Bad day (Tawan #4)

Je jette mon sac aux pieds de mon bureau, cette journée était vraiment pourrie et les jours à venir ne seront pas mieux. Je soupire et regarde mon portable pour la je ne sais combientième fois depuis que j’ai envoyé un message à ma sœur. Si c’était le premier ça n’aurait pas d’importance, mais c’est le deuxième que j’envoie depuis le début de la semaine et elle me snobe salement. Je sais qu’elle en veut encore à notre père pour leur dispute, qu’elle est partie fâchée, mais merde moi j’y suis pour rien ! Elle me voit comme sa complice, comme si je l’avais foutu dehors mais c’est elle qui est partie. Je ressasse son départ et ça a le don de me mettre le moral en berne, faut que je décompresse, j’ai besoin d’une clope… ou deux même, j’en sais rien. J’ouvre un des tiroirs de mon bureau, soulève une pile de cours, ouvre la petite boite qui se trouve dessous pour y prendre mon paquet de cigarettes. J’ai gardé l’habitude de le mettre là ce qui est stupide parce que de toute façon mes parents savent qu’il m’arrive de fumer de temps en temps. Petit détour par la cuisine, je fouille dans le placard pour piquer un paquet de pistaches. Je suis parée pour combattre ma contrariété, je quitte la maison et prend directement la direction du terrain de course.
Quand j’arrive le coin est désert, pendant un moment j’ai pensé qu’il y aurait peut-être la recrue avec qui j’ai partagé mon petit coin de tranquillité, elle m’a dit y venir de temps en temps. Je ne sais pas si je suis déçue ou non, c’est difficile à dire. Je m’installe sur le muret, il ne fait pas très chaud en cette fin de journée mais au moins il ne pleut pas. Je m’allume une cigarette et tire dessus les yeux dans le vagues, tournée vers le terrain de course. J’ai froid aux mains, j’en mets une dans ma poche et rentre un peu plus la tête dans mes épaules pour me maintenir le cou bien au chaud dans le col de ma veste. J’ai passé une journée de merde et mon week-end à tout l’air de se profiler de la même manière… heureusement la nicotine est une bonne compagne pour apaiser un peu de ma contrariété. Il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps depuis mon arrivée, j’entends des pas dans mon dos, on dirait que je ne vais pas être seule finalement. Je me retourne pour regarder derrière moi, c’est bien la recrue Graham-Lewis qui vient trainer dans le coin, pour fumer elle aussi, je présume. Je lui adresse un sourire, mine de rien ça me fait plaisir de la voir « Je suis de retour. » dis-je simplement avant de me remettre dans ma position initiale. Elle s’approche et je tourne le regard dans sa direction « Alors t’es allée à tes 4 soirées ou pas ? » honore t’elle sa réputation de fêtarde ?

Vendredi soir. En général à cette heure-ci, je suis déjà sur le retour pour rentrer chez moi, voir Phoebe. Heureusement, ce week end elle le passe avec Maggie, et elle ne verra pas que je ne suis pas rentrée à la même heure que d’habitude. A choisir, j’aurai préféré rentrer, mais ce soir, ils nous obligent à rester pour un dernier exercice de tir de nuit, en extérieur. Je comprends pas bien à quoi ça servira, on peut bien faire ce genre de truc en lumière quasi nulle là où on s’entraine pour le tir. Mais je n’ai pas trop le choix. Il est à peine vingt heures quand je sors du réfectoire, clope dans ma poche, en direction du petit coin secret que m’a montré Birdy. J’ai encore deux bonnes heures devant moi. Je ne m’attends pas à la voir là, depuis qu’on s’est croisées dans le bar le week end dernier, je ne l’ai pas revue, à croire qu’elle me fuit, peut-être a-t-elle peur des représailles vis à vis de son aveu. Je n’en parlerai à personne, je lui en ai fait la promesse, même si elle n’était pas énoncée comme tel. Quelques regards furtifs de tous les côtés pour vérifier qu’il n’y a personne et que je ne suis pas suivie, et je bifurque après le dernier bâtiment pour arriver sur le terrain de course. C’est là que je remarque la silhouette familière de la jolie Birdy. Un sourire naît immédiatement sur mes lèvres et j’allume ma clope. En entendant mes pas, la jeune femme se retourne pour croiser mon regard. « Je suis de retour. » « Ravie de voir que tu n’as pas été ensevelie sous tes montagnes de bouquins. ». elle se retourne face au terrain et de ma main libre je prends appui sur le muret pour une impulsion me permettant de sauter par dessus, et de m’y asseoir, presque aussi légèrement qu’une plume. Presque. « Alors t’es allée à tes 4 soirées ou pas ? » me demande-t-elle en tournant la tête dans ma direction. Je crache la fumée de la taffe que je viens d’avaler et secoue la tête. « Non, j’me suis retrouvée coincée à la première. Une de mes ex qui a pas voulu me laisser repartir. » Je ris un peu, parce qu’elle a été coriace ce soir là. Je ressors jamais avec mes ex, mais coucher avec de temps en temps, c’est jamais de refus. « Et toi qu’est-ce que tu fais ici ? Une clope à la main en plus, je croyais que c’était que quand t’étais… quoi déjà ? Perturbée. » Je lui souris un peu et remarque les coques de pistaches par terre. « Tu laisses des preuves en plus. Je sais pas trop si tu bouffes toujours des pistaches quand t’as le moral en berne mais c’est flag ! » Je croise mes pieds et tire à nouveau sur ma clope. « Tu veux en parler ? » C’est quand même dingue, je connais des trucs d’elle carrément intimes mais je connais même pas son prénom. Faut le faire quand même !

Je ne sais pas si à cet instant je ne préfèrerai pas être ensevelie sous une montagne de bouquins ! Et je n’en ressortirai qu’une fois la date de retour de ce foutu projet passée, comme ça je n’aurai pas à m’emmerder avec ça et le silence de ma sœur. C’est bien la peine d’être jumelle, soit disant liées par un lien particulier, tu parles ! Elle mène la grande vie à Wellington, j’imagine que c’est sa façon de bouder… La recrue s’installe à côté de moi sur le muret, je pensais avoir envie d’être seule mais maintenant qu’elle est là je me rends compte que j’apprécie sa présence. Je crois que je compte sur son humour et son détachement en toute circonstance pour m’aider à penser à autre chose que mon futur week-end pourri. Je l’interroge d’ailleurs sur le sien, enfin sur le précédent, celui durant lequel nous nous sommes croisées. Elle n’avait rien de moins que quatre soirées de prévues, je suis curieuse de savoir si elle s’est rendue à toutes ou pas. Et j’apprends que non, pour la bonne raison qu’une de ses ex l’a retenu à la première soirée. Je ne suis pas la plus expérimentée en matière de relation, mais je n’ai pas besoin de sous-titres pour comprendre ce que cela veut dire. Je souris « Oh je vois. » je hausse les épaules, amusée « Donc la première était la bonne. ». Le sens de l’observation de la brune n’est plus à prouver, elle remarque ma cigarette et a plus ou moins retenue ce que je lui ai dit l’autre fois concernant mes habitudes tabagiques. « Contrariée… » je tire sur ma clope et elle remarque les coquilles de pistache qui jonchent le sol « Hum non ça c’est juste que je bouffe toujours des pistaches. » je hausse les épaules « Sauf que d’habitude je fais l’effort de pas laisser toute les coquilles par terre. Mais là je m’en fous. ».
Je tourne la tête vers la recrue qui me propose de parler de mes soucis. Faudrait quand même pas que ça devienne une habitude que je lui raconte tout mes tracas, du plus petit au plus gênant, surtout que j’ai commencé par le plus embarrassant. « Journée de merde et le week-end va suivre le même schéma. » dis-je finalement avant de lever le poing sans conviction « Wouhou. ». Je prends le paquet de pistaches à côté de moi et le tends vers la brune « Autant que tu sois prévenue c’est un grand honneur que je partage mes pistaches. » je lui souris puis arque un sourcil « Mais on est vendredi, t’es pas censée être déjà en train de faire la fête à Wellington ? » sur l’instant je n’avais pas percuté, mais elle ne devrait pas être là. « A moins que tu sois de corvée pour je ne sais quelle insubordination ? » j’échappe un rire « Pour ta défense, le Capitaine Cole est vraiment très stricte. » je hausse les épaules « Cette fois ça peut pas être mon père il est parti pour le week-end. ». C’est souvent après avoir dit un truc que je me rends compte que j’aurais peut-être pas dû, je fais une moue embarrassée « Et en théorie tu n’as pas à le savoir… » j’affiche une mine innocente « Je vais crouler sous les dettes pour ton silence ? » je termine ma cigarette et l’écrase sur le flanc du muret puis prends quelques pistaches.

Je vois bien que quelque chose ne va pas, je joue l’inspecteur gadget et fais des déductions en fonction de ce qu’elle me laisse voir. Contrariée. Voilà, c’est le mot. Et sans trop tarder, après une mince hésitation, je lui propose de m’en parler. Je tente, on sait jamais, avec elle je peux m’attendre à tout. « Journée de merde et le week-end va suive le même schéma. » Je grimace un peu en comprenant qu’elle a un coup de mou à cause de sa journée visiblement pas très agréable. Ce sont des choses qui arrivent. « Wouhou. » Sa manière de déprimer est carrément mignonne, je n’en attendais pas moins d’elle, et son wouhou point levé me fait lâcher un rire amusé. « A ce point là ? » Je la regarde grimacer avant de me proposer des pistaches directement dans son paquet. « Autant que tu sois prévenue c’est un grand honneur que je partage mes pistaches. » Je souris. « Je suis flattée. » Je plonge alors ma main dans le paquet et prends quelques pistaches au creux de mes doigts. Je finis ma clope que j’écrase avant de la laisser le mégot sur le muret avant d’avoir envie de me contorsionner pour le foutre dans le trou, qui je pense doit-être bientôt plein. « Mais on est vendredi, t’es pas censée être déjà en train de faire la fête à Wellington ? » « J’aimerai bien. » Ma réponse est sortie du tac au tac. Au moins, ça venait du coeur. « Ah moins que tu sois de corvée pour je ne sais quelle insubordination ? » Je ris à nouveau, je vois qu’elle me connaît de mieux en mieux. Mais je secoue la tête, plus amusée qu’autre chose. « Pour ta défense, le Capitaine Cole est vraiment très stricte. » « Exactement ! » Mais pour une fois, je n’ai pas fait de connerie, et tout le monde a été appelé à rester pour cet exercice de nuit. « Cette fois ça peut pas être mon père il est parti pour le week-end. » Je penche la tête sur le côté. « Ah oui ? » Elle plisse un peu les yeux et je souris de plus belle. « Et en théorie tu n’as pas à le savoir…Je vais crouler sous les dettes pour ton silence ? » Je hoche vivement la tête. « Y’a des chances ouais. Enfin sauf que ton père qui part en week end, je m’en tape un peu ! » Je dépiote les pistaches que j’ai dans la main pour les manger, gardant les coquilles dans ma main. « On a un exercice de tir de nuit ce soir, dans deux heures. J’ai envie d’y aller comme de me pendre mais sinon ça va. » Je la regarde à nouveau. « Et toi, c’est quoi cette journée de merde alors ? Et tu te plains parce que papa n’est pas là ce week end ? Profites-en pour faire une petite fiesta chez toi, j’sais pas, c’est de ton âge nan ? » Je la taquine rapport à son âge, je suis pas énormément plus vieille, mais la taquiner est devenu mon passe-temps favori. J’y ai pris goût, et j’ai envie de ne faire que ça d’ailleurs. Maintenant que je sais qu’elle n’a jamais eu de relation avec un mec, c’est pire encore, je la considère encore plus comme un bébé, même si j’essaie de ne pas trop le montrer. Faudrait pas qu’elle me considère comme tous les autres, et qu’elle arrête de me parler juste parce que je la trouve un peu trop enfantine.

Je n’ai pas envie d’entrer dans les détails de ce qui a pourrit ma journée. La brune passe son temps sur la base à faire des trucs qui ne lui plaisant pas, dans un contexte pas plus accueillant que ça avec des instructeurs des plus strictes… alors je me vois mal lui faire part de mes petites turpitudes. Pour moi c’était une journée merdique parce que ça concerne des choses qui comptent, et j’ai le moral un peu en berne mais je pense qu’elle se foutrait de ma gueule si je lui racontais pourquoi j’ai besoin d’une clope. Tout ça c’est une histoire de point de vue. Je me contente d’une petite grimace pour confirmer que ouais c’est pas la grande joie avant de lui tendre mon paquet de pistaches. Franchement c’est rare que je partage avec quelqu’un, je ne suis pas égoïste, pas du tout, mais pour ça je fais exception. Tout en alignant les coquilles à côté de moi sur le muret je m’étonne que la recrue soit encore là et pas déjà à une soirée avec une de ses ex ou a draguer une nouvelle conquête. J’ai cru comprendre que c’était l’une de ses activités phare du week-end. J’émets l’hypothèse qu’elle soit de corvée, c’est tout à fait possible mais faudrait avoir fait une sacrée connerie pour se retrouver coincer à la base le week-end. Je sais que le Capitaine Cole, exigeante et stricte comme elle est a déjà contraint plus d’une recrue à rester ici durant leurs deux jours normalement libres. Et sur ma lancée je lâche que mon père n’y est pour rien cette fois puisqu’il n’est pas là. Le genre de truc que je ne dois pas dire, pas à une recrue. Je crois que je me suis encore faite avoir par cet étrange sentiment de confiance que j’ai à l’égard de la brune. Faut dire qu’elle se fout tellement de tout que cette info ne l’intéresse sans doute pas. Néanmoins je dois m’assurer qu’elle ne va rien dire, et forcément j’ai l’impression de m’endetter d’avantage, même si je ne crois pas avoir vraiment de prix à payer pour sa discrétion. « Je m’en doute que tu t’en fous, mais… vous êtes pas tenu de savoir quels gradés sont sur la base ou pas. » je hausse les épaules « C’est comme ça. Truc de militaire. » et forcément quand je traine dans le coin je dois, en théorie, faire attention à ce que je dis.
Finalement la recrue m’explique que c’est un exercice de tir nocturne qui la retient sur la base, je hoche la tête « Ah le fameux… » un sourire étire mes lèvres « Attends de voir avant de râler. Un ami à moi l’a fait quand il était en formation, je crois que c’est un des trucs qu’il a préféré. ». Je change d’expression quand elle remets ma journée de merde sur le tapis, me taquinant au passage sur mon père mais ça c’est habituel et mon âge. Je la regarde les yeux plissés, l’observant avec attention « T’es quand même sacrément bien conservée pour une nana de quarante ans passés ! » à l’entendre on dirait que j’ai quinze ans et elle plus du double, mais je ne crois pas qu’on ai tant d’écart que ça. Quel âge elle peut bien avoir… 25 ans ? Peut-être un peu plus ? « Ouais c’est ça, mon père sera pas là pour me raconter une histoire le soir et ça me fait déprimer. » je lève les yeux et prends un air blasé « Tu m’as démasqué, bravo Inspecteur Gadget. ». Je croque une pistache à la coquille récalcitrante dans un craquement sonore et soupire « Prise de tête sur un travail de groupe, c’est à rendre mardi y’en a qui n’ont pas fait leur part et je vais devoir m’y coller tout le week-end pour rattraper ça. » je plante mon regard dans le sien et souris « Parce que figure toi que moi aussi j’aurais préféré pouvoir faire la fête. » j’arque un sourcil « Ça te surprend, hein ? ». En réalité ce qui me contrarie le plus dans tout ça c’est le silence de Janis « En plus faut qu’on s’appuie sur des trucs musicaux pour ce foutu projet… alors je voulais que ma sœur m’aide mais elle n’a répondu à aucun de mes messages. » je crois les bras « Bref, ça ira mieux mercredi j’imagine. » enfin j’espère.

« Je m’en doute que tu t’en fous, mais… vous êtes pas tenu de savoir quels gradés sont sur la base ou pas. C’est comme ça. Truc de militaire » Je grimace un peu, parce que les trucs de militaires, ça me gave. Et ce genre de truc c’est complètement con. Franchement, à quoi ça me servirait de savoir que le Général Oakley n’est pas sur la base de tout le week end. J’aimerai aussi ne pas y être d’ailleurs. J’explique bien vite à Birdy la raison pour laquelle je suis ici, et non, ce n’est pas parce que je suis ‘punie’, je m’arrange, j’arrive à peu près à me fondre dans la masse. C’est pas gagné. Enfin, sauf Cole, elle j’ai du mal, j’essaie pourtant mais quand ça veut pas ça veut pas. « Ah le fameux… Attends de voir avant de râler. Un ami à moi l’a fait quand il était en formation, je crois que c’est un des trucs qu’il a préféré. » Je me contente de hausser les épaules. Moi, y’a rien qui me plait ici, faudrait encore vouloir être ici pour en apprécier quelque chose. Les seuls moments que j’apprécie sont ceux que je passe ici avec miss à lunettes dont je ne connais toujours pas le prénom. Je commence à en connaître un rayon sur elle, mais toujours pas son prénom. A vrai dire, ça ne me dérange pas, le surnom que je lui ai trouvé lui va comme un gant. Ça aurait pu être kitty aussi, elle ressemble à un petit chaton. Mais ça fait de suite nom d’actrice porno. Et ça, elle est aux antipodes !

J’essaie d’en savoir un peu plus sur sa journée et continue de la taquiner, ce à quoi elle répond, comme à son habitude. C’est notre petit jeu. « T’es quand même sacrément bien conservée pour une nana de quarante ans passés ! » Je ris à sa réflexion et me penche un peu pour bousculer doucement son épaule. « Quoi c’est vrai t’as quoi ? 19, 20 ? » Je plisse un peu les yeux, pour une fois je suis sérieuse, mais faut croire que je suis à côté de la plaque. « Ouais c’est ça, mon père sera pas là pour me raconter une histoire le soir et ça me fait déprimer. Tu m’as démasqué, bravo Inspecteur Gadget. » Je ris encore et secoue la tête avant qu’elle finisse par m’expliquer vraiment la source de ses tracas. Ça m’a pas l’air d’être grand chose, même si je sens l’amertume dans sa voix lorsqu’elle parle de sa soeur. Je ne sais pas si c’est elle qu’elle avait dessinée sur ce fameux dessin dans son carnet, que j’avais adoré, mais la rancune a l’air sévère. Mais quand elle parle de trucs musicaux, je me redresse vivement. « Je peux peut-être t’aider ? » Elle me regarde en fronçant les sourcils et je m’explique. « Je sais pas trop de quoi ça parle ton truc, mais la musique ça me connaît. Alors peut-être que je pourrai te filer un coup de main, pas que tu fasses tout toute seule enfin tu vois quoi. » Je plonge ma main dan son paquet de pistache et en tire quelques uns que je grignote sans tarder. « C'est quoi ce projet ? Et t’as besoin de quoi en terme de musique ? » Je ne regarde pas l’heure, et c’est un tord, mais je pense que j’ai encore le temps de profiter de sa présence avant de devoir filer pour mon exercice de nuit.

Je suis habituée à ce qu’on me donne moins que mon âge, en même temps faut dire qu’entre 19 ou 22 ans y’a pas beaucoup de différences visibles. Mais je m’amuse de voir que la recrue a tout l’air de se placer comme étant beaucoup plus âgée que moi, alors qu’elle est encore dans la vingtaine, j’en suis sûre. Je ne me laisse pas taquiner sans répliquer, elle est bien trop habile dans l’art d’orienter la conversation comme elle l’entend pour que je ne lui laisse pas trop gagner de terrain en plus de ça. Je lève les yeux à son approximation de mon âge « J’ai 22 ans. »  dis-je pour rétablir la vérité. J’ironise une nouvelle fois cette manière qu’elle a de me considérer vraiment comme une gamine, je pense que c’est mon statut d’étudiante et mon attitude assez juvénile qui l’encourage à agir ainsi à mon égard. Finalement je me résous à parler vaguement du pourquoi de cette mauvaise journée et de ma contrariété. Elle arrive à me faire parler beaucoup trop facilement, faut que je fasse gaffe, ça m’a déjà joué des tours d’avoir confiance dans quelqu’un que je connais à peine. Je lui parle du projet que j’ai à rendre, du silence de ma sœur, c’est ce qui me tracasse présentement, même si il y a d’autres choses mais ça je ne peux pas en parler, à personne parce que ça concerne ma famille et c’est tout. Spontanément la brune me propose son aide, je fronce les sourcils, intriguée par cette proposition. La musique elle s’y connaît et comme je voulais l’aide de ma sœur pour cette partie là, peut-être que la recrue pourrait le faire à sa place. A vrai dire je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle propose de m’aider, elle me prend de cours. Je hausse les épaules « Euh… ouais peut-être. » à vrai dire je sais que j’ai la culture musicale nécessaire pour m’en sortir seule, mais je voulais faire ça avec Janis, profiter de l’absence de nos parents pour nous retrouver et passer du temps ensemble comme avant. Je n’ose pas dire cela à la brune, en fait j’ai presque envie d’accepter tant l’idée d’être seule face à tout ce boulot me dépite.
La brune m’interroge sur le projet que j’ai à rendre et surtout à ce dont il est question musicalement parlant. « En fait c’est un projet ciblé sur une époque, une période dans laquelle on doit parler des différents courants artistiques et les illustrer dans plusieurs domaines. » dis comme ça c’est plutôt basique, mais je précise « On est parti sur l’idée d’une vidéo, avec une interprétation musicale des différentes œuvres représentatives de l’époque qu’on a choisi. Et faut faire le lien entre tout… plus le montage. » je soupire « J’ai une bonne culture musicale, mais moins qu’elle... j’ai l’impression d’avoir vu trop grand. » je fais une petite moue qui traduit bien comme je suis embarrassée par la situation. Je reprends des pistaches et remonte mes pieds sur le muret pour m’y asseoir en tailleur « Je dirais pas non à un peu d’aide, mais...je vais bosser demain et dimanche, t’as sûrement bien d’autres trucs à faire que venir passer deux heures demain à t’emmerder sur un projet d’études. » et encore j’espère que ça ne me prendra pas plus longtemps. J’esquisse un sourire malicieux « T’as passé l’âge de ces conneries, non ? » j’arque un sourcil et mange mes pistaches « T’as quoi, 30 ? 32 ? » je vois volontairement large, petite vengeance de sa propre estimation. « Enfin si tu veux m’aider j’espère que la culture pop-rock n’a pas de secret pour toi. » j’affiche un petit air fier « Après tout c’est ton époque. » moi aussi j’aime bien la taquiner.

Après avoir appris autre chose sur la jolie demoiselle, à savoir son âge, je continue de la titiller un peu, mais surtout je cherche toujours à en savoir plus. Je sais bien que la curiosité est un vilain défaut, et que ça me perdra certainement, mais c’est bien plus fort que moi et je dois forcément chercher à en connaître d’avantage sur la demoiselle. Finalement, la sentant un peu dans la détresse, je lui demande si elle aurait besoin de mon aide, ou du moins, je la lui propose. Pas sûr qu’elle accepte, mais au moins j’aurai proposé, c’est le geste qui compte après tout non ? « En fait c’est un projet ciblé sur une époque, une période dans laquelle on doit parler des différents courants artistiques et les illustrer dans plusieurs domaines. » Je plisse un peu les yeux, me concentrant pour tenter de comprendre et d’assimiler toutes les infos qu’elle me donne. « On est parti sur l’idée d’une vidéo, avec une interprétation musicale des différentes œuvres représentatives de l’époque qu’on a choisi. Et faut faire le lien entre tout… plus le montage. » Je finis par hocher la tête, machinalement. « Y’a du boulot quoi. » Je l’entends râler un peu encore, pestant contre da soeur qui l’a visiblement abandonnée lâchement à cet exercice pour le moins compliqué. « Je dirais pas non à un peu d’aide, mais...je vais bosser demain et dimanche, t’as sûrement bien d’autres trucs à faire que venir passer deux heures demain à t’emmerder sur un projet d’études. » Je hausse un peu les épaules et balance mes pieds pour taper doucement mes talons sur le muret, mains sur ce dernier. « Ça me permettrait de faire un peu de musique. Depuis que j’suis ici, j’ai un peu laissé tomber, ça me manque parfois. Souvent même. » Je grimace un peu et tourne la tête vers elle, sa main dans le paquet de pistaches me fait sourire. « T’as passé l’âge de ces conneries, non ? T’as quoi, 30 ? 32 ? » Je ris et la pousse un peu, appuyant ma main sur son épaule pour la déséquilibrer. « Pourquoi pas quarante aussi ! Non. 27. C’est déjà bien assez. Ce qui nous fait quand même 5 années d’écart. T’es un bébé. C’est tout ! » Je ris un peu pour la taquiner. « Enfin si tu veux m’aider j’espère que la culture pop-rock n’a pas de secret pour toi. Après tout c’est ton époque. » Je la regarde cette fois en plissant les yeux. « Alors pour ton information, le pop rock n’a pas d’époque. Et oui, je suis calée puisque c’est exactement le style de musique que je fais, et que j’écoute ! » Je lève les yeux au ciel de voir son petit sourire taquin, parce que c’est tout à fait la réaction qu’elle attendait de moi. Elle a gagné, bravo. « Bon, t’as besoin de moi quand exactement ? Je sais même pas si j’ai le droit de revenir sur la base en dehors de la semaine. » Je me mords un peu l’intérieur de la joue et tourne la tête vers elle. « Me faut une autorisation ? C’pas ton père qui va me la filer… » Je ris cette fois, me délectant de son sourire.

Y’a du boulot. Ouais c’est un euphémisme ! Et moi je déprime déjà à l’idée de passer mon week-end entier à bosser. C’est pour ça que j’aime pas les travaux de groupe, c’est toujours la galère, d’autant plus quand c’est le prof qui impose les groupes et pas nous qui choisissons. Je dois être un peu trop perfectionniste et surtout j’aime bien donner des idées, alors les autres partent souvent du principe que c’est sur moi qu’il faut se reposer… aucun doute, sur ce coup là ils n’ont pas hésité. Contre toute attente la brune me propose son aide, la musique c’est son truc et puisque ma chère sœur ne daigne pas me répondre je suppose que c’est la meilleure option que j’ai que d’accepter son offre. Cependant je veux être sûre qu’elle mesure bien ce que ça implique, c’est à dire de passer au moins deux heures à bosser avec moi, du temps en moins à passer avec ses potes hors de la base. J’ai bien compris que la recrue ne se sent pas vraiment bien ici, que c’est un choix par défaut qu’elle a fait et ça ne semble pas franchement lui plaire, alors revenir là pendant le week-end sera peut-être un frein. Je lui laisse donc cette opportunité de se défiler, ce qu’elle ne fait pas, m’expliquant que c’est l’occasion pour elle de faire un peu de musique. Activité délaissée depuis son entrée dans l’armée, je fais une légère moue compatissante, je sais ce que c’est d’être passionnée et je ne me vois pas faire une croix sur le dessin. Elle a l’air toujours partante, mais je profite d’avoir la main pour la taquiner d’avantage, notamment sur son âge. J’avais vu juste elle n’a pas passé la trentaine et que je puisse penser que c’est le cas la fait réagir. « J’ai pas osé dire 40, je voulais pas être vexante. » dis-je avec un petit sourire en coin, je lève les yeux alors qu’elle me traite de bébé « Et toi une vieille bique. C’est tout ! » répliqué-je sur le même ton amusé.
Malgré tout je suis contente à l’idée de ne pas passer tout mon temps seule demain et d’avoir un peu de soutien pour le projet. Ça me redonne un peu le moral et je ne manque pas de le faire savoir indirectement en rajoutant une petite couche à ma taquinerie sur le grand âge de mon interlocutrice. Pour une fois que c’est moi qui mène l’échange et parviens à la faire réagir comme je le voulais, j’admets être plutôt fière. La recrue tombe dans le panneau de ma petite remarque et je ne peux m’empêcher de sourire malicieusement. Pas dupe la brune se rend compte que je suis juste en train de la taquiner, elle et sa manière de me considérer comme un bébé. Elle ferait bien de se méfier, je peux être pleine de surprises. Apparemment tout ça ne l’a pas dissuader de venir m’aider, la recrue m’interroge sur le programme du lendemain. « Je vais pas t’imposer une heure… Dis moi quand ça t’arrange le plus. » je souris « J’imagine que ça ne sera ni tôt le matin ni en début de soirée ? » je fais mine de réfléchir grignotant encore une pistache « Vers quatorze heure ? » c’est ce qui me semble le plus raisonnable pour quelqu’un qui est en week-end, et puis de mon côté ça me laissera le temps d’avancer durant la matinée. « Et t’as tout à fait le droit de revenir sur la base. Y’en a qui dorment ici tout le temps, qui vont en ville et reviennent ensuite. » un nouveau sourire étire mes lèvres alors qu’elle me regarde « Tu l’as en face de toi ton autorisation. » je me pointe du doigt « Multipass. » dis-je en imitant cette réplique du film le cinquième élément. Je pioche à nouveau dans mon paquet de pistache pour en sortir une petite poignée que je dépose dans la main de la recrue « Cadeau. » je descends du muret « Tu devrais pas trop trainer si tu veux pas que Cole t’emmerdes parce que t’es en retard ou presque. » je jette mon mégot de cigarette dans le trou du muret en le contournant « Donc à demain ? Envoie moi un message quand t’es à l’entrée de la base, je viendrai te chercher. » je lui adresse un petit signe de la main et prend le chemin du retour vers chez moi.