Are you ready to rock ? (Babylon & Ange)

Les fêtes, Ange n’avait pas souvent l’occasion d’y participer, parce que souvent, il était de service et qu’en finissant à 2 ou 3h du mat, ben, les fêtes sont déjà trop avancées pour prendre plaisir à les rejoindre. Se taper juste la sensation de débarquer aux milieux d’un clan de gogoles bourrés, merci, mais non merci justement ! Mais pour une fois, une vague connaissance l’avait invité à un soirée costumée sur un de ses jours de congé. Champagne ! Surtout que clairement, une soirée costumé, c’était bien le kiff de l’angelot ! Il avait peaufiné sa tenue, son maquillage. Parce que quitte à se faire une soirée déguisée, il voulait marquer les esprits. Il voulait briller par sa prestance. Elan de narcissisme, sans doute. Volonté de briller le temps d’une soirée à défaut de briller en société. Volonté de plaire juste un soir. Il demandait rarement plus. Il voulait de toutes façons pas de plus. Il s’était grimé à la façon d’un Ziggy Stardust. Parce que fallait bien qu’il profite de sa gueule androgyne quand il le pouvait. Et Ange avait enfourché sa moto pour se rendre à la fête, apportant quelques vivres et boissons, parce qu’il n’était pas un monstre tout de même.

Quand il arrive, il y a déjà pas mal de monde. Sa manie d’arriver au moins une heure après l’heure prévue. Au moins, on est sûr de pas être le premier ! Assuré que l’ambiance est déjà là ! Il est tout sourire. Il se faufile avec une facilité toute naturelle parmi les invités. Accueille les compliments sur son déguisement, minaude un peu, s’amuse de son succès d’un soir. Faut bien que sa passion du maquillage et du déguisement serve. C’est pas souvent qu’il peut frimer. C’est le genre de passion qu’il garde au fond du placard avec sa joie du travestissement. Parce que faut pas déconner, il veut pas être le cliché du pédé, sans même être pédé jusqu’au bout. Donc, il valait mieux garder ces passions-là dans un petit tiroir bien caché. Bref.

Il se retrouva vite avec un verre à la main. Une clope dans l’autre, à aller fumer sur le balcon de l’appartement. Et il se retrouva avec un autre homme sur le dit balcon. Son visage lui était étrangement familier. Sans qu’il sache d’où. Peut-être qu’il l’avait déjà croisé au bar. Il voyait passer tellement de monde. Peut-être. Ou ailleurs. Il en savait trop rien. Mais il lui disait un truc. C’était agaçant cette sensation. Il sourit pourtant, malgré tout.

“Salut… On se connaitrait pas ?” demanda-t-il un peu perplexe. “Prends pas ça pour une vieille technique de drague, hein… Enfin, je dis pas que j’aurai pas envie de te draguer, c’est pas ça, mais… Enfin, ton visage me dit vraiment un truc, et je sais pas où on a pu se croiser… Tu irais pas de temps en temps au Foxglove ?”

Il rigole un peu. Conscient d’avoir le discours le plus maladroit du jour.

“Désolé, je sais vraiment pas m’expliquer… Et puis… En plus avec mon maquillage, tu risques pas de me reconnaître toi… Je m’appelle Ange, et toi ? Enfin, vu ma gueule du jour, ça me va si tu m’appelles Ziggy !” reprend-il avec plus d'humour et d'assurance, tendant une main vers le jeune homme.

Non, c'était pas au Foxglove qu'il l'avait croisé... Mais où ? Bon sang, que c'était chiant cette sensation qu'on a presque trouvé, mais que la solution échappe encore de peu...

En même temps, avec tout le maquillage que cet homme avait sur le visage, c’était sans doute normal qu’il l’identifie pas. Non, parce qu’il avait pas dû trop le croiser en squelette en dehors de cette soirée. Ou alors dans ses rêves les plus fous, mais, non, vraiment… ça devait être moins rocambolesque que “je l’ai rencontré au beau milieu d’un rêve”, merci la belle au bois dormant, mais retourne te coucher, merci, au revoir. Et l’autre répondit. Un milieu moins festif ? Il fronça les sourcils. Il y avait un tas de trucs qui pouvaient être moins festifs que le bar où il bossait. Enfin, l’autre ne lui laissa pas le temps de réfléchir, enchaînant sur son prénom.

“Oh… Ziggy, c’est un personnage d’une chanson de David Bowie, il s’est fait connaître avec ce personnage… Et cette chanson-là !”

Il fredonna très justement, chantonnant à moitié le début de “Space Oddity”... S’emportant un peu vite dès qu’il s’agit de ses icônes musicales. Il avait tellement écouté, et rejoué, chanté ce morceau en même temps au lycée… Mais il se ressaisit, pouffant à l’évocation de son beau prénom.

“Oui, enfin faut pas t’y fier, mes parents me connaissaient pas encore en  m’appelant comme ça… Je suis sûr que maintenant, il choisirait plutôt “Raté” ou “Futur-Déshérité” pour que ça me colle mieux !” dit-il avec un sourire amusé, plaisantant à demi.

Ses parents ne devaient plus le voir comme l’angelot de leur vie depuis des années. Ils n’attendaient plus qu’il illumine leur vie de ses réussites. C’était mieux comme ça. Il ne s’en formalisait plus. En fait, il vivait mieux en se disant qu’ils n'entendaient plus rien de lui. Mais il chassa très vite ces pensées. Déjà parce qu’il était un brin incrédule. Babe ? Genre, Babe ? Il lui demandait de l’appeler Babe ?

“T’es vraiment sûr que tu veux que je t’appelle Babe ? On va pas un peu trop vite, là ?” plaisanta-t-il amusé.

Il tira sur sa cigarette, et prit une voix plus langoureuse pour murmurer son surnom, avant de pouffer.

“Non, vraiment, j’ai jamais appelé personne Babe, ça me perturbe trop… Tu as pas un surnom moins connoté ? Je vais encore avoir l’impression que je te drague sinon… Ou alors, c’est que t’as envie que je te drague, mais… Je ne m’avancerai pas dans cette pente savonneuse !”

Puis revenant à la question que l’homme venait de poser.

“Oui, j’aime bien me maquiller, un passe-temps super viril, m’vois-tu…”

Encore un petit sourire, un regard amusé lancé à l’autre homme. Il boit une gorgée de son verre. Mais du coup, de quel endroit moins festif ils se connaissaient ? Sa banque. Son supermarché. Son immeuble. Son centre des impôt -quoique, il y avait jamais mis les pieds-. Son psy…

“Oh ! La salle d’attente de mon psy…” lâcha-t-il en percutant enfin.

Il renversa la moitié de son verre dans son mouvement d’exclamation, lâchant un juron en voyant qu’il avait mis du punch sur sa veste. Il devait passer pour le roi des glands présentement. Surtout qu’il était rarement au mieux de sa forme quand il allait voir son psy. Alors le cumul de lui gaffeur, et de l’image qu’il avait dû dégager chez les psy. Le roi des glands, et oui, c’est moi !

“On peut aussi dire qu’on s’est jamais rencontré avant ? Genre… Qui a dit que je t’avais déjà rencontré ? Hm ? Genre, t’as pas du tout la gueule d’un mec qui a besoin d’un psy… Et moi non plus voyons… Par contre, j’ai besoin d’une autre cigarette j’crois !”

Moulin à paroles, bonjour. Diarhée verbale de gênance. Mais il tendit son paquet de clope vers le jeune homme, une fois son verre posée sur la rambarde. Il s’alluma sa clope avec la fin de la sienne. Et… Il se demandait pourquoi le Destin lui faisait croiser le type de la salle d’attente du psy le jour où il voulait se vider la tête de ses problèmes. Putain de Karma.

Ouais, Ange pouvait imaginer qu’on criait pas Babe à un grand brun dans la rue à moins d’être bien sûr de soi. Lui-même y aurait réfléchi à deux fois. Et pourtant, il n’avait plus trop peur du ridicule ou du jugement. Mais il aurait un peu eu peur de froisser un homophobe de passage et de se manger un gros pain dans la tronche. Donc… Ouais, c’était dissuasif. Enfin, on a pas souvent l’occasion de se faire heler dans une foule non plus. C’était bof bof comme rentabilisation de surnom ridicule. Ce constat mental arracha une petite moue perplexe à Ange du coup. Et la remarque de l’autre le fit un peu rire.

“En fait, t’es un mec sadique…” ironisa-t-il amusé.

Au fond, il aurait pu appeler ce mec Babe. Mais… Non, ça bloquait. Tout ce qui ressemblait à un surnom intime, attachant, ça lui filait des angoisses. Il savait pas pourquoi. Parce que là, ça voulait rien dire, ça avait aucune signification ce surnom. Mais ça passait pas. Blocages à la con sans doute. Il avait pas fini son abonnement au psy de toutes façons, fallait bien rentabiliser les séances restantes non ? Il songerait à en reparler au docteur à l’occasion de ce blocage sémantique.

Et puis, le choc. Le psy était en fait bien plus lié à cette situation que le blocage. Le mec au briquet de la salle d’attente. Oui. Il s’était déjà dit que c’était un super bel homme. Bon, là, avec le maquillage, c’était moins frappant. Mais il avait toujours ce regard incroyablement bleu, et limpide, et hypnotique. Et ouis… Ils étaient un peu à égalité pour le maquillage. Il était sans doute même plus doué que lui. Ange n’était pas un très bon dessinateur. Il se débrouillait vite fait. Mais il aurait été incapable de faire une tête de mort sur son propre visage. Il avait ses limites… Le dessin était pas sa passion.

Ange sourit en le voyant prendre la cigarette. Une façon de certifier qu’il y avait bien droit. Et puis le mot sortit de nulle part. Babylone ? Oui ? Et ? Il haussa un sourcil en entendant l’explication. C’était un beau prénom. Enfin, un peu lourd de sens, mais beau selon lui.

“Ou alors une cité pleine de savoirs, le joyau d’une civilisation… Tout dépend du point de vue, tu sais… On évite le tragique ce soir ? Moi je l’aime bien ton prénom, plus que le surnom… Je pourrai t’appeler dans une foule…”

Il lui sourit un peu taquin. Il remontait la pente de la gêne. S’ils étaient d’accord pour oublier qu’ils avaient tous les deux la tête suffisamment en vrac pour consulter régulièrement, y’avait plus vraiment de gêne à avoir. Enfin, c’était comme ça qu’Ange voyait les choses. Il croise le regard de l’homme, voit son petit sourire. Que lui vaut un tel sourire ? Il plisse un peu le nez, suspicieux. La question qui arrive finalement le fait rire. Il sait pas bien quoi dire.

“C’est pas un peu prétentieux de me demander ça ?” répond-il au tac-au-tac avec le même genre de sourire. “Et si c’était le cas, tu ferais quoi ?”

Il plongea son regard dans celui de Babylon. Peut-être avec un léger air de défi. Non, c’était pas lui qui lui faisait perdre ses moyens. C’était plus compliqué. Ou plutôt, c’était pas si compliqué de lui faire perdre ses moyens quand on bouleversait ses petits compartiments mentaux qui organisent sa vie bien ordonnée. Il souffle un peu de sa fumée.

“C’est pas toi, t’en fais pas. J’suis toujours comme ça. Je parle trop. Je fume trop. Et souvent, j’en fais juste trop pour tout. Alors, va pas croire que ton charme est infaillible et si efficace que ça… Petit présomptueux !”

Il rit un peu pour ponctuer sa tirade. Il finit son verre d’une traite.

“Et toi, tu crois souvent que tu fais tourner la tête des inconnus au premier regard ? Syndrome du briseur de coeurs ?” demanda-t-il amusé en retournant poser ses lèvres sur sa cigarette après ces questions un peu taquines.

Il ne pensait pas à mal. Il plaisantait toujours comme ça. Il ne savait jamais vraiment s’arrêter dans les provocations. C’était le défaut de sa trop grande franchise peut-être. Et surtout de son manque de filtres parfois. Trop ouvert sur sa propre auto-critique pour savoir quand il allait trop loin dans ses petites piques.

Sadique ? Bouarf, Ange en avait bu d’autres et ils l’avaient pas eu. Enfin, pas depuis longtemps. Mais il était vrai qu’à l’adolescence, il aimantait les sadiques. ça c’était calmé quand il avait pris un peu plus d’aplomb, d’assurance. Bref. Il eut une moue peu convaincue. De toutes façons, il ne laisserait pas Babylon lui faire du mal. Personne ne lui faisait plus de mal depuis longtemps, sauf peut-être lui-même en fait.

La conversation continua son train, entre les flatteries sur les prénoms, et le reste. C’était surtout le reste qui était amusant. Ce jeu ressemblait pour Ange clairement à une sorte de joute de séduction. Quelque part. C’était drôle, et un peu dépaysant les phrases s’enchaînant au tac-au-tac. Et… Il avait essayé quoi ? De le charmer ? Il se rendait pas compte que c’était maintenant, avec cette conversation piquante qu’il captait réellement l’attention d’Ange. L’angelot ne se contentait jamais seulement d’un beau physique dans son lit, il avait ses critère d’esthétisme physique, oui, mais aussi sur le mental, c’était un tout. Il était exigeant même si ça ne durait jamais qu’un soir ou deux. C’était important de se respecter en étant exigeant, et oui !

Et… Coeur brisé ? Ce mec-là ? Il hausse un sourcil, surpris. Avant de rire un peu. Peut-être gêné d’avoir encore fait une bourde une fois de plus, même si Babylon ne semble pas se vexer. Une victoire de plus pour Ange en championnat de pieds dans le plat. Puis il se ressaisit, parce qu’au fond, merde, il avait l’air du mec qui se tape qui il veut avec son regard-là, son corps de rêve et compagnie. Ange décide de rebondir, de pas se laisser gagner par le malaise. Alors il reprend d’un ton un peu amusé.

“T’es tombé pile sur la bonne personne, Babe…”

Il bombe un peu le torse.

“Tel que tu me vois, tu as face à toi, Ange, briseur de coeurs professionnel… Enfin, je brise pas trop de coeurs vu que je suis relativement direct mais, disons qu’on brise jamais le mien… Sans doute parce qu’on le cherche encore !”

Il ricanne. Il récupère son verre d’une main. Et fait signe à Babylon de le suivre vers l’intérieur, parce qu’ils vont pas passer la soirée sur un balcon quand même. Et puis, s’il veut un coach, faut bien des travaux pratiques, non ?

“Y’a quelqu’un qui te branche ?” demanda-t-il sans détour. “Qu’on fasse les travaux pratiques avec quelqu’un qui te plaît quand même…”

Il parle à demi sérieusement. Il sait même pas bien ce qu’il propose à Babylone. Briser le coeur de quelqu’un là, en une soirée ? D’être son coach perso’ pour plusieurs semaines ? Oh, ça, il est pas sûr de le vouloir, mais en même temps, vu comme il improvise là… ça pourrait bien lui tomber sur le coin du nez !

“T’aimes plus les mecs ou les filles en fait ? Ou t’aimes tout ?” demanda-t-il curieux.

HRP:

Franchement, c’était drôle cette situation, lui, en coach sentimental, enfin en coach non sentimental. C’était juste une grosse blague cette soirée, fallait croire. Intérieurement, ça le faisait bien rire. Et il observait les différentes personnes, cherchant une proie potentielle pour l’apprentissage de son poulain. Parce que quand même, c’était important la transmission des savoirs et si ses connaissances de gros bâtard de l’amour pouvait servir à quelqu’un d’autre, autant qu’elles servent non ? Et puis, il n’était pas si monstrueux que ça. Il n’avait jamais manipulé qui que ce soit, il était toujours clair sur le fait qu’il était un connard insensible.

“T’as raison, les deux, c’est bien !” qu’il lâche avant de croiser son regard.

Mais, bon sang, il le chauffait ou bien ? C’était dérangeant cette sensation de nager, de pas savoir si leur approche était une blague, ou un peu sérieuse. Un peu sensuelle ? Il en savait trop rien. C’était étrange. Il aimait pas nager en eaux troubles comme ça. Il aimait quand les choses étaient claires et simples. Il aimait se rassurer. Il aimait bien ranger les choses dans des compartiments dans son cerveau. Et les gens aussi. Là, il trouvait pas la case qui lui convenait à Babe… Et quand il pensait ce surnom, c’était beaucoup trop sexy dans sa tête pour que ses idées soient toutes innocentes.

“Rooh, on parle de détruire quelqu’un, voyons… J’ai jamais détruit qui que ce soit…. Enfin, j’crois pas…” dit-il d’une voix toujours badine, loin du côté dramatique que Babylon semblait vouloir donner à la situation.

Il posa son verre sur le coin d’une table. Et prenant l’initiative, il attrapa le verre de son interlocuteur pour le poser aussi. Il lui prit les mains, et l’emmena vers la piste de danse. Parce que s’il était pas fichu de choisir une cible, il allait en jouer le rôle. Ce serait un peu schyzophrénique, mais c’était pas si grave.

“T’arrives pas à choisir, alors… On va faire comme si j’étais le mec que t’as envie de te faire ok ? Que je vois l’étendue des dégâts ? ça roule ? Tu m’connais pas ! Fais comme si tu m’avais jamais parlé à partir de maintenant, ça marche ?”

Il fit quelques pas de façon théâtrale, en mode “Ahah, disparition”, tour sur lui-même et il revient vers Babylone, un sourire faussement timide aux lèvres. S’avançant pour danser, un peu maladroitement. Comme les mecs un peu timides qui le font souvent craquer en boîte. Ouais, Ange aime la fragilité en fait. Un peu. Même si c’est toujours risqué d’aimer ces petites choses fragiles qui ne demandent qu’à s’attacher. Interrogeant Babylone du regard, il se rapproche un peu en dansant… Et poussant le jeu jusqu’au bout, il se permet même un petit :

“Bonsoir… Je m’appelle Ange, et toi ? Je peux… Danser avec toi ?” murmura-t-il presque timidement en s'approchant de son oreille.