Le schroumpf m'a attrapée {Thyméo}

J’aurais dû être plus prudente, tandis que je me pensais en pleine maîtrise du jeu, voilà que les choses dérapèrent. Thyméo était aussi ce prédateur, de sorti lorsque je me pensais vainqueur. Je râlai intérieurement mais je ne pouvais omettre d’objections et c’est donc avec un grand sourire que je lui répondis, sans pour autant acheter de mots. Notre proximité m’irritait, j’avais envie de le gifler car il venait de me prendre en traitre bien que d’un autre côté, cet échange bestial pourrait glisser vers un baiser, l’un de ceux qui ne se termine pas, qui annonce simplement le début. Je chassai ces idées impures de mon esprit et pris une grande bouffée d’air…qui sentait inévitablement son parfum. Je pouvais imaginer les parcelles de la fragrance sur son corps et cela me laissa pantoise, comme cette main qui avait placé sur la mienne. Bon sang ! Il fallait que je respire, mes sens en éveil se focalisèrent sur la poele, évitant judicieusement son regard. « Soit. Je joue mais sache que je te déteste, je te hais Thyméo. » J’avais été violente dans mes propos lorsque j’avais entendu la question qui sortait de sa bouche. Mon corps avait failli glisser du plan de travail pour se retrouver lové contre lui bien que je me sois retenue à temps. Lasse, les yeux presque humides, je ne savais sur quel pied danser. Je lui devais la vérité, alors, mes muscles bandés, mon sourire figé et mes yeux quelque peu terrorisés face à cette partie de moi qu’il allait découvrir…j’étais honteuse d’être orpheline, que l’on m’abandonne alors que j’avais tant à offrir. Je n’avais jamais su la raison de cet abandon et découvrir que je n’étais pas désirée m’avait toujours terrorisé. Il voulait savoir donc, je suggérai qu’il fallait tout déballer, trancher dans le vif et ne point me retourner. Ainsi, je me retrouvai les yeux baissés sur mes jambes et la voix monocorde, ne trahissant aucune de mes émotions. J’étais plus forte que cela.

« Ils m’ont adoptée alors que j’étais au début de l’adolescence. » Je marquai une courte pause et continuai. « Ils n’étaient pas très riches mais ils m’ont tout donné. Ils sont géniaux. » Je serrai les doigts sur le plan de travail. « Et moi je ne suis nulle. Je suis partie parce que je ne supportais pas qu’ils vieillissent. J’ai peur de les perdre, tu comprends ? Je ne suis pas la fille modèle, et je suis partie comme l’égoïste que je suis. » Je relevai les yeux vers Thyméo, ayant ravalé ces larmes qui menaçaient de poindre à plusieurs reprises. Je secouai la tête et haussai les épaules, comme si cela m’est égal. « J’ai droit à mon pancake non ? » mais j’attendais son approbation. Je ne me servirai point tant qu’il ne serait pas satisfait. « Je vais même être généreuse et répondre à ton autre question. » Je descendis du plan de travail pour me retrouver collée contre celui-ci, à quelques centimètres du corps de Thyméo ayant besoin de sa chaleur pour ne pas nous trahir. Je laissai mes doigts traîner sur son menton, comme pour être certaine qu’il me regarderait et qu’il écouterait chacun de mes mots que j’articulai d’une voix qui reprenait vie et qui se voulait assurée. « Quant à ton autre question, il est grand, il a un travail que je trouve passionnant et il a un sourire dément. Et puis…il aime me surprendre. » Mes doigts glissèrent jusqu’à ses lèvres, laissant mon doigt couper le flot de paroles qui allait peut-être surgir car je n’avais guère mentionné de qui il s’agissait. « Et tu le connais très bien en fait. Trop bien même. » Je restais évasive mais je n’étais guère douée pour afficher mes sentiments. Au lieu de cela, je retirai mon étreinte et lorgnai sur l’assiette, là où se trouvait mon dû, ce butin que j’avais envie d’engloutir pour ne plus parler et qu’il n’entende plus ces mots que je n’avais pas envie de prononcer, ceux qui expriment mes sentiments avec une telle force que je pourrais le casser en deux tellement elles hurlent en moi. Je fis des aller retours des yeux, tantôt vers Thyméo, tantôt vers l’assiette mais jamais je ne trahis sa confiance et me servis, peut-être ma réponse ne le satisfait pas. Je n’étais pas à plaindre, mais j’ajoutai : « mon histoire est vraie, au cas où ça sonne trop cliché, je n’ai rien inventé. »

J’avais obéi à ses ordres m’étant montré sous un jour que peu avaient l’audace de requérir et d’obtenir. Je ne cherchais à me faire plaindre, à vrai dire, c’était tout le contraire. J’ai essayé d’être rapide afin qu’il passe subtilement à autre chose sans peser le poids de mes mots. Pourtant, il martelait encore, comme cette main que je sentais sur ma joue, elle martelait à mon esprit de la saisir pour l’emprisonner et ne plus jamais le lâcher. J’acquiesçai en un hochement de tête, il menait les rênes et je savais me montrer sage lorsqu’il le fallait. Je mordis ensuite dans le pancake que j’avais gagné et l’engloutis rapidement, histoire de me changer les idées obscurcies par sa proximité et ce passé qui ressurgissait tout à coup. Il ne fallut pas longtemps pour que je termine la dernière bouchée et que je lorgne sur sa main en répondant : « Tu mènes le jeu non ? Je ne suis pas une tricheuse. » Et cela était bien vrai ! Hélas, j’avais envie de m’échapper, de m’extirper de ce faux pas dans lequel je m’étais engouffrée.

Ses mots sonnaient juste et pourtant bien faux à mon esprit mais je reviendrai sur cet état de fait après, préférant garder ce contact qu’il m’offrait et chercher de mes doigts son torse pour y dessiner de légers cercles concentriques, le sourire revenu, au souvenir de ce merveilleux jour. « J’avais onze ans et ils sont venus me chercher. Tu sais, quand tu crois plus en un truc mais qu’il arrive, comme si le Père Noël existait pour de vrai. » J’accrochai son regard au mien pour lui faire sentir toute l’intensité de ce jour-là. « Je jouais dans la cour arrière, je n’étais pas malheureuse hein, juste une enfant. Je n’ai pas cru qu’ils venaient pour moi car j’étais déjà une peste. Pourtant, c’était le cas. Ils m’ont emmenée manger une glace et m’ont fait visiter ma nouvelle chambre, la mienne. » J’avais l’air ridicule et je le savais, de ce fait, je rompis notre contact visuel. « Je pense que tu ne peux pas comprendre mais…j’avais enfin une famille et…. » je les aime énormément. Comme toi en fait. Quelques larmes roulèrent sur mes joues sans que je m’en rende bien compte et déjà je réduisis la distance qui nous séparait, me trouvant à seulement quelques millimètres de lui. Je me ravisai, il venait de me dire qu’il désirait que je parte. Reculant, je repris ma place initiale, assise sur le plan de travail et je chipai un pancake sans lui demander son autorisation. « Je pense l’avoir mérité » ajoutai-je en le toisant du regard, un regard brûlant l’un de ceux qui en disent long sur mes envies et mes désirs. Je n’avais pas envie de partir. J’étais bien, c’était douloureux mais confortable en même temps, comme les portes de chez soi après une ascension à travers les montagnes mais, je n’étais guère chez moi et il n’était point mien. Pourtant, j’avais envie de clarifier certaines choses. « Tu sais cet homme, je sais que tu es content pour moi et je le suis aussi. Il te ressemble un peu, il travaille aussi avec les étoiles et… » je n’avais jamais parlé d’un autre mais je n’étais certaine d’être assez précise ce à quoi je surenchéris : « On se dispute tout le temps, un vrai casse-pied mais pourtant, y’a tout qui me fait craquer chez lui. » Tout, littéralement. Mes yeux se lovèrent sur son entière silhouette. « Et j’attends depuis un moment qu’il m’embrasse même si je suis la pire des garces à dire que c’est terminé car les disputes, même si c’est drôle, à la longue c’est usant pour lui comme pour moi. Mais… » Oui, ce mais inoffensif vint s’interposer entre nous tandis que je glissai mes deux mains autour de sa taille, enveloppant son dos de mes bras et l’attirais vers moi. Il était plus grand, vu ma position mais qu’importe ! J’effleurai de mes lèvres la courbe saillante de ses pectoraux pour continuer mon ascension jusqu’à son épaule, parsemant de mes baisers la chaleur de sa peau. Je remontai ensuite jusqu’à sa joue et y déposai une ultime caresse presque une invitation. De là, mes doigts n’avaient cessé de caresser son dos et je laissai choir mon front contre son torse, consciente de m’être trop dévoilée et d’en demander beaucoup alors qu’il voulait simplement repartir tout seul. Je n’avais pas de mots à ajouter tant ma présence était significative mais nous ne pouvions nous quitter sur un regard froid, je n’en avais pas envie, j’avais simplement envie, en cet instant, qu’il me prenne dans ses bras et qu’il ne me lâche plus jamais comme pour effacer tous ces démons qui peuvent me ronger.

Beaucoup de mes suppositions s’effondrèrent lorsqu’il joignit nos lèvres en ce baiser qui me rappela toute cette passion, ce feu brûlant entre nos deux êtres. Je vibrais depuis trois ans pour cet homme et je ne pense ne jamais être en mesure d’éteindre cette flamme qu’il éveille en moi, ce brasier qu’il allume à chaque fois qu’il se trouve en ma présence. Je devenais presque folle lorsqu’il coupa ce contact tant et si bien que je cherchais naïvement à renouer en avançant mes mains pour agripper ses vêtements…à tort. Il n’avait pas compris mon appel, mon besoin de lui tout entier et non seulement ce besoin physique qui souvent me faisait chavirer. C’était totalement différent à cet instant. Je ne pense qu’il ait peur de ce revirement de situation, il était clair dans ses propos probablement clair dans ses idées. Nous ne devions plus être ensemble et si j’étais venue dans cet optique, je m’étais aussi dit que je n’étais pas prête à le laisser, au regard de ce qu’il m’avait apportée, encore ce soir. Pourtant il faudrait bien que je me fasse une raison. Il désirait que je m’en aille, très bien mais je n’attendrais pas un quelconque taxi qu’il m’aurait, de surcroit, commandé. Au lieu de cela, dès qu’il tourna les talons, je me dépêchais de récupérer un de ses manteaux, laissés là probablement dans un placard dédié à cet effet et je m’en couvris le corps, serrant fort sur les boutons afin qu’on ne voit pas un centimètre de ma peau nue dépassée. De là, j’engloutis un dernier pancake et lui laissait la vaisselle en office. C’est à ce moment que l’idée germa à mon esprit. J’apercevais ses clefs sur la porte et je ne pus m’empêcher de me montrer venimeuse. Non, ce serait trop cruel et il devait travailler avec. Cependant, mes yeux se posèrent sur un dossier rangé près de l’entrée. Je balayai du regard les lettres qui le surplombaient, cela avait un rapport avec son travail. Très bien, ni une, ni deux, mes doigts s’emparèrent de l’objet du crime que je vins de commettre et je calai celui qui allait me causer plus de torts que de bonnes choses sous mon bras. Je griffonnai à la va vite un mot, avant qu’il revienne et me prenne en flagrant délit de vol. On pouvait lire, celui-ci laissé sur le plan de travail « Incompréhensions + tensions = je m’en vais. Merci pour tout » Je ne savais si j’étais très claire, mais en tout cas, j’étais un minimum triste et le cœur lourd, je claquai la porte suite à ma sortie, guère très magistrale. De là, je remontai l’avenue et priai pour que le bus passe rapidement ou une voiture…une voiture de filles, inoffensive et désintéressée.