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| Sujet: Dark side of the moon - Antonio (#) Mer 13 Sep - 1:04 | |
| "Dark side of the moon " - Antonio EXORDIUM. Tu te rappelles encore de la fois où tu as pu t'offrir cette première paire de gants. Tu avais treize ans et les phalanges qui ne trouvaient jamais le temps de bien cicatriser. Tu te considérais déjà comme le fils spirituel d'Ali sur un ring en béton, à transformer chaque accrochage en combat du siècle où l'adversaire improvisé Joe Frazier pouvait te mettre k.o en peu de coups. Parce que c'est comme ça qu'on réglait les problèmes, moindres ou de grandes envergures. C'était la loi de la jungle, celle du plus fort, où la parole ne trouvait que rarement sa place, ou hostilement. Tes années de jeunesse furent éprouvantes, la définition même de « l'âge con », où la survie dominait la vie sur l'enfant seul. Tu passais tes journées et la plupart de tes nuits à fuir le confort d'un foyer stable et accueillant dans lequel tu ne trouvais déjà plus ta place, préférant ce coin délabré et peu fréquentable de l'est londonien où très vite te rappelaient à l'ordre les rudiments du bon guerrier. T'as l'impression d'avoir fait ça toute ta vie ; te battre. Pourtant, tu n'étais pas le plus provocateur du cercle, loin de là. Mais quand on ne peux que s'appuyer sur l'agitation pour perdurer, la fougue a peu à peu prit possession de ton être, aussi naturellement qu’irréversiblement. Sûrement, les choses auraient-elles été différentes si tu n'avais pas été répudié à la seconde où ta vie commença, ou peut-être pas, car on trouve toujours pire ailleurs. Tu es parti de rien, du moins de pas grand chose, pour être celui que tu es maintenant, mais si c'était à refaire, tu n'en changerais absolument pas la moindre ligne. Tu t'es vu en haut de l'affiche pendant quelques années, encore novice dans ce beau monde, rien ne te disait vraiment d'écouter les conseils d'un professionnel. Parce que toi, tu vivais pour ça, la boxe. Tu mangeais, tu dormais, tu pensais boxe, t'avais de la haine à faire ressortir, tu voulais te défouler en premier lieu, et à la longue vivre dans ce cercle infernal. Tu gagnais déjà tes quelques billets comme ça, tu n'étais pas le caniche de la Reine pour te fier à ses sages consignes. Quel connerie. Il aurait pu t'emmener loin si tu voulais vraiment t'en sortir. Le soucis, c'est qu'encore aujourd'hui, tu n'oublies pas d'où tu viens et à l'époque, tu en as payé le prix fort. Et t'aurais pu tirer un trait définitif sur le noble art, trop honteux les premiers temps pour oser pousser les portes d'un complexe quelconque. Malheureusement, ou heureusement pour toi, jamais tu n'oublieras tes premiers amours. " Quitte à ne pas pouvoir te sevrer convenablement, focalise-toi sur ce genre de drogue pure " Ah, tu peux au moins te vanter d'avoir eu une bonne thérapeute.
C'est alors tout naturellement que tu passes la plupart de ton temps libre à la salle, comme en ce moment même où tes poings épousent chaque recoins d'un sac de frappe fou, à l'instar du bourreau enfermé dans sa névrose. Esprit fermé dans ta bulle, écouteurs aux oreilles, tu frappes depuis une bonne vingtaine de minutes, en témoigne ce t-shirt blanc collé à ton épiderme bien trop humide. Tu frappes à ne plus tenir compte de l'environnement qui t'entoure, de ce regard curieux qu'il t'offre, l'inconnu proche. Tellement proche qu'il manque de peu le salut ardent de ton coude.
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