un papa c'est le premier amour d'une fille + alastair

Une alarme s'enclenche, je fronce les sourcils et enlève mes écouteurs, comprenant après un petit temps de réaction que c'est mon réveil pour m'avertir qu'il est grand temps que je rentre chez moi. Je ramasse mes affaires éparpillées sur la table du petit café où j'ai trouvé refuge pour l'après midi. J'adore venir dans ce petit café, coincé entre deux ruelles, car il y a peu de monde qui connaissent cette endroit, et surtout, oh oui surtout leurs cookies sont une tuerie. Je pourrais tuer quelqu'un pour ces merveilleux cookies au Nutella. Je range avec précaution mon dessin du jour dans sa pochette, non sans un petit sourire fier. Cette pièce, je la travaillais depuis plusieurs jours et je l'avais presque fini. Un soir en me promenant le long de la plage, j'avais découvert un magnifique feu de camp, avec quelques jeunes autour, mais ce qui m'avait le plus intriguée, c'était la réflexion des flammes sur le coucher du soleil. Sur l'instant je me suis dépêchée d'immortaliser cette scène avec mon appareil photo pour ne rien oublier, même si ça ne servait à rien, j'avais une mémoire photographique impressionnante lorsqu'il s'agissait d'art, j'avais un oeil d'artiste. Je n'avais pas besoin de modèle. Mais j'aimais pouvoir comparer les photographies au dessin. Même si personne n'en profitait, c'était mon petit secret que je chérissais. Un talent, mon talent, qui me prouvait que je n'étais pas une bonne à rien et que je savais faire quelque chose de mes dix doigts, même si ce n'était pas une tâche comme la lessive ou cuisiner... Que voulez vous, je n'ai pas la patience nécessaire ni l'envie... En même temps lorsqu'on est chéri, nourri, blanchi depuis tout petit, les habitudes ont la vie dure. Je n'avais aucune expérience de ce genre de chose, maman Berenson veillait à ce que nous ne manquions de rien, et ne nous imposait rien, ou du moins avait vite arrêté avec moi en voyant que je n'étais pas réceptive. Je prends la route de chez moi, secouant la tête au rythme de la musique dans mes oreilles, improvisant même quelques pas de danse en pleine rue, sous le sourire bienveillant de certains passants. Après tout, je n'avais aucune honte, rien ne m'empêchait de faire ce que je voulais, je ne nuisais à personne et j'apportais même une petite dose de sourire à certains ! Je n'ai jamais compris pourquoi les gens s'enfonçaient dans leurs malheurs, alors que la vie était simple et qu'elle pouvait nous offrir beaucoup. Il fallait simplement savoir où regarder. Dix minutes plus tard je passe la porte de la villa familiale, pas habitude je tends l'oreille même si à cette heure ci, seulement mes frères d'accueils, voir Tom, sont là. Ce n'était même pas la peine d'espérer la présence de notre père. Ses journées se finissaient rarement avant 21h, et encore les bons jours. Mais c'était une habitude à prendre, à force l'absence devient normale. Je traverse le salon avant de me figer. Mauvaise langue, en parlant du loup, il se trouvait justement sur son fauteuil dans la pièce à vivre, il n'avait pas non plus l'air énervé. Je fronce les sourcils et réfléchis rapidement, il n'y avait aucune raison qu'il soit là. « salut p’pa » Je m'avance vers lui pour le saluer. Je l'embrasse sur la joue et lui donne un petit sourire, tout de même heureuse de le voir.

Malgré tout cet homme était mon père et je lui devais du respect. Il était important pour moi, même si je ne comprenais pas toujours ses absences c'était mieux ainsi. Il a toujours été discret, ce n'est pas vraiment le genre de père qui raconte à ses enfants ses expériences passées et sa jeunesse. Mais ça ne l'empêche pas pour autant d'être présent quand c'est nécessaire. Et surtout il a un grand coeur, quel homme accepterait de voir sa vie boulversée à chaque nouvelle arrivée de petites personnes qui n’ont plus rien ? Certes, c’était le désir de ma mère de devenir famille d’accueil, mais sans le consentement de mon père elle n’aurait jamais pu. Il s’est toujours appliqué dans la vie de ces personnes, qu’elles soient restées ou pas dans la maison familiale. J’ai toujours été fière de ce que mes parents faisaient, même si ça impact tout le monde, je suis heureuse de partager ma vie avec des gens comme ça, avec des personnes qui s’impliquent, et quoi qu’ils en disent, je sais très bien que cette histoire de famille d’accueil ce n’est pas pour les journaux… C’est car ils ont un grand coeur et qu’ils veulent partager ce que la vie a pu leur offrir. J’observe mon père quelques minutes, et aujourd'hui il a l'air beaucoup plus fatigué que d'habitude, c'est peut-être pour ça qu'il est rentré plus tôt. Il à très certainement du se faire prendre un savon par maman qui s'inquiète de le voir tant bosser, ça arrive de temps en temps. Faut dire que maman Berenson quand elle veut quelque chose elle sait y faire... Mais pour qu'il l'écoute c'est qu'elle a du sacrément être persuasive vis à vis de son état. « Bonsoir Aline. Ta mère est dans la cuisine si tu veux la voir. » Je hoche la tête et part dans la cuisine saluer ma mère puis mon frère qui était également dans la pièce. Comme d'habitude maman essaye de me faire empiffrer un paquet de gâteaux, alors que nous allons manger d'ici une ou deux heures, par habitude je le prends sachant très bien que je ne vais pas le manger et que j'irais le déposer au moment de diner, et récupère une briquette de jus d'orange dans la porte du frigo. Je sors de la pièce en adressant une petite taquinerie à mon frère tout en traçant vers les escaliers pour rejoindre la porte mais j'entends mon prénom « Aline ? » Je fais un demi-tour sur moi même pour pouvoir voir mon père, tout en me demandant ce qu'il veut de moi, certainement que je lui passe la télécommande, en ce moment nos interactions ne dépassent pas les "passe moi le sel" les soirs où il mange là, et les "baisse ta musique !" en plein milieu de la nuit. « T'as cinq minutes à consacré a ton vieux père ? » Agréablement surprise par son initiative je hoche la tête et avance vers lui, laissant mon sac traîner dans un coin de la pièce, gardant en main ma briquette et mes gâteaux. J'attrape le fauteuil un peu plus loin pour le ramener près de lui et m'assois en tailleur dessus. Je lance un long sourire à mon père tout en ajoutant « A toi de voir si tu peux rester assez éveillé pour cinq minutes de conversation papi, c'est bientôt l'heure de la soupe. » Je lui lance un clin d'oeil et rigole. J'ai toujours aimé le taquiner, en même temps je taquine tout le monde, c'est un peu ma marque de fabrique, je crois que le pire c'est Tom, dès que j'ai l'occasion je ne manque pas de lui rappeler à quel point il est vieux. Certains pourraient penser que j'ai peur de vieillir en me comportant comme ça, c'est peut-être vrai, mais en même temps qui, à 19 ans, veut vieillir ?

Je sens le regard de mon père sur moi, je sens qu'il étudie mes mouvements. Il est bienveillant, comme toujours, parfois j'ai l'impression de ne pas pouvoir faire quelque chose sans qu'il soit au courant. C'est flippant, mais je ne dois pas être la seule à penser ça. Parfois je me demande si avec ma grande soeur Bonnie il était pareil, nous sommes les deux petites filles à papa. Car c'est un fait, une fille et son père c'est toujours une relation différente qu'un père et son fils, on n'a jamais les mêmes rapports. Les stéréotypes veulent qu'une fille ait plus besoin de la protection de son père qu'un garçon. J'ai souvent été en désaccord avec cette façon de pensée ce qui m'emmène à tout genre de petite réflexion pour montrer que je n'ai besoin de personne, que je peux très bien m'en sortir seule, même si ce n'est pas vraiment le cas. Je taquine pour ne pas paraitre dépendante, parfois ça marche, d'autre fois non. « Je suis peut-être vieux ma chère, mais pas non pas papi ! » Je souris, rigolant un peu avant de lui rétorquer « on peut arranger ça... » tout en haussant un sourcil pour accentuer mon sous entendu. Pauvre papa, ses cheveux blancs arrivent de plus en plus vite, ce n’est pas sympas de ma part de lui faire ce genre de blague. Surtout qu'il déteste ce surnom, le nombre de fois où il a fait une crise car avec mes frères on aurait eu tendance à abuser de ce petit sobriquet. C'est drôle, mais pas pour lui. Je ne sais pas pourquoi il déteste ce surnom, d'après ce que je sais il n'a pas vraiment peur de vieillir c'est l'ordre logique des choses, et arriver à un certain âge on peut plus y échapper, du moins c'est ce que je pense. « Aller, au lieu de m’appeler papi, dit moi plutôt comment ce passe tes études. » Merde. Avec cette simple phrase il m’a complètement calmé. Je cesse de rire, mais je me reprends assez vite, du moins je l'espère, pour paraitre naturelle. Je prends quelques secondes pour lui répondre tout en plantant ma paille dans ma briquette. Je lève le regard vers lui et je hausse les épaules pour signifier qu'il n'y à rien a dire. Si seulement c'était vrai... Je me force à ne pas mordre ma lèvre pour ne pas laisser passer mon angoisse. « Ecoute, ça va, ça ce passe quoi. » J'entends des murmures derrière moi, qui sont de maman et de Tom. Ils ont l'air aussi tendu que moi, je me demande bien pourquoi, car personne dans cette maison, à l'exception d'Andrew, n'est au courant pour mes réelles activités. Je deviens parano, si ils sont tendus ce n’est pas pour ça. Je prends bien soin de toujours éviter les questions trop pointues sur le sujet et en général ça passe. « Pourquoi cette question ? » Je le fixe sans me décourager, je n'ai jamais eu peur de lui et ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer. Prise d'un élan de courage je ne lâche pas le regard de mon paternel, j'affiche un air détendu, je prends même le risque de me lâcher pour coller mon dos contre le dossier du fauteuil comme si c'était une banale conversation et qu'il n'y avait rien en jeu. Après tout il n'est pas sensé savoir. Je ne sais même pas comment il pourrait être au courant, j'ai toujours pris soin de ne pas me faire griller, allant même jusqu'à me créer des faux bulletins que je change à chaque trimestre grâce au premier bulletin que j'avais reçu en première année. Me contentant de changer les appréciations et les notes.

Je sais que c'est mal de lui mentir, mais je ne peux m'en empêcher. J'ai peur de lui dire la vérité, il ne comprendrait pas. J'en suis sûre. Je ne suis pas faite pour vivre dans cette société, cette société qui veut que tout soit droit et qu'aucun cheveu ne dépasse. Et en plus je n'aime pas ça, je n'aime pas devoir ressembler à tous les autres. Ca, c'est sa vie, il la choisi, il ne devrait pas nous l'imposer sous prétexte que tout le monde est concerné, car c'est faux, son choix de carrière ne devrait pas influencer le notre. Je veux être une artiste, je veux vivre de mon art. Je veux découvrir le monde par mes propres petits yeux puis le redessiner à ma manière, à mes envies. Je veux être libre de choisir le monde dans lequel je vie. Et malheureusement ça ne sera pas celui de mes parents... « Tu es sûre de toi ? Tu ne me mentirais pas un peu Aline ? » Il sait que je cache quelque chose, ça je peux encore le supporter. Mais je ne supporterais pas de lui dire toute la vérité, du moins à l'heure actuelle. Je ne suis pas prête à lui dire et lui n'est certainement pas prêt à l'entendre. En temps voulu j'irais d'abord l'annoncer à ma mère, dans l'espoir qu'elle m'aide à le canaliser... Je le vois attraper ses lunettes pour les poser sur son nez avant de prendre quelques feuilles, je plisse les yeux pour mieux voir et découvre mes faux bulletins. Je ne pensais pas qu'il allait les regarder ceux là, il est tellement occupé ces derniers temps qu'il ne regarde même plus le courrier, quand il rentre il s'empresse juste d'aller dans son bureau. « Absence de mademoiselle Berenson en cours et quand elle se présente au examen prétexte d’avoir appris que les résultats en démontre autre chose. » Il me regarde, il à l'air déçu, puis il continue « six et demi de moyenne en matière principale. » J'avoue, j'y suis allée un peu fort cette fois ci... « Aline pense tout savoir sur les lois, les juridictions alors qu’elle n’apprend pas un seul de ses cours, je m’étonne moi-même à me demander à quoi elle ressemble. » Un peu trop. « Toujours sur de toi que tout se passe bien ? » Il me fixe méchamment, j'ai l'habitude de ce regard, il me le lance à chaque fois que quelque chose ne se passe pas comme il aimerait. J'ai appris à passer au dessus et je me mets à le regarder de la même manière, tel père telle fille. « J'ai dit que ça se passait, j'ai pas dit que j'étais première de classe » Je hausse les épaules, chose risquée, l'insolence il ne le supporte pas, et malheureusement pour moi c'est l'un de mes moyens de défense. « J’ai appelé l’établissement, ouais, j’étais présent toute la journée à la maison, bizarrement on m’a dit que personne ne t’a vue en cours aujourd’hui tu m’expliques ? » Alors là, je tombe de haut, je cligne plusieurs fois des yeux abasourdis, je ne comprends pas. Ils doivent avoir certainement un souci avec leur informatique. Je passe outre, décidant de ne pas revenir dessus pour ne pas lui mettre la puce à l'oreille. « Mais ne t’avise surtout pas à me mentir une nouvelle fois surtout droit dans les yeux Aline, tu sais que j’ai horreur de ça et que je ne supporte pas le mensonge ! » Il commence de plus en plus à s'énerver. J'avoue que je n'ai pas été très fine sur le coup mais je ne savais pas qu'il était en possession des faux bulletins. Je soupire et gigote comme une petite fille, ça m'énerve, je n’étais pas préparée à une telle attaque frontale, si j'avais su j'aurais préparé tout un long discours, mais je n'ai pas le temps, je décide pour une fois d'ouvrir mon coeur et de lui parler. Avec lui ce n'est pas forcément la meilleure technique car il aurait tendance à écouter que d'une seule oreille pendant ce genre de conversation. « Ecoute papa, je vais être honnête avec toi » Je le fixe droit dans les yeux sans perdre mon courage « Qu'est ce que tu veux que je te dise ? » Je souffle, mal à l'aise, ne sachant pas trop comment aborder le sujet pour ne pas trop en dire. « Que je n'aime pas la communication ? » Je hausse les épaules « Ouai c'est vrai, j'aime pas ça. » Je triture mes doigts « Alors oui, j'ai du mal, mais je m'accroche, je suis peut-être pas première de classe mais je n'abandonne pas. » Mensonge, mais cette fois ci je sais qu'il passera.

Il s'énerve, encore, comme toujours. Il ne comprend pas, il ne me laisse pas en dire plus qu'il part dehors avec ses clopes pour se détendre, comme si ces conneries ça marchait réellement. Il ne veut plus m'affronter, tant pis pour lui. On dirait qu'il me pose un ultimatum, que de passera-t-il si je ne l'écoute pas et que je décide bien à la fin de l'année "d'arrêter", ou plutôt de rendre public ma décision déjà prise depuis un an. Il me dit qu'il ne peut pas deviner ce que je veux, moi je devine ce que lui veut, il veut que je fasse des bonnes études, que vaut une artiste après tout ? Je peux me tromper, mais je suis tellement fixée sur cette idée que rien ni personne ne peut me faire changer d'avis. J'ai tellement peur de le décevoir, peur de décevoir ses ambitions. Tom et Leeth eux ont eu le courage de lui dire ce qu'ils voulaient vraiment faire dans la vie, mais je n'ose pas, je n'ai jamais osé le contredire depuis toutes ses années où nous parlons de mon avenir, mais en grandissant j'ai compris que ce n'était pas de ça que je voulais, que ce n'était pas de ce genre de mode de vie. J'ai tellement peur de le décevoir que depuis un an je m'enfonce dans mes mensonges. Ces mensonges qui me pourrissent la vie, qui m'obligent à toujours être sur mes gardes avec lui pour ne pas me trahir. Je me lève brusquement de mon fauteuil, manquant de le renverser alors que ma mère tente de me calmer, sans aucun succès. Je suis dans une telle colère que je bouscule même Tom en passant, j'entends son cri de protestation mais il ne rajoute rien, il ne m’a jamais vue dans cet état. Je ne me suis jamais vu dans cet état surtout. La violence qu'elle soit verbale ou physique elle ne sert à rien, je n'ai jamais recours à ça. Mais à ce moment là j'étais complètement perdue je ne savais pas quoi dire. J'ai autant envie de courir le rejoindre dehors pour lui dire la vérité que d'aller m'enfermer dans ma chambre pour me taper la tête contre le mur. Et je choisis la deuxième solution... Sans le tapage de tête contre le mur. Je n’avais pas envie de devoir me maquiller une heure tous les matins jusqu'à ce que les bleus partent. J'étais pas non plus suicidaire. Je claque la porte de ma chambre derrière moi, attrape un coussin avant de crier dedans pour me défouler, sinon j'allais tout renverser. Après ces quelques minutes intenses qui m'ont paru des heures j'essaye de relâcher la pression mais je suis toujours tendue. Je pose ma tête sur mon oreiller. Cette discussion est désormais la plus violente que j'ai eu avec mon père. Jamais il ne m'avait parlé sur ce ton, avec tant de vigueur et peut-être même de hargne. Je ne savais plus quoi faire, je n'aime pas ce genre de situation mais à l'heure actuelle le mieux était de ne rien dire. Il savait que je cachais toujours quelque chose, mais qu'il ne compte pas sur moi pour le lui dire. De toute façon personne, sauf Andrew n'était au courant de la situation, mon secret était bien caché avec lui, jamais il ne le lui dirait. La peur de le décevoir me faisait faire n'importe quoi, plus les jours passaient plus mon mensonge prenait de l'ampleur, me nouant les tripes à chaque fois que je le croisais. C'était décidément une sacrée année de merde.

FIN