Smile for me, princess #Kenvie

Cette journée était pourrie, dans tous les sens du terme. Déjà, mon réveil n'avait pas sonné ce matin, et vu comme j'ai déjà du mal à me réveiller quand il sonne, là, je me suis mis affreusement en retard pour mes cours. En plus, il s'agissait d'entraînements pour l'examen de demain, qui était déterminant pour la suite, autant vous dire que j'étais dans un état pas possible. Finalement, j'avais pu suivre une partie du cours, en m'excusant une bonne dizaine de fois devant le prof -qui, par chance, me connaissait assez pour savoir que ce n'était pas mon genre-. Après avoir passé une fin de matinée à peu près tranquille, j'ai trébuché sur un trottoir en allant chercher de quoi manger pour le midi. Et j'avais récolté d'une bonne entaille sur la main en voulant me rattraper sur le bitume. La vraie poisse, je vous dis. J'étais tellement stressé pour mon examen du lendemain que j'en étais d'autant plus dans la lune, et donc je ne faisais pas attention à ce que je faisais. Bien décidé à trouver un moyent de m'apaiser, je pensais tout d'abord aller voir ma mère mais je me rappelais qu'elle avait des rendez-vous importants dans la journée et je ne voulais pas la déranger. Quant à Noa, elle n'avait aucune affinité avec les études alors elle ne comprendrait surement pas mon stress, ou alors elle m'emmerderait avec ça et je n'en avais pas envie.

Alors je décidais d'aller voir ma princesse Leïa, la jolie Evie. Avec elle, pas de jugements, et j'étais sûre qu'elle arriverait à me faire oublier mes angoisses. A cette heure-ci, je savais qu'elle travaillait au fast food, je m'y rendais donc en transports en commun puis à pied. Une fois arrivé devant le restaurant, je soupirais doucement avant d'entrer. Il y avait encore peu de monde et je repérais rapidement mon amie d'enfance, en train d'essuyer une des tables. Je m'approchai doucement par derrière et un grand sourire sur le visage, je mis mes mains sur ses yeux. "Devine qui c'est Princesse?" Oh bien sûr, elle savait parfaitement qui c'était, mais j'aimais bien jouer avec elle, la surprendre. J'attendais qu'elle se retourne et lui adressant mon plus beau sourire, je l'embrassais avec tendresse sur le front. "Tu finis dans combien de temps? Je peux t'attendre à la table là-bas?" Je lui désignais la table et une fois installé, j'observais les quelques clients qui étaient là. Une femme avec sa petite fille étaient installées juste à côté de moi et la petite fille me faisait face. Elle me fixait avec ses grands yeux verts et semblait s'ennuyer à mourir toute seule. Alors je lui fis une grimace, laquelle la fit rire instantanément. Oui, je pouvais être très puéril quand je m'y mettais. La mère se retourna et je fis semblant de ne pas comprendre, ce qui fit d'autant plus rire la petite. Après cet épisode digne de feuilletons d'une cour de récré, je reportais mon attention sur Evie, et je fronçais les sourcils. Un mec assis dans un coin était clairement en train de la reluquer, ce qui ne me plaisait pas du tout. Toutefois, il ne tenta aucune approche, alors je me contentais de le surveiller, jusqu'à ce qu'Evie puisse me rejoindre...

Bosser dans ce taudis n'est pas le job d'une vie. Il y a bien des gens ici qui n'ont que ça pour survivre. Mais, sans me la raconter, je ne suis ici que pour me faire un peu d'argent de poche. Ce n'est clairement pas un métier d'avenir et l'augmentation ou évolution ne laisse pas une sentiment de liberté et de plénitude. Nan, Moi je suis ici pour passer le temps loin de la maison et de ma nouvelle demi-sœur qui s'amuse à me pourrir la vie quotidiennement. C'est vrai quoi ! Depuis qu'elle est ici, elle s'attire toute l'attention de mon père et elle ne fait que de se battre -verbalement- avec maman. Elle fait sa princesse, s'amuse à se moquer de moi et de mes airs de petite fille fragile et « parfaite » selon elle... Mais elle ne sait pas qui je suis. Non, elle ne sait pas qui je suis réellement !

Tout en rageant seule dans sa tête, je frotte frénétiquement cette pauvre table qui n'a rien demandé à personne. Je frotte si fort que je pourrais presque en décoller la peinture qui la recouvre. C'est sûr que celle-ci serait très propre à présent. Mais soudainement ma vue s’assombrit. Des doigts viennent se poser devant moi et une petite voix fluette me demande qui cela peut bien être. Hahaha, je sais que c'est toi Kenzo... Mais je vais jouer le jeu un peu avec lui, il adore quand je fais ça. « Oh, est-ce que c'est toi grand mère ? Ah non, Luke Skywalker, est-ce vous maître ? Hahaha ! » Rigole-je en me retournant pour faire face à mon ami de toujours. Ce petit bonhomme aux yeux d'un bleu limpide se tient là, devant moi, un sourire splendide qui lui joint les deux oreilles. J'adore quand il vient me surprendre au travail. Il rend mes journées bien plus distrayantes et le temps avec lui passe à une vitesse folle. Je l'attrape, l'enserre dans mes bras et le relâche en lui répondant : « Oui vas y, installes toi. Tu veux un soda ? Je te rejoins dès que j'ai terminé de nettoyer la salle. »

Petite princesse que je suis, Barbie, comme m'appelle Cameron, je ne rechigne pas aux basses besognes que mon manager peut bien me donner. Je suis clairement plus à l'aise en caisse pour parler à la clientèle. Mais cette peau de vache doit être jalouse d'une quelconque manière puisqu'elle m'envoie frotter ces fichues tables toute la journée ! Bref... Une fois ma tâche terminée, je viens m'asseoir aux côtés de mon meilleur ami qui semble s'être déjà lié à une petite fille de la table d'en face. Il a ce don pour plaire aux gens. On l'aime sans savoir pourquoi. Ce doit être son air de petit ange... Alors que je m'installe sur la chaise d'à côté, je l'observe et sourie sans savoir vraiment pourquoi. Je me reprends soudainement et lui dit : « C'est vraiment adorable de venir me rendre visite ici. Même si tu sais que je n'aime pas qu'on me voit comme ça... Mais c'est toi alors c'est pas grave. Qu'est-ce que tu me racontes de beau ? Tu as pu avoir des places pour la convention ou pas ? » Nous sommes tout deux des fans inconditionnels de la saga de la Guerre des Etoiles et une convention devait avoir lieu non loin de chez nous. En rigolant, on a parlé de s'y rendre déguisés. Et ce qui n'était qu'une plaisanterie est devenu un véritable projet au file des jours. Les places doivent bientôt être mises en vente et j'espère que nous ne les manqueront pas. Je compte sur lui pour nous dégoter ces fameux tickets magiques!

Cette fille était unique à mes yeux. Une perle que je protégeais depuis des années, et que je pensais avoir la chance unique de cotoyer. Oh bien sûr, il y en avait toujours pour railler sur nos petites habitudes de vieux couple, mais isolés dans notre monde, nous n'en avions rien à faire. Seul comptait notre amitié. Etre auprès d'elle me détendait tout de suite et me faisait me sentir chez moi. Le monde extérieur m'apparaissait même un peu moins cruel quand elle était dans les parages. J'espèrais qu'en retour, je faisais tout ce qui était possible pour la rendre heureuse, la faire rire. Je ne saurais même pas expliquer exactement mes sentiments pour elle. Plus profonds qu'une simple amitié et pourtant, je ne la voyais comme une potentielle petite-amie. Non, Evie, c'était Evie. Elle n'avait pas à avoir de titre, il ne fallait pas chercher à la mettre dans une case. Dans mon entourage elle avait une place unique qui ne pouvait être remplacée, tout comme ma soeur jumelle Noa. Je ris de bon coeur en l'entendant débiter des anneries, en faisant semblant de chercher l'identité de son "agresseur". Son étreinte rapide suffit à me convaincre que j'avais fait le bon choix en venant la voir. « Oui vas y, installes toi. Tu veux un soda ? Je te rejoins dès que j'ai terminé de nettoyer la salle." Je répondais positivement à sa demande et allait m'installer dans un coin en l'attendant, sympathisant par là-même avec une petite princesse en puissance. Reportant mon regard sur Evie, je me demandais vraiment comment elle pouvait supporter de travailler dans un endroit pareil... Cet endroit était pire que l'antre de Jabba the Hut... Au moins gagnait-elle son propre argent et quelques fois, je me disais que j'étais loin d'être aussi débrouillarde qu'elle dans la vraie vie. Une fois qu'elle eut fini de nettoyer la crasse des autres, je la vis venir vers moi. Nouveau sourire et un échange de regards. C'était monnaie courante chez nous de nous parler par télépathie. On se connaissait par coeur... « C'est vraiment adorable de venir me rendre visite ici. Même si tu sais que je n'aime pas qu'on me voit comme ça... Mais c'est toi alors c'est pas grave. Qu'est-ce que tu me racontes de beau ? Tu as pu avoir des places pour la convention ou pas ? » Oh Dieu merci, enfin un sujet de conversation qui allait me faire oublier cette journée désastreuse. "Tu sais, je me fiche que tu sentes la friture, ça ne cachera jamais ton aura de princesse! Oh et puis j'avais envie de te voir, tu es le rayon de soleil de ma journée, je te jure. Regarde ce que je me suis fait ce matin, j'suis pas doué..." Je lui montrai le bandage sur ma main et esquissais un demi-sourire désespéré. Elle avait l'habitude de mes maladresses et je ne comptais plus le nombre de fois où elle s'était improvisée infirmière. Et si cela me désespérait, je nepouvais pas nier que j'aimais qu'on s'occupe de moi. Vieilles habitudes d'un gamin sur-protégé et très proche de sa mère. Je repris alors sur un ton plus joyeux encore. "Mais... j'ai nos précieux sésames! Deux places VIP pour la convention Star Wars, ça va être génial! Tu t'es décidée pour le costume finalement?" Une chose était sûre, on allait tout déchirer en costumes. Les plus beaux, c'était nous. Et Cameron et autres détracteurs pouvaient bien se moquer, on n'en avait rien à foutre.

Il n'y en a un qu'un comme lui sur cette Terre. Il n'y en a qu'un pour me faire sentir unique et spéciale. Kenzo est ce petit bonhomme, ce petit être qui vous fait vous sentir forte et tendre à la fois, il vous donne l'impression de compter et d'être importante. Et le pire c'est qu'il est sincère, honnête et qu'il pense chacun de ses mots du plus profond de son petit cœur tout mou de grand sentimental. Qu'est-ce que je peux adorer ce garçon ! Adorer, aimer... ? La différence est importante dans la formulation. Si vous décidez d'employer l'un plutôt que l'autre vous donnez un tout autre sens à ce que vous essayez d'exprimer. Je l'adore comme un frère, comme un jumeau. Je sais bien qu'il ne pourra jamais ressentir un tel lien avec personne d'autre que sa véritable jumelle. Mais pour moi c'est tout comme. Il est moi, je suis lui. On se complète et on se comprend parfois sans même avoir besoin de se parler. Il lit en moi comme dans un livre ouvert et peu de monde peut se vanter de pouvoir réaliser cette manœuvre. Alors que je me ose à ses côtés, un grand verre de soda à l'orange à la main armé de deux pailles XXL, il sort de sa poche intérieur les deux tickets VIP qui nous donneront accès avant l'ouverture public à la convention Star Wars que nous convoitons tant. Hystérique, je lui saute au cou accompagné d'un cri strident. Je sers si fort sans m'en rendre compte que je pourrais l'étouffer si j'étais plus forte. Heureusement pour lui, avec ma force de mouche il ne risque rien. Je lui dis en relâchant la pression, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre, son souffle contre mes lèvres : « Je... Désolée Ken... Je me suis laissée emportée par l'excitation... » Je dépose finalement tendrement un baiser sur la joue droite du jeune homme. Je retrouve mes esprits et ma place sur mon siège. J'attrape le gobelet et sirote quelques gorgées du liquide frais et sucré qui me fait un bien fou. Je réalise que je n'ai pas bu de la journée. C'est ce qui doit expliquer mon mal de crâne du moment, me dis-je. La déshydratation implique à 80% des céphalées douloureuses. On a tendance à prendre des comprimés pour réprimer cette douleur qui pourrait être effacée en buvant simplement un grand verre d'eau pour irriguer de nouveau le cerveau. Bref ! Pourquoi je pense à cela maintenant moi ?

Je reviens à moi et vois que ma chef de rang m'appelle en cuisine. Ma pause touchait à sa fin mais je me sentait un brin rebelle à ce moment. Je lui retourne un geste spécifique qu'elle comprend comme étant un refus de revenir dans l'instant. La grande métisse file alors dans le back office et elle disparaît, pour le moment. Puis je reviens à mon ami posé là tout à côté. « Elle est sans arrêt après moi celle-là... Sous prétexte d'être chef elle donne des ordres à tors et à travers sans consulter le reste de l'équipe. Bref, elle m'agace. » Je pose les coudes sur la table et vient déposer mon menton dans le creux de mes mains accompagné d'une moue boudeuse. Non, je n'ai vraiment pas envie d'y retourner.

Evie et moi étions comme connectés. Pas besoin de se parler quand on savait exactement ce que l'autre pensait. Et une chose était sûre, ma meilleure amie ne pourrait pas résister à l'apparition de ces billets VIP pour la convention Star Wars. Alors quand elle me sauta au cou, mon coeur explosa, heureux d'une telle proximité avec elle. Toute la joie qu'elle ressentait semblait s'écouler en moi, et pendant quelques secondes, je pensais que je ne pouvais pas être plus heureux qu'en cet instant précis. S'il avait pu durer éternellement... Me nourrissant de ce contact si doux et si spontané, je fermais les yeux quelques instants. Douce, douce Evie... Alors qu'elle relachait doucement son étreinte, nos regards se croisèrent, nos souffles se mélêrent. Nos lèvres n'étaient qu'à quelques centimètres, il n'aurait fallu qu'un peu de courage pour qu'enfin elle se rencontrent. Mais je ne voulais pas lui faire ça. Malgré mon coeur qui semblait hurler le contraire, je ne voulais pas que notre relation change. Je voulais garder Evie, mon Evie. Et j'avais bien trop peur de la perdre pour oser faire quoi que ce soit... Such a shame... « Je... Désolée Ken... Je me suis laissée emportée par l'excitation... » Mon coeur comme mon cerveau étaient certes en plein ébullition, mais je réussis malgré tout à lui offrir un beau sourire. "C'est pas grave... Je comprends, je suis moi aussi super impatient d'y aller!" Je ne me rendais pas compte que ma voix tremblait légèrement. Et alors qu'elle déposait un baiser d'une douceur infinie sur ma joue, mon sourire s'accentuait et mes yeux brillèrent d'une plus forte intensité. Si seulement j'arrivais à comprendre ce que je resentais vraiment pour elle. C'était si... confus. Reprenant à mon tour une gorgée de soda, je tentais par tous les moyens de reprendre le contrôle de mes pensées, quand une voix nous parvint de l'autre côté du fast food. « Elle est sans arrêt après moi celle-là... Sous prétexte d'être chef elle donne des ordres à tors et à travers sans consulter le reste de l'équipe. Bref, elle m'agace. » Je fronçais les sourcils. Cette fille n'avait pas le droit de nous séparer et très franchement, vu le nombre de personnes présentes dans la salle, elle pouvait bien laisser ma meilleure amie tranquille. Garce. Et de toute façon, Evie n'avait pas envie d'y retourner, cela se voyait sur son visage et dans son attitude. "Je n'aime pas les gens qui se croient plus hauts que les autres. Et puis, tu as bien le droit de faire une pause, non?" Je lançais un regard noir en direction de la cuisine, avant de lancer un clin d'oeil complice à la jolie blonde. J'avais envie de la faire sourire, de la rendre heureuse et surtout de la sauver de ce dragon de chef. "Et si on s'éclipsait tous les deux? Tu n'auras qu'à dire que je t'ai kidnappé! Ou alors, on enferme ta chef dans la chambre froide, comme ça, tu seras tranquille pendant un bon moment..." Bon, c'était clairement stupide comme action et pas franchement réalisable,cependant, je l'espérais au moins la faire sourire à nouveau.  J'aurais aimé qu'elle accepte de s'enfuire avec moi, tel deux âmes soeurs en quête d'un nouveau monde à créer. Mais j'étais un putain de rêveur. eT elle risquerait de perdre son travail... Je sais qu'elle tient à être indépendante financièrement. Parfois, j'avais juste envie de vivre dans un rêve avec elle, loin de tous les soucis de la vie.

Je ne m'étais pas rendue compte de la tension qui semblait électriser l'atmosphère autour de nous. C'est lorsque je relâche mon étreinte du cou de mon ami que mon regard plonge dans le sien et que mon souffle devient lourd que je me rends compte qu'il me regarde avec une émotion peu commune. Mes yeux vont eux mêmes se promener entre ses yeux et ses lèvres. Je reste là un instant, ce moment semble suspendu dans l'air, et puis en déglutissant bruyamment, je me recule et retrouve ma chaise sous mon fessier. Kenzo reste lui aussi un moment comme paralysé. L'aurais-je gêné devant tout le monde ? Aurais-je été trop loin en lui faisant ce petit bisou sur la joue au milieu des gens ? * Bah ! Balivernes ! * Me dis-je en mon for intérieur. Puis je lui sourie à nouveau et pose ma main sur la sienne qui traînait sur la table. Il vient tout de même de faire l'acquisition des passes VIP que nous attendions depuis des mois ! Je ne peux toujours pas y croire ! Je suis tellement surexcitée maintenant que je pourrais sauter sur la table et crier à gorge déployée. Mais ma bienséance m'empêche toutes démonstrations trop extravertie de joie. Je ne suis pas Cameron. Plus libérée, elle ne se gênerait pas hurler si elle en avait envie. Mais nous sommes pour ainsi dire complètement opposées. Bref... Je ne sais même pas pourquoi je pense à elle en ce moment.

C'est quand ma chef me rappelle à l'ordre que l'exaspération me gagne. Je devrais retourner au comptoir prendre des commandes de gens qui sont quasiment inexistants à cette heure-ci. C'est encore une fois une remarque qui ne cherche qu'à me blesser, m'humilier devant mon ami et me faire passer pour une moins que rien. Elle va s'en doute en référer au dessus encore pour que je reçoive un blâme. Ce ne serait que le second depuis le début du mois... Cette garce ! Je serre le poing et les dents et je souffle un grand coup. Si j'étais un peu plus comme Cameron, je me serais levée et j'aurais tout envoyer voler. Mais je suis trop gentille... Alors je me lève, je lâche la main de Kenzo pour finalement aller m'occuper d'un client ou deux derrière ma caisse. Je rabaisse ma casquette sur ma tête et ajuste ma queue de cheval, je ne tiens pas à ce qu'elle remarque mes yeux humides à cause de l'agacement. Je retrouve rapidement la douce compagnie de mon ami. Et mêler l'acte à la parole, je lui attrape la main, le tire vers moi. Il se lève et je lui dis : « Tu as complètement raison. On se casse ! » Hoho, je ne me reconnais plus. Cameron sort de ce corps ! Je le tire derrière moi, je suis toujours en uniforme et alors que ma responsable crie dans notre dos et m'invective de revenir, je sourie en sachant que je désobéis, que je contredise cette peste et que je prenne ma propre décision.

Une fois à quelques mètres de l'entrée du restaurant, je me tourne vers Kenzo, j'enserre de nouveau mes bras autour de son cou et lui dit en le fixant droit dans les yeux : « Kenzo... Dis moi que je viens de faire une terrible bêtise, que je suis ignoble et que je dois retourner faire mes excuses à ma responsable ! » Tout à coup paniquée, je n'assume plus le fait d'avoir quitter mon poste et d'avoir laissé mon équipe dans la mouise.

L'instant avait été gaché par la supérieure d'Evie, et même si je lui en voulais, je ne pouvais pas m'empêcher que c'était une femme surement aigrie et déçue par la vie. En revanche, elle n'avait aucune excuse pour s'en prendre ainsi à ma meilleure amie. Je voyais bien dans ses yeux brillants qu'elle prenait à coeur les remarques acerbes de la pseudo-chef et sa peine me faisait souffrir. Parce que j'avais tendance à ressentir tout ce que mes proches vivaient. Une vraie éponge à émotions... Tandis que sa main quittait la mienne, mon coeur saignait pour elle et c'était à contre-coeur que je laissais repartir à ses activités professionnelles. Perdu pendant quelques secondes dans mes pensées, je la vis à peine revenir vers moi. Sa main rencontra la mienne de nouveau, un contact doux et déterminé. Je me sentis partir en avant, entraîné par les nouvelles résolutions de mon amie. « Tu as complètement raison. On se casse ! » Wow. Pensait-elle vraiment ce qu'elle disait? Surpris, je sortis à sa suite, bien heureux de lui faire plaisir en l'encourageant dans cette voie. Pourtant, je n'avais jamais cherché à ce qu'elle se rebelle, j'avais juste eu envie de la faire rêver, de l'aider à traverser ce mauvais moment en imaginant une alternative folle et aventureuse. La voix du dragon nous poursuivit, ce qui engendra une dose de stress chez moi. Evie, elle, semblait plutôt satisfaite de son petit effet. Alors je me tais et je la suivais, afin d'être là pour elle. Ce n'est qu'une fois le restaurant à quelques mètres qu'elle se stoppa net. Les yeux dans les yeux à nouveau, ses bras se glissèrent autour de mon cou et mon coeur manqua un battement. Pourquoi fallait-il qu'elle me fasse autant d'effet? Elle était si belle, à me fixer ainsi de ses grands yeux inquiets. Si parfaite à se soucier de moi et à me faire confiance aveuglément. « Kenzo... Dis moi que je viens de faire une terrible bêtise, que je suis ignoble et que je dois retourner faire mes excuses à ma responsable ! » Culpabilité. Je connaissais bien ce sentiment, bien trop même. Parfois, il m'arrivait même de culpabiliser pour les autres. J'avoue que je cherchais à m'améliorer sur ce point, mais il était souvent très difficile d'aller à l'encontre de son propre caractère. Je soupirais doucement, échangeant un regard inquiet avec elle. "Tu n'es pas ignoble! Même en le voulant, tu ne pourrais pas l'être... Et je ne veux pas que tu perdes ton boulot à cause de moi et de ce que j'ai dit. Parce que c'est important pour toi, je le sais!" Cette fois, je pris les devants et la tirai en sens inverse, vers le restaurant. Prenant une grande inspiration, je la traînais jusqu'à sa repsonsable, qui se tenait debout dans l'allée principale, les bras croisés. Elle était en colère apparemment, et je sentais bien qu'Evie essayait de se faire toute petite derrière moi. Je plongeais mon regard azur dans celui furieux de la chef. "Je suis désolé, j'ai poussé Evie à s'en aller, c'est ma faute si elle est partie... S'il vous plaît, ne lui en voulez pas, elle a vraiment besoin de ce travail... S'il vous plaît..." Mon ton n'était pas suppliant, ni même larmoyant. Je faisais juste preuve d'une sincérité à toute épreuve et j'avais confiance en ma capacité à transférer mes propres émotions sur les autres. La chef soupira, comme désarmée par mes yeux presque hypnotiques. "Bon... Evie, tu veux bien finir de nettoyer les tables là-bas?" Le ton était plus doux, toujours directif, mais moins agressif. Elle repartit ensuite derrière, sans rien ajouter. Je me tournais vers Evie et sous l'égide d'un sourire plein d'affection, je la pris dans mes bras. Juste pour l'avoir un peu pour moi. "J'attend que tu finisses ton service et je te raccompagne, on fait comme ça?" Je n'attendais ni remerciements, ni quoi que ce soit d'autre. Pour moi c'était normal de la supporter, normal de la protéger, normal de l'aimer.