Need a drink - Caïn

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Need a drink

La porte de la voiture se referma dans un claquement sec et rapide. La respiration coupée, les larmes aux yeux, Lorena resta les deux mains sur le volant, incapable de retenir ses larmes plus longtemps. Il y avait des jours comme ça où la mort remportait la bataille, les patients avaient beau se battre, elle les emportaient sans scrupule. Un père de famille et ses deux jeunes fils étaient décédés sous ses yeux aujourd'hui, laissant une veuve éploré à l'accueil des urgences. Bien qu'elle adorait son boulot, cette partie était toujours insurmontable. Ce sentiment d'impuissance face à ces personnes en détresse qui veulent survivre à tout prix malgré qu'elles soient déjà condamnés. Elle le savait, elle avait signé pour, on ne pouvait pas sauver tout le monde mais elle ne s'y ferait jamais. Elle se battait toujours jusqu'au bout pour sauver la vie de quelqu'un et quand ça ne suffisait pas comme aujourd'hui, quand la mort prenait la vie d'enfants innocents sous ses yeux, elle craquait.

La mort, elle l'avait vu de près quand son père s'était fait descendre sous ses yeux sans qu'elle ne puisse rien faire pour lui venir en aide. C'était une corde sensible chez Lorena, ça lui faisait revivre de vieux et douloureux souvenirs qu'elle tentait d'enterrer au plus profond d'elle même. Elle souffla un bon coup, il fallait qu'elle se ressaisisse, d'un revers de main elle essuya les larmes sur ses jours humides et démarra la voiture. Elle allait prendre le chemin de son appartement mais elle bifurqua à la dernière minute et changea d'itinéraire. Elle avait besoin d'un verre, de plusieurs même. Il fallait qu'elle évacue la pression de cette journée. Tant pis, elle laisserai sa voiture sur place et elle prendrait un taxi pour rentrer, ça ne serait pas la première fois après tout. Le bar n'était pas très loin de l'hôpital et elle arriva rapidement à destination. A peine rentrée à l'intérieur, elle alla s'installer au comptoir du bar et commanda une vodka tonique qu'elle engloutit d'une traite. "Une autre s'il vous plait" Les yeux fermait, elle se concentra sur la musique en fond pour tenter de chasser toutes ses images horribles qu'elle avait vu aujourd'hui. Le second verre ne fit pas long feu non plus et elle entendit à peine le barman lui dire d'y aller doucement avec la vodka. Elle se contenta de répéter la même phrase pour commander ses verres sans prêter attention au reste. Après tout elle était là pour faire le vide, boire et oublier, lui était là pour faire son boulot,la servir et encaisser l'argent. Des bruits de fond la firent finalement grimacer et elle ouvrit un œil. Deux mecs étaient accoudés à côté d'elle, sourire béat aux lèvres, déballant le parfait discours du dragueur ringard qu'elle n'écoutait même plus. " On te paye un verre ma jolie." Lorena leva les yeux au ciel en haussant les épaules. Autant en profiter si ces deux lourdeaux voulaient dépenser leur argent. Sauf qu'ils devinrent vite lourd, à essayer de s'approcher un peu trop près. " C'est bon là, allez faire chier quelqu'un d'autre" Ouais elle n'était plus très polie, mais avec un coup dans le nez et leurs paroles déplacées elle perdait patience. Rien à faire, ils n'en démordaient pas. Elle décida de descendre de la chaise de bar avec un peu de difficultés et tituba jusqu'à la sortie du bar. Elle allait s'engouffrer dehors quand ils lui barrèrent encore une fois le chemin. " Dégage !" Sa voix résonna dans le bar, elle s'en foutait, elle voulait juste se débarrasser de ces deux sangsues.

charney

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En ce moment, tout réussissait à Caïn. Ses intuitions étaient les bonnes. Il misait ou se défaussait sur les sujets brulants, dégageant des rentrées d'argent non négligeables. Il en était ainsi depuis environ un mois. Et son patron était content. Un peu trop content même. En général, quand un banquier se frotte les mains, c'est qu'il vous entube. Gallagher en savait quelque chose. Il avait demandé un rendez-vous avec son chef et durant celui-ci, il lui était rentré dedans, verbalement, évidemment. Il ne mélangeait pas le boulot et le sexe ! Bien sûr, le boss n'avait pas apprécié. Imaginez Picsou dans son fauteuil en or, à qui l'on vient réclamer une augmentation. L'échange monta dans les tons. Mais Caïn ne lâchait jamais rien. Et au terme d'une âpre négociation et d'une volonté de fer de sa part, il obtint une augmentation du pourcentage de prime qu'il obtenait à chaque bénéfice. Il ne manquait pas d'argent, il en avait même à la pelle, de quoi préparer un bel avenir à sa fille. Il agissait plus par principe, déjà pour calmer le vieux Picsou et ensuite pour lui faire comprendre qu'il dépendait de lui. Et donc, ce qu'il gagnait, devait être bien réparti, au risque de le pousser à aller voir ailleurs. Et là, dès qu'on parlait de la concurrence, le patron redevenait tout mielleux. Il le tenait pas la bourse ! C'était le cas de le dire. Aucun dirigeant sensé, au regard des très bons chiffres et de la rentabilité de Gallagher, n'aurait songé une seconde à le laisser partir dans une autre banque d'investissement. Il le savait et donc, comme à chaque fois qu'il avait un quelconque pouvoir, il en usait et en abusait.

C'est donc fraichement augmenté qu'il décida de fêter ça. Murphy n'était pas là, Kenny non, il intervenait sur une histoire de meurtre, quelque part au nord de la ville. Guère étonnant, c'était là-bas qu'il y avait le plus de pauvres... et donc le plus de délinquance. Ce n'était pas lui qui le disait, mais les statistiques ! Bref ! Fêter une augmentation tout seul, il aurait pu le faire chez lui. Mais il préféra s'arrêter dans un bar, de Wellington, puisqu'il en revenait. Boire et prendre le volant ensuite n'était pas très conseillé. Et comme Gallagher l'avait vu avec son avocat, s'il voulait gagner son droit de garde exclusif il devait être exemplaire et se tenir à carreau. Il commanda donc un cocktail sans alcool, préférant s'éviter le mal. Et comme le breuvage était bon, il en commanda plusieurs. Il en était à son troisième lorsqu'il entendit un éclat de voix. "Dégage !". Le genre de mot lâché avec un ton bien hargneux. Le trader tourna forcément la tête et reconnut Lorena. C'était Kenny qui l'avait envoyée vers lui. La jeune femme avait un beau capital mais ne savait pas le gérer. Pour rendre service, il avait accepté de lui donner des conseils. Elle était encerclée par deux types, à la tronche sacrément dégueulasse. C'était cliché, mais ils ressemblaient à deux bûcherons revenant d'Alaska et n'ayant pas pu faire autrement que violer des chèvres pour canaliser leur frustration. Bon, ok, j'exagère. Caïn se leva pour s'approcher des deux loubards. Il n'avait pas peur et en même temps avec sa grande taille et son physique baraqué, on comprenait pourquoi. Il arriva en face des zozos et d'un ton cassant, il dit :

- C'est quelle syllabe que vos deux cerveaux d'abrutis consanguins n'ont pas compris dans le mot "DÉ-GA-GE" ?

- Qu'est-ce que tu veux blondinet ? T'as un problème ?

- Non, là, dans l'immédiat, j'ai deux problèmes. Le premier c'est que j'aime pas la façon dont vous causez à la dame. Le deuxième c'est que vos deux tronche des cake ne me reviennent pas. Mais il risque bientôt d'y avoir un troisième problème, d'ordre médical pour vous deux.

L'un des deux éclata d'un rire gras. Caïn en profita pour écarta précautionneusement Lorena du passage et la mettre en sécurité sur le côté. Il avança vers celui qui l'avait traité de blondinet et colla son front contre le sien en le fixant dans les yeux. Il avait un regard de tueur, farouche et surtout déterminé.

- T'as trouvé que je disais quelque chose de drôle ?

D'un mouvement puissant Gallagher poussa le type sur l'autre qui s'était mis juste derrière lui. Les deux balourds percutèrent la porte qui s'ouvrit et s'affalèrent de tout leur long sur la devanture du bar, à même le trottoir. Caïn sortit à son tour. Il avait le respect des lieux, il ne voulait rien casser. Furieux de s'être fait prendre à partie de cette façon et éjectés du bar, les deux types se relevèrent, poings serrés. La bagarre s'engagea. Caïn reçut des coups de poing, dont il contint la douleur. Il en donna surtout, beaucoup. A tel point qu'à un moment, il explosa un nez. En quelques minutes, les deux mecs furent étendus sur le trottoir, gromellant et gémissant. Gallagher lâcha dans un éclat de voix :

- Je revois l'un d'entre vous, JE LE FUME ! OK ?

Les deux types s'entraidèrent pour se relever et partirent. Caïn rentra dans le bar, sous les regards mi-hallucinés, mi-terrorisés des autres clients. Faut dire qu'un mec qui se bat contre deux autres, en costard cravate, ça a de quoi laisser pantois. Il invita Lorena à s'asseoir à sa table.

- Est-ce que tout va bien ?

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Entre la journée merdique à l'hôpital combinée avec la pression, le stress, la frustration et la mort de tout ces gens, Lorena était exécrable ce soir, ça avait eu le don de lui taper sur le système et de l'épuiser. Elle n'était pas d'humeur à plaisanter et encore moins à rentrer dans leur petit jeu de drague à deux balles. Elle voulait qu'on lui foute la paix et descendre un nombre incalculable de vodka ou tout autre alcool qui lui passerait sous la main. Apparemment c'était trop demandé à ces deux là. Ils lui tenaient la jambe comme des moules accrochées à leur rocher, ça en devenait ridicule. Lorena commençait à bouillir intérieurement à cause de ses deux imbéciles, ils lui prenaient la tête et elle ne mâchait pas ses mots pour leur faire savoir. C'était quoi leur problème? "Non" c'était déjà plutôt clair comme réponse à son goût mais pas pour eux faut croire, mais "dégage", quand même. Il leur fallait quoi de plus pour comprendre qu'ils n'obtiendraient absolument rien d'elle si ce n'est une bonne gifle sur leur deux joues joufflues si ils continuaient à la pousser à bout. Quand l'un deux se rapprocha un peu trop d'elle, répugnant qu'il était, avec sa bouche en coeur pleine de bave et puant l'alcool à dix milles kilomètres à la ronde, elle leva un doigt en l'air en signe d'avertissement en faisant quelques pas en arrière avant d'ouvrir la bouche pour le rembarrer mais elle se fit devancée. C'est une voix beaucoup plus masculine, rauque et puissante qui prit la parole et le guignole en face d'elle s'empressa de faire volte face. Les sourcils froncés, la surprise imprégnée sur son visage, elle chercha elle aussi le troisième intervenant dans l'histoire. Elle ne tarda pas à le remarquer, en même temps il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Lorena reconnut très vite Caïn, elle l'avait rencontré grâce à Kenny. La jeune interne possédait une fortune impressionnante, qu'elle ne savait pas gérer et elle n'avait pas non plus le temps avec ses études pour se pencher sur le sujet. Enfin bref, elle était bien contente de le connaître pour qu'il lui donne un petit coup de pouce de temps à autre. Elle le trouvait plutôt cool en plus, pour le peu de fois qu'ils s'étaient croisés. Sa bouche forma un "o" amusé quand l'un des deux gaillards fit une réflexion au trader et elle ricana silencieusement devant la réponse de ce dernier et sur ce qui allait inévitablement se passer. Bon, elle espérait qu'il n'allait pas leur faire trop mal, elle serait quand même obliger de les soigner sans aucune gaieté de cœur et elle était déjà pas mal alcoolisée. Sans même qu'elle ne s'en rende vraiment compte, Caïn l'écarta comme on chasserait un moustique d'un mouvement de main, mais avec plus de douceur bien sûr, et commença à s'occuper des deux débiles profonds. Lorena, les bras croisés, un sourire amusé sur ses lèvres, assista à toute la scène en sirotant le dernier cocktail qu'elle avait commandé. A la fin de cette scène bien hilarante, qui ne dura pas très longtemps d'ailleurs, Lorena alla s’asseoir avec son sauveur à une table. "Et ben ! ça c'est ce qu'on appelle une entrée plus que réussie ! " Elle lui adressa un grand sourire avant de déposer son verre à moitié vide sur la table devant elle. "Merci d'être intervenu" En vérité, elle aurait sans doute réussi à s'en débarrasser un jour ou l'autre mais beaucoup plus lentement et avec beaucoup de cris, ce dont elle n'avait pas du tout envie ce soir. L'intervention de Caïn était tombé à pic et ça avait été rapide et efficace. "Qu'est ce qui t'amènes? " Maintenant qu'il était là, elle comptait bien lui tenir compagnie. D'une parce qu'au moins maintenant elle était certaine qu'aucun client dans ce bar ne prendrait le risque de s'approcher et de deux parce qu'elle était alcoolisé, et que malgré sa mauvaise humeur, l'alcool lui donnait envie d'être accompagnée et de discuter sans s'arrêter. Bon pas sûr que ça sera 100% compréhensible, mais elle ferait de son mieux. " Tu veux boire quoi? C'est pour moi ce soir " et en plus elle était généreuse la jeune !

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- Il n'y a pas de quoi, c'était normal. Fallait bien que quelqu'un se décide à intervenir.

Il accentua volontairement sa dernière phrase pour que tout le monde l'entende. Le bar n'était pas vide. Et il trouvait profondément honteux que personne n'ait daigné lever le petit doigt pour défendre ou du moins aider Lorena. Caïn ne gardait jamais sa langue dans sa poche, même si ça amenait au conflit. Il pouvait rentrer dans le lard de n'importe qui, au sens propre comme au figuré, si jamais ça lui échauffait les oreilles. Il ne retenait ni ses pensées, ni ses coups. Les clients du bar et les employés n'avaient pas besoin d'une démonstration supplémentaire. En même temps, quand vous avez une armoire à glace qui peut vous péter le crâne en un coup de poing... vous y réfléchissez à deux fois avant de moufter. Rares étaient les causes pour lesquelles Gallagher s'engageait. Il n'avait rien d'un idéaliste, il détestait les oeuvres de charité, les étrangers, les pauvres, les pacifistes, les hippies... bref, la liste était longue ! Peu de gens et peu de choses trouvaient grâce à ses yeux. Mais s'il y avait bien un truc qu'il ne supportait pas, c'est que l'on ne se bouge pas pour défendre quelqu'un qui était menacé. Pour lui, les gens n'avaient plus de couilles. Ca le révoltait tellement que si Lorena n'avait pas repris la parole, il se serait tiré sans payer, un procédé sanguin, qui lui correspondait parfaitement.

- A vrai dire, j'étais venu ici pour "fêter" mon augmentation en solitaire. D'habitude je ne traine pas dans ce secteur. Je suis visiblement bien inspiré vu que ça a l'air d'être un repère à eunuques !

C'était plus fort que lui, il avait augmenté le volume sur la dernière phrase. Autour d'eux, il y avait pas mal de gêne. Certains se levèrent pour payer et partir. Le barman lui adressa un regard noir que Gallagher lui rendit. Qu'il vienne un peu lui faire une remarque celui-là, il allait douiller sévère. Lorena enchaina, en lui indiquant que c'était sa tournée. Caïn n'allait pas décliner l'invitation. Il avait largement de quoi se payer une énorme beuverie, mais rarement l'occasion de papoter un peu avec la jeune femme, autrement que d'argents. Son odorat lui indiquait, sans peine, qu'elle avait consommé pas mal d'alcool. Une telle attitude témoignait d'un mal-être. Elle ne ressemblait pas à une ivrogne. Quelque chose la tracassait. Alors elle essayait d'oublier et de se changer les idées. Gallagher s'abstint de lui faire la moindre remarque. Ca ne servait à rien. Elle ne lui demandait rien. Et si quelque chose la tourmentait, c'était inutile de remuer le couteau dans la plaie.

- Ok, faudra pas me le dire deux fois ! J'aime bien quand on m'invite ! Un cocktail sans alcool pour ma part. Je conduis après et je ne peux pas me permettre d'être arrêté pour ivresse au volant. Tu me verseras un peu de ton breuvage dans mon verre, en catimini !

Il plaisantait. D'ailleurs un sourire, le premier depuis le début de la journée, donna, un court instant, des traits humains et chaleureux à son visage.

- En fait, je cherche à avoir la garde exclusive de ma fille. Donc, ça veut dire que ma conduite doit être exemplaire.

Il avait une volonté de fer, quand il voulait quelque chose, il l'obtenait, parfois avec des méthodes peu conventionnelles. Si un jour il venait à être général des armées ou chef d'état, ce qui était totalement utopique, il serait du genre à utiliser l'arme nucléaire pour gagner ou pour calmer un adversaire trop nerveux. A partir du moment où il s'engageait dans une compétition, c'était pour gagner. Dans une bataille, il n'existe pas de méthode loyale. Pure connerie que ce concept ! Tous les coups étaient permis. Lui qui se voulait exemplaire sur son absence d'infraction irresponsable, faisait pourtant suivre et écouter le demi-frère de sa fille pour trouver ses failles et le détruire. Aucune pitié pour son adversaire, même si autrefois, ils avaient partagé un bout de route ensemble, lorsque Caïn fréquentait la mère de Laszlo. Désormais, le jeune homme était un ennemi, une cible à abattre, sans la moindre once de pitié !

- Ca faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus ! Alors, qu'est-ce que tu deviens ?

Il prenait des nouvelles sans trop s'immiscer. Le pourquoi de son ébriété n'avait aucune importance. Elle en parlerait quand elle se sentirait prête ou qu'elle serait trop imbibé pour filtrer ses mots. En attendant, elle avait besoin de parler de choses légères.

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"C'est bien trop en demander Monsieur Gallagher". Lorena jeta un rapide coup d’œil, un sourire au coin des lèvres. Tout le monde les observait discrètement, surtout pour éviter de voler à travers la porte du bar comme les deux derniers qui avaient un peu trop fait les malins. Fallait avouer qu'ils étaient pas très doué pour la discrétion d'ailleurs. Caïn marquait un bon point ceci dit. L'entraide dans ce monde devenait quelque chose de rare à obtenir comme un tas d'autre chose. Elle l'avait déjà remarqué à l'hôpital, surtout quand elle était au service des urgences. Les personnes s'ignoraient dans les salles d'attentes, s'observaient d'un air hautain ou fuyaient le regard des autres et s'adressaient à peine la parole, même un bonjour ou une conversation des plus simplistes relevaient d'un miracle. Bon c'était peut-être exagéré mais c'est comme ça qu'elle le ressentait, la population n'était plus aussi sociable et avenante qu'avant. Elle en avait déjà été témoin, d'où son opinion peu élogieuse des inconnus qui l'entouraient. Un jour un homme était arrivé blessé à l'hôpital après une altercation stupide dont il n'était même pas responsable. Il était venu aux urgences par ses propres moyens car personne n'avait daigné lui apporter son aide pour le conduire se faire soigner. C'était tout bonnement scandaleux, qu'ici, à cette époque, l'Homme soit aussi stupide et nombriliste. Et encore, ça restait bien gentil comme pensée ! Enfin passons. Les gens ne changeront pas de toute manière. Lorena secoua la tête et se concentra sur Caïn assis en face d'elle. "C'est super ça!" Elle lui afficha un grand sourire, accompagnée d'un petit rire. Elle voyait bien qu'il avait encore l'altercation de tout à l'heure et les réactions inexistantes des clients du bar en travers de la gorge. A vrai dire, et surement à cause de l'alcool, cette situation et cet atmosphère gênante qu'il avait installé autour d'eux l'amusait plus qu'autre chose. Tout ses pauvres types accoudés au bar qui ne savaient plus où se mettre, ou encore ses pimbêches qui s'indignaient devant les paroles de Gallagher, c'était tout simplement hilarant. Content ou pas, ça ne changerait absolument rien Caïn restait Caïn.

Lorena, elle, commençait à être vraiment contente d'être tombée sur lui, la soirée qui se profilait à l'horizon s'annonçait tout de suite un peu plus joyeuse que prévue. "Alors fêtons, trinquons à ton augmentation ! J'ai besoin d'une bonne raison de boire un coup ce soir." Elle leva son verre presque vide avant de grimacer un bon coup. Aussitôt elle fit volte face sur sa chaise pour faire signe au serveur. Elle regarda Caïn pour savoir ce qu'il voulait boire et roula des yeux à l'évocation de son cocktail sans alcool, même si pour le coup c'était totalement compréhensible. "Un cocktail sans alcool pour mon garde du corps et un cocktail avec pour moi s'il vous plait!" Elle ne put s'empêcher de sourire à son tour quand elle le vit faire, c'est vrai qu'elle ne le voyait pas sourire souvent. Il avait un visage et un regard dur et sérieux que l'on voyait rarement s'adoucir. "Oh? Je ne savais pas que tu avais une fille !" En vérité, elle ne savait pas grand chose de sa vie comme lui ignorait quasiment tout de la sienne, sauf sa fortune. Ils n'avaient jamais eu de véritable conversation, les quelques fois où ils s'étaient vu ils avaient parlé argent. "J'espère pour toi que tout va bien se passer, même si j'en suis convaincue" Elle n'avait pas la moindre idée du pourquoi du comment il ne possédait pas la garde de sa fille mais ça, il était le seul à décider si il voulait en parler ou non, elle ne s’immiscerait pas sans son accord. En attendant l'arrivée de leurs verres, ils continuèrent à discuter. "J'entame ma deuxième année d'interne en chirurgie, c'est... mouvementé" Elle laissa échapper un petit rire. Elle avait du mal en ce moment, les nerfs lâchaient et c'était d'ailleurs pour ça qu'elle était là ce soir."J'ai toujours pas décidé vers quelle spécialité je voulais me tourner, contrairement à tout mes autres amis" Elle hésitait encore beaucoup trop, et à chaque fois qu'elle pensait avoir trouvé, un événement l'amenait à changer d'avis ou la faisait douter.

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- Les facs de médecine n'ont pas une bonne réputation. C'est une filière difficile et il y a beaucoup de gens là-dedans qui ont un grain, si tu vois ce que je veux dire. Heureusement que certains comme toi sortent du lot. Sinon, on serait pas gâtés !

Caïn n'aimait pas beaucoup les médecins. Il évitait soigneusement d'aller voir le sien, même lorsqu'il était malade. Il partait du principe que son corps savait se défendre et par conséquent, il jugeait inutile de se bourrer de médicaments. Il n'était même pas à jour dans ses vaccins. Par contre, sa fille, elle, l'était. Il y tenait. Elle passait avant beaucoup de choses et il lui appliquait de nombreux principes, inexistants quand il s'agissait de lui. De toute façon, personne n'oserait lui faire la moindre remarque sur le sujet. Le trader tâchait d'avoir une vie saine et de ne pas faire d'excès. Mine de rien, il gardait une forme olympique pour son âge ! Il tombait rarement malade, sa bonne composition lui permettait d'avoir une santé de fer. Lorena n'était pas vraiment partie pour être médecin, pas au sens propre du terme. Elle voulait faire dans la chirurgie. Forcément, Caïn, qui se tenait toujours au courant des tendances, notamment en matière d'opportunités, savait où il y avait du potentiel. Il la gratifia d'une analyse aiguisée et très pragmatique de la situation.

- Si je devais te conseiller un secteur, je te dirais l'orthodontie. C'est un bon filon. Il y a de plus en plus de gosses qui ont des dents pourries, tordues. Et c'est plus pris au sérieux à notre époque qu'avant. C'est un domaine qui paie bien, la dentition, de toute façon. C'est une valeur sûre et prometteuse. Sinon, tu as la chirurgie esthétique, qui rencontre toujours un franc succès. Dans ce monde merdique, chacun se soucie plus de son image. Tu as de quoi bien gagner ta vie là-dedans. Sinon, si tu aimes l'aventure, il y a la chirurgie générale. C'est un bon moyen d'alterner les plaisirs. Un jour tu mets une prothèse et tu enchaines avec une opération à coeur ouvert de la vieille peau du quartier. Bien payé mais les horaires sont à chier. Personnellement, j'éviterais. Sauf si tu achètes des parts dans l'hôpital privé où tu bosses. Ca te permet de siéger au conseil d'administration et de déléguer le moins intéressant. Et puis tu récupères de l'intéressement pour tes bons résultats.

Si Lorena voulait une analyse fine des marchés financiers et des filières d'avenir, elle avait trouvé le bon interlocuteur. Caïn était réputé dans son métier pour son intuition et sa capacité à taper dans le mille. Il ne le savait pas mais dans son dos, on l'appelait Goebbels, parce qu'il n'avait aucune pitié pour ses concurrents et qu'il était clairement opportuniste. Ses méthodes étaient très discutables. Il détestait perdre. Tandis que le serveur leur amenait leur verre, il ajouta :

- Je pense que l'idéal serait de coupler une spécialisation qui te rapporte avec celle qui te plait. Tu n'as pas forcément besoin d'un truc de fou, vu que tu ne manques pas d'argent. Mais faire fructifier le tout est la clé du succès. C'est que j'essaie de faire comprendre à Murphy, ma fille. Malheureusement pour moi, elle est aussi idéaliste que sa mère. Ce qui veut dire qu'elle s'entête à vouloir être moins que ce qu'elle peut devenir. Elle souffre d'un cruel manque d'ambition. J'imagine que tu as quand même une idée de ce que tu veux faire, toi ?

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"Je vais pas te contredire là-dessus, j'ai rencontré pas mal de phénomènes pendant mes années de fac et ça ne s'arrange pas vraiment depuis le début de mon internat à l'hôpital ! Et ça inclut, surtout, les patients ! J'ai vu des choses que je ne pensais juste pas possible " Elle éclata de rire à cette pensée. Un sourire amusé vient illuminer son visage après qu’elle ait lancé le sujet de la spécialisation. Caïn se lança dans une analyse assez poussée des avantages et des inconvénients de chaque spécialité, celle qui lui rapporterait le plus d’argent en l’occurrence mais aussi celle qui ne suscitait que peu d’intérêts chez les personnes en général. Les yeux plissés elle l’écouta attentivement, enfin c’était un grand mot de dire qu’elle écoutait, elle avait déjà une bonne dose d’alcool dans le sang et il avait un débit de parole impressionnant. Elle se demanda presque s’il ne s’était pas accidentellement mis sur avance rapide tout à coup. Elle reconnaissait bien le trader en lui, déformation professionnelle comme on dit. Il analysait absolument tout sur n’importe quel sujet. C’était assez fort d’ailleurs. « Je ne te garantis pas que je me souviendrais de tout tes bons conseils demain ! » Elle haussa les épaules amusées comme pour s’excuser d’avance. « La chirurgie esthétique c’est pas mon truc, mais alors vraiment pas. Je me doute que c’est un des domaines les plus prisés mais je n’arrive pas à m’épanouir là-dedans et si je compte bien passer ma vie à faire de la chirurgie. » Traduction, elle voulait trouver un domaine qui lui plaisait et dans lequel elle était réellement douée. « La chirurgie générale j’y pense de plus en plus souvent c’est vrai. Après j’aime beaucoup la chirurgie pédiatrique et la neuro.. » Elle grimaça, songeuse. « C’est pas les plus simples à réussir ceci dit. » Elle remercia le serveur d'un signe de tête quand il ramena leurs verres. "A la tienne, pour ton augmentation !" Elle fit glisser le verre de Caïn jusqu'à lui et leva le sien en lui faisant un signe de tête. "Je veux faire de la chirurgie mon métier, ça j'en suis certaine. Après c'est la spécialité qui me pose problème. Je suis qu'en deuxième année, on voit pleins de truc extraordinaire dans tous les services. C'est difficile de dire ce que je préfère..Enfin, j'ai encore un peu de temps mais il va falloir que j'y pense sérieusement ! " Elle lui afficha un grand sourire et saisit son verre d'alcool. "Allez, à la tienne, pour ton augmentation !" Elle fit glisser le verre de Caïn jusqu'à lui et leva le sien en lui faisant un signe de tête.Ce coup-ci ils pouvaient trinquer pour de bon, les verres pleins et prêt à être déguster. Malgré elle, elle reprenait ses anciennes habitudes, de venir se réfugier dans un bar quand quelque chose n'allait pas et de boire pour se changer les idées et oublier pendant un instant ses problèmes. Cette fois ci, ce n'était pas ses problèmes à proprement parler, c'était plutôt les nerfs qui lâchaient devant les malheurs auxquels elle avait assisté impuissante tout au long de la journée. Ce n’était pas facile tous les jours, elle le savait, elle avait signé pour ça, mais elle restait un être humain avec un passé assez lourd qui plus est et quand elle voyait des vies innocentes s’envolaient, elle flanchait assez facilement. Elle allait devoir travailler là-dessus, ça aussi elle en était consciente. En tant que médecin, chirurgien même, elle devait apprendre à garder son sang-froid et à faire abstraction de ses émotions. "Laisse lui le temps,elle finira par écouter tes conseils un jour ou l'autre et puis elle est encore jeune. Enfin je crois, t'es pas si vieux non?" Elle pouffa de rire en buvant une gorgée dans son verre qui était à nouveau quasiment vide. Elle ne se rendait même pas compte de la vitesse à laquelle elle buvait. "J'suis désolée de boire autant devant toi, j'ai juste eu une grosse journée de merde !" Sur cette dernière phrase elle vida le reste de son verre avant de le reposer amèrement sur la table.

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- Trente-cinq ans. Et toutes mes dents ! Pratiquement pas une ride ni même un début de calvitie.

Caïn n'avait pas honte de son âge, loin de là. Il n'angoissait jamais du temps qui passe. Sauf peut-être avec sa fille, car il savait bien qu'un jour, elle vivrait sa vie, avec un gars, ou une fille... cette éventualité ne lui plaisait pas vraiment, parce qu'il était en plein travail sur lui-même. Il était trentenaire, il avait la forme tant physiquement que moralement. Aussi, il se considérait comme jeune. Mûr comme il le fallait. Parfois certaines questions lui venaient, comme tout un chacun. Comment vivrait-il ses derniers jours ? Le trader espérait ne pas être seul. Mais à choisir entre ça et finir mal accompagné, son choix était vite fait ! Kenny faisait partie des rares avec lesquels il se voyait vieillir. Bullshit. Il préférait ne pas envisager la vie en couple pour l'instant. Pourtant, tôt ou tard, ils finiraient ensemble. L'attraction devenait de plus en plus puissante. Quelque chose se renforçait sans qu'il en ait conscience. Murphy, le maintenait un peu dans la jeunesse. Elle amenait une fraicheur et un petit air de nostalgie. Elle possédait plus de libertés qu'il n'en avait jamais eu. Il se sentait fier de sa petite fille, qui devenait une femme. Lorena était un pont entre sa vision paternelle et l'attitude encore immature de sa fille. Lui laisser le temps. Un conseil sage qui contrastait tellement avec le fait que la jeune interne soit bourrée. Il s'amusa de cette situation :

- Il en faudra plus pour m'impressionner tu sais. En temps normal je t'aurais suivi et on aurait fait un concours. Je tiens bien l'alcool, très bien même. Si ce connard de Laszlo me cherchait pas des poux, j'en serais pas là...

Caïn but son verre cul sec. Le sujet de la garde de sa fille était très sensible. Il mettait tout de son côté pour gagner. C'est là que l'on commençait à voir la noirceur qui l'habitait. Déterminé, il l'était. Au point de vouloir écraser le demi-frère de Murphy comme une blatte. De l'exploser, même, sans aucune pitié, sans rien laisser passer. Mais ça, Lorena n'avait pas forcément besoin de le savoir. Elle voyait bien qu'il ne portait pas son adversaire dans son coeur. Il changea de sujet, pour partir sur quelque chose de plus léger :

- On a tous nos journées de merde. Quand ça m'arrive, je m'arrange pour pourrir celle d'autres, ça défoule. L'autre jour, j'ai été pris dans les bouchons pendant deux heures. Y'avait un con qui n'arrêtait pas de klaxonner. Quand on est arrivés au niveau du feu rouge, j'ai pilé et je suis reparti. Il a freiné brusquement et le mec derrière lui est rentré dedans. J'étais plutôt content de moi. Ca a le don de me remettre en forme.

Il claqua des doigts pour indiquer au serveur d'apporter la même commande à leur table. La politesse était en option, vu le mépris souverain qu'il éprouvait pour ce bar. Mais vu son gabarit et la façon dont il avait réagi précédemment, il était le roi, ici.

- La prochaine fois, c'est moi qui t'invite. Je t'amènerais dans un pub que je connais bien. Le barman est cool. Il organise des petits tournois clandestins qui ajoutent du piment. Et il sert toujours de bons alcools. C'est le seul gars que je connaisse la Poteen et qui en a toujours !

Caïn n'avait jamais parlé de ses origines irlandaise à Lorena. Ce n'était quasiment pas nécessaire. Il possédait déjà un nom bien gaélique. Et il était plutôt typé hémisphère nord, mi-viking, mi-celte. Il toisa le serveur qui leur apportait leur commande. Puis quand il partit, il eut un sourire :

- Et t'en fais pas. Je te ramène chez toi !

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Need a drink

C'était ça qui était bien avec Caïn, elle cloturait un sujet et il ne cherchait pas à débattre encore dessus. Non pas que ça ne l'intéressait pas de parler de ses possibilités d'avenir et sur la spécialité qui serait la plus fructueuse dans l'avenir, au contraire, elle adorait ce qu'elle faisait, c'était une véritable vocation. Sauf que ce soir, elle ne voulait pas penser au boulot, ou du moins aussi peu que possible. Elle avait eu sa dose pour la journée. Elle voulait juste boire, rire et essayer de s'amuser un minimum. Ça avait mal commencé je vous l'accorde. "Monsieur Gallagher votre vocabulaire !" Lorena venait de prendre une grosse voix pour imiter la façon que Caïn avait de parler et elle explosa de rire juste après. Les vapeurs d'alcools dans son sang commençaient à se faire sérieusement ressentir. Au moins elle avait l'alcool joyeux ce soir, surement grâce à lui d'ailleurs. Si elle était restée seule, coincé avec ses deux guignols, son humeur aurait surement était bien différente. "Je note, je note, la prochaine fois, je t'écrase. Aucun concours ne me résiste !" En vérité, elle était quasiment certaine de perdre. Rien que devant le gabarit de Caïn et l'alcool que celui ci pouvait accumuler, mathématiquement parlant c'était mort. Elle affichait sa mine fière et sûre d'elle en plaisantant et pour appuyer ses mots elle saisit son verre pour boire un coup avant de se rappeler que ce dernier était vide. Elle grimaça et ronchonna en le reposant. Heureusement pour elle, Caïn était réactif et il ne tarda pas à sonner le serveur pour qu'il leur ramène une autre tournée. "C'est carrément salaud comme raisonnement mais j'adore" Après tout, passer ses nerfs sur les autres ou voir les autres galérer pour une fois et s'en amuser, ça ne faisait de mal à personne. Pour la bonne conscience on repassera mais elle ne doutait pas que ça devait faire un bien fou parfois. "Ma journée de merde à moi se résume à un père et ses deux fils mort suite à leurs blessures dans un accident de la route.." Elle arrêta de parler un instant, le regard vide, plongé dans le verre que le serveur venait de poser devant elle. Elle avait déballé ça le plus naturellement possible et pourtant ça lui avait pesé toute la journée. Elle revoyait encore le visage de la mère de famille quand on lui apprenait la nouvelle. Un long soupire s'échappa de ses lèvres et elle secoua la tête. "Je suis partante ! Du moment que j’atterris pas dans une partie de strip poker !" Un petit sourire raviva son visage après cette plaisanterie. Elle tiqua sur ces dernières paroles "Tu viens d'où toi déjà?" Pas déjà, elle l'ignorait mais ces phrases étaient considérablement réduites depuis plusieurs minutes. Histoire de continuer de se faire comprendre un minimum et d'aligner trois mots à la suite sans buguer. En temps normal elle aurait pu reconnaître ou s'amuser à deviner ses origines mais son état d'ébriété ne le lui permettait plus vraiment. "Sérieuuuux??? Oh ben t'es gentil toi" Sa voix partait dans les aiguës tandis qu'elle lui souriait de toutes ses dents. "Attends. Faut que j'aille faire pipi." Information très importante. Elle se leva avec du mal et se dirigea vers les toilettes des femmes. Après sa petite affaire elle retourna à la table et saisit son verre, dont une partie du liquide se déversa sur la table. "Merde" Elle fronça les sourcils et avala le reste de son verre d'un trait. "On va prendre l'air ok?"

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La bonne conscience, ça faisait belle lurette que Caïn n'en avait plus. A vrai dire, ce qui l'avait définitivement vacciné d'être tolérant et d'aider son prochain, c'était la messe. Contraint par sa mère de s'y rendre, il avait vite compris à quel point on pouvait avoir un comportement de merde et finalement être pardonné de tout après être allé à confesse. Toutes ces grenouilles de bénitiers qui venaient jouer les prudes et les saintes nitouches... elles n'avaient même pas le courage de leur foi et s'adonnaient à tous les péchés sans craindre d'être punies. Dieu pardonnait tout, disaient-elles, même les plus horribles fautes. Est-ce que Dieu pardonnait l'intégrisme ? Probablement, ce type avait l'air cool et rock and roll. S'il pardonnait à des curés d'avoir tripoté des gamins dans le confessionnal, alors il pardonnerait à Gallagher de se comporter comme le parfait connard de service et d'être homosexuel. De toute façon, plus le temps passait et plus Caïn considérait que la religion n'était qu'un énorme tissu de conneries. Il était libre de le penser, en plus. Dieu lui ouvrirait les portes du Paradis quoi qu'il arrive ! Egoïste, il ne se préoccupait pas trop du malheur des autres, sauf s'il éprouvait de l'estime pour eux. Quand Lorena lui parla de ce père et de ses deux fils qui avaient perdu la vie, il resta insensible. Il ne les connaissait pas, après tout. Et des morts, il y en avait tous les jours, parfois bêtes, parfois injustes. C'était comme ça. Il sentait néanmoins que la jeune femme était affectée. A chacun sa sensibilité. Le trader laissa un petit silence s'installer puis il lui dit, d'une voix neutre, où l'on sentait une compassion feutrée et pudique :

- Désolé pour toi. J'espère que ça va aller. Tu ne pouvais malheureusement pas y faire grand chose. On ne peut pas sauver tout le monde et l'énergie que tu as donné n'aurait pas suffi quoiqu'il arrive. C'était leur heure.

Il comprenait mieux pourquoi elle buvait. En dépit de sa carapace, elle se sentait coupable et affectée. Une chose que Caïn ne pourrait jamais ressentir pour d'autres, sauf s'il s'agissait de proches. La conversation partit sur quelque chose de plus léger. Du strip-poker ? Voilà le genre de choses qu'il ne lui aurait jamais proposé. Déjà parce que ça n'était pas son style, bien qu'il ne soit pas pudique. Et ensuite parce qu'il n'était pas intéressé par la vue de son corps dénudé, malgré le fait qu'elle soit charmante. Disons franchement qu'il lui manquait un service trois-pièces pour qu'il apprécie le spectacle. Comme ils abordaient la question de ses origines, sans forcément qu'il n'y ait une logique à cela, mais ce n'était pas grave, la jeune femme avait pas mal d'alcool dans ses veines, Gallagher bomba légèrement le torse. Il était fier d'en parler et ça se voyait.

- A la base, je suis né en Irlande, à Cork pour être plus précis. Ma mère n'a pas fait comme le fils de pute qui l'avait mise enceinte, elle m'a fait suivre quand elle a décidé d'aménager en Nouvelle-Zélande. Je suis à Island Bay depuis que j'ai huit ans.

Fils de pute. Oui, il parlait bien de son père, lui qui gardait toujours un silence absolu sur le fait qu'il avait été abandonné à la naissance et non reconnu. Pourquoi il en parlait à Lorena ? Il ne savait pas vraiment. Sans doute parce qu'elle lui inspirait confiance et qu'à ce moment là, il avait envie de balancer cette vérité. Quoiqu'il en soit, il ne regrettait ni son propos, ni la violence avec laquelle lui l'avait tenu. Quand Lorena se leva pour aller aux toilettes, Caïn la regarda partir avec une certaine bienveillance. Son visage changea du tout au tout lorsqu'elle fut hors de vue. Gallagher se leva pour aller voir le barman.

- C'est la tournée du bar. Y'a pas d'addition. Si ça te pose un problème, on en parle au commissariat lorsque les flics seront venus contrôler et constater que ta licence a expiré. Tes clients sont peut-être trop bourrés pour savoir encore lire, mais ce n'est pas mon cas. Donc tu vas l'écraser, arrêter de me fixer comme tu le fais ou bien je t'envoie les flics. Je connais un inspecteur qui sera ravi de faire la causette avec toi au sujet de ton activité illégale.

Pas besoin de plus. Le barman blêmit et se contenta d'hocher la tête. Caïn retourna s'asseoir et Lorena ne tarda pas à revenir. Ses idées ne semblaient plus très claires. Caïn acquiesça et il lui dit, en haussant volontairement la voix pour que tout le monde entende :

- J'ai été parlé au barman. Il s'excuse pour le dérangement de tout à l'heure et dit que pour se faire pardonner, c'est sa tournée. On a de la chance, parce que les autres clients fidèles, eux, ils y ont même pas droit !

Il lança un regard meurtrier au tenancier qui immédiatement fut confronté aux plaintes des abonnés de la bouteille. Considérant qu'il avait bien foutu sa merde comme il le fallait, Gallagher se leva et tout en "guidant" Lorena, sortit du bâtiment. Il accompagna la jeune femme à sa voiture, et lui ouvrit la portière pour qu'elle puisse s'asseoir.

- Ah, on se sent mieux ici, ça sent moins le con ! Alors, et toi ? Ca fait pas longtemps que tu es sur IB, si mes renseignements sont exacts ?

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Need a drink

Les paroles de Caïn était pleine de sens, après tout il avait raison. Il avait le même discours que les titulaires de l'hôpital. Il fallait apprendre à faire abstraction de ses émotions et mettre ses sentiments de côté. Voilà la règle d'or à respecter devant les patients. Bien entendu il ne fallait pas non plus être un mur de béton, insensible et complètement détaché. Le côté humain était primordial pour les patients et leurs proches. Le plus difficile restait de trouver le juste milieu et la jeune interne n'y était pas encore parvenue. Son passé était son plus gros problème, des blessures encore ouvertes, une culpabilité à son apogée et un "fardeau" qu'elle traînait derrière elle et qu'elle refusait de lâcher. La mort de son père sous ses yeux l'avait marqué à tout jamais. En voyant cette femme perdre son mari et ses deux enfants la même journée, les souvenirs étaient remontés et elle n'avait pas réussi à contenir ses émotions. "Ouais je sais... J'y travaille.." Elle ne voulait pas s'attarder plus longtemps sur le sujet à vrai dire, ils étaient mort, elle en avait l'estomac retourné mais comme Caïn le lui avait fait remarquer elle n'y pouvait rien. En plus, elle voulait éviter de commencer à parler de son père. Elle était bien alcoolisée et une phrase non voulu est bien vite dite.

Elle retrouva le sourire, un petit sourire en coin quand elle vit la fierté dans ses yeux en évoquant ses origines. "L'Irlande hein? ça doit être chouette" Lorena s'était pas son fort les origines et tout ça, elle faisait rarement la différence ou elle n'y prêtait pas attention. Ceci dit, elle était aussi curieuse et ses questions sortaient presque toute seule et dans un ordre illogique d'ailleurs. "Je suis un pur produit des Etats Unis ! New York pour être plus précise. D'ailleurs ils ont l'air d'apprécier la Nouvelle Zélande ces américains.." Elle ricana en buvant la dernière gorgée de son verre. Elle avait rencontré un nombre record de personnes venant des Etats Unis depuis son arrivée ici. Ses paroles devenaient de moins en moins fluide à mesure que la discussion et la descente de verre avançaient.Elle ne tarda pas à foncer aux toilettes. Détail qu'elle n'aurait jamais mentionné si elle avait été sobre, soit dit en passant. Elle failli percuter une greluche qui en sortait et elle fronça les sourcils quand celle ci ne prit même pas la peine de s'excuser. "V'là l'éducation, sal..." Elle s'arrêta dans son élan en se rendant compte qu'elle ne l'avait pas écouté et qu'elle était déjà loin. Un long soupire en haussant les épaules s'échappa de ses lèvres et elle s'approcha d'un robinet. Elle laissa l'eau couler sur ses mains avant de s'en asperger le visage. Ça lui faisait un peu de bien mais elle sentait bien qu'il était temps qu'elle tire sa révérence avant de dépasser ses limites. Un sourire jusqu'aux oreilles illumina son visage à l'évocation de leur addition qui ne leur coûterait finalement rien. Elle envoya un bisou avec sa main au barman et elle entraîna son partenaire du soir pour aller prendre l'air "Piouuu, je crois que je vais m'arrêter là. Ouais, c'est même sûr en fait." Elle se sentirait mal et morte de honte si elle venait à vomir dans la voiture de Caïn. "Huuum, non, ça fait deux ans, un peu plus!" et elle s'y sentait comme à la maison, même beaucoup mieux en réalité.

Finalement sur ses belles paroles, ils se dirigèrent vers la voiture de Caïn pour rentrer chacun chez soi. Elle arriva à lui indiquer vaguement où elle vivait, le trajet sembla durer des heures et le paysage dehors ne cessait de faire des vagues. Arrivée à destination, elle lui tapota l'épaule et l'embrassa amicalement sur la joue. "Merci Superman ! C'était super cool de passer la soirée avec toi !" Elle lui fit un signe de la main avant de pénétrer dans son appartement. A l'intérieur, elle s'étala sur le canapé et s'endormit presque immédiatement. La gueule de bois allait être rude demain matin !

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