Sasha & Brendon | In the wrong place, at the wrong time, in bad company.

Dimanche 3 septembre 2017.

Ce matin, Brendon c’est mis en tête de me sortir tôt de mon lit – alors que c’est ma seule journée où je peux faire une grasse matinée, avec l’idée saugrenue d’aller faire du repérage chez les concessionnaires du coin. En faite, cela fait déjà plusieurs semaines qu’il parle de changer de voiture, peut-être même de m’en offrir une pour me motiver à m’inscrire aux leçons de conduite, alors cela ne m’étonne qu’à moitié. Toutefois, je n’imaginais pas qu’il soit aussi pressé que cela de le faire. La sienne roule encore très bien, malgré son âge, et elle ne fait pas encore trop démodée. Enfin. Pour ce que j’en sais – honnêtement, je ne m’aventure pas à remettre à plus tard son désir d’aller admirer la future remplaçante. Au contraire. Comme d’ordinaire, j’obtempère en me levant du lit – sans râler, avant de prendre un petit déjeuner composé essentiellement d’aliments à basses calories, avant d’aller me doucher pour finir de me réveiller. Le printemps arrive tout doucement à Island Bay, c’est l’occasion pour moi de retrouver mes tenues plus légères. Je dois admettre que le changement de climat entre l’Italie et la Nouvelle-Zélande m’a souvent fait regretté d’être partie du premier mais, après deux années à me forcer à m’habituer à l’inversion des saisons entre les deux continents, je n’imagine plus possible de retourner sur les terres qui m’ont vu devenir une jeune femme. Optant pour une robe mi-saison, bleu roi, aux manches trois quart, j’enfile une paire de talons hauts couleur chair avant de me maquiller très légèrement. Une fois fin-prête, je rejoins mon compagnon dans le salon qui attend patiemment en feuilletant des magazines de voitures. Hé oui. Il ne plaisante pas. Quand il dit qu’il fait du repérage pour sa future acquisition automobile, il le fait totalement. Je me racle la gorge pour signaler ma présence, alors qu’il hausse le regard en ma direction. « Cette robe n’est pas un peu trop courte pour toi ? » M’interroge t’il perplexe alors que je l’observe à mon tour, interrogatrice. Il est vrai que ce genre de robe va beaucoup mieux aux femmes n’ayant que la peau sur les os mais, elle n’est pas non plus horrible à ce point sur moi. « Je la trouve bien, personnellement. » Dis-je incertaine, en retour. « Mouais. Elle ressort la pâleur de tes jambes et met en avant le manque de finesse de celles-ci mais, si tu aimes, je vais m’en contenter. » Merci. Pour le peu que je m’autorise à montrer mes jambes en portant une robe, à cause de mes innombrables complexes, c’est tout ce que je mérite comme remarque ? Sympa. « De toute façon je ne sors pas pour séduire les concessionnaires, hein. Alors quelle importance qu’ils me trouvent immonde dans cette robe. » Je m’énerve, oui. Je m’énerve parce que cela ne lui couterait rien de me dire, une fois au moins, qu’il me trouve belle tel que je suis. « Aucune. » Lâche t’il détaché en jetant nonchalamment le magasine sur la table basse. « C’est comme ton carnet où tu notes ton poids comme les calories que tu ingères. Cela ne sert strictement à rien. » Je serre les mâchoires, blessée. Je ne supporte pas qu’il juge ce tic – ou toc comme vous voulez, que j’aie depuis l’enfance. Je n’aime pas parce que cela souligne un profond problème chez moi qu’a soulevé mon psy à Palerme. Je contrôle tout cela à défaut de pouvoir contrôler mes remords, ma vie sentimentale, ainsi que tout le reste. Je déteste mon corps, le prive en restreignant ses aliments « plaisirs », parce que je n’arrive pas à faire autrement que ne me l’a si bien appris la personne la plus importante à ma vie : ma mère. Le psy m’a dit que je continuais à gérer cela dans l’espoir – inconscient, qu’elle accepte toujours de me voir comme sa fille alors que je l’ai perdu à deux reprises. La première fois en souhaitant devenir une enfant normale, et la seconde fois en trompant mon ex-époux. Alors pour rien au monde je ne souhaite, si l’avenir me donne un enfant, lui faire vivre le même calvaire. Celui de vouloir à tout prix correspondre aux attentes d’une mère exigeante. Cela m’a détruit, tout autant que de perdre l’homme de ma vie, et je ne souhaite cela à personne. Personne. Me rejoignant dans le chambranle de la porte, Brendon m’annonce : « On y va. » Je sais qu’il se venge d’être frustré sexuellement par ma frigidité de plus en plus importante, qu’il se venge psychologiquement d’en être réduit au statut de simple petit ami à cause de mes erreurs passées, alors je ne lui en tiens pas véritablement rigueur. Le suivant jusqu’au garage, nous quittons le domicile en direction du premier concessionnaire qu’il a choisit pour la matinée. Il s’agit d’un vendant exclusivement des voitures de luxes. Inquiète quant au crédit qu’il devra contracter pour acheter l’une de celles que j’entrevois déjà dans la vitrine, au loin, je lui demande : « Tu es certain que c’est une bonne idée d’investir dans une voiture de luxe ? » « Nos deux métiers nous le permette, alors pourquoi bouder le plaisir de rouler dans un modèle réservé aux grosses fortunes ? » Excellente question. Je n’y trouve aucune réponse. Attrapant ma veste noire, ainsi que mon sac à main, je quitte le véhicule pour le suivre comme son ombre. Après avoir jeter un bref coup d’œil aux modèles exposés en extérieur, Brendon regagne l’intérieur pour admirer ceux valant bien dix ans de salaire. Je trouve cela grotesque de vouloir dépenser autant pour une belle carrosserie et je m’ennuie. Mortellement. A tel point que j’ai le malheur de soupirer, avant de me prendre les foudres d’un regard assassin de la part de mon compagnon. « Si tu t’ennuies autant avec moi, va m’attendre là-bas. » Il m’indique froidement une sorte de petit salon d’attente luxueux. Acquiesçant, je m’y dirige en me frayant un passage parmi les véhicules que je regarde sans grand intérêt, lorsque je croise un homme en costard. Courtoisement, je le salue en lançant un bref regard à son encontre. Ce n’est que dés qu’il me semble avoir reconnu Sasha, que je m’arrête net. Tu hallucines, ma pauvre. Je le crois également. Toutefois, je préfère m’en assurer en faisant demi-tour. Puis – la bouche entrouverte par la surprise, je soupire – interloqué, n’y croyant pas moi-même. « Sasha ? » Dire que je ne m’attendais pas à le revoir est inutile, n’est-ce pas ? « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Je m’hasarde à lui demander cela alors que – de toute évidence, la question me serait plus appropriée.

Il y a des journées où tout va bien, tout se passe comme on le souhaite, et puis, il y a celles où tout va de travers peu importe ce qu'on fasse. Il faut croire que ce début de journée lui annonce de longues heures devant lui. Depuis son arrivée à Island Bay, Sasha n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un homme épanoui. Il lui manque une chose : l'amour d'une femme. Certes, il a celui de Nina, mais c'est comme sa fille, elle ne peut pas combler le manque constant qu'il ressent depuis son divorce avec son ex-femme.

Cette journée qui annonce d'être longue ne motive pas vraiment l'italien, et pourtant, il doit bien aller travailler. Il travaille sans doute trop, on le lui a déjà fait la remarque. Mais hormis quelques stagiaires qu'il a pris à la concession, il gère le tout, tout seul. Ça demande beaucoup de temps, et il se dit que du temps c'est ce qui lui manque. Chaque matin en se levant il se demande si c'est la dernière fois qu'il voit le soleil se lever, si c'est la dernière fois qu'il prend sa douche dans sa villa, si c'est la dernière fois qu'il met les pieds dans sa concession, construite par ses propres moyens. Alors oui, ça n'arrange en rien son moral, mais ces derniers temps, il est bien bas de toute manière.

Une fois qu'il se fut extrait de son lit pour se hisser jusqu'à la salle de bain, le jeune homme resta plusieurs minutes sous le jet de celle-ci. La force de ce dernier sur son crâne et le haut de ses épaules le firent craquer et il s'effondra dans sa douche. Son ex-femme lui manquait, il n'arrivait pas un seul jour sans qu'il se demande où elle est, ce qu'elle fait et si elle est enfin heureuse. Parce qu'il le sait au fond, si elle a agit ainsi il y a sept ans, c'est parce qu'il n'arrivait pas à la rendre heureuse et qu'en plus, il n'était jamais là. Bien sûr qu'il s'en veut et aujourd'hui, ce sont ses remords qui le bouffent un peu plus de jours en jours, jusqu'à son dernier qui ne devrait pas tarder à arriver.

Il se ressaisit, finit de se doucher puis sorti de la pièce, la serviette autour de la taille. Comme à son habitude, c'est un costume qu'il enfila. Une chemise blanche, une veste grise par dessus, sans oublier sa cravate bien évidemment. Sasha aimait revêtir ce genre de vêtements, il n'avait pratiquement que ça dans sa garde robe et quelques jogging pour quand il va faire son sport.

Lorsqu'il fut prêt, il verrouilla la porte de la villa dans laquelle il vivait, puis le portail et rejoignit son lieu de travail avec sa Camaro. Certes il commençait à faire plus beau et un peu plus chaud, mais pour une fois, il n'avait pas envie de prendre sa moto. Le trajet se passa sans encombres et il arriva à la concession pour l'ouvrir. Quelques minutes plus tard, les premiers clients arrivaient déjà. Arborant son sourire habituel, il s'approcha d'eux afin de les renseigner du mieux qu'il pouvait.

Ce n'est quelques heures plus tard que la concession lui parut vide, quand soudain un couple entra. L'homme se dirigea vers les voitures, il semblait s'y connaître et surtout, savoir ce qu'il voulait ou ne voulait pas. Tandis que la femme ne semblait guère ravie de l'accompagner, mais sur l'instant Sasha ne fit pas le rapprochement, sans doute parce qu'il avait rêvé de ce moment tant de fois, et peut-être aussi parce que désormais il savait que tout était fini.

Un peu en retrait, il attendit quelques instants avant d'aller à la rencontre de l'homme, interrompu au passage par une jolie jeune femme qui venait de le saluer. Son sourire aux lèvres, il lui avait adressé des politesses en échange sans même de se rendre compte que c'était son ex-femme. C'était elle qu'il avait entré dans sa concession accompagnée de cet homme. Était-ce son petit ami ? Son mari ? Un collègue ? Sasha devait se rendre à l'évidence, elle avait refait sa vie. Et même si l'italien était blessé de le découvrir, c'est ce qu'il lui avait toujours souhaité au fond.

" - Anna.. ?"

Pour une surprise, s'en était une. Il avait imaginé des dizaines et des centaines de fois où il se retrouverai face à elle. Il avait planifié un discours des choses à lui dire, des excuses à lui adresser, et pourtant, il était incapable de prononcer un seul mot devant cette femme qui était toujours aussi magnifique à ses yeux, mais elle n'était plus sienne.

" - Et bien, je travaille.. Et toi ?"

C'était plus par politesse qu'autre chose qu'il lui retournait la question, il l'avait vu entrer avec cet homme, il ne fallait pas être dupe pour comprendre qu'il y avait quelque chose entre eux, et pourtant, Sasha ne pouvait s'empêcher de fixer le visage de son ex-femme, elle n'était pas rayonnante, elle ne semblait pas vraiment épanouie avec lui, peut-être qu'il se faisait de fausses idées et qu'elle était très bien avec cet homme.

Toute cette histoire a débuté par une remarque de John, le plus ennuyant et mauvais joueur de golf que je dois endurer puisqu’il fait « partie de l’équipe ». Oui, le golf est bel et bien un sport individuel, mais puisque j’ai pris l’habitude de m’y rendre pour me mesurer à des collègues de la Société, John en faisant partie, nous avons adopté le sympathique surnom d’équipe. Il n’est pas difficile à croire que c’est John lui-même qui nous a sortie cette idée et que, voyant que tous trouvait cela amusant, j’ai accepté de faire partie de leur équipe. Bref, revenons-en à cette fameuse remarque. Il y a trois semaines il me semble, je retrouvais mon « équipe » sur le terrain de golf et je remarquais tout de suite leurs regards fréquents en ma direction alors que je sortais du coffre de ma voiture mon sac de golf. Même une fois que je les avais rejoints, les yeux se portaient vers ma bagnole, les paroles de John incitant les autres à des commentaires qui ont eu le don de me mettre hors de moi. Mais par professionnalisme, je me suis contenté d’approuver leurs remarques et de me même affirmer que je comptais bien me débarrasser de ce tas de ferrailles pour une véritable voiture digne d’un vice-président. Donc voilà, aussitôt l’idée grotesque implantée dans mon esprit, impossible de reculer. Je ne suis pas celui qui porte à ce point une obsession quant à l’apparence des choses. Mais s’il y a une chose qui me motive depuis que j’ai de l’argent, c’est bien d’en dépenser pour montrer que j’en ai. La voiture que j’ai actuellement me plait bien en fait. Un modèle fiable, pas si vieux que ça. Sauf qu’il est vrai que son allure désigne davantage un employé et non pas un patron. Lorsque j’en parle avec Anna la première fois, je vois bien que cela ne l’enchante pas. Elle ne comprend pas vraiment ce qui me pousse à vouloir changer maintenant et aussi subitement, lui omettant volontairement le passage avec John. Elle comprend que cela me tienne à cœur, sauf que ce n’est pas comme si la voiture était cassée. Je ne suis pas d’en l’obligation de la changer, idiot de John ou pas. Du coup, puisque ma compagne ne semble visiblement pas intéressée, je commence à faire du repérage de mon côté. Je tiens à avoir le modèle qui fera tourner les têtes et clouer le bec de John. L’idée de le faire chier est également dans la balance, sa propre voiture étant un modèle d’il y a deux ans. J’organise même plusieurs rendez-vous, me rendant préalablement sur les sites internet de certains concessionnaires pour évaluer leurs marchandises avant de discuter de tout cela sur place. Je tiens à ce qu’Anna m’accompagne, puisqu’elle aura aussi son mot à dire sur le choix final. Son opinion m’importe. Le jour J, je suis très impatient de partir. Le fait qu’Anna ne soit pas aussi enthousiasme que moi m’irrite quelque peu. Je ne tiens pas à déclencher une dispute, mais j’aimerais bien qu’elle mette un peu du sien. Elle savait pourtant que le repérage aurait lieu aujourd’hui, ce n’est pas comme si je lui avais caché ce détail là. Je tente donc de garder mon sang froid, malgré la pression que j’ai sur les épaules et l’absence de soutiens de ma compagne. Elle fait des efforts pour se dépêcher et je sais bien qu’au fond elle veut m’assister aujourd’hui. Sauf que c’est plus fort que moi, en la voyant ressortir ses robes, je songe à l’opinion des concessionnaires. J’ai besoin qu’elle se montre impeccable pour que l’on me prenne au sérieux. Je suis déçu de voir qu’elle se désavantage ainsi. Qu’importe, elle à raison, je ne veux pas qu’elle soit la séductrice. Je nous pousse donc dans le mouvement, afin que nous nous rendions à mon premier point d’arrêt. Il s’agit du concessionnaire où travaille Sasha, que je connais mal mais assez pour le relier à Anna. Il s’agit de son ex d’après ce que j’ai compris, mais ça remonte à des lustres. C’est finit entre eux depuis longtemps. Si je devais me formaliser sur chaque homme ayant potentiellement été en contact avec Anna et elle sur chaque femme ayant partagé l’espace d’un moment, nous serions littéralement constamment en train de nous disputer. De toute façon, je ne suis pas là pour faire affaire avec son ex. On ne va probablement même pas le croiser. Une fois arriver, je me mets tout de suite à repérer ce qui m’a le plus plu sur leur site internet. Je compte me laisser tenter par un ou deux essais routiers, si j’ose le rêve. Le soupire d’Anna réussit à gâcher mon moment. Je la regarde, une fois de plus déçu par son absence de support. Décidément, j’aurais du la laisser dormir si c’est pour agir de la sorte avec moi. Je perds donc patience et je lui demande d’aller m’attendre plus loin. Une fois qu’elle s’éloigne, je soupire à mon tour. Je dois me calmer, j’ai besoin d’être concentré sur mon observation. Je m’approche du bureau de l’un des concessionnaires, mais je remarque qu’il n’est pas présent dans la petite pièce carré. Génial ! Je commence à chercher autour pour tenter de croiser quelqu’un susceptible d’être l’homme avec qui j’ai un rendez-vous. Je tombe sur un garagiste qui évidemment, n’a aucune idée de l’horaire de son collègue. De plus en plus exaspéré, je décide de retourner vers Anna. C’est là que je remarque qu’elle est face au seul homme présent dans ce bâtiment ayant l’allure d’un concessionnaire. Peut-être est-ce celui que je cherche au final et qu’Anna a trouvé pour moi. Je souris à cette idée et je m’avance vers eux avec assurance. C’est alors que je constate qu’il s’agit de Sasha. Je m’arrête à deux mètres d’eux, fronçant les sourcils. Ils se fixent sans me prêter attention. Je décide de les interrompre, n’étant pas là pour assister à des retrouvailles. « Sasha ! Comment ça va, mon vieux ? » Je dis en lui tendant une main, ma voix assez forte pour que les deux se défigent. Il y a une sorte de tension que je n’arrive pas à décrire. Je m’attarde un instant sur Anna. Je pourrais jurer qu’elle est plus épanouie qu’à l’ordinaire. Cette constatation me rend mal à l’aise, bizarrement. Je me sens comme celui de trop, alors qu’à la base je suis le potentiel client. Sasha n’a d’yeux que pour son ex et la tension devient rapidement insoutenable pour moi. « Est-ce qu’il y a un problème entre vous deux ? Parce que j’espérais avoir du service en venant ici, honnêtement. » Je dis, fixant Sasha assez durement. S’il veut faire une vente, il va devoir commencer à me porter attention parce que sinon je ne vais pas rester bien longtemps dans cet endroit.

En toute honnêteté, je ne sais pas si je dois me réjouir ou non de revoir Sasha après sept années de silence. Tu plaisantes, là. Non. En principe oui, je le devrais puisque que je suis encore amoureuse de lui, et qu’il est toujours aussi séduisant que la dernière fois que je l’ai vu à Palerme en deux mille dix ; mais en pratique non, puisque je suis en compagnie de Brendon et s’il se rend compte que je l’aime encore, je vais en prendre plein pour mon grade. Comme s’il lui fallait une aussi bonne raison pour t’agresser verbalement, franchement. Très juste. Depuis quelque temps mon compagnon me tombe dessus pour tout comme n’importe quoi. J’ai le sentiment de ne plus être réellement à ma place dans ce couple que nous formons depuis deux mille quinze, soit à peine deux ans, et tout ça parce que je refuse catégoriquement le mariage. A ce demander pourquoi tu restes avec lui, dans ce cas. Je n’en sais rien. Je sais juste que je n’arrive pas à m’y résoudre et que – les quelques fois où j’ai voulu plier bagage pour aller dormir à l’hôtel en attente de mieux, j’ai finis par pleurer avant de tout remettre en place sans qu’il ne s’en aperçoive. Je ne peux pas me résoudre à vivre un nouvel échec sentimental. Alors, je m’accroche. Je m’accroche dans l’espoir qu’on puisse redevenir complice comme à nos débuts. Aujourd’hui, il ne vaut mieux pas y compter. Je confirme. La présence de Sasha, qui me fait plaisir au delà de tout, risque de déclencher de nouvelles hostilités incessamment sous peu. Alors, en attendant que n’éclate l’orage, je profite de notre tête-à-tête pour l’admirer dans son entièreté. Il est absolument séduisant dans son costume et – si j’étais seule, je crois que j’apprécierais de le prendre dans mes bras pour une étreinte purement amical. Tu es sûr ? J’apprends de mes erreurs. Ce que j’ai fait vivre à Sasha, je ne le ferais pas vivre à Brendon. Je ne trouverais pas du réconfort dans les bras d’un autre homme, juste parce que nous passons une mauvaise passe. De plus, au vu de l’alliance que je vois à l’annulaire gauche de Sasha, il m’apparaît évident qu’il est remarier. Ce qui est génial. Vraiment. Enfin pour lui, j’entends. Car c’est toujours ce que j’ai souhaité depuis notre divorce. Qu’il parvienne à rencontrer une femme qui saura mieux l’aimer que moi. M’apprenant qu’il travaille ici, à la concession, Sasha me demande en retour ce que je fais là. Hé bien… C’est une excellente question à laquelle j’allais lui répondre lorsque Brendon me fait sursauter en haussant le ton pour aborder mon ex-mari. Putain. Quel délicatesse. Je ne te le fais pas dire. J’en ai le cœur qui bat à deux cent à l’heure. Mais ce n’est pas ça le plus important – voir grave, ce qu’il est c’est le fait qu’il vient de l’appeler par son prénom. Non. Il vient de le surnommer mon vieux, sans animosité dans la voix, ce qui sous-entend qu’ils se connaissent. Il a peut-être eu affaire à lui lors de ces démarchages ? Ou peut-être qu’il me connaissait bien avant de me rencontrer et que… Et que quoi ? Ils ont montés toute une machination pour que tu te retrouves face à eux aujourd’hui ? Arrête. Brendon n’est pas comme ça. Sasha, même, n’est pas comme ça. Tu connais ses deux hommes mieux que n’importe quel femme sur cette terre – excepté leurs mères, alors ne commence pas à faire ta paranoïaque. Très juste. J’ai aimé… j’aime… Bref je me suis attaché à ces hommes parce qu’ils étaient de véritables amour autant à mon contact qu’à ceux des gens composant leurs entourages. Ce n’est qu’une mauvaise coïncidence et – quant bien même ils auraient prit ce rendez-vous en sachant qu’ils m’y verraient, ils ne savent ni l’un ni l’autre les sentiments que je nourris pour eux, ni la nature même de ceux-ci. Sortant de mes pensées à la question de Brendon, je lui réponds. « Non. Il n’y a aucun problème ! » Je rie quelque peu, avant de lui déclarer quelque peu amère. « Je suis juste surprise de revoir mon ex-mari à Island Bay mais, tout va bien. » Sourire narquois aux lèvres. « Chéri. » Puis m’adressant à Sasha, avec plus de délicatesse, de douceur, ainsi qu’un sourire aimant aux lèvres. « Je vais vous laisser un peu entre hommes discutés de voitures. Si vous me cherchez, je suis dehors. » J’ai besoin de prendre l’air. Non. J’ai besoin de m’éloigner de Brendon sous peine de provoquer un scandale en plein cœur de cette concession. Tu me diras – conscience, que vu qu’il n’y a pas un chat, cela ne serait pas un drame en soi mais, par respect pour mon ex-mari, il vaut mieux que j’évite de laver mon linge sale en sa présence. Il n’a pas besoin d’assister à ma vie sentimentale foireuse. M’excusant auprès deux, plus pour la forme que le fond, je m’éclipse pour rejoindre la rue. Sur place, je trouve un homme fumant et – anxieuse quant à la suite de ce rendez-vous, je lui demande poliment s’il peut m’en offrir une. Je choisis très mal mon moment pour faire appel à la nicotine, j’en ai conscience, puisque Brendon croit que j’ai définitivement arrêté de fumer, et que Sasha ne m’a jamais vu avec une cigarette au bec de toute notre vie de couple, mais c’est la seule chose qu’il me calme lorsque je suis au plus mal. Tirant une taffe dés que l’inconnu a allumé la cigarette, je le remercie, avant de m’éloigner pour fumer tranquillement dans mon coin. Je garde un œil, toutefois, sur ce qui se passe à l’intérieur de la concession. Au cas où. Tu as peur qu’ils se battent ? Non. Je m’assure juste que l’entretien se passe bien. Je m’assure aussi – par la même occasion, qu’il n’y ait que moi qui me sente aussi mal dans cette situation plus qu’inconfortable.    

Voir Anna ici, bien sûr que ça bouleversait l'italien. Il avait rêvé tant de fois de la revoir, de la prendre dans ses bras, de la reconquérir et d'oublier le passé tout simplement. Voilà ce qu'il avait espéré et ce qu'il espérait depuis sept ans maintenant. Bien évidemment, il ne pouvait pas lui en vouloir d'être partie, il avait accepté son choix, parce qu'il estimait qu'elle avait le droit au bonheur et Sasha semblait incapable de la combler comme elle le désirait. Alors pour son bonheur, il avait commis cette erreur de la laisser partir, de la laisser rencontrer un autre homme avec qui elle pourrait oublier les années de vie communes qu'ils avaient passé en Italie. Tout cela le chaboulait énormément, mais comme à son habitude, le jeune homme restait impassible, ne montrant en rien ce qu'il pouvait ressentir, si seulement Anna avait pu savoir ce qui lui passait par la tête à ce moment précis, mais ce n'était pas le cas.

Anna finit alors par lui demander ce qu'il fait ici, il lui répond le plus simplement possible étant donné que la concession dans laquelle ils se trouvent est celle qu'il a batti. C'est un peu le nouveau départ qu'il a pris après son divorce. C'est pour ça qu'il s'est battu toutes ces années, et il faut croire que ça a payé même si aujourd'hui, il n'est plus animé de la même passion qu'au début. Le tout étant qu'Anna se tenait devant lui, il l'avait bien vu avec un homme mais il ne voulait pas en tirer des conclusions trop hatives même si c'était évident, ses sentiments à son égard l'aveuglait encore, et de toute façon, il le savait qu'Anna était de nouveau heureuse auprès de lui.

Finalement, Sasha n'eut pas le temps de savoir ce qu'Anna faisait ici, même si l'achat d'une voiture semblait l'option la plus probable, ils furent interrompu par un homme. Le même homme avec qui il l'avait vu quelques minutes plus tôt. Et cet homme, l'italien le connaissait bien. Enfin bien est un grand mot, il le connaît assez pour savoir son prénom ainsi que quelques informations sur lui. La conversation prend un tout autre tournant à l'arrivée de Brendon, Sasha se sent un peu idiot sur le coup, tout cela le met assez mal à l'aise, surtout maintenant qu'il a revu cette femme qu'il n'a jamais oublié et qui, au jour d'aujourd'hui fait toujours battre son coeur.

" - Salut Brendon, comment tu vas ?"

La vérité c'est que Sasha n'avait jamais eu la force de lui dire qu'il était toujours épris de la femme avec qui il partageait sa vie, il savait qu'il ferait plus de mal qu'autre chose si cela venait à se savoir, alors par respect pour Brendon et surtout pour Anna, il n'avait rien dit. Bien sûr que ça lui faisait mal au plus profond de son coeur, il le sentait se pincer quand la belle brune les laissa seuls, c'était comme si l'italien avait la sensation de la perdre une seconde fois, cependant, il ne la retient pas pour autant, ça aurait éveillé trop de soupçons. De plus, les paroles de son ex-femme lui firent l'effet d'un poignat, comme si finalement elle n'accordait aucune importance à ces retrouvailles. Était-ce sincère ou bien simplement pour faire bonne figure devant son petit ami ?

" - Je suis désolé de ne pas t'avoir accueilli, j'ai pas mal de paperasses à gérer en ce moment, donc je dois gérer et la concession et les papiers, c'est pas toujours compatibles quand on reçoit des clients. Bon alors dis-moi ce que je peux faire pour t'aider ?"

Choisir une voiture n'était pas forcément quelque chose d'aisé. Certaines personnes accordaient de l'importance à l'apparence tandis que d'autres préféraient se fier aux options présentes sur celle-ci. Chacun avait des critères bien précis et Sasha se devait de les conseiller du mieux qu'il le pouvait s'il voulait conclure la visite par une vente.

Ce qui le préoccupait le plus, c'était de chercher du regard où Anna avait pu aller, mais il devait se faire discret s'il ne voulait pas se faire remarquer par Brendon, bien qu'il ne le connaisse pas énormément,
Sasha n'aimait pas faire souffrir les gens, alors il devait accepter la situation telle qu'elle était.

Finalement, leur échange de regards gênant cesse et on m’accorde enfin un peu d’attention. Le malaise est toujours perceptible, toutefois. Dans un coin de mon esprit, je me mets à analyser discrètement ce que cela signifie. Sasha me salut et je lui souris, même s’il y a moins d’éclat dans mon geste aujourd’hui. « Ça va. » Je réponds simplement, poliment aussi, orientant par la suite mon regard vers la jeune femme. Je vois bien que quelque chose d’insupportable la trouble. Je connais à présent suffisamment ses réactions pour les deviner alors qu’elles sont sur le point de naître. Elle est énervée, mais gênée aussi, un très léger rouge sur ses joues. Elle tente de le cacher, mais nous nous disputons si fréquemment ces derniers temps que j’arrive à sentir lorsqu’elle le dissimule. Qu’est-ce qui peut bien l’énerver à ce point ? Revoir Sasha ? Le fait qu’elle s’adresse à moi avec une certaine froideur, avec un véritable agacement me donne toutefois la véritable réponse à sa question. C’est contre moi qu’elle est en colère. Et le pire c’est que pour une fois je ne sais absolument pas pourquoi, n’ayant pas l’impression de l’avoir mérité. Je sais reconnaître mes tords. À cet instant, je ne vois qu’une seule chose qui peut expliquer son amertume et son désir de sortir aussi vite. Je viens de gâcher son moment avec Sasha. Peu importe ce qu’ils se disaient, je les ai véritablement dérangé. Sauf qu’une personne n’ayant rien n’a caché ne serait pas aussi irrité par une interruption de ce genre. Certes, je veux bien croire qu’elle ne soit peut être pas au courant de la présence de son ex à Island Bay, ce qui me surprend aussi. Mais, il faut dire que je connais Sasha à peine. Je ne lui ai jamais demandé ce qu’il faisait  ici et depuis combien de temps, ayant eu affaire à lui plus professionnellement qu’autre chose. Et c’est le cas aujourd’hui aussi, sauf que les rôles sont un peu inversés. Je ne suis pas là pour lui offrir du financement, mais plutôt pour dépenser mon propre argent, pour être le client. De plus, il n’y a pas qu’Anna qui soit troublée par mon intervention. Le concessionnaire n’est pas innocent non plus. Lorsque l’Italienne s’éloigne, ce n’est pas elle que je scrute du regard, mais plutôt lui. Même chose par la suite, lorsqu’il revient à moi, je l’observe avec une grande discipline. Anna ne peut pas aller bien loin, je ne m’inquiète pas. Lui par contre, il la cherche à l’aide de légers mouvements du regard. Je fais comme si je n’avais pas remarqué, mais les pièces du puzzle commencent à s’imbriquer. Lorsqu’il s’adresse à moi je lui souris, cette excitation à l’idée d’une nouvelle voiture ayant résistée à ce malaise persistant. Il s’excuse du service un peu déficitaire, à quoi je hoche la tête, pouvant comprendre la situation. Il veut savoir en quoi il peut m’aider. « Alors, je souhaite faire l’acquisition d’une nouvelle voiture. Je veux un modèle récent, moderne. Je ne suis pas intéressé par les performances. Je recherche l’élégance, tu vois. J’ai besoin de quelque chose qui sonne classe, mais tout en étant pratique. Donc, oublions les décapotables, tu veux bien. J’ai quelques idées en tête déjà, mais je voulais avoir l’avis d’un conseiller. Je suis surtout ici pour me faire une idée, je ne suis pas à ce point pressé de conclure une vente. À moins que tu sois très persuasif. » Je lui souris, m’imaginant qu’il peut l’être. Le fixant toujours, je continue. « Je ne croyais pas que tu étais le seul à travailler aujourd’hui. J’avais d’en l’idée qu’il y a avait plusieurs vendeurs de présent, même la fin de semaine. » La concession qu’il a est après tout suffisamment considérable pour ne pas complètement dépendre de lui en permanence. Il doit forcément avoir plus que deux employés à sa charge. Je fronce les sourcils toutefois, voyant qu’il continue toujours à regarder discrètement vers la gauche, pour une certaine demoiselle. Il est décidément plus coupable que je l’imaginais. Je m’approche d’un pas, posant même une main sur son épaule et plongeant mon regard foncé dans le sien. « Écoute, je ne suis pas naïf. Je vois bien que j’ai interrompu votre discussion. Je ne cherchais pas à m’imposer, mais là disons que je suis perdu. Pourquoi tu sembles aussi inquiet pour elle ? Je veux dire, ce n’est pas la première fois qu’elle est en rogne contre moi sans raison. Sauf que je vois bien que ça te préoccupe et il ne faut pas, mec. » Je serre un peu plus fort ma main sur son épaule, lui souriant encore plus grand. « À moins bien sur que tu l’aimes encore ! » Je dis sous le ton de la plaisanterie, éclatant même de rire à cette idée ridicule. Puis, il y a un déclic dans mon esprit. Et je perds totalement mon sourire, ma main glissant de son épaule. Impossible.

Finalement, sortir prendre l’air, ce n’était pas une si bonne idée. Certes la cigarette que je fume, sans réellement prendre le temps de l’apprécier, me détend considérablement ; seulement cela ne sert strictement à rien puisque,  désormais, je m’inquiète de ce qu’il peut se dire entre les deux hommes dans la boutique. D’ailleurs, j’ai beau les observer avec attention, je n’ai aucune foutu indication sur ce qu’il se passe réellement entre eux. Bah déjà, ils ne s’empoignent pas pour ce battre. C’est plutôt bon signe, je trouve. Oui mais je ne peux pas m’empêcher de penser que la situation risque de vite dégénérée si je les laisse trop longtemps en tête à tête. Brendon est là pour s’acheter une voiture, pas cogner ton ex-mari. Tout peut arriver. Ma fuite de cette entrevue peut laisser entendre tout et n’importe quoi à son esprit et… Râââ puttana mais quelle conne je vous jure ! Ce n’est pas ainsi que j’aurais du me comporter. A aucun moment je n’aurais dû l’agresser verbalement pour son irruption dans notre conversation avortée. Au contraire. A la place, j’aurais dû lui assurer charmante que tout allait bien avant de. Avant de quoi ? T’intéresser soudainement à son désir d’acheter une voiture chez Sasha ? Arrête, Anna. Tu sais très bien que cela aurait été d’autant plus louche qu’une saute d’humeur bien plus habituelle. Effectivement. Brendon est loin d’être idiot. Et j’ajouterais même qu’il me connaît mieux que Sasha puisque ce dernier me côtoie suffisamment au quotidien pour connaître chacune de mes expressions faciales. Autant dire que quoique j‘aurais pu faire, c’était comme si je collais un gros post-it sur mon front avec inscrit dessus : je t’aime Sasha. Le plus ironique c’est que le concerné – lui, il n’aurait même pas été fichu de le voir. Hélas. C’est bien l’une des choses que j’ai toujours reprochée à mon ex-mari. Il n’a jamais était en mesure de voir ce qui n’allait pas chez moi, même lorsque je ne faisais aucun effort pour lui cacher. Enfin. Cela ne m’aide toujours pas à savoir ce que je suis sensé faire là maintenant. Est-ce que j’entre à nouveau dans la concession ? Ou est-ce que j’attends à l’extérieur que Brendon ait finit ? Je ne sais pas, moi. Tout dépends si tu as envie d’assister à la transaction, ou si tu préfères ne rien savoir ? Excellente question. En théorie je me dis que revenir risque de mettre le feu aux poudres, en supposant qu’une tension existe entre eux ; mais en pratique je me dis qu’attendre ici risque de le faire tout autant, en supposant qu’ils parlent de moi. Du coup, écrasant la cigarette au sol, je me décide à regagner l’intérieur aussitôt. Bien évidemment, vu mon état de nerf, il est inutile de mentionner que ma pause nicotine n’a absolument servie à rien, si ce n’est à me faire désormais sentir l’odeur désagréable de la cendre froide. C’est malin. C’est à toi que revenait la lourde tâche de m’en empêcher, hein. N’es tu pas ma conscience, après tout ? […] Je m’en doutais. Les rejoignant, un peu intimidé par le probable accueil que me réserverait Brendon, je m’étonne de le découvrir comme figé. Serait-ce l’effet Sasha ? Je doute que mon ex-mari est ce pouvoir sur lui. « Il fait un peu frais dehors, finalement. Je préfère rester avec toi. » Dis-je à Brendon, pour l’aborder, le ton plus doux que précédemment. Tu as ta veste, banane. Cela aurait été plus crédible si tu avais pensée à la porter. Là, ils vont comprendre que ton retour est motivé par autre chose que le climat printanier bien trop frais. Merda. Je sourie à Brendon, un peu nerveuse, avant de lui demander. « Il y a quelque chose qui ne va pas ? » Je ne sais pas ce qu’a bien pu lui dire Sasha mais, visiblement, cela a eu son petit effet. « Alors, ces voitures ? » M’enquiers-je charmante, auprès de Sasha, pour déboucher la situation. « Est-ce qu’on va les voir ? » Tu es parfaitement ridicule. Une autre idée à suggérer pour détendre l’atmosphère, peut-être ? Non. Bien. Alors cela fera l’affaire.    

La vérité c’est que Sasha s’attendait à voir n’importe qui en aucun cas Anna et encore moins accompagnée de son petit ami actuel. L’italien était partagé entre la joie et la douleur, deux sentiments totalement opposés qui le mettait dans une situation assez délicate. Jusqu’alors Brendon avait toujours pensé qu’Anna et lui était de l’histoire ancienne, et ça l’était en théorie, mais même si le jeune homme refusait de se faire des faux espoirs, le regard d’Anna les quelques minutes où ils avaient été en tête-à-tête, tout comme ses gestes prouvaient qu’elle n’était pas totalement insensible à sa présence. Était-ce simplement de la gêne ou bien était-elle comme lui, est-ce qu’elle pensait toujours que quelque chose était possible entre eux ? Les pensées du sportif s’emmêlaient et il ne savait plus vraiment quoi penser.

De toute manière, il n’avait pas réellement le temps d’y penser puisque c’est à ce moment-là que choisit Brendon pour lui dire ce qu’il recherchait comme type de véhicule. Sasha a toujours eu cette qualité d’écoute des autres, et dans son métier on peut dire que c’est plus qu’utile. Écouter les clients, les conseiller en fonction de leurs critères de recherche, c’est ça qui fait de lui un bon vendeur ou non. Il pourrait avoir un discours tout prêt qu’il sort à toutes les personnes passant le perron de son commerce, mais l’italien n’a jamais été comme ça, le côté humain importe beaucoup pour lui, c’est sans doute pour cette raison qu’il aime son métier, est au contact des gens c’est ce qui lui plaît, bien qu’il aime tout autant sa solitude.

Le jeune homme note dans sa tête les critères de Brendon et commence déjà à voir les modèles qui pourrait convenir à son ami. C’était comme un carnet dans sa tête, à chaque nouvelle demande, il rayait les véhicules qui ne rentraient pas dans les critères pour ne garder que ceux qui risquaient de plaire à Brendon. Il avait beau le connaître très peu, mais sa demande ne l’étonnait pas plus que ça. Lui cherchait simplement à faire bonne figure, à montrer qu’il avait de l’argent et prouver qu’il est quelqu’un. Au fond, Sasha lui ressemble un peu, dans le fait que lui aussi a sa petite fortune, mais ce qui les différencie, c’est que l’italien refuse d’exposer son argent aux yeux des autres, il préfère rester simple, il n’a pas besoin de montrer qu’il est quelqu’un de fortuné, il préfère mettre tout le monde sur le même pied d’estale. Il doit bien avouer qu’il se demande ce qu’Anna peut lui trouver malgré le fait que ce soit un homme tout à fait charmant.

" - Je suis souvent étant donné que je n’ai pas vraiment d’employés à temps plein, seulement quelques stagiaires de temps en temps."

C’est vrai que ça pouvait paraître étrange, mais le jeune homme avait bâti tout cela de ses propres mains, trop déçu par le passé, il a du mal à refaire confiance et à engager des personnes pour le soulager de quelques tâches dans la concession. Peut-être qu’un jour il réussira à mettre son passé de côté et à donner sa chance à une personne motivée pour l’aider dans la gestion de la concession, mais pour le moment, depuis sept ans, il la gère seul, et même si c’est beaucoup de travail, il s’en ai toujours plus ou moins sorti.

Finalement, c’est Brendon qui aborda le sujet qui fâche, à savoir la discussion qu’il avait interrompu entre le concessionnaire et son ex-femme. Il écouta avec attention les propos du jeune homme se sentant de plus en plus coupable de son comportement. En réalité, Sasha n’était pas tant inquiet pour son ex-femme, simplement que la revoir après sept ans d’absence, après ce qu’ils avaient pu vivre ensemble mais surtout de la voir accompagnée lui avait fait un sacré choc, mais il était heureux pour elle, enfin du moins, il essayait de le faire croire, car son cœur lui, se serrait en la voyant au bras de cet homme.

" - Non bien sûr ! Simplement la revoir après tant d’années ça fait bizarre c’est tout.. Bon du coup passons aux modèles de voiture qui pourrait t’intéresser. Je te propose celle-ci, un bon couple moteur, une esthétique plutôt soignée et un espace assez spacieux pour la rendre pratique que ce soit pour une personne seule, un couple ou une famille. Sinon, je peux te proposer ce modèle, un peu plus élevé au niveau du prix, mais ça vaut le coup, elle a de bonnes performances techniques, en dehors de ça, elle a plutôt un profil de sportive mais elle s’adapte tout aussi bien dans un milieu urbain. Tout dépend de l’usage que tu lui réserve."

Le jeune homme en costume s’arrêta un court instant,  espérant que ça ait suffit à distraire Brendon.

" - Tu m’as dis que tu avais déjà des idées, quel genre de modèle t’intéresse ?"

Car si jamais Sasha n’avait pas le modèle présent à la concession, il pouvait toujours passer une commande afin de satisfaire son client avec le véhicule qu’il souhaite. Puis soudain, alors que l’italien semblait presque avoir réussi à oublier qu’Anna était quelque part à l’extérieur, tout prêt d’eux, elle fit de nouveau irruption, laissant une nouvelle fois Sasha de marbre. Il ne se permet pas de la détailler mais elle semble vraiment heureuse avec lui, tout comme lui avec elle.

" - J’ai proposé quelques modèles à Brendon en fonction des critères qu’il m’a donné, maintenant à lui de voir si ça lui convient ou s’il préfère autre chose." fit-il en regardant à peine la magnifique brune de peur d’éveiller les soupçons de son compagnon.

Mon esprit met beaucoup trop de temps avant de redémarrer. Le choc de cette réalisation, probablement fausse, mais suffisamment évidente pour me pousser à y croire fermement, est difficile à surmonter. Le pire c’est que je ne sais pas comment réagir. Dois-je m’emporter ? Frapper Sasha ? Crier contre Anna ? Sourire faussement ? Prétendre que je n’ai rien saisis de cette situation ? Me mettre à pleurer ? Tellement d’options et aucune qui me satisfait véritablement. Tout simplement parce que peu importe mon choix d’action, cela ne va rien changer. Je ne peux pas effacer ce que Sasha ressent pour ma compagne. Alors, je ne fais rien. Je ne bouge plus, je fixe le concessionnaire mais sans le voir. Je l’écoute, mais sans saisir ses mots. Je hoche la tête à un certain moment donné, bien que je n’aie aucune idée de pourquoi je lui donne l’impression de suivre ses propos. Il me pointe deux voitures. Mon regard suit son doigt à deux reprises, revenant toujours vers lui ensuite. Lui. Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi ? Je ne comprends pas. Je me repasse les deux dernières années et à aucun moment je n’ai eu à douter avant maintenant. Pourtant, à présent, c’est tellement évident. Le pire c’est que Sasha ne m’a rien confirmé, alors pourquoi je suis à ce point bouleversé et convaincu que leur amour a survécut le divorce ? La réponse arrive dans un parfait timing, juste à côté de moi, avec un sourire. Elle est soudainement douce, gentille avec moi. Pourquoi ? Qu’est-ce qui la poussé à changer radicalement de comportement ? Je délaisse mon observation de Sasha pour passer à elle. Elle me demande si quelque chose ne va pas. Non tout va bien, je crois. Il n’y a que mon monde entier qui vient de s’écrouler. La voix de Sasha résonne dans mes oreilles. Je saisis un peu mieux ce qu’il dit, comme si mon cerveau recommençait à enregistrer l’information. Je ne le regarde pas toutefois. Il ment, il cache la vérité. Pour quelle raison ? Parce qu’il a honte de ses sentiments résiduels ? Parce que je suis là ? Forcément je suis un obstacle pour lui. Mais ce qui me fait le plus mal en ce moment ce n’est pas sa tentative de camouflage, c’est celle d’Anna. Dans son sourire, celui que j’aime tant, elle est en train de me mentir. Ma mâchoire se desserre enfin, me permettant alors de m’exprimer. « Tu... » Je tente, incapable d'achever ma phrase. Je demeure là, sans émotion. Tout simplement parce que je n’ai pas encore choisit l’émotion que j’ai envie de vivre. Toutes celles qui me sont proposées m’effrayent. C’est à mon tour d’avoir le désir de quitter le bâtiment. Mais je n’en fais rien. Je reste stupidement là, au risque de m’exposer à encore plus de souffrance. Par contre, je ne suis plus d’humeur à faire une vente. Je ne veux rien donner à Sasha de plus, comme il semble déjà avoir le plus précieux. Il a son cœur, celui qui je pensais posséder depuis deux ans. Je me sens trahis et vraiment idiot surtout. Je me tourne enfin vers Sasha, une expression un peu plus dure sur le visage, à peine différente de celle qui j’ai présenté à Anna. On pourrait presque croire que je ne ressens plus rien, alors qu’au fond de moi, je suis en panique. « Je vais réfléchir à tes propositions. Merci de ton temps. » Je dis, sentant ensuite ma mâchoire se resserrer, m’empêchant de m’exprimer plus. Je baisse la tête, ne bougeant toujours pas en direction de la sortie. J’attends quelque chose. J’attends la réaction d’Anna. J’ai soudainement un doute si lorsque je vais partir elle va me suivre. Elle préfère peut-être mieux demeurer ici avec Sasha… Ne jamais revenir à la maison. Mon cœur se resserre à l’idée que ce moment soit le dernier que nous partageons. Je n’arrive plus à penser clairement. La douleur est trop vive. Alors je me referme un peu plus, dans l’espoir d’échapper à cette réalité.

Apparemment, j’arrive comme un cheveu sur la soupe. Une erreur de plus à ajouter à la liste de celle que tu as déjà commise ce matin, on dirait. Effectivement, revenir vers eux était la pire option que je pouvais choisir et, comme une idiote, je l’ai optée. C’est à croire que j’essaye de battre un record personnel. Or, ce n’est pas le cas. J’essaye juste désespérément de rétablir la situation mais, visiblement, quoique je dise ou quoique je fasse, je fais pire que mieux. D’ailleurs, le malaise entre nous trois s’intensifie de minute en minute malgré ma vaine tentative de le faire disparaître. Sasha m’informe, en me fuyant du regard, qu’il a proposé quelques modèles à mon compagnon et qu’il ne lui reste plus qu’à exprimer son opinion mais, lorsque je lance un nouveau regard en sa direction, je constate que l’achat d’une voiture n’est plus une véritable priorité. Brendon se mure dans un étrange silence – que je ne lui connais pas, ainsi qu’un état presque léthargique. Le seul mot qu’il peine à prononcer à mon encontre est un « tu ». Tu ? Oui. Tu. Visiblement il voulait me déclarer quelque chose, une constatation qu’il a faite – sûrement, mais le reste de la phrase n’est pas venue. Un peu comme si elle était interdite. Soudainement horrifié à cette idée, je ressens une étrange peur à l’idée de comprendre. Je ressens une étrange peur à l’idée d’admettre que mes doutes sont fondés. Brendon a bien vu le post-it invisible collé sur mon front, criant mes sentiments pour Sasha, et il se trouve à être en état de choc émotionnel. Ce qui est inquiétant. Réellement. Je ne peux donc pas le laisser dans un tel état même si je regrette de quitter déjà mon ex-mari. Par conséquent, dés qu’il remercie Sasha pour le temps qu’il lui a accordé, je saisie l’occasion d’annoncer notre départ. « Bon, je crois qu’il est temps de rentrer alors. » Bien évidemment je reste totalement charmante avec mon ex-mari, même si lui préfère regarder tout ailleurs qu’en ma direction. « Je te remercie également du temps que tu nous a accordé Sasha. Bonne journée. » A ces mots, j’enroule un bras à celui de Brendon pour lui intimer avec douceur. « Allez viens chéri, nous rentrons à la maison. » Je me sens mal à l’idée de le déplacer presque comme un pantin sans vie mais, rester ici n’arrangera pas davantage les choses. Au contraire. D’un naturel sanguin, pudique – même, je sais que Brendon a besoin que l’on soit en tête à tête pour exprimer les émotions qui l’étreignent. Je mise donc énormément sur notre trajet en voiture jusqu’à la maison. Tu es certaine que lui laisser le volant est une bonne idée ? Il faut impérativement le stimuler pour le contraindre à revenir à la réalité. Se focaliser sur la route va obligatoirement provoquer le déclic nécessaire. As-tu seulement conscience que tu mets presque ta vie en danger sur une supposition ? Et si tu te trompais ? Je connais bien mon compagnon, au bout de deux ans de vie commune. Je sais que lorsqu’il va mal, il m’engueule. C’est un réflexe naturel qui ne vient que lorsque nous sommes à deux. Je ne peux donc pas me tromper. Je vais croiser les doigts, au cas où. Regagnant la voiture, sans un dernier regard pour la concession, je sors les clefs de la poche de sa veste avant de la déverrouiller. Je lui ouvre la portière pour qu’il prenne place derrière le volant, avant de contourner le véhicule pour regagner ma place passagère. Vous allez vous planter, Anna. C’est un vrai légume ! Non ! Non Brendon va me revenir comme avant. J’y crois.    

Sasha ne sait pas vraiment comment réagir, à cet instant précis, il sait que son secret,
à supposer que ça en soit un, est presque mis à nu et qu'il risque de faire de gros dégats si jamais il éclate au grand jour.

Il était venu en aide à Brendon pour qu'il puisse éventuellement trouver son bonheur parmi les modèles d'exposition qu'il présentait. Parfois, l'italien emmenait faire un tour dans le modèle si le client était vraiment intéressé par le véhicule en question, mais pour le moment, il voyait bien que le jeune homme était encore indécis, et sans doute que la situation ne l'aidait pas vraiment à faire un choix logique Au fond, il ne lui en voulait pas, choisir une voiture prend du temps, c'est comme acheter une maison. Et ce choix est encore plus complexe quand il s'agit d'une acquisition en couple, il faut que les deux personnes se concertent afin de s'assurer que l'achat n'est pas une simple pulsion de l'un ou l'autre.

Pour le coup, cette visite à la concession semblait avoir bouleversé tous les membres, aussi bien Anna qui venait de revoir son ex-mari qu'elle n'avait pas vu depuis sept ans. Brendon lui semblait avoir pris conscience de ce qui se tramait entre sa compagne et son ami, qui n'allait sans doute plus tarder à ne plus l'être. Et Sasha, qui était plus que dérouter par tout ce qui s'était passé en si peu de temps.
Depuis combien de temps le couple était entré dans sa concession ? Il n'en avait aucune idée,
la seule chose dont il était persuadé c'est que tout cela n'était que le début et que cette histoire allait avoir un impact important sur chacun d'eux en fonction de l'issue.

" - Je.. Bonne journée à vous.. Et si jamais vous avez d'autres questions ou besoin de conseils, vous savez où me joindre.."

C'est la seule chose à peu près sensée qu'il réussit à prononcer lorsqu'Anna passa son bras autour de celui de son compagnon afin de prendre le chemin de la sortie et de rentrer chez eux. Si l'italien avait écouté son coeur il aurait probablement tout fait pour que la jeune femme comprenne qu'elle avait encore une place trop importante dans sa vie pour qu'il puisse passer à autre chose. Mais il n'avait pas le droit de la priver du bonheur qu'elle semblait éprouver pour Brendon au vu de ses agissements avec lui.

Oui le concessionnaire se sentait coupable de la situation qui se déroulait sous ses yeux, devait-il fuir une nouvelle fois pour éviter de faire éclater un couple heureux ? Fuir est sans doute la chose qu'il savait le mieux faire, c'est ce qu'il avait sept ans plus tôt, pour fuir son divorce, devait-il recommencer aujourd'hui ? La situation était différente, il avait Nina maintenant, il lui avait fait des promesses qu'il ne pouvait pas rompre. Merde, après tout il avait tout de même dépassé la quarantaine, il devait assumer ses erreurs et les affronter peu importe si ça crée une tempête, il doit le faire, pour son bien, et peut-être celui d'Anna aussi.

En voyant les deux amoureux quitter la concession, Sasha redoute désormais ce qui allait arriver.
Avait-il le droit d'envoyer un message à Brendon pour essayer de s'expliquer, au risque de le faire encore plus souffrir ? Non, au vu de l'état dans lequel il était, il devait se taire et garder ce secret pour lui, quitte à l'emporter avec dans sa tombe.

HRP: