avec un mec avec qui tout serait soudainement plus simple. Le genre de type beau, intelligent, compréhensif et qui n’aura pas envie d’aller voir ailleurs parce que je mets un peu de temps à lui donner ce qu’il veut. Je me mets à rire quand elle me demande si j’ai essayé les filles et secoue la tête « Non, bien sûr que non ! » comme si ça tombait sous le sens. « Alors essaye pas de me refiler une des nanas de ton répertoire. » ajouté-je avec malice. Nouvelle gorgée de bière, puis j’enchaine « Et toi alors, t’es si invivable ? » j’arque un sourcil « Il est vrai ce mensonge ? ». J’essaye de tirer mon épingle du jeu, prendre un peu la main pour une fois, mais je sais déjà que ça ne va pas durer. J’observe mon interlocutrice avec un léger sourire « J’ai dû mal à y croire… » et si elle me demande pourquoi je vais être incapable de lui répondre, mais je le sens, ce n’est pas ça qui cloche. Peut-être sa désinvolture ? Mais là encore je crois que ça cache autre chose, plus profond, plus complexe.

Birdy reste figée dans son mutisme à propos de ce fameux célibat. Je n’ai pas l’impression que ce statut lui plaise tant que ça, et en même temps elle a l’air bien décidée à me cacher la raison pour laquelle elle est réellement célibataire. Tant pis, je finirai bien par le savoir. Une fois que son amie est partie, je rassure Birdy en lui faisant comprendre que je ne compte pas la laisser seule, du moins, tant qu’elle a envie que je reste. Il n’est pas exclu qu’elle finisse par en avoir marre de moi et qu’elle me demande de dégager pour rentrer seule en bus chez elle. En attendant, je profite de sa présence qui m’est fortement agréable, plus encore que je ne veux bien me l’avouer. « Une preuve supplémentaire que je suis unique en mon genre. » Je lève les yeux au ciel en riant un peu. « Alors ça c’est peu d'le dire ! » Je secoue la tête, plus amusée qu’autre chose. « De toute façon le prince charmant c’est que chez Disney, non ? » Je fais une petite moue et hoche finalement la tête. « J’en ai bien peur. Pourquoi tu crois que je suis partie chercher du côté des princesses ! » Je lui souris, taquine et malicieuse. Lorsque je lui demande si elle a essayé les filles, sa réponse est sans appel. « Non, bien sûr que non ! » J’ouvre un peu plus grand les yeux. « Ouais nan, je crois pas que papa serait bien content que tu te ramènes avec une fille à la maison, tu m’étonnes ! » Je soupire un peu, légèrement blessée face à sa réaction pour le moins vive concernant l’homosexualité. Mais je n’en rajoute pas, au contraire c’est elle qui reprend la parole. « Alors essaye pas de me refiler une des nanas de ton répertoire. » Je souris cette fois et hoche la tête. « J’ai compris. » Je ne vais pas insister, visiblement c’est un sujet suffisamment épineux. « Et toi alors, t’es si invivable ? » Je croise mes bras sur ma poitrine et me laisse tomber contre le dossier de la chaise, ne la lâchant pas des yeux et attendant de voir comment elle se débrouille pour tenter de me tirer les vers du nez. « Il est vrai ce mensonge ? » Je hausse les épaules en souriant. « Y’a de ça ouais. » « J’ai dû mal à y croire… » Je penche un peu la tête sur le côté, plus amusée qu’autre chose. « Pourquoi, parce que toi tu arrives à peu près à me supporter ? Nan, ça c’est juste que t’as du talent. » Légèrement plus charmeuse que tout à l’heure dans ma manière de m’adresser à elle, je joue à la titiller du regard, sourire en coin. « Tu crois que c’est quoi mon problème ? J’aimerai bien voir la manière dont tu me vois, par curiosité. » Ce n’est pas compliqué à deviner pourtant. J’imagine que beaucoup de personnes sont dans le même cas que moi, déception amoureuse, et du coup peur de l’attachement. J’ai jamais été super douée pour m’attacher, parce que j’avais pas trouvé la bonne personne pour le faire, j’imagine. Et les deux seules fois où j’ai essayé, ça s’est soldé par un échec. Je sais pas comment je dois le prendre exactement. Faut dire que l’introspection c’est pas vraiment mon truc.

Je gagne au moins ça, la recrue confirme que je suis unique en mon genre. Ça nourrit un peu ma fierté qu’elle le reconnaisse, même si je n’ai pas particulièrement besoin de ça. Je suis plutôt bien dans mes baskets si on exclu le tabou de mes relations amoureuses, ou plutôt intimes mais y’a bien un moment où ça se rejoint. Je finis par conclure que de toute façon le prince charmant n’existe pas et là encore nous tombons d’accord, la brune ayant fait le choix de chercher une princesse. Suivant sa logique elle me demande alors si j’ai moi-même déjà essayé les filles, et je nie aussitôt cette hypothèse. Malgré la légèreté dont je fais preuve je crois que j’ai répondu avec une telle conviction qui peut laisser penser que j’ai une mauvaise image de l’homosexualité, or ce n’est pas le cas. Ma sœur jumelle ne s’est jamais cachée être autant attirée par les hommes que les femmes et j’ai toujours respecté cela. La brune évoque alors mon père et je fais une légère moue, elle a bien deviné que le problème vient plutôt de là que de moi « Je sais pas, non… sans doute pas. ». Je poursuis avec humour qu’il n’est pas utile qu’elle essaye de me caser avec une des filles de son répertoire, elle acquiesce mais je sens comme un petit froid. C’est le signe qu’un changement de sujet est de circonstance. Parlons d’elle plutôt que de moi, je suis curieuse d’en savoir plus sur son côté invivable qu’elle m’a vendue plus tôt. Je crois surtout qu’elle a dit ça pour se débarrasser de la question, une réponse facile et directe. Je ne masque pas que j’ai des doutes, je hausse les épaules et souris à sa remarque, si je la supporte c’est simplement dû à mon talent « Peut-être… ». Je m’attends à ce que comme d’habitude elle change de nouveau de sujet, mais pas cette fois. Non au contraire de cela elle m’invite à donner mon ressenti vis à vis de ce que je perçois d’elle. J’aime ce genre de défi et clairement son regard en possède la lueur.
Déplaçant légèrement ma chaise je m’installe mieux afin d’être vraiment face à elle me penchant un peu en avant. Je la fixe de mon regard azur, prenant une mine sérieuse de grande observatrice. J’en rajoute un peu, la sondant du regard avec exagération « Je vois... » ses yeux dont je n’avais pas perçu les nuances jusque là, mais ce n’est pas le sujet. Je fais une petite moue alors que je réfléchis à ce qu’elle a pu dire, et après avoir passé quelques secondes de réflexion je me redresse. Sa désinvolture ça cache forcément quelque chose et en général ce que l’on cherche à dissimuler se sont nos failles. Elle n’est pas si insensible et détachée qu’elle veut le laisser croire. Comment je le sais ? Elle a su percevoir les émotions dans mes dessins. « Une belle carapace, bien solide. Mais les murs on les construit toujours autour de quelque chose qui a besoin d’être protégé. » je ne joue pas, je suis sérieuse en disant cela « Mais des raisons d’être blessée y’en a beaucoup. » je hausse les épaules « Maintenant tu traces ta route, tu t’en fous tu fonces. » je penche légèrement la tête sur le côté et souris « Ça fera soixante dix dollars. ». La psychologie de comptoir c’est censée être gratuit, je sais… et puis je crois que cette jeune femme est bien plus complexe que ça. Et c’est d’autant plus difficile d’y voir clair qu’elle s’est blindée derrière sa carapace.

Le sujet de l’homosexualité semble être légèrement épineux, entre elle qui grandit avec comme autorité un père militaire et donc forcément fermé sur certains sujets, et moi qui défends corps et âme la cause LGBT coûte que coûte. En même temps, je ne suis pas seulement gay, j’ai été élevée avec deux pères. Donc forcément, quand quelqu’un pense ou dit du mal de ma communauté j’ai tendance à un peu mal le prendre. Mais je me conforte en me disant que c’est pas vraiment de sa faute, l’éducation, sûrement. L’important c’est qu’elle ne me jette pas pour autant maintenant qu’elle sait que je suis gay. De ce qui est de son attirance à elle, elle peut bien refouler cette opportunité, ça m’est égal au final. Birdy en profite pour reprendre la main sur notre échange et cette fois je la laisse faire, je lui laisse même l’opportunité de me sonder. Et à vrai dire, moi qui suis d’habitude plutôt passive lorsqu’on essaie de lire en moi, aujourd’hui, ce serait mentir que de dire qu’elle ne me déstabilise pas. J’essaie pourtant de ne rien montrer. Pas un sourire, mon regard figé dans le sien avant qu’elle ne finisse par reprendre la parole. « Je vois... » Son regard insistant me fait presque hérisser les poils sur les bras, ses yeux bleu gris me font frissonner tant ils sont puissants en cet instant, et je me barricade un peu plus, comme si elle avait le pouvoir de lire mon âme juste par la force de son regard à travers le mien. « Une belle carapace, bien solide. Mais les murs on les construit toujours autour de quelque chose qui a besoin d’être protégé. » Bien vu l’aveugle. Sauf que sa remarque est tellement générale qu’elle pourrait convenir à n’importe qui dans la pièce autour de nous. Je la laisse tout de même poursuivre, elle semble être fière d’elle et bien lancée. « Mais des raisons d’être blessée y’en a beaucoup.Maintenant tu traces ta route, tu t’en fous tu fonces. » J’esquisse un sourire en réponse au sien, avant qu’elle ne déclare. « Ça fera soixante dix dollars. » ce qui me fait finalement lâcher un rire naturel. « Joli petit numéro de voyance, Birdy. Mais malheureusement, ça fonctionne pas. Pas avec moi. Au moins 90% des gens de ce bar correspondent en tout point à ton analyse. Au moins. Alors on peut pas dire que tu sois la psychologue visionnaire du 21ème siècle. Mais bien essayé ! » Je récupère ma bière dans laquelle je bois deux bonnes gorgées. « Parce que Melle je-veux-pas-de-prince-charmant n’a pas de carapace peut-être ? » Je penche la tête sur le côté et à voir sa tête, je comprends bien qu’on est dans le même panier, même si les raisons sont sans doute différentes. « Voilà. Ça fera soixante-dix dollars ! » Je ris pour me foutre un peu d’elle, gentiment. « Tu m’as pas répondu tout à l’heure, c’est une déception qui t’a donné l’envie de solitude amoureuse ou une autre raison ? » Je peux toujours essayer une nouvelle fois, pas sûr qu’elle réponde, après tout, c’est donnant donnant, je suis restée plutôt vague, elle pourrait l’être autant. Mais si elle répond, peut-être que je pourrai m’ouvrir légèrement plus. Comme je dis, c’est donnant donnant.

Zéro pointé pour me numéro de psychologue de comptoir. La brune me rembarre gentiment en mettant en avant que je n’ai fait qu’enfoncer des portes ouvertes en restant sur des évidences, des trucs valables pas uniquement pour elle. Je hausse les épaules avec nonchalance, peut-être un peu par imitation de sa propre attitude. Je fais une grimace quand elle remet sur le tapis que je ne cherche pas le prince charmant « Gna gna gna. » oui j’ai des réparties très matures ce n’est pas une nouveauté. De toute façon elle ne me prend pas du tout au sérieux sur ce coup là, mais je sais ce que je vois quand je la regarde et je suis sûre que j’ai raison. Sauf que je ne suis pas psy et elle plutôt fermée alors je ne m’aventurerai pas sur ce terrain glissant, je n’ai pas la prétention de faire croire que je lis en elle. Pourtant j’ai vu quelque chose dans son regard, d’un peu troublant mais ça je le garde pour moi parce que je suis incapable de définir ce que c’était. La recrue me prend à mon propre jeu en me réclamant soixante dix dollars à son tour, elle se paye clairement ma tête « T’as pas trop forcé. » dis-je en levant les yeux. Et une fois encore mon silence et mes petits mystères me rattrapent, je prends note que passer quelque chose sous silence n’est pas une tactique efficace pour se défaire de la curiosité de la brune. Je finis ma bière d’une traite, peut-être pour me donner du courage ? « En quelque sorte ouais… » dis-je avec une petite moue contrariée. J’ai été déçue par la réaction de ce mec qui disait m’aimer mais qui n’a pas eu assez de patience pour attendre que je veuille aller plus loin avec lui, me quitter pour aller voir ailleurs a été bien plus facile. Les autres après lui ? J’ai pris les devants en les quittant la première, ce n’est pas pour ça que c’est toujours évident. « Alors je préfère éviter les prises de tête. » et le vrai problème ne se résoudra sans doute pas comme si facilement, parce que c’est sans doute une question de personne, peut-être qu’il faut que je tombe sur une sorte de prince charmant pour que finalement je passe outre ce blocage. « C’est pas toujours simple d’être… comprise. » je soupire devant ma bière vide et prend le verre de jus de fruit qui avait été servi pour Jess à l’origine « Tu en veux ? » demandé-je à la recrue, c’est la moindre des choses que de lui proposer, c’est elle qui l’a commandé.
Et parce que j’ai aussi un petit côté têtue, pose ma tête sur ma main en fixant mon interlocutrice « Toi aussi t’as été déçue ? » maintenant que j’y pense ça a l’air de lui tenir à cœur de savoir si j’ai déjà vécu une déception amoureuse, peut-être pour nous trouver un point commun ? « T’as insisté sur le sujet alors… » j’esquisse un sourire en coin « Tu vas encore me dire que c’est comme 90% des gens qui sont dans cette pièce ? ». Pensive durant un bref instant j’ajoute ensuite « Quoi que t’as pas l’air de vouloir être vraiment seule, à en croire la façon dont tu draguais Jess quand je suis arrivée. » je ne suis pas complètement stupide, ce qu’elle cherchait ce n’était pas sa compagnie de manière durable mais je suis curieuse d’entendre sa réponse.