l'histoire de ma vie
I was living half a life before you met me. I've got nothing to lose
2 juillet 1981. C'est le jour de ta naissance. La date la plus importante quand même. Ta mère était une femme au foyer. Elle venait toutefois d'une bonne famille, elle était un bon parti. Ton père, lui, héritier de la grande fortune des Russel. Un nom qui est loin d'être inconnu, là-bas, en Angleterre. Quand tes parents se sont rencontrés, ça a été le coup de foudre. Lui le grand entrepreneur. Elle la frêle rentière. Une grande soirée à Londres. Un gala de charité. Elle était là. Dans sa mignonne petite robe rouge qui incitait au crime. Leurs regards se sont croisés. Ton père a su que c'était elle. Et personne d'autre. Ils sont partis ensemble de la soirée. Et ils ne se sont pas vraiment quittés. Un rendez-vous en a entraîné un autre. Et puis, elle est tombée enceinte. Quand il l'a appris, il l'a demandé en mariage. Parce que dans la famille Russel, tu mets en cloque une fille, tu l'épouses. Ton grand-père avait fait ça. Ton père l'a fait aussi. Et t'as débarqué donc le 2 juillet 1981. Ton père a plaqué son boulot pour venir assister à ta naissance. Et te prendre dans ses bras juste quelques minutes après ta naissance. Un père dévoué.
XX 1987. Naissance de ta petite soeur. Avoue que quand tu as su que tu allais être grand frère, tu n'as pas forcément apprécié la nouvelle. T'avais peur que cette petite chose puisse prendre ta place dans le coeur de tes parents. T'avais peur. Tu faisais pas mal de caprice. Ta mère a fini par te faire comprendre que c'était une grande responsabilité. Que tu allais devoir protéger ta petite soeur. Et faire en sorte qu'il ne lui arrive rien. Au départ, t'es resté sceptique. Surtout quand t'as vu que ta mère était obligée de rester à la maternité quelques jours après la naissance de ta soeur. Et quand tu les as vues revenir à la maison, et que t'as posé tes prunelles bleues sur ta petite soeur, t'as craqué. T'as compris ce que ta mère t'avait dit. C'était à toi de la protéger. A toi de faire en sorte qu'il ne lui arrive rien. A toi de t'assurer qu'on ne l'embêterait pas. Qu'elle n'aurait pas le coeur brisé.
septembre 1988. Tu rentres à la public school de Westminster, une école privée pour garçons assez bien huppée et très côtée. T'as tout juste sept ans mais t'es pas le seul gamin à avoir sept ans. Non. Vous êtes une petite dizaine. Une classe. A dix. C'est parfait pour étudier. C'est parfait pour se faire entendre. Et c'est parfait pour bien travailler.
XX 1989. Naissance de ton petit frère. Et oui, la famille s'agrandissait encore. Un garçon cette fois-ci. L'idée était loin de te déplaire. Ca te permettrait d'avoir quelqu'un pour jouer. Quoi que ... T'étais plus vieux. Plus vraiment en âge de jouer avec ton frère ou bien ta soeur. Ouais. Mais bon. T'as bien accueilli la nouvelle. Et t'avais vu que tes parents avaient de la place pour ta soeur et toi. Ils auraient de la place pour une troisième personne. T'en étais certain.
mars 1992. Ouverture d'une filiale de Russel Industries en France, à Marseille.
novembre 1995. Ouverture d'une autre filiale de Russel Industries aux USA, à New York.
juin 1997. Ta première fois. C'est cliché mais c'était la baby-sitteuse. Elle avait dix-huit ans. T'en aurais seize dans quelques jours. Tes parents te faisaient confiance pour que tu gardes ton frère et ta soeur. Mais t'étais de sortie, tout aussi. Avec des potes. Pour fêter la fin de l'année scolaire. Donc, ils ont fait appel à Evanah. Un joli brin de fille. Blonde. Aux yeux bleus. Des courbes divines. C'était pas la première fois qu'elle venait. Ton père faisait en sorte de bien la payer pour qu'elle revienne. Et elle aurait été stupide de ne pas le faire. Quand t'es rentré, les petits étaient au lit. Et elle, elle était en train de regarder la télévision. Vous avez papoté un peu. Et puis, vous êtes montés à l'étage. Ta chambre. Pas loin de celle des petits. Mais assez bien insonorisé pour ce que tu comptais faire. Tu l'as embrassé. Et t'as commencé à la peloter. Maladroitement peut-être. C'était pas sa première fois à elle. Elle t'a guidé. Et t'as fini par la cintrer. T'as pas su si elle avait pris son pied autant que toi. Elle est repartie le soir, l'air de rien. Et toi, t'attendais qu'une chose. La revoir. Ton premier amour ? Ton premier crush ? Peut-être bien.
juillet 1997. Tu l'as revue à cette soirée. Elle semblait bien embêtée. Parce qu'en fait, elle n'était pas seule. T'en es tombé des nues quand t'as su qu'elle avait un copain. Quelle garce. T'as rien dit pourtant. T'aurais pu clamer haut et fort que tu te l'étais tapée. Mais non. Rien. T'as refusé de la voir pendant un moment. Elle t'appelait, t'envoyait des sms. Mais tu faisais la sourde oreille. Elle t'avait pris pour un con. Pas besoin d'en rajouter. Comme le dit le vieux proverbe, une de perdue, dix de retrouvées, non ? Tu aurais juste aimé qu'elle soit honnête. Et qu'elle ne te vende pas du rêve ce soir là.
septembre 1998. Tu commences tes études de médecine. Ton père n'a pas trop compris pourquoi. Il te voyait reprendre les rênes de l'entreprise familiale une fois qu'il serait mort. Toi, les affaires, le commerce, ça ne t'intéresse pas. Du tout. Et t'as clairement fait comprendre à ton père que même si tu l'aimais et que tu le respectais, tu ne ferais pas un job que tu n'aimerais pas. Ta mère a arrondi les angles avec ton père. Parce qu'il était fâché. Mais il a fini par comprendre. D'autant plus qu'il voyait très bien que tu t'épanouissais vraiment dans les sciences.
février 2002. Tes études te permettent de croiser la route de G. Une nana avec du tempéramment. Toujours à vouloir être la première de la classe. En éternelle compétition tous les deux. Elle cherche à avoir le dernier mot. Et toi c'est pareil. Cette fille ? Nocive. Une vraie peste. Vous en êtes même venus à vous engueuler dans la bibliothèque à cause d'un fichu bouquin qu'elle voulait et que tu voulais aussi. Ca a été un bras de fer. Qui s'est terminé en baiser. Tu l'as ramené chez elle. Sur le pas de son appartement, elle t'a empoigné par la veste pour te voler un autre baiser. A tâton, elle a ouvert la porte et t'a entraîné à l'intérieur. Vous avez commencé sur le canapé. Avec les fringues qui ont volé un peu partout. Et ça s'est fini dans son lit. Au petit matin, tu t'es demandé si c'était pas un rêve. Et non. Elle était bien là. Elle t'a même pincé pour te prouver que c'était pas un rêve. Vous êtes sortis quelques temps ensemble. Ca n'a pas duré. Mais tu ne regrettes pas.
octobre 2004. Ouverture d'une filiale de Russel Industries en Afrique du Sud, à Johannesbourg.
juin 2006. Tu as un beau papier qui indique que tu es enfin neurologue ! T'as fait quelques gardes, déjà, dans un hôpital huppé de Londres afin de valider justement ton diplôme et tu aimes ça. Ouais. Tu sais que ... Tu as fait le bon choix en faisant tes études de médecine. Ton père est fier de toi. Même si ... Même s'il aurait aimé, à dire vrai, que tu prennes les rênes de l'entreprise familiale. Mais il est derrière toi. Tout comme ta mère. Ton frère. Et ta soeur.
avril 2008. Ouverture d'une filiale de Russel Industries au Japon, à Tokyo.
février 2011. En cinq ans, tu t'es fait une sacrée renommée en Europe. Certains patients viennent de toute l'Europe, voire même d'encore plus loin, pour des opérations risquées. Et dangereuses. La chance te sourit. La chance est avec toi. Tu aimes cette renommée. Et t'en joues un peu. T'assistes à des galas de charité. T'assistes à des conférences. Tu transmets ta passion. Et tu fais le bien autour de toi. Oui. Sauf que ... toute période dorée se termine un jour ou l'autre. Une prise de bec avant une opération d'une grande importance. Et tout un tas de circonstances ... Aussi mauvaises les unes que les autres. Un mauvais concours de circonstances, tout simplement. Et ton patient en est mort. Un gosse d'une dizaine d'années. Son cas était risqué. Y'avait trois hypothèses : l'opération réussissait et il vivait. L'opération foirait et il mourrait. Pas d'intervention et il crevait également. Une chance sur trois de s'en sortir. Les parents t'ont supplié. Ils ont flatté ton égo en te disant que t'étais le meilleur. Tu t'es pas écouté. Tu savais que c'était risqué. Et ça a merdé. T'as pas supporté de perdre ce patient. T'as commencé à boire un peu. Trop.
mars 2011. T'as démissionné. Tu pouvais plus te regarder dans le miroir et ... et continuer comme ça. T'as tout plaqué. T'as plaqué Londres. T'as plaqué ta copine de l'époque. Et t'as commencé à voyager un peu. T'as atterri à Bali dans un premier temps. A profiter de la plage. A profiter des bars. Des boissons. Des courbes divines. Une fille différente toutes les semaines. La copine. Puis la meilleure amie. La femme tout juste mariée. La fiancée. T'as détruit des relations et t'en étais pas fier.
juillet 2012. T'as quitté Bali. Et t'as atterri en Indonésie. T'es retombé dans les mêmes travers qu'à Bali. Alcool et sexe. Plage. Détente. Mais pas que. T'aidais parfois dans le cabinet médical du coin. Le pauvre gars n'en pouvait plus et il voyait les gens défiler. Même si t'étais pas dans tes chaussettes, tu pouvais pas te résigner à ... Et bien, à faire comme si de rien n'était. Tu pouvais pas faire comme si tu t'en foutais. Petit à petit, tu t'es réconcilié avec la médecine.
mars 2013. Exit l'Indonésie, bonjour Singapour ! Tu pensais avoir la paix. Mais ta renommée européenne avait atteint Singapour. Et une pauvre femme en pleurs, dépitée, et dans une tristesse folle est venue te voir pour que tu sauves son époux qui était sur le point de mourir. Tu t'es rendu à l'hôpital. Et t'as regardé ce que tu pouvais faire. T'avais pas touché un vrai bistouri depuis pas mal de temps. Tu te contentais, dernièrement, de prescrire des médicaments. Et d'ausculter les gens. Et puis c'est tout. Elle t'a atteint. Tu ne sais pas trop comment. Mais elle t'a atteint. Et t'as décidé que tu allais l'aider. T'as décidé que tu allais faire quelque chose pour elle. Du moins, tenter. Tu as opéré son mari. Et tu l'as sauvé. Ta peur s'était comme envolée. Comme si ... Comme si c'était toujours en toi. Et que tu n'avais plus peur.
octobre 2014. Ton petit voyage s'est terminé en Nouvelle Zélande. Tu sais pas trop pourquoi d'ailleurs. Peut-être parce que t'avais entendu parler de ce pays. A de nombreuses reprises. Et que tu pensais que ça pourrait être une chouette destination. T'as repris la neuro-chirurgie, petit à petit. Tu t'es fait embauché dans l'hôpital d'Island Bay. De simples consultations au départ. Et puis, t'as fait quelques voyages jusqu'à Wellington. Pour des cas plus compliqués. En fait, il s'avèrent qu'à présent, tu navigues entre les deux villes. Surtout quand les patients peuvent pas vraiment se déplacer. Parce que s'ils se déplacent, c'est la mort assurée. En fait, t'as repris goût à la vie. T'as repris goût à ce que tu aimais faire. Et t'espère ne plus jamais avoir de bas comme tu as pu l'avoir.
janvier 2017. Ouverture d'une filiale de Russel Industries en Nouvelle Zélande, à Wellington. T'as la surprise de voir débarquer ta soeur, quelques jours plus tard, sur le pas de ta porte. Tu sais pas vraiment comment elle a fait pour trouver ton adresse. Mais elle est là. Elle t'en a même collé une. Elle t'en voulait de ne pas avoir donné de nouvelles. C'était mérité cette gifle. Elle t'a annoncé que votre frère allait probablement les rejoindre. Qu'il avait encore quelques petites choses à régler à Londres avant de venir. Les Russel sont dans la place.