amitié enfouie. (soledi)

quatre mois plus tôt.

nuit douce. nuit à ses côtés, nuit rien qu'à vous. nuit dans ses bras, sa peau contre ta peau, t'as pas envie de le quitter, ce matin, t'es trop bien entre les draps, au creux de ses bras. ses lèvres qui se posent sur ton épaule pour te tirer avec douceur du sommeil. tu râles un peu, hedi. t'es bien, toi, là. tu grognes et tu niches ta tête dans le cou de ton petit-ami. bon je vais dire à sol que c'est pas la peine de venir, alors... qu'il te souffle, conrad. il sait pas qui c'est, sol. tu t'réveilles en un bond. sol ? venir, ici ? tes yeux ronds comme des soucoupes, tu récupères ton téléphone des mains de ton boyfriend pour lire le message envoyé par ta meilleure amie, il y a à peine cinq minutes. j'arrive.
bon sang, t'as jamais été aussi rapide depuis qu't'es ici, pour déjeuner et foncer à la salle de bain pour en ressortir propre et habillé. hedi, t'es heureux, tu vas retrouver ta meilleure amie, tu sais que ça va pas être aussi simple, tu la connais sol, et t'es parti comme un voleur alors.. elle laissera pas passer ça, pas pour tes beaux yeux bleus. qu'importe, elle arrive, vous allez vous retrouver. t'as enfilé une paire de chaussures, fourré ton portable dans ta poche et attrapé tes clés de voiture. à plus tard, mon amour, que tu dis à l'attention de ton amour.
t'es joie, derrière ton volant, malgré la culpabilité aussi qui est là. tu t'es barré, tu l'as laissée en plan. t'es parti comme le pire des enfoirés et tu t'repointes avec un grand sourire. c'est stupide. y'a la radio à fond dans la voiture, tu perds pas de temps pour arriver à l'aéroport, t'en trop en avance mais prêt à l'accueillir. alors, en attendant, tu files à starbucks, tu regardes les heures défiler jusqu'à l'heure tant attendue. l'atterrissage de son vol est annoncé, tu te dirigés là où les hauts-parleurs l'indiquent. sol ! que tu t'écris, en l'apercevant, en la reconnaissant parmi bon nombre de personnes.

T’as pas vraiment réfléchis, Sol, t’avais besoin de changer d’air de partir, parce que cette ville, elle t’opprimait, et tu sentais que t’allait finir par en mourir, mourir de cette atmosphère malsaine, de cette absence pesante. Tu te sentais observée, en permanence, t’avais peur, toujours, alors t’as appelé ton frère, pour t’excuser, parce que tu l’aimes, ton frère, parce que tu ne voulais pas l’abandonner, lui, unique lueur d’espoir. Mais il a été compréhensible, comme toujours, alors tu as fait ta valise, t’as rien emmené, ou presque, t’es pas matérialiste de toute manière. Ton billet, tu l’as réservé un jour à l’avance et te voilà finalement parti, vers cette destination inconnue, vers lui, ton meilleur ami, ton frère de cœur, que t’aimes autant que tu hais. Tu lui as envoyé un sms, sans savoir si son numéro était toujours le même, sans savoir si tu étais toujours dans son cœur, et puis t’as tout coupé, tout quitté. Le trajet en avion t’a semblé si long, et pourtant, tu te sentais si bien, parce que là-bas, à Island bay, tu savais que tu pourrais recommencer, tout, à zéro, tu pourrais être heureuse à nouveau.
Finalement, l’avion s’est posé, Sol, et après une attente interminable à bord de l’appareil, puis aux bagages, tu as pu te diriger vers le centre de l’aéroport. Et c’est là que tu l’as vu, de loin, tu la reconnus de suite, avec ses jambes trop grandes, ses cheveux trop fous et son air inquiet. Tu t’es approchée, t’as rien dit, Sol, toi qui est pourtant si bavarde. T’as posé ta valise, et tu t’es contenté de le regarder, de capturer ce moment, après tant d’année. Il est toujours le même, Hedi. Le même sourire déstabilisant, le même regard si profond, la même tache de naissance, sur la pommette, et cet air d’être là sans être là. C’est toujours le même et pourtant, il semble si différent, comme si sa candeur, son innocence, que tu protégeais avec rage au lycée, avait disparu. Il semble triste, Hedi, il semble vide. Alors tu poses ta main sur sa joue, un geste presque trop tendre pour toi, Sol, si brusque, si maladroite. Et tu l’observes avant de secouer la tête. « T’as une sale mine, et t’es pas bien épais. T’as toujours pas appris à cuisiner ? » Ouais, des reproches, Sol, parce que t’as toujours été comme ça, parce que tu lui en veux, aussi. Pourtant, y’a de la douceur, dans ta voix, bien caché derrière, dans un coin de ton cœur que seul lui pouvait atteindre, à l’époque. « Visiblement, ton téléphone marche toujours au pays des kiwis, puisque tu es là. Pourtant, tu ne m’as pas appelé, j’ai bien cru que tu t’étais fait tuer par un indigène. » Et tu secoues la tête, soupires même, avant de le prendre dans tes bras. De le serrer contre toi, si fort que, tu le sais, tu pourrais le briser, ton si cher Hedi. « Crétin » que tu murmures à son oreille, et ça sonne comme un je t’aime.

T’as pas compris, quand il est parti. Tu savais qu’il voulait s’envoler, que trop longtemps, il avait vu aile se briser, mais quand même, tu pensais qu’il en parlerait avec toi, tu pensais qu’il te proposerait de partir avec lui. T’aurais aimé, Sol, faire le tour du monde juste avec lui. Pourtant, il n’a pas pensé à toi, il a été égoïste, surement pour la première fois de ta vie. Tu aurais voulu ne pas lui en vouloir, être heureuse pour lui, mais tu te sentais trahis, t’avais l’impression d’être laissé en arrière. Mais t’as grandi, t’as appris à vivre sans ton meilleur ami, même si au fond de toi, tu espérais encore le voir, au coin d’une rue, un matin. T’aurais aimé qu’il soit là, quand on a abusé de ta confiance, de ton corps. Il aurait trouvé les mots pour te rassurer, pour t’aider à avancer. Parce que tu étais seule, tu ne pouvais en parler ni à ta famille, ni à tes amis. Tu te sentais seule au monde. Alors t’as décidé de prendre l’avion, pour venir rejoindre la seule personne qui t’a jamais compris, même si tu lui en veux, énormément.

Maintenant face à lui, tu ne sais quoi dire, ou quoi faire. Tout se mélange dans ta tête, et tu voies flou, l’espace d’un instant. Il t’avait tellement manqué…Alors tu te montres étonnement douce. T’as toujours été brute, gamine, alors ouais, tu comprends sa surprise, et t’en sourit, même. « Tu devrais manger plus que ça quand même. » tu lui dis en grimaçant. Ça te fait bizarre, de l’entendre parler de son copain. Parce qu’il a toujours été une petite chose asexuée, à tes yeux. Et tu te rends compte qu’il a bien changé, ton meilleur ami.

Tu le sers contre toi malgré tout, pour se rappeler de son odeur, de sa peau contre la tienne, de son aura, t’enveloppant, pour te calmer. Il a toujours eu le don de t’apaiser, Hedi. « Allez, arrêtons les mamours, tu sais que j’aime pas ça. » tu dis en souriant, doucement.