And everything has changed (nolay)

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And everything has changed

juin 2022

Assise en tailleur sur le lit, je termine de remettre dans l'ordre toutes les feuilles que je viens de faire tomber. Soit plus de deux cents pages à trier. Il y a deux petites heures à peine, j'ai terminé de corriger le manuscrit sur lequel je travaille depuis maintenant un an. Si j'ai prit beaucoup de plaisir à l'écriture, on ne peut pas dire qu'il était là pour la correction. J'ai eu des moments de doutes où je ne souhaitais plus qu'une chose, tout laisser tomber. Parfois, je me disais que cette histoire n'avait vraiment aucun potentiel. D'autre fois si. Et presque tout le temps, elle me sortait par les yeux. Je connaissais mon récit par cœur, sur le bout des doigts et je n'arrivais plus à savoir si c'était bon ou mauvais. Tout ce que je lisais était fade, sans émotions. J'ai failli laisser tomber et le mettre au placard une bonne centaine de fois, mais j'ai persévéré et aujourd'hui, j'estime qu'il est enfin prêt pour être envoyé en édition. J'ai lancé l'impression, excitée comme une folle, mais au moment de tout récupérer, le paquet m'a échappé des mains. Il y en avait de partout, une vraie catastrophe. J'ai vraiment cru que j'allais fondre en larmes. Mais ça, c'est plutôt à cause des hormones. Enfin, je crois. Je suis enceinte de trois mois et je peux passer des rires aux larmes, de la colère à la joie en moins de trente secondes. C'est autant invivable pour moi que pour mon conjoint. Mais bon, ça fait partie de la maternité et nous sommes tellement heureux d'être de futurs parents que pour nous, mes sautes d'humeur ne sont qu'un léger détail. Et puis, ça finira bien par passer alors je ne me fais pas trop de soucis.

C'est la quatrième enveloppe que je ferme depuis ce matin. J'ai utilisé toutes les feuilles et toute l'encre de l'imprimante. Je savais que j'aurais plutôt dû sortir en ville pour les faire imprimer à l'extérieur. Je pense que ça me serait revenue moins cher. Mais j'étais trop dans l'euphorie de la chose et je n'y ai pensé qu'après. Je pose le petit tas de courrier sur la table de la salle à manger. J'irais les poster demain et ensuite, il n'y aura plus qu'à attendre.
J'entends le bruit des clefs qui s’insèrent dans la serrure et je me précipite dans l'entrée. Ivre de joie et impatiente d'annoncer à mon chéri que ça y est, j'ai fini, je lui saute dans les bras. Je suis accrochée à lui tel un koala et je l'embrasse avec passion. « J'ai une excellente nouvelle à t'annoncer ! »

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A bullet from the dark
Quand tu t'es levé ce matin, tu étais bien, tu étais même heureux. Tu as eu énormément de mal à sortir de ton lit, parce que tu avais ta copine dans les bras, et que bordel tu étais bien. Tu t'es réveillé d'une lenteur extrême, trop occupé à toucher son ventre qui commence à devenir gros, parce que votre premier enfant est à l'intérieur, et que le fait d'être père te comble de bonheur. Quand tu t'es levé, tu étais forcément en retard alors tu as couru dans la salle de bains pour te doucher à une vitesse folle, et puis après un dernier baiser, tu t'es dépêché de prendre ta voiture pour rejoindre ton boulot. C'est pas un grand quelque chose, mais ça paye bien, puis tu es simplement caissier, c'est presque rien. Le problème, c'est que quand tu es arrivé, le patron a directement voulu te voir, et tu savais que c'était mauvais. Tu as déposé tes affaires sur le côté et tu as pénétré dans son bureau, son regard dur voulait tout dire, mais tu ne voulais simplement pas y croire. Alors tu t'es assis sur cette chaise bancale, et tu as écouté. « Écoute Nolan, on a eu un gros souci budgétaire et malheureusement, les plus mauvais du mois n'ont plus leur place ici. » Tu as les yeux qui sortent de tes globes oculaires, c'est une blague ? « Alors, tu es viré, c'est décisif, j'suis désolé. » Il te fait un signe de la main, du genre bon vent et toi, tu te retrouves comme un con.

Tu n'as pas été capable de prévenir May-Line, bordel ça fait deux ans que tu travailles pour ce super-marché, et juste parce que tu te foires une fois, tu es mis de côté. Tu as tellement pas digéré cette histoire que tu es parti dans le premier bar ouvert à cette heure matinal, et tu as bu bien trop, tu le sais, parce qu'à un moment, t'es sur le point de t'effondrer sur le sol tellement tu marches comme une sombre merde. Quand tu es sorti dehors, tu as marché un moment avant de prendre ta voiture, et tu as réussi à rentrer chez toi sans provoquer un accident. Tu ouvres la porte avec difficulté, parce que tu n'arrives pas à faire rentrer cette foutue clef dans la serrure. Tu dis beaucoup d'insultes, jusqu'au moment où, par miracle, elle rentre. Mais tu as May-Line qui se jette sur toi, et juste, c'est pas le moment. Mais tu sais que c'est l'alcool qui parle, d'ailleurs, c'est pour ça que tu bois jamais, tu as l'alcool méchant. « J'men fous, c'est pas le moment. » Tu t'éloignes d'elle, tu loupes le sol mais tu te rattrapes grâce au canapé. Tu te diriges directement vers l'imprimante, alors que tu te dépêches d'imprimer ton CV à la con pour espérer retrouver du boulot rapidement. Le problème, c'est que putain, il n'y a plus d'encre. « Tu te fous d'moi ? T'es pas capable d'imprimer ton livre de merde autre part que dans ce foutu appartement ? » Tu vois rouge, tu t'approches d'elle pour passer la porte, mais elle est toujours là, et tu te rends pas compte de ton geste.

Alors, tu l'attrapes par l'épaule et tu pousses son corps de femme enceinte fort, trop fort.

Parce qu'elle s'effondre sur le sol, et que d'un seul coup, c'est comme si tu reprenais conscience. « Je... » Trop choqué par ton geste, tu fais rien, tu bouges plus, tu parles plus, tu respires plus.

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And everything has changed

Nolay 2022

Je ne m'attendais pas à ça. Pas du tout même. Je me détache et je le regarde tituber jusqu'au salon. Il trébuche et se rattrape de justesse au canapé. J'espérais vraiment mal sentir, j'espérais vraiment me faire des idées quant à son haleine puant l'alcool, mais non. Je ne rêvais pas. Cette odeur qui le suit me donne la nausée et je pose ma main devant ma bouche. « Tu… tu as bu… ? » Mais je parle bien trop bas et lui, il est bien trop occupé à s'acharner sur l'imprimante dont j'ai utilisé toute l'encre. Alors forcément, ça le rend dingue et il passe ses nerfs sur moi. Et je me répète en boucle ses paroles. Il pense vraiment ça de mon roman ? Que c'est de la merde ? Est-ce que l'alcool lui fait simplement dire toute la vérité ? Je ne sais plus quoi penser je n'ai pas l'habitude de le voir dans cet état, c'est d'ailleurs la première fois depuis qu'on est ensemble et ça me blesse vraiment. Je ne comprends rien de ce qui se passe, j'aimerais qu'il me parle au lieu de l'entendre me crier dessus. Et putain, je pensais qu'on en avait racheté, qu'on avait plusieurs recharges de secours alors forcément, je n'ai pas fait attention à tout ce que j'utilisais. Puis comment aurais-je pu savoir qu'il en aurait besoin tout de suite et en plus il y a une supérette à deux pas de chez nous ! Alors maladroitement, je tente de m'excuser, mais il est dans une telle colère qu'il ne m'entend pas. Et moi je commence vraiment à avoir peur. Parce que mes yeux croisent les siens. Ils sont noirs de haine. Je ravale mes larmes et j'essaie de faire face. On va trouver une solution, ensemble, j'en suis sûre.

Finalement, il l'aura trouvé tout seul. Il aura prit la plus facile, forcément. Je suis restée plantée devant lui, parce que je voulais lui parler, je voulais le rassurer et surtout je voulais comprendre. Seulement, embrumé par l'alcool, il n'avait plus aucun contrôle. Je n'ai pas vu les choses venir. Jamais j'aurais pu imaginer qu'il agisse ainsi et pourtant. Il m'a prit par les épaules et m'a poussé violemment. J'ai perdu l'équilibre et je suis tombée à la renverse. J'ai sentie mon corps heurté le sol. Et quand ce fut au tour de ma tête, pendant quelques secondes, tout est devenu noir.

Il m'a fallut plusieurs secondes avant de rouvrir les yeux et de comprendre ce qu'il venait de se passer. Je me suis lentement redressée, mais la pièce s'est mise à tourner. Une fois ce vertige passé, j'ai relevé la tête pour poser mon regard sur Nolan et mes yeux se sont noyés de larmes. Il était allé trop loin. Difficilement, je me suis redressée, une main sur mon ventre et je suis passée à côté de lui à une vitesse folle avant de m'enfermer dans notre chambre. J'ai prit mon sac à main, un manteau, mon portable et je suis ressortie. Je n'avais plus envie de le voir ni de lui parler et encore moins de l'écouter. J'ai retraversé le salon, j'ai attrapé mes enveloppes au passage et j'ai regagné le hall d'entrée. Avant de quitter l'appartement, je me suis tournée vers lui. « Je vais poster mon roman de merde comme tu dis. Mais je te préviens Nolan, tu as intérêts à avoir retrouvé tes esprits quand je serais rentrée parce que sinon… » Je n'ai pas pu terminer ma phrase. Arriverais-je vraiment à quitter l'homme que j'aimais ? Je n'en savais rien. Pour le moment, j'avais simplement besoin de prendre l'air. Alors je suis partie en claquant la porte.

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A bullet from the dark
Lors de ton adolescence, tu n'étais pas le meilleur des garçons pendant les soirées. Parce que les bagarres, les disputent, c'était toi qui les as toutes provoqués. Tu as arrêté de boire quand une fois, c'est vraiment allé trop loin. Alors aujourd'hui, tu as craqué, après de nombreuses années sans boire une seule goûte d'alcool. Aujourd'hui, tu viens de dépasser les bornes en poussant ta petite-amie qui, bordel, est enceinte de votre premier enfant. Forcément que tu culpabilises sur le coup, parce que d'un seul coup, tu décuves complètement. Tu trembles, tu ne réalises absolument pas ton geste, les remords prennent une place bien trop importante dans ton coeur. Tu t'es mis dans un état pas possible parce que tu viens de perdre ton boulot sans de véritable explication. Tu n'as pas besoin qu'elle termine sa phrase, tu comprends les choses bien trop rapidement. Parce que sinon je pars. Parce que sinon, c'est fini entre nous. Parce que sinon, cet enfant ne connaîtra jamais son père. Tu es certain qu'elle peut te sortir une phrase comme ça. Alors tu te décales, sans rien dire. Tu ne pensais pas le moindre mot que tu viens de lui dire, tu es fier d'elle, de son livre, tu as eu le privilège de le lire en avant-première pour lui donner ton avis en prenant un point de vue extérieur. Non, c'est pas de la merde, ce soir c'est juste toi la merde.

Elle part, ton rythme cardiaque ne cesse d'augmenter et pour toi, elle est déjà partie, elle n'a pas supporté cet acte violent alors elle a juste décidé d'en finir avec votre relation. Ce matin, tout allait bien, ce soir, tu viens de tout détruire. La honte se lit sur ton visage alors que tu cherches dans les placards une bouteille d'alcool. Mais il n'y a rien, parce que bordel, vous en achetez qu'à des simples occasions. Tu trembles de plus en plus, et quand la porte s'ouvre, tu ne sais pas trop comment réagir. Des excuses, et pourtant quand tu t'approches d'elle, la peur qu'elle parte vraiment reprend le dessus et tu ne sais plus vraiment quoi dire, tu avais préparé des mots dans ta tête, mais t'es qu'un caissier, c'est May-Line qui dit des belles phrases, des mots qui concordent bien, parce qu'elle écrit et parle la langue à la perfection. Toi, t'es juste le débile de service, t'es juste un gars qui scanne des couches, des boites de conserve, t'es pas grand chose. « Bordel May-Line... » Tu souffles alors qu'elle te regarde avec un air tellement, tellement méchant. Mais même avec cette impression de décuver en cinq secondes, l'alcool est toujours dans ton sang, tu parles bizarrement, tu as l'air d'un tocard. « J'voulais pas. » Tu dis difficilement, tu empestes l'alcool, c'est pas toi. « J'vais te laisser tranquille. » Tu fais marche arrière, pour récupérer ton téléphone et ton porte feuille, mais cette fois-ci tu ne manques pas le canapé et tu t'éclates la gueule par terre. Tu t'éclates, comme le cours de ta vie qui est en train de s'effondrer.

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And everything has changed

Nolay 2022

Je n'arrivais pas à croire qu'il soit revenu bourré et qu'en plus de ça il ait osé me… Non, je ne peux vraiment pas. Je dévale les escaliers en courant et quand je passe la porte de l'immeuble, je me sens étrangement bizarre. Je ne sais pas si je me sens triste, libre, apeurée ou en colère. Je n'arrive pas à mettre un doigt sur ce ressenti étrange. Je lève la tête vers le troisième étage et regarde notre fenêtre. Ce côté-là donne sur la chambre du bébé. Je baisse les yeux en soupirant et pose une main sur mon ventre. Je tourne les talons, bien décidée à mettre de l'espace entre cet appartement et moi. J'avance sans vraiment savoir où aller. J'ai juste besoin de marcher de faire le vide dans mon esprit. Je ne sais plus quoi penser, je ne sais pas à quoi m'attendre quand je repasserais le seuil de la maison. Est-ce qu'il pourrait être encore violent ? Cette idée me traverse l'esprit, mais je la laisse filer. Non. Non, ce n'est pas possible parce que ça ne lui ressemble pas. Mais bon sang ! Pourquoi il a fait ça ? Les larmes coulent le long de mes joues, mais je les sèche bien vite. Je ne dois pas me laisser abattre et autant de stress, ce n'est pas bon pour notre enfant. Je suis peut-être folle, oui folle amoureuse de lui, mais je décide de rattraper mon erreur. Peut-être que si je n'avais pas utilisé toute l'encre de l'imprimante, je n'aurais pas subit sa colère… Alors je fais demi-tour et je pars en direction de la supérette qui se trouve à deux pas de chez nous. Ce ne sera pas forcément la meilleure encre, mais au moins, il aura de quoi imprimer je ne sais trop quoi et je pourrais peut-être me faire pardonner. Même si dans le cas présent, lui aussi, il a tout intérêt à se faire pardonner. J'achète donc de l'encre noir et de la couleur, parce que je n'ai aucune idée de ce qui reste réellement et encore moins de quoi il a besoin. Une fois mon achat effectué, je décide de remonter jusqu'à chez nous.

Mon bras reste en suspens pendant quelque secondes avant que je me décide enfin à insérer cette clef dans cette fichue serrure. Silencieusement, je prie pour qu'il n'ait pas trouvé une bouteille d'alcool non fini quelque part, pour qu'il ce soit calmé et surtout pour pas que je le retrouve ivre mort sur le sol. Oui, le pire m'a traversé l'esprit. Je n'ai même pas le temps de passer la porte qu'il est déjà devant-moi. Je peux lire dans ses yeux qu'il regretter, mais aussitôt, toute ma colère remonte et je le regarde méchamment. C'est plus fort que moi. Il n'aurait pas dû faire ça, il n'aurait pas dû me faire ça. Il me dit qu'il ne voulait pas me faire mal et je croise les bras sur ma poitrine. Il aurait peut-être dû penser aux conséquences de l'alcool sur lui et sur ceux qui allaient croiser son chemin avant d'agir comme un imbécile. Mais je ne dis rien, je me contente de soutenir son regard. Je veux des excuses. Des vraies. Et surtout, je veux une explication. Mais rien de tout ça n'arrive. Il se contente de récupérer ses biens et de faire demi-tour en me disant qu'il va me laisser tranquille. J'ai envie d'hurler, mais je le laisse faire. Je le regarde divaguer et ferme les yeux au moment où il s'éclate la face contre le sol. Ma colère s'évapore et je me précipite à ses côtés. « Nolan, est-ce que ça va ?! » Je l'aide à ses relever et je l'oblige à s’asseoir sur le canapé. « T'es vraiment trop con. Ne bouge pas de là. » Je pars dans la cuisine et lui remplit un grand verre d'eau. De toute façon, à part attendre qu'il décuve, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose d'autre. Je reviens avec le verre et lui tend. « Bois. » Je m'assois dans le fauteuil en face de lui et soutient son regard. « J'ai racheté de l'encre… » Ma voix est moins assurée que ce que j'aurais voulu, beaucoup plus faible aussi. Je décide de me reprendre et de poser la question qui me brûle les lèvres. « Est-ce que tu vas me dire enfin ce qui se passe… ? »

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