Shayna Cole (TERMINE)

   

l'histoire de ma vie

Sans contrefaçon, je suis un garçon

   Je m’appelle Shayna, mais tout le monde m’appelle « Shay ». Je suis née à Wellington il y a 33 ans de cela. Petite dernière d’une fratrie de 5 enfants, je suis la seule fille ; vous ne pouvez pas imaginer la joie de mes parents, et surtout de ma mère, lorsqu’ils ont appris qu’ils allaient enfin avoir une petite fille, après avoir eu 4 garçons ! Bien que choyée par les miens, je n’ai jamais été surprotégé ou épargné par les jeux et blagues diverses de mes frères. Ayant grandi dans un univers très masculin pour le coup, je me suis adaptée, et je suis rapidement devenue un petit garçon manqué. Je participais aux bêtises de mes aînés, je râlais pour que mes parents m’inscrivent à des cours de sports de combat l’année de mon septième anniversaire, et je préférais de loin me balader en jeans-baskets plutôt qu’en jupe et petites bottines, au grand dam de ma mère !

Cette dernière est tombée malade l’année de mes 10ans ; le diagnostic était sans appel : cancer généralisé à un stade trop avancé pour tenter des traitements invasifs, qui de toute façon auraient été sans effets. Maman s’est ainsi rapidement retrouvée en maison de repos, où elle ne reçut que ce qu’on appelle des « soins de confort ». Cette foutue maladie l’a emporté en quelques mois seulement, nous laissant seuls, mon père, mes frères et moi.
Mon père, qui était Colonel dans la Navy, prit un poste dans les bureaux de la caserne de Wellington, histoire de pouvoir nous élever dans les meilleures conditions possibles. Mes deux premiers frères avaient fait le choix d’intégrer l’école de police, et, lorsqu’ils furent diplômés, ils donnèrent leurs salaires à la famille. C’était ainsi qu’on fonctionnait, en équipe. On se serrait les coudes, on s’aimait, même si nous n’étions pas le genre de famille qui parlait de sentiments et faisait dans la mièvrerie.

Je devenais une adolescente rebelle, ne traînant qu’avec des garçons ou presque, m’imposant parmi eux, n’hésitant pas pour se faire à jouer des poings lorsque cela était nécessaire (les cicatrices que je porte un peu partout peuvent aisément en témoigner !). Malgré mon côté garçon manqué, je plaisais assez, et ce tout autant aux garçons qu’aux filles. Je prenais conscience que mon attirance allait aussi bien aux uns qu’aux autres, et je ne m’en cachais pas le moins du monde. Au contraire, je revendiquais mon « originalité », m’affichant un coup avec un garçon, puis la semaine suivante avec une fille. J’étais comme j’étais, et les autres n’avaient ainsi pas d’autre choix que m’accepter comme ça !

Jimmy, mon frère de 2ans mon aîné, fit lui le choix de rejoindre la Navy, comme mon père, et, une fois le lycée terminé, je décidais moi aussi de rejoindre l’armée, mais l’armée de terre pour ma part. Le fait était que nous estimions et respections infiniment ce père qui avait tant fait pour nous. Aussi il n’était pas étonnant que nous ayons tous souhaité travailler dans la protection de nos concitoyens et de notre patrie, comme lui l’avait fait avant nous. Je me suis toujours sentie à ma place dans cet univers masculin impitoyable ; il fallait dire qu’avec ma famille j’avais été à bonne école, et il fallait bien reconnaître que je me débrouillais souvent bien mieux que mes camarades. Avec les années je gravis ainsi les échelons, enchaînant les missions à l’étranger, essentiellement en Afghanistan et en Afrique.

Contrairement à moi qui ne vivais pratiquement que pour le boulot, mes frères se sont construits en parallèle de leurs activités professionnelles une vie de famille. Je ne saurais dire pourquoi les choses étaient si différentes pour moi. Le fait était que je n’avais jamais ressenti le besoin ni l’envie de me poser avec quelqu’un. J’avais toujours préféré papillonner, profiter de l’instant, me contentant ainsi de flirter et de m’envoyer en l’air, avec les hommes comme avec les femmes que je rencontrais. La bisexualité ouvrait la voie à un champ de possibilités infinies, et j’en profitais. J’étais ainsi, distante, indépendante, incapable de m’ouvrir à qui que ce soit.

Ma vie était plutôt bien huilée, et puis, il y a trois ans, un nouveau drame frappa notre famille. Mon père mourut d’une crise cardiaque ; nous étions tous les 5 effondrés, perdant notre pilier, notre repère. Ma promotion récente en tant que Capitaine m’ouvrit de nouvelles opportunités, et je décidais ainsi d’arrêter les missions à l’étranger pour rester travailler à la caserne. La perte brutale de mon père m’avait fait réaliser que je ne voulais plus louper autant de choses avec ma famille. Et oui, bien que froide et distante, mes proches passaient tout de même avant tout le reste. Je les aimais, et, à ma façon, je le leur prouvais en décidant de rester auprès d’eux. Je devenais ainsi l’une des instructrices des nouvelles recrues, les formant au combat rapproché. Les petits nouveaux me surnommèrent « le glaçon », la mort de mon père ayant renforcé la carapace de glace que je m’étais toujours forgée.

Cela faisait ainsi près de 3 ans que je formais les nouvelles recrues à présent, et, jusqu’à il y a quelques semaines de cela, je dois dire que je ne me préoccupais pas plus que ça de ces dernières. Jusqu’à l’arrivée d’une petite demoiselle, qui s’est réveillée à 27 ans avec l’envie de rejoindre l’armée. Je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait se découvrir cette vocation aussi tard, et je ne me gênais pas pour la bousculer un peu.
Tawny Graham-Lewis, puisque tel est son nom, est le genre de recrue qui ne se laisse pas démonter, et je dois dire que j’aime bien ça. Mon boulot auprès des bleus en est devenu bien plus intéressant, la jeune femme relevant mes défis, se donnant à 100%, me provocant même parfois. Elle a un petit quelque chose de plus que les autres, ce qui rend le jeu encore plus « sympathique ». Je compte bien découvrir ce qui se cache derrière cette « arrivée tardive ».

Après tout, la vie est un jeu et il semblerait que ce dernier ne fait que commencer….