♠ Le silence est d'or ♠ Sara.

Les matins sont toujours agréables pour ma part, je je rechigne jamais à me lever le matin et ce n’est pas plus mal lorsqu’on a comme moi un métier qui nous oblige à arriver très tôt sur notre lieu de travail. Il est six heures et mon réveil n’a même pas encore sonné que je suis déjà en train de m’étirer. Une douche rapide, je n’ai jamais pris trop l’habitude de traîner sous la douche, sauf en bonne compagnie je le concède. Une fois habillée, c’est l’heure de prendre mon café. Ce matin, mon premier rendez vous est trop tôt pour que j’ai le temps d’aller courir, mais je pourrai m’en sortir demain si je me débrouille bien. J’ai planché un peu trop tard sur un dossier hier soir. Une fois prête, je monte dans ma voiture en direction de l’hôpital, pendant le trajet, j’en profite pour appeler ma meilleure amie qui elle travaille de nuit et vient de terminer son service. « ... Non je ne l’ai pas revu ... arrête avec lui j’te dis ! » Elle s’obstine à vouloir me demander plus de détails croustillants juste parce que je lui ai dit que je trouvais un de mes patients plutôt mignon, et qu’il m’intriguait. Qu’est-ce que je n’ai pas dit là !
La conversation se poursuit le temps de mon trajet en voiture et je coupe court en arrivant à l’hôpital, lui promettant un dîner dans la semaine qui suit. Je ne suis pas très en avance ce matin, ce qui est assez surprenant venant de moi, et surtout au vu de l’heure à laquelle je me suis levée. Je presse donc le pas jusqu’à mon bureau, ferme la porte derrière moi et retire mon manteau le temps de déposer mes affaires et récupérer mes dossiers. Presque huit heures, je check mon agenda, et posant le doigt sur le nom de ma patiente, j’entends frapper à la porte. À peine le temps de me retourner qu’elle entre déjà. Ella, la tornade. « Bonjour, tu m’as manquée dis-donc, j’avais hâte de voir ton si joli visage ! » Même pas une seconde qu’elle est là et mes joues s’empourprent déjà. Je tente un sourire. « Ella, toujours à l’heure, aujourd’hui c’est moi qui suis un peu à la bourre je suis désolée, je t’en prie installe-toi. » Il y a certains patients que je suis obligée de tutoyer. Enfin non, je ne suis obligée à rien, mais la distance du vouvoiement gêne certaines personnes pour arriver à se confier, et avec Ella, ça a été tout naturel. Disons qu’elle ne m’a pas tout à fait laissé le choix non plus. J’enfile ma bouse par dessus ma robe, sous le regard de la brune. Elle me drague depuis déjà deux bonnes séances, si elle a cru que ça allait couper court à la thérapie et me faire fuir, elle est mal tombée. Ça me donne d’autant plus envie de creuser et de savoir pourquoi elle se barricade de cette manière. Mais ce serait tout de même mentir que de dire que son petit jeu ne me met pas dans l’embarras. Je n’ai jamais eu de relation avec une femme, je crois n’en avoir jamais eu l’envie non plus, même si je ne suis pas fermée à essayer un jour. Ce pendant, je suis certaine que cette jeune femme - aussi charmante soit elle - ne sera pas celle susceptible de me faire chavirer. Ça ne l’empêche visiblement pas de me faire rougir lorsqu’elle s’amuse dans son petit jeu. Je peux sentir son regard sur moi, et ça me déstabilise. « Alors, comment vas-tu aujourd’hui ? Tu as des trucs à me raconter ? »

Il y a certains patients qui me donnent plus de fil à retordre que d’autres, et je sens qu’Ella va en faire partie. Déjà la première séance a été assez laborieuse, mais j’aime les défis, et je ne vais pas me laisser avoir. Il y en a eu d’autres avant elle qui ont essayé de me déstabiliser, mais je suis encore là. La différence, c’est que si des hommes ont déjà essayé de me draguer, aucune femme avant elle n’avait eu ce cran là. Et c’est sans doute ce qui risque de me donner plus de travail. Alors que j’enfile ma blouse, je me tourne vers la brune, lui demandant directement si elle a des choses à me raconter. Je la regarde, appuyée contre la bibliothèque, et ce regard charmeur qu’elle s’amuse à avoir face à moi. « Est-ce que tu as déjà eu des relations avec des femmes ? » J’ouvre les yeux, surprise par sa question. « Je… je te demande pardon ? » Je ris nerveusement en secouant la tête. « Non, je n’aime que les hommes. Et ce depuis toujours, et ça me convient très bien ! » Je secoue un peu la tête histoire de rester concentrée avant d’aller m’installer dans mon fauteuil en vieux cuir, reposant les yeux sur la jeune femme. « Oui parce que je me le suis toujours demandée ! C'est ça que j'ai envie de savoir et de raconter aujourd'hui ! » J’arque un sourcil, dubitative, mais qu’importe, si c’est de ce sujet qu’elle veut parler, alors parlons-en. « Tu sous-entends que tu aimes donc les femmes ? Dis-m’en d’avantage… » La brune ne l’entend visiblement pas de cette oreille, et se déplaçant pour se positionner assise sur mon bureau. « Si on faisait un peu connaissance ! C'est vrai ça, comment je peux me confier à toi si je ne te connais pas ? » Penchant la tête légèrement sur le côté, je ne la lâche pas des yeux. « Allez, au bout de deux séances, tu peux me parler de toi quand même, je ne mords pas. Enfin... ça dépend quel endroit. » Je ris un peu, faisant mine de n’être mal à l’aise. « Alors faisons une sorte de petit jeu. Je te confie quelque chose à mon propos, et tu en fais de même. Ça marche ? » Je la sens joueuse, et je dois user de stratagèmes pour la faire parler. « J’ai répondu à ta question, à toi de répondre à la mienne. » Je croise mes jambes et garde mon regard ancré dans le sien, attendant de voir si elle va se prête au jeu ou non.

Ella est d’humeur taquine et joueuse, j’ai réussi à rapidement cerner son personnage, et pour la faire parler d’elle, rien de mieux qu’un petit jeu. Si elle veut en savoir plus sur moi, il va falloir qu’elle fasse des efforts et qu’elle me parle aussi d’elle. Donnant donnant comme on dit. Je regarde la jeune femme se lever du bureau pour adopter le fauteuil en face de moi. Posant sa tête dans sa main, douce sur l’accoudoir, je ne la lâche pas des yeux, lui souriant légèrement, attendant sa réponse à ma proposition. « D'accord. Je veux bien me prêter au jeu, autant égayer nos séances ! » Je savais qu’elle accepterait. La lueur de défi dans ses yeux est bien trop voyante pour ne pas s’y attarder. « Oui j'aime les femmes et leurs courbes à s'en tordre le cou tellement que je m'acharne avec grand plaisir à en découvrir chaque partie. » Son ton est devenu plus sensuel et plus charmeur encore. Je me retiens de frissonner d’ailleurs. C’est sûr que dit comme ça, ça donnerait presque envie. La brune laisse glisser son regard sur mon corps et ça me met mal à l’aise, si bien que je baisse les yeux sur mon bloc notes pour griffonner quelque chose qui n’a aucun sens. « Je ne me lasse jamais des femmes, elles sont si… sensuelles. » J’avais redressé mon regard avant la fin de sa phrase, comme happée par sa voix, dans l’attente de la fin de sa phrase, mais je n’aurai sûrement pas dû. Je me racle un peu la gorge et hoche la tête pour faire genre que j’ai bien assimilé ce qu’elle raconte. Mais elle ne tarde pas à se lever, impossible de rester en place. Je m’adosse bien contre le dossier de mon fauteuil et la regarde bouger. « A mon tour ! » dit-elle d’un ton enjoué. « A ton tour. » « Si tu n'as jamais essayé avec une femme, comment tu peux savoir que seul les hommes puissent te convenir ? » Je ris à sa question, c’est plus fort que moi. Je m’attendais à cette question. « Je crois simplement que l’attirance ça ne se commande pas. Je n’ai jamais désiré une femme, je pense que ça me suffit à savoir que je n’aime que les hommes, tu crois pas ? » « Tu n'as jamais été curieuse de voir comment est la relation entre deux femmes ? » Souriante, je choisis volontairement de ne pas répondre à cette question. « Une question à la fois demoiselle, on ne triche pas. » Je la vois lever les yeux au ciel et je ris un peu. « Donc tu dirais que tu es attirée autant par les hommes que par les femmes, ou tu as une préférence ? » Tout en posant la question, je cherche un moyen dans ma tête de l’amener à parler de ce pourquoi elle est ici, ce qui n’est pas chose aisée puisqu’elle fait tout pour s’en éloigner au mieux qu’elle peut.

Les questions de la jeune femme sont très ciblées, elle sait ce qu’elle fait, ce qu’elle dit, elle cherche à me déstabiliser, et elle y arrive un peu trop bien, sauf que pour le moment, j’arrive à donner le change. Je le dois, parce qu’il n’est pas question qu’elle imagine qu’elle a gagné. « Non pour moi je pense que si on n'a pas essayé à tout, on ne peut pas se suffire d'une seule chose. Sinon, j'aurais l'impression de rater pleins de trucs dans la vie !! » Je lève un peu les yeux au ciel, sa réponse ne m’étonne absolument pas, j’aurai sans doute pu la prédire même. A moi de poser une question à la brune, je cherche une seconde, voyant comment je vais pouvoir la guider vers ce pour quoi elle est là. Mais la demoiselle n’en a pas fini avec moi, et si je ne veux pas avouer que j’ai une certaine curiosité envers la gente féminine, elle me pousse volontairement dans mes retranchements, et je sais que c’est dangereux. Elle s’approche du bureau et s’y penche légèrement, offrant son décolleté à mon regard. Je m’efforce de ne pas y laisser glisser mes yeux, pour ne pas la laisser gagner, mais c’est plus fort que moi, la curiosité toujours. Une regard, un quart de seconde avant de replonger mes iris dans les siennes, le rouge me montant légèrement aux joues. « Et bien tu as un si joli rire, pourquoi tu ne me l'as pas fait découvrir plus tôt ?! » Je me pince un peu les lèvres et hausse les épaules avant de me laisser tomber dans le dossier de mon fauteuil pour mettre de la distance entre nous, il fait chaud ou c’est moi ? « Oh tu sais pour moi, c'est différent. Les hommes, c'est la force, la virilité alors que les femmes... ... les femmes, c'est la chaleur, la sensualité, la passion, la sauvagerie ... On peut durer des heures et des heures, on ne risque pas de se lasser de l'amour entre deux femmes ! » Elle joue les séductrices, sa voix est devenue plus suave et je n’ai pas détaché mes yeux des siens pendant toute sa tirade. « Donc pour moi c'est totalement différent, avec les hommes aussi on peut trouver tout ça mais j'avoue que les femmes m'étonneront toujours ! Alors, et toi es-tu curieuse ? » Je penche légèrement la tête à sa question. « Curieuse ? » Je ris un peu nerveusement avant de hausser les épaules. « Oui, comme tout le monde j’imagine… mais si c’est une question détournée pour me demander si je suis curieuse de tester un jour avec une femme, la réponse est non. » Je campe sur mes positions, même si je lui mens, parce que ce serait lui donner tout cuit dans le bec un aveu qu’elle ne devrait pas avoir de ma part. « Et puis de toute façon, qu’est-ce que ça pourrait changer ? Je vois ton petit jeu Ella, mais je pourrai même pas accepter de boire un verre avec toi en dehors d’ici, question d’éthique. A moins qu’on parle de la vraie raison de ta présence, et qu’une fois terminé, on prenne le temps de se voir en dehors… » Je suis consciente que je joue avec le feu, je lui fais du chantage, mais parfois ça marche. Dire que je suis insensible à son charme serait mentir, et pour autant, je suis assez forte pour me retenir de craquer, même si elle met ma curiosité à mal, et qu’elle sait y faire. « Alors, pourquoi tu viens me voir Ella ? »

J’essaie de rester droite dans mes basket, histoire de ne pas trop dévier de mes principes. Si jamais je lâche le morceau, que j’avoue effectivement être curieuse de savoir ce que ça fait de coucher avec une femme, je sais qu’elle ne fera qu’une bouchée de moi. La question d’éthique se pose, et je refuse de perdre mon boulot et ma place ici juste parce que je me suis laissée draguer et corrompre par une patiente. Je suis plus forte que ça, et je me dois de résister. Alors je feins l’ignorance, lui disant simplement que même si je voulais, je ne pourrais pas. Alors me vient l’idée de lui faire un peu de chantage, après tout, tous les coups sont bons pour arriver à mes fin. Je vois qu’elle comprend vite mon petit jeu, elle est loin d’être idiote, la belle Ella. « Ok, donc si je comprends bien si je te réponds pourquoi je suis ici, tu viendrais boire un verre avec moi ? » Je ris un peu, parce que ce n’est pas exactement ce que j’ai dit, mais ça a l’air de bien l’arranger. Je hausse à peine les épaules, espérant qu’elle continue sur sa lancée. « Mon patron nous a tous demandé de venir voir un psy pour parler d'un accident qu'il s'est passé il y a deux mois. » je plisse les yeux de voir le ton détaché avec lequel elle s’adresse à moi pour parler de cette histoire qui est censé être le problème qui l’a menée ici. « Tu es libre ce soir pour aller boire ce verre ? » Je ne peux m’empêcher de rire un peu tout en secouant la tête, plus amusée qu’autre chose. « Tu n’as pas tout à fait compris le deal Ella, ou tu ne veux pas le comprendre, au choix. Mais je ne peux pas boire un verre avec toi tant que ta thérapie n’est pas terminée. » Je lui adresse une petite moue mignonne, un peu désolée malgré tout. « Tu sais, ça irait plus vite si tu me disais vraiment ce qui t’amène, c’est jamais bon de garder pour soi les tracas, je suis là pour juger personne… » Je la sens se refermer légèrement. « Et… si je te propose même un dîner, tu en penses quoi hein ? » Je lui souris largement, je crois que je suis en train de faire se refermer son piège contre moi-même, c’est ridicule, je n’ai jamais utilisé le chantage pour arriver à faire parler quelqu’un. Mais assez savoir pourquoi, avec elle, ça semble différent…

le silence est d'or. 

« Tu n’as pas tout à fait compris le deal Ella, ou tu ne veux pas le comprendre, au choix. Mais je ne peux pas boire un verre avec toi tant que ta thérapie n’est pas terminée. » Ella arqua les sourcils face à l'entente de la réponse de Sara. Comment ça ce n'était pas ça le deal ? Pourtant elle avait bien dit la raison pour laquelle elle était ici et puis ce n'était pas elle qui avait commencé à faire du chantage ! Ella la fixa en train de faire une moue trop mignonne comme si elle était tout de même désolée de sa réponse. Bon ok, Ella n'allait pas dire le contraire, elle était mignonne pour une psy mais bon il fallait tout de même plus que ça pour qu'elle flanche. « Tu sais, ça irait plus vite si tu me disais vraiment ce qui t’amène, c’est jamais bon de garder pour soi les tracas, je suis là pour juger personne… » Ah bah la voilà la psy ! Ella pensait qu'elle s'était cachée pendant un moment avec tout ce chantage ! Cependant, Ella n'appréciait pas vraiment la revoir. Elle ne voyait pas en quoi elle était tracassée ?! Elle travaillait tout les jours, sortaient presque tout les soirs et faisaient la fête tout le temps. Non, vraiment elle ne voyait pas du tout en quoi elle était tracassée. Cependant se dérober comme ça tout le temps face à sa solitude, c'était sûr qu'elle avait tout compte fait beaucoup de peine. Mais non, Elle, elle, préférait montrer autre chose, se débarrasser de ce qu'elle pouvait ressentir comme ça en le foutant sous le tapis et avancer. « Et… si je te propose même un dîner, tu en penses quoi hein ? » son regard se posa sur son sourire éclatant et du coup Ella sourit à son tour. « D'accord... » Elle se leva du bureau pour la contourner, la frôlant légèrement du bout des doigts et s'assit devant elle sur le fauteuil. « Alors le dîner ça sera ce soir ? Si je te dis tout. » ah bah Sara avait eu envie de la faire chanter, pourquoi pas elle non plus ma foi ?

La jeune femme est agréable, gentille, amusante, et jolie ce qui ne gâche rien, mais je ne suis pas certaine de mon petit jeu lorsque je décide de lui faire une sorte de chantage. Je sais que ce n’est pas très bien, mon métier ne m’interdit pas de le faire mais je ne trouve pas toujours ça très fait-play, je garde ça seulement pour les moments où je ne trouve aucun autre recours. A l’inverse des psychologues ou psychanalystes, je ne gagne rien à garder un patient plus longtemps et faire traîner sa thérapie. Plus rapidement le patient sera soulagé de sa peine ou son traumatisme, plus je me sentirai légitime de continuer à exercer et aider de nouveaux patients. Ella tente le tout pour le tout mais ça ne fonctionne pas, et je lui explique bien vite pourquoi. Elle ne m’aura pas. Je la vois grimacer un peu et voilà qu’elle fait le tour, frôlant volontairement mon bras du bout de ses doigts. Elle se rassied en face de moi et je pose sur elle un regard bienveillant. « D'accord... » Etonnée qu’elle finisse par capituler après un certain nombre de séances à éviter soigneusement le sujet, je reste perplexe quant à la suite de la séance. « Alors le dîner ça sera ce soir ? Si je te dis tout. » Penchant la tête sur le côté, je me mets légèrement à rire. « Tu ne passes pas par quatre chemins… » Je lève les yeux au ciel, plus amusée qu’autre chose. « Si tu te confies à moi réellement, oui, il se peut que j’accepte un dîner ce soir… » Jamais je n’aurai cru pouvoir dire ça un jour, mais le pire c’est qu’au fond, ce rendez-vous n’est pas un désenchantement, bien au contraire d’ailleurs. Cette femme me rend curieuse, elle m’amuse mine de rien. Je ne prend rien de tout ça au sérieux, mis à part sa thérapie, qu’on se le dise. Mais l’issue de cette séance est pour le moins atypique, et ça m’amuse beaucoup. Je la laisse croire qu’elle a la main mise sur la séance, mais je n’en oublie pas mon objectif pour autant. « Alors, dis moi tout… c’était quoi cet accident ? » Je change le croisement de mes jambes et garde mon regard bien ancré sur la jeune femme, sentant pourtant son regard qui me scrute sans ménagement.

le silence est d'or. 

Elle avait envie de faire du chantage sur elle, Ella allait aller dans son sens et elle allait la conforter en plus dans son action. Lorsqu'elle lui proposa un dîner, la couvreuse n'avait pas hésité une seule seconde à sauter sur l'occasion lui disant qu'elle était d'accord mais que ça sera ce soir ! Elle mettait aussi ses conditions ! Sinon Sara était la seule à jouer et ce n'était pas très drôle. Heureusement que Ella aimait mettre du piment. La doctoresse pencha la tête sur le côté, ce qu'Ella trouva... mignonne. Ouais, fallait l'avouer elle n'était pas moche à regarder non plus la Sara ! Et puis ces séances où Ella la draguait lui arrangeaient plutôt bien tout compte fait. La jeune femme aux d'or se mit à rire puis lui répondit « Tu ne passes pas par quatre chemins… » Ella sourit à cette réflexion. Elle était perspicace ! C'était vrai, Ella n'aimait pas tourner autours du pot. Fallait que ça bouge un peu dans tout ce qu'elle entreprenait et ce n'était pas le genre de femme à se laisser ennuyer par une vie monotone. Ella remarqua cependant que Sara avait l'air d'être amusée par ce qui se passait. Enfin, elle se détendait se disait la couvreuse ! Il fallait trois séances pour qu'elle agisse comme ça, elle aimait se faire désirer pensa-t-elle encore. « Si tu te confies à moi réellement, oui, il se peut que j’accepte un dîner ce soir… » Ella sourit de toutes ses dents. Elle était contente en fait d'avoir un dîner avec Sara mine de rien. « Alors, dis moi tout… c’était quoi cet accident ? » Ah oui c'était vrai. Elle lui avait dit qu'elle allait lui dire. La barbe. Bon, il fallait qu'Ella puisse déballer un peu sans qu'elle ne soit débordée par ses ressenties. Un exercice légèrement difficile pour une femme comme Ella qui avait tendance à être exubérante dans ce qu'elle montrait, balayant tout sur son passage. La tempête carrément. Donc autant dire que là il fallait de la subtilité, tout de Ella ça... Parce qu'en vrai, elle avait vraiment un problème pour qu'elle bloque comme ça ! Elle regarda Sara croiser de nouveau les jambes et ne se priva pas d'ailleurs de lui jeter un regard séducteur. Puis elle commença « Cet été un membre de mon équipe est mort pendant un chantier. » rien que de dire ça, ça la remuait. Cependant, elle ne montrait rien, prenant encore son air détaché. Elle savait aussi que juste cette phrase n'allait pas rassasier Sara. Il fallait qu'elle se confie encore plus. Elle voulait avoir ce dîner ! Elle s'installa confortablement sur le fauteuil face à elle, regardant maintenant tout autours d'elle comme si tout ce qu'elle était en train dire ne valaient pas la peine que l'on s'alarme « J'étais sur le toit avec lui et son harnais de sécurité a lâché. » dit-elle, son regard devint subitement triste sans que son expression ne change « J'ai pas pu le rattraper à temps. » finit-elle par conclure. Elle cligna des yeux puis regarda de nouveau Sara, en ayant subitement affiché un sourire en coin de ses lèvres. « Est-ce que c'est grave docteur ? » sortit-elle en adoptant un ton séducteur de nouveau. Comme si elle devait mettre sous le tapis ce qu'elle pouvait ressentir face à ses confessions.

Je ne m’attendais pas à ce qu’Ella finisse par accepter. Quatrième séance et enfin une ouverture pour peut-être mettre le doigt sur ce qui clochait. Enfin. Je ne suis pas fière d’avoir dû me servir du chantage pour en arriver là, mais après tout, seule l’issue reste importante. La jeune femme daigne enfin se poser dans le fauteuil en face de moi et je la laisse prendre le temps dont elle aura besoin pour sortir la raison de sa thérapie. « Cet été un membre de mon équipe est mort pendant un chantier. » Rien que ça. Je ne connais pas la jeune femme mais il ne m’est pas difficile de lire à travers son regard à quel point elle est affectée par la perte de son collègue. Elle était sûrement proche de lui, ou peut-être même pas, mais qu’importe, la perte de quelqu’un qu’on connaît fait toujours des ravages. « Explique-moi comment ça s’est passé… » Mon ton est doux, je veux qu’elle se sente en confiance pour continuer sur cette lancée. « J'étais sur le toit avec lui et son harnais de sécurité a lâché. » Voilà que son regard se pare d’un voile d’émotion que je ne lui avais pas encore connu jusque là. « Continue. » Je l’incite à ne pas s’arrêter, continuer sur sa lancée est encore la meilleure chose à faire. « J'ai pas pu le rattraper à temps. » Culpabilité. Il n’y a rien de pire que ça quand on perd un être proche, se sentir coupable de quelque chose ou pire encore, de la mort en elle-même. « Est-ce que c'est grave docteur ? » Voilà que la jolie brune remet son masque, arborant un sourire qui cache très bien ses faiblesses. Je lui adresse alors un fin sourire à mon tour pour sans doute la rassurer un peu, avant de reprendre un visage un peu plus sérieux, plus compatissant, plus professionnel. « Tu te sens responsable de sa chute n’est-ce pas ? » Il n’en faut pas plus pour que le visage de la jeune femme ne se referme à nouveau. « Ella, tu n’es coupable de rien, un accident reste un accident, tu ne l’as pas poussé du toit il est tombé tout seul. Personne n’aurait pu le rattraper, personne ni même toi. C’était écrit de cette manière là… » Voilà qu’elle fuit mon regard. « Il faut accepter ce qu’il s’est passé, le laisser partir sans te prendre pour responsable de quoi que ce soit. Tu as fait ce que tu as pu… » Je la laisse encaisser mes mots avant de réouvrir la bouche, toujours avec une douceur infinie. « Parle-moi de lui, quels étaient vos liens, tu étais proche de lui ? » Elle a besoin de sortir tout ce qu’elle garde enfermé en elle depuis cet accident. C’est nécessaire de laisser partir la rancoeur qu’elle garde, la culpabilité de n’avoir rien pu faire.