Change it all [Feat. Charlie Keegan]

Sasha n'était plus vraiment lui-même depuis quelques semaines déjà, bon en vérité, ça avait commencé bien avant. Tout s'était déclenché lors de son divorce, comme si tout s'était effondré autour de lui. Il avait réussi à reprendre sa vie en main au bout de plusieurs années. Installé dans une ville qu'il ne connaissait pas, plus d'amis, plus de femme, plus rien. Comme une remise à zéro de son existence.

Mais rapidement son état s'était dégradé, l'italien ressentait de fortes migraines qui le faisait extrêmement souffrir, quand elles ne le faisait pas tomber dans l'inconscient. Les rendez-vous médicaux s'étaient enchaînés et le verdict tombé. Impossible d'opérer sans risques, alors il devrait vivre ainsi jusqu'à ce que le jour final arrive.

Ces derniers jours avaient été très durs pour lui, souffrant et seul, il s'était renfermé sur lui-même, refusant comme à son habitude de se soigner avec les médicaments prévus à cet effet. En plus d'être inefficaces, ils lui provoquaient des hallucinations, alors il préférait se laisser mourir à petit feu, de toute manière, il n'avait plus rien à perdre puisqu'il était seul, en dehors de Nina, cette fille qu'il n'avait jamais eu.

C'est sans grande surprise que Sasha se rendit une fois de plus à l'hôpital, le service de l'établissement commençait à bien le connaître, tout comme les hôtesses d'accueil. Il monta au service neurologie et s'installa dans la salle d'attente. Les minutes devenaient de plus en plus longues et il hésitait fortement à rebrousser chemin, mais il était trop tard. Une nouvelle douleur se fit ressentir alors qu'il était entouré de quelques inconnus patientant tout comme lui dans cette salle, où seuls des journaux et magazines permettaient de se changer les idées. Sasha se mit à se tenir la tête tout en grimaçant, si ce n'était qu'un avant goût de ce qui l'attendait, sa douleur devrait rapidement passer.

Il y a des années de cela, Sasha était un homme tout à fait différent de celui qu'il était en train de devenir au fil des dernières semaines. Il sombrait totalement dans un tourbillon dont il n'avait lui-même plus le contrôle. Sa santé se dégradait petit à petit et il n'avait aucun véritable repère auquel s'accrocher si ce n'était que la présence de Nina dans sa vie. Cette jeune femme qu'il voyait comme sa fille étant donné qu'il n'avait jamais eu l'occasion de fonder la sienne, il n'en avait pas eu le temps puisque son ex-femme avait demandé le divorce avant même qu'il ne puisse aborder le sujet.

À croire que le hasard fait parfois les choses bien, c'est que malgré toutes ces années qui s'étaient écoulé depuis son divorce, l'italien n'avait pas refait sa vie, il n'avait pas eu d'aventure, même d'un soir, Charlie hantait encore ses pensées et son coeur surtout. Il avait eu un ou deux rendez-vous qui s'étaient toujours soldés par un simple sourire et rien de plus. Il ne pouvait se résoudre à passer à autre chose, et puis maintenant qu'il allait mourir, il n'allait pas s'engager dans une relation au risque de faire souffrir une femme en la laissant seule.

Voilà pourquoi il était encore à l'hôpital. Perdu dans ses pensées, Sasha souffrait, ce n'est que lorsqu'une voix prononça son nom qui releva la tête. Le timbre de cette voix ne lui était pas inconnu, mais en même temps, à force de venir ici au moins une fois par semaine, les voix des infirmières lui étaient plus ou moins familières. Ce n'est que lorsqu'il planta ses yeux sur la personne qui l'avait appelé qu'il réalisa. Charlie. Son ex-femme. Ici.

Plusieurs minutes passa avant qu'il ne réalise vraiment, c'était comme leur première rencontre, lorsqu'elle était infirmière. Alors c'était donc comme ça qu'ils allaient se retrouvés ? Est-ce qu'elle avait refait sa vie ? Oui c'est cette question qui hantait le jeune italien, se demandant sans cesse si elle était heureuse depuis qu'ils étaient divorcés. Et si tel était le cas, il était prêt à s'effacer, à la laisser vivre son bonheur, tout comme il avait décidé de lui pardonner son adultère, contrairement à son meilleur ami, avec qui il avait coupé tous les ponts.

Arrivant à sa hauteur, ses yeux se plantaient dans ceux de la jolie brune. Elle n'avait pas changé, elle était même encore plus belle qu'à l'époque.

" - Charlie.. Je.."

Non en fait, il était à court de mots. Et pourtant, Sasha s'était répété des centaines de fois le discours qu'il lui tiendrait si un jour il venait à la retrouver. Le moment était enfin arrivé mais il était incapable de dire quoique ce soit, bien trop ému, mais il ne devait pas se faire de fausses joies, peut-être même qu'elle ne voulait pas avoir à faire à lui. Il l'ignorait, alors pour éviter une situation gênante, il se contenta d'avancer dans la pièce où elle allait lui faire la prise de sang.

Sasha n'avait jamais oublié Charlie, pas un jour ne s'était passé sans qu'il ne pense à elle, qui l'imagine mener une petite vie tranquille avec un mari et un enfant, peut-être plusieurs même. Bien sûr que cette vision lui faisait mal, mais au fond de lui, s'il lui avait pardonné, s'il l'avait laissé partir sans vraiment chercher à la retenir, c'est parce qu'il pensait qu'elle serait plus heureuse ailleurs, avec un autre homme, quelqu'un à sa hauteur.

Alors qu'il était désormais debout devant elle, il était incapable de dire quoique ce soit. Sa beauté lui faisait perdre ses mots, mais surtout la situation dans laquelle ils étaient le déstabilisait. Depuis combien de temps elle travaillait dans cet hôpital ? Il ne l'avait jamais vu, après tout, un hôpital c'est grand et il y a beaucoup de monde alors cela pouvait s'expliquer.

Il n'eut pas vraiment le temps de lui demander, puisqu'elle l'emmenait dans la pièce pour lui faire une prise de sang. Après avoir sorti tout le matériel, elle fut obligée d'appeler une de ses collègues pour qu'elle puisse faire la prise de sang à sa place. Même si Sasha ne montrait pas grand chose, il n'était pas vraiment dans un meilleur état qu'elle, il était nerveux, anxieux et le fait de se trouver dans un hôpital ne l'aidait pas.

" - Non.. Ils deviennent de plus en plus fréquents et sont plus forts qu'avant.."

Elle est infirmière, elle devait donc avoir accès à son dossier, inutile de lui dire que les médecins le voyaient condamné. Bon pas totalement puisque le docteur Russel lui proposait une solution pour essayer de faire disparaître ses migraines, mais pour cela, il fallait qu'il prenne le risque de devenir paraplégique, et il n'en avait tout simplement pas la force. En revanche, cette rencontre l'avait perturbé, est-ce que Charlie allait faire comme si de rien n'était et s'en tenir à son discours médical ? Est-ce qu'elle était ici depuis longtemps ? Tant de questions qui fusaient dans l'esprit de l'italien sans pour autant qu'il ne puisse obtenir de réponses. La harceler alors même qu'ils venaient à peine de se revoir était prématuré, peut-être même que c'était la seule fois où ils allaient se revoir si Charlie décidait de le rayer de sa vie une bonne fois pour toute.

" - Tu as bonne mine en tout cas.." fit-il d'une voix peu assurée.

Il avait besoin de lui parler, de la retrouver comme avant, elle avait toujours été la femme de sa vie. Tout le monde fait des erreurs et il lui avait pardonné, mais ça n'avait pas suffit à la garder auprès de lui. Aujourd'hui, il était prêt à tout pour ne plus qu'elle reparte, même s'il devait disparaître.

Sept ans avait passé depuis leur divorce, et pourtant, le jeune homme avait toujours qu'une seule femme en tête : Charlie. Elle hantait ses pensées, pas un seul jour où il ne pensait pas à elle, à ce qu'elle était devenue. Mais au fond, tout cela le faisait souffrir plus qu'autre chose et il le savait. Mais Charlie avait été toute sa vie, dès leur rencontre il avait su que c'était elle qui voulait pour la fin de ses jours. Et cette expression prenait désormais tout son sens puisqu'il est condamné à mourir d'ici peu.

Alors que la jeune femme lui demande comment évolue ses maux de tête, il ne peut lui cacher la vérité. Ça empire de jour en jour. Ils deviennent de plus en plus puissants et de plus en plus réguliers, mettant à rude épreuve sa routine quotidienne. Il loupait parfait une journée de travail à cause de ça, il devenait petit à petit plus faible, sentant la mort se rapprocher à grand pas.

Sasha s'autorise à regarder le visage de cette femme qui a été sienne durant quelques temps. Elle était tout simplement sublime, même s'il ne l'aimait plus, il en serait retombé amoureux comme au premier jour. Il ne devait pas s'attendre à des miracles, les années qu'ils avaient passé loin de l'autre avaient du leur permettre de refaire leur vie chacun de leur côté. Mais l'italien n'avait jamais eu la force de se concentrer sur une autre femme qu'elle. Chez lui, une photo d'elle traînait sur sa table de nuit à côté de son lit et son alliance était toujours à son doigt malgré qu'ils ne soient plus mariés. Ça veut bien dire ce que ça veut dire.

Finalement, ils furent interrompu par le médecin. C'était au tour de Sasha. Avant de partir de la pièce, il aurait voulu demander à Charlie s'ils pouvaient se revoir, mais il n'en eu pas le temps. Le seul geste qu'il osa fut d'effleurer la main de son ex-femme et de disparaître dans le cabinet de l'homme en blouse blanche.

Après environ une heure, le médecin le libéra. Sasha était drôlement secoué par tout ce qui venait de se passer. Bien évidemment, la première chose qu'il fit c'est de chercher la jolie brune du regard, mais elle n'était plus là. Alors il quitta l'hôpital et resta quelques minutes dans le parc de celui-ci, histoire de prendre l'air et de remettre ses idées en place.

Mais une nouvelle chose va encore venir plus le perturber, l'image de Charlie avec un enfant qui lui tient la main. Il n'est pas assez proche pour entendre toute leur conversation, mais ce dont il est certain, c'est d'avoir entendu le garçon l'appeler maman. Quel âge a-t-il ? Est-ce qu'il serait possible que ce soit.. ? Non, Charlie lui en aurait parlé quand même. À moins qu'elle l'ai réellement rayé de sa vie, et pourtant la discussion, aussi brève soit elle qu'ils ont eu à l'hôpital ne lui laissait pas présager tout cela. C'était comme si sa vie s'effondrait une seconde fois, le coeur serré, les larmes aux yeux, l'italien était à bout de nerfs.

Quittant le parc de l'hôpital, il se dirigea sur le parking pour rejoindre sa voiture et rentrer chez lui afin de tout oublier. Mais soudain, un ballon roula jusqu'à lui, il l'arrêta et se tourna pour le rendre à son propriétaire, qui n'était autre que le garçon avec Charlie. Un regard désespéré pour la jeune femme et un sourire pour le garçon.

" - Fait attention, y'a des voitures pas loin, ça peut être dangereux de jouer au ballon ici."

Le regard muet adressé à Charlie la questionnait sur cet enfant, Sasha avait le droit de savoir si ses pensées étaient ou non. Et s'il était le père de cet enfant, est-ce que Charlie lui laisserai prendre sa place auprès de lui ?