the only person you're fooling is yourself [Andrew]

« Il n'est pas dans son lit Alastair ! Il a juste filé, et son sac à dos n'est plus là ! Il n'a même pas tenté de me demander la permission... Et s'il avait fugué ? Si on s'était préoccupé un peu trop de Joshua et pas assez de lui ? » Dans le salon, la mère Berenson venait de débouler, son attitude oscillant grandement entre l'énervement, l'inquiétude et la panique. Levant le nez de son livre, le père était à peine en train d'analyser ce que son épouse lui disait que Tom décrocha son attention de la télé. « Il est chez un copain, à une petite soirée. Il est parti après le repas. Il ne vous a rien dit ? » Il mima un air surpris qui attira le regard noir de sa mère. « J'lui ai donné la permission, j'irai le chercher à une heure du mat'... C'est exceptionnel maman, et puis c'est les vacances, faut bien qu'il en profite ! » La femme ne l'entendit pas de cette oreille, s'avançant vers lui avec un index menaçant. « Tommaso Berenson, ce n'est pas parce que tu es adulte que tu prends les décisions ! Tu es rentré chez tes parents jeune homme, tu te plies donc à nos règles. C'est encore moi qui fait la loi dans cette maison ! » Il baisse automatiquement les yeux. C'était bien la première fois en plusieurs années qu'il se faisait engueuler comme un gamin... « Tu t'plaignais que j'étais pas assez solidaire avec Leeth, et maintenant que j'aide un petit frère je me fais remonter les bretelles. Faut savoir ! » Il se leva assez rapidement pour venir l'étreindre, étouffer dans l'oeuf ses protestations. « Promis, je le ferai plus. » Il lui embrassa la joue, et ainsi se termina le conflit de la soirée.

Les parents allèrent rapidement se coucher, plongeant la maison dans le silence. Ne restait plus que Tom qui n'avait pas d'autres choix que de rester debout et attendre Andrew en espérant que personne ne se lèverait entre temps. Il n'avait aucune idée de quand le jeune rentrerait, s'il comptait même passer la nuit ici. Aucune idée d'où il était, avec qui, ce qu'il faisait. Mais le blond n'avait même pas eu le courage d'envoyer un message pour lui sommer de ramener ses fesses. Peut-être parce qu'il avait besoin de ce moment de solitude pour réfléchir à sa vie. Son ordinateur portable sur les genoux, les pages internet défilaient, alternaient entre les annonces immobilières et les sites de puériculture. Il commençait à penser à devenir responsable. Acheter un appartement pour lui seul, un trois pièces dans lequel il installerait la chambre de son futur enfant. L'idée continuait de le terrifier et de lui donner envie de quitter le pays, mais comme il l'avait dit à Sulli, il prendrait ses responsabilités. Il n'avait pas le choix ; il ne pourrait jamais assumer le fait d'être un connard égoïste préférant priver un enfant d'un père plutôt que de sortir de sa zone de confort. Mais bon dieu, c'était pas ce qu'il voulait.

Dans le salon, l'aiguille de l'horloge tournait paresseusement mais sûrement sans rencontrer la fatigue du blond. Foutues questions existentielles, foutues vérités cachées. Le bébé n'était pas né qu'il culpabilisait déjà de son comportement. Dans deux mois maximum son statut de père serait officiel et personne n'était au courant. Et il vivait chez ses parents. Cette fois, le bruit succinct de la clé dans la serrure fit écho à son soupir. À ses pieds, Iron releva la tête, alerté par le bruit de la porte. Naturellement, le lévrier irlandais se déplaça jusqu'à l'entrée, heureusement silencieux. Tom ferma son ordinateur, prit un malin plaisir à voir le jeune avancer à pas de loup sans prendre gare à  la faible luminosité émanant de la lampe au coin du salon. Pas vu pas pris, disait-on ? Dommage. « T'es dans de sales draps Drew. Attends toi à avoir les oreilles qui sifflent au petit-déj demain. J'espère que la soirée en valait le coup ? » Puisque Tom prenait la responsabilité pour cette petite escapade, autant lui faire passer l'envie de recommencer avant.

Les vacances venaient de commencer et penser qu’Andrew les aurait passées à jouer aux jeux-vidéos ou à lire des bouquins serait ne pas le connaître. Après avoir passé une année scolaire catastrophique et pleine de déceptions, l’adolescent avait prévu de s’amuser et certainement pas en jouant au Uno. C’était l’été, c’était la saison des filles, de l’alcool, des baignades et des gueules de bois ! Les années précédentes, tout s’était très bien passé. Ses anciens parents adoptifs, même s’ils n’étaient pas les plus tendres l’ont toujours laissé profiter de ses vacances, qu’il leur apporte des problèmes ou non. Alors pendant ces deux mois, il est sans cesse rentré chaos chez lui, complètement retourné par l’alcool. Il passait ses journées à dormir et le soir venu, il repartait pour continuer cette rengaine qui n’a pas cessé. Il s’éclatait et c’était le plus important pour lui.

Mais voilà, cela faisait maintenant un an qu’il était arrivé chez les Berenson. C’était ses premières vacances d’été chez eux et il savait très bien comment les parents Berenson étaient. La plupart du temps, il devait limite les supplier pour pouvoir sortir le soir alors pour pouvoir passer cette nuit-là à l’extérieur, il a anticipé et est allé vers Tom, leur fils. Ils n’étaient pas réellement amis mais Andrew se disait qu’entre mecs, ils pourraient se prêter main forte. Puis Tom était sûrement lui aussi passé par là… Tom a accepté, l’autorisant à rentrer à une heure du matin, pas plus. Et comme prévu… Andrew est rentré à pas moins de deux heures et demi du matin, heure assez surprenante quand on sait qu’il est plus du genre à rentrer chez lui quand le soleil se lève… ou à ne pas rentrer du tout. Ça dépend des soirées.

Il avait bu, il avait rencontré cette jolie fille autour de laquelle il avait tourné toute la soirée dans le but de pouvoir l’avoir rien que pour lui, ça a fonctionné. Il a pris son pied avec elle, il a pris un autre verre puis il a décidé de rentrer avec Nolan, son pote de toujours qui l’a déposé devant chez les Berenson, lui aussi dans un sale état. Andrew s’est approché de l’entrée, a posé sa main sur la poignée de la porte puis l’a doucement ouverte dans le but de faire le moins de bruit possible… mais bien sûr, le clébard était là. « Bouge… » il lui murmurait alors qu’il s’hissait doucement à l’intérieur de la maison en mode mission impossible. Il ne voulait réveiller personne et ne voulait pas non plus se faire prendre… c’était raté, et il s’en est rendu compte lorsqu’il a entendu la voix de Tom s’adresser à lui, assis du canapé dans le salon faiblement éclairé par une lampe. « Tu sais, j’commence à avoir l’habitude maintenant… » Il lui répondait normalement d’une voix faible, fermant la porte derrière lui avant de marcher jusqu’au canapé pour s’asseoir près de lui, mais pas trop près non plus. On pouvait clairement voir qu’il avait bu grâce à la façon dont il marchait. « C’était… génial. Il y avait cette nana, un beau 95B… J’ai pas pris son numéro mais j’suis sûr qu’elle se rappellera de moi. » Sans filtre, il lui racontait brièvement son aventure de ce soir-là sur le ton de l’humour. Il n’avait aucun cache, quand il pensait des choses, il les disait. « Qu’est-ce qu’ils ont dit les vieux ? » Il baillait, se frottait un peu les yeux… Ouais, il entendrait gueuler le lendemain matin mais ça en valait le coup.

Avec son rôle d'aîné, Tom avait un peu la place foireuse vis à vis des jeunes. Assez mature pour être responsable et faire figure d'autorité, encore assez jeune pour pouvoir comprendre les envies de liberté des ados. C'était plus difficile au fil du temps de rester dans la demi-mesure et de trouver des compromis susceptibles de satisfaire tout le monde. Parce que s'il faisait des efforts, il fallait que ce soit réciproque et Andrew avait merdé. Ils avaient dit une heure du matin, il était pas loin des 3h. À la démarche titubante, Tom préférait ne même pas imaginer les excès de la soirée. Il fallait que jeunesse se fasse, il voulait bien, mais il savait pertinemment les conséquences de ce genre d'activités nocturnes. On y prenait goût, parfois bien trop. Et quand il faudrait retomber sur terre et faire face à la réalité, aux études, aux sacrifices pour se forger une vie décente, il n'y aurait plus personne. On ne pouvait pas atteindre le haut d'une montagne en optant sans arrêt pour la facilité qui serait la descente, ou au mieux le plat. C'était une image qui collait à la réalité selon le blond. Pour aller au sommet et réussir, il fallait en chier avant, prendre le risque de trébucher et de se ramasser. Juste attendre les bras croisés et se laisser aller ne permettait pas de faire le moindre pas vers les objectifs fixés. Alors oui, c'était les vacances. Mais il était hors de question que Andrew s'habitue à cette vie. « T'es un sale petit con, Drew. Y a pas de quoi être fier. » Et cela commençait notamment par son attitude avec cette fille. Ce genre de connerie, ça menait à des grossesses apprises tardivement. Comme lui et ce bébé en route depuis plus de six mois.

Il posa son ordinateur sur la table basse et se retourna vers la tête fatiguée, éclatée du jeune couillon. « Maman était furax contre ta technique de contournement de l'autorité parentale, et contre ma faiblesse pour avoir accepté. Mais je le referai pas si c'est pour être pris pour un con. On avait dit 1h, Drew. Si je te connaissais mal, je me serais inquiété de pas te voir revenir. » Il se tut. Il avait bien conscience que dans cet état, le jeune n'était pas capable d'avoir une discussion sérieuse et encore moins de saisir l'importance de tout ce que les Berenson essayaient de lui inculquer en permanence ; des valeurs, une éducation certes parfois stricte mais respectable. « Je pense que c'est inutile de te parler de ce qui aurait pu arriver si tu avais été renversé par une voiture ou quelque chose du genre. Tu t'en fous complètement, hein ? » Question rhétorique. Il s'en fout, s'en branle, s'en contrebalance. « T'imagines même pas tout ce que tu pourrais gagner si on arrivait à te faire confiance. » Il comprendrait peut-être un jour que c'était en amadouant la famille qu'il pourrait enfin avoir plus de libertés. Pas en les inquiétant et en leur donnant des raisons de l'être.

Malgré tout, Tom était ce genre de gars ; celui qui laisse sa chance aux gens. « Tu ferais mieux d'aller te coucher. Réveil à 10h demain matin, t'as un entretien pour un job d'été. » Surprise.

Tom n’était pas son père de famille d’accueil mais c’était tout comme si puisqu’il le croisait aussi souvent qu’Alastair et qu’il jouait un rôle assez important chez les Berenson, pour Andrew en tout cas. Tom était toujours là pour le remettre à sa place, pour lui faire se poser des questions sur la façon dont il se comportait ou sur les conneries qu’il faisait régulièrement mais ça ne durait jamais assez longtemps. Andrew déconne pas mal et même s’il se fout souvent de Tom et de ses petites morales débiles qu’il aime le forcer à écouter, il sait reconnaître qu’il a une bonne influence sur lui… dommage que ça ne dure qu’un certain temps et jamais assez longtemps. « Un petit con… tu t’écoutes un peu, sérieux ? » Un grand con, un connard, c’était ce qu’il était et ce qu’on lui disait très souvent… et il aimait ça. Ne pas prendre la vie au sérieux, passer son temps à boire et à déconner. C’était les vacances, fallait bien qu’il en profite, non ? La rentrée allait vite montrer le bout de son nez, il allait à nouveau faire la connaissance de ces journées barbantes à rester assis comme un débile sur une chaise à écouter un prof totalement désespéré face à une classe totalement insupportable et c’était absolument pas ce qu’il voulait faire, Andrew. Il ne sait pas ce qu’il veut faire après ses études, mais si une chose est sûre pour l’adolescent c’est qu’il aimerait arrêter le plus tôt possible pour se mettre à bosser et rapidement prendre son envol. Mais par quel moyen ?

Assis, en train de bailler à côté du Berenson, il l’écoutait lui raconter la façon dont la mère avait paniqué, gueulé en apprenant que Drew ne serait pas là avant une certaine heure ce soir-là. Forcément, il comprenait facilement la réaction qu’elle avait eue. Après tout, il est sous sa responsabilité et vu le temps qu’il a passé sous leur toit, un lien s’est créé. Il ne peut pas mentir à ce sujet, il l’aime la mère Berenson. Mais c’est Tom qui lui a proposé un deal ce soir-là, qui a voulu lui faire confiance… « Tom, il est que trois heures. Trois heures du mat. J’suis sain et sauf, j’vais pouvoir aller me pieuter, j’entendrais gueuler demain matin mais… relax, c’est pas la mort. T’as jamais été jeune ou quoi ? » Il roulait des yeux tout en terminant ces derniers mots dans un bâillement, la fatigue se faisait ressentir et les verres qu’il avait ingurgités n’aidaient pas. Andrew voulait dormir.

Il savait qu’il n’était pas le meilleur des gamins, qu’il faisait beaucoup trop de conneries mais c’était plus fort que lui. Tous les jours il se disait qu’il allait changer, devenir un meilleur homme, mais… il n’arrive pas à changer. Il est fait pour être un emmerdeur, pour tout foutre en l’air et ça, ça l’fait chier même s’il en parle jamais. Il garde un tas de choses pour lui qu’il aimerait dire, partager à des gens qui pourraient peut-être l’aider à devenir une meilleure personne… Il se comporte toujours comme s’il en avait rien à faire de tout alors que c’est loin d’être vrai.

« Tom, s’il te plaît… foire pas ma soirée. J’me suis éclaté, et au pire tu me feras la morale demain. » Ces heures passées à danser, à rigoler et à hurler comme un taré avec ses potes ce soir-là, il pouvait encore entendre les grosses enceintes gueuler dans ses oreilles tellement il y était encore et voulait y retourner… S’il s’était écouté, il y serait resté. « H… Hein ? » Il s’est mis à éclater de rire, fronçant légèrement les sourcils, le regard posé sur l’homme plus âgé. Un job d’été ? M’ouais. « Tu sais quoi ? J’ai failli y croire… t’es sacré bon, putain. » Deux petites tapes sur l’épaule, puis il se levait doucement pour faire son chemin jusque la cuisine pour se nourrir un peu. Il avait faim, trop faim. Ça ne pourrait le faire qu’aller mieux… « J’ai une gueule à bosser en plein été, moi ? Tu m’prends pour qui ? Propose ça à Josh ou Aline. Moi, j’ai déjà des projets. J’ai pas envie d’aller jouer au serveur dans un resto de merde. »

Jane n'approuverait certainement pas la façon qu'avait son fils aîné de s'adresser aux jeunes, parfois. Elle lui rappellerait probablement qu'il n'était pas celui qui les élevait et qui prenait soin d'eux au quotidien, que son rôle n'était pas de les engueuler pour la moindre bêtise. Tom n'irait jamais dire que sa mère était mauvaise dans son rôle, bien au contraire. Elle était extraordinaire ; elle employait juste trop souvent la douceur. Si les enfants Berenson s'en étaient bien sorti -dans l'ensemble-, c'était surtout grâce au caractère de leur père. La figure d'autorité les avaient dissuadé bien plus d'une fois de mal tourner, c'était évident. Mais aujourd'hui, il semblait fatigué de jouer ce rôle. Les enfants que la famille accueillait, ce n'était pas nécessairement son affaire. Alors c'était en partie pour cela que le blond n'avait aucun scrupule à secouer, reprendre, et parfois pourrir la vie de ses frères et sœurs adoptifs. C'était pour la bonne cause, toujours justifié qui plus est. Andrew était un petit con, ça ne servait à rien de le complimenter sur son attitude. « Ouais, je m'entends. J'suis pas fier de toi, Drew. » Et ça faisait mal, ça. Ce n'était pas rabaissant ou quoi, juste un constat sur son attitude au quotidien. Ils ne pourraient pas tenir longtemps comme ça, c'était évident.

Ce qui le dérangeait le plus, c'était que même s'il avait été arrangeant, Andrew n'avait pas joué le jeu. Il n'en avait fait qu'à sa tête, et inévitablement cela remettait en doute la confiance que l'aîné de la famille pouvait avoir en lui. Le respect et la confiance étaient deux valeurs qui avaient toujours était inculquées dans cette famille, deux choses auxquelles on ne dérogeait pas. C'était probablement ce qui avait contribué au fait de souder les liens entre tous ses membres. S'il y avait des gens dans ce monde à qui Tom ferait une confiance aveugle, c'était bien sa famille. Alors pourquoi ce ne serait pas le cas avec les gamins de passage ? Il y avait tellement à gagner. « J'ai été jeune, mais quand je faisais des conneries et que j'abusais de la gentillesse des autres, j'avais droit à la prise de tête le lendemain, et ce jusqu'à m'en mordre les doigts. Tu sais que plus tu déconneras avec nous et plus durs on sera, hein ? » La leçon ne servirait de toute façon à rien ce soir. Il le sentait à la tête du jeune qui peinait à rester droite. Il était complètement déchiré.

Mais avant qu'il ne le laisse aller dormir, il fallut le prévenir de ce qui l'attendrait demain matin. Le réveil qui serait certainement forcé, les responsabilités qui allaient lui tomber sur le dos sans qu'il ne l'ait demandé. Ce serait magnifique à voir, bien qu'à voir l'état du brun, Tom commençait à se demander s'il avait bien fait. « Rigole tant que tu le peux, gamin. » Malgré le côté pathétique de la situation, il trouva l'envie de sourire, se levant pour accompagné le protégé dans la cuisine. Après une beuverie, évidemment, il y avait l'appel de la nourriture. Heureusement que le frigo n'était jamais vide ici. « J'aurais pas risqué de te mettre en contact avec une clientèle. Nan, t'auras qu'une seule personne dont tu devras t'occuper... Tu feras un super baby-sitter. » Le gamin de Cosmo était gentil, pas trop chiant. Ça devrait aller. « Je te laisse pas le choix, Drew. T'as rien de mieux à foutre de ton été, et le père du gamin a vraiment besoin d'aide. Regarde autre chose que ton nombril. » Il était devenu plus grave, en l'évoquant. Parce que la détresse du jeune père lui était insupportable et que pour l'instant, il s'en remettait à Andrew pour alléger le quotidien de Cos. Rien ne lui garantissait qu'il misait sur le bon cheval.