Too much worries [Casey & Brendon]

Dimanche le 17 septembre 2017

La tête penchée sur mon téléphone, je suis une fois de plus arrêté en plein milieu du chemin afin de répondre à un message texte du bureau. On a beau être la fin de semaine, les urgences semblent se succéder. Mon patron et seul supérieur immédiat étant à l’extérieur de la ville, je suis la personne ressource en cas de besoin. Et les besoins des employés, disons qu’ils voguent entre « il n’y a plus de papier dans l’imprimante » à « est-ce que je peux avoir mon vendredi de congé ». Donc les véritables urgences, il n’y en a pas vraiment. Le message que je m’efforce de répondre est plutôt une demande de « ok » pour un gros contrat. J’ai l’habitude de prendre ce genre de décision, donc il m’est facile d’évaluer correctement si tout est conforme selon les indications qu’on m’a envoyé. Je recommence donc à marcher lentement à travers la rue piétonnière tout en tapant ma réponse. Une fois que c’est réglé, je garde mon téléphone dans ma main en attendant le retour du bureau. Je rapporte mon attention autour de moi. Il n’y a pas tant de monde que ça aujourd’hui. Il faut dire que le couvert nuageux et le léger vent froid n’incite pas la population à venir se promener dans le centre-ville. Encore moins à s’arrêter sur ses terrasses. Je suis ici surtout pour faire une course dans l’une des boutiques du coin. En vérité, je ne suis pas vraiment pressé. Chaque moment loin de la maison me permet de souffler un peu. Le climat est moins tendu avec Anna depuis notre sorte de réconciliation y a deux semaines. Sauf que les choses ne sont toujours pas comme avant et l’impatience de plus en plus présente chez ma compagne me pousse à lui laisser plus d’espace. Du coup me voilà à flâner plus longtemps que nécessaire ici, à me dire que je devrais vraiment arrêter de m’inquiéter pour Anna. C’est une grande fille, elle peut prendre soin d’elle-même. Tout de même, mon cœur se serre juste à l’idée que peut-être qu’elle aimerait vraiment se confier à moi mais que nos soucis qui attendent le rendez-vous avec la thérapeute mercredi l’empêche de m’en parler. Je ne souhaite pas la pousser aux révélations, de peur qu’elle se braque. Du coup, je reste avec mes inquiétudes, me plongeant dans le travail pour oublier. Mon téléphone vibre un coup dans ma main. Aussitôt, je le déverrouille pour voir ce qui en est du contrat. À ma grande surprise, le message texte provient de Casey, la meilleure amie de ma compagne. J’ouvre son message et je commence à le lire. Je ne comprends d’abord pas trop ce qui se passe entre les deux femmes. Anna a souhaité prendre ses distances avec Casey ? Depuis quand ? Mais surtout, pourquoi ? Je n’étais pas au courant de ce froid entre les deux femmes. Casey souhaite que je lui donne des nouvelles, elle-même inquiète pour l’ancienne infirmière. Je fronce les sourcils. Je commence à taper une réponse à Casey tout en continuant à marcher. Alors que j’en suis à la moitié du message, je relève la tête pour m’assurer de ne pas me retrouver dans un mur. Je m’arrête d’écrire en voyant une silhouette familière de l’autre côté de la rue. Casey. Cette coïncidence me désempare, mais me pousse surtout à combler la distance qui nous sépare à l’aide de longues enjambées. Voyant qu’elle ne pas toujours pas remarqué, je souris. « Salut, Casey ! J’étais justement en train de te répondre, tu tombes bien. » Je lui dis en m’arrêtant à sa hauteur. J’ai toujours mon téléphone dans la main, que je range donc puisque lui parler de vive voix sera plus approprié désormais qu’un échange de messages. « Tu vas bien ? » Je lui demande, ne pouvant m’empêcher de m’inquiéter pour elle depuis que j’ai appris qu’elle a été mise à l’écart par Anna. N’en connaissant pas la raison, je dois demeurer prudent. Je ne voudrais pas aggraver leur probable conflit.

Voilà un certain temps que je connais Casey ainsi que son mari, Miles. Nous nous entendons naturellement bien, assez pour nous considérer comme des amis. Je ne connais par contre pas tout de la vie de la jeune femme comme Anna la connais. Et c’est normal. La situation est similaire de mon côté par rapport à Lexie ou à Nathan, ces deux personnes que je considère comme mes meilleurs amis. Une amitié proche permet forcément une meilleure connaissance de l’autre. Je regrette parfois de si mal connaître Casey. Je reconnais son importance pour ma compagne et malgré tout, nos vies respectives semblent trop occupées pour prendre le temps de nous assoir et d’ainsi remédier à cela. Je vois donc en cette rencontre fortuite la chance de prendre des nouvelles de Casey, puisqu’il me semble ne pas l’avoir croisé depuis un moment déjà. Le froid qui existe apparemment entre les deux femmes doit en être l’explication. Pour une raison que j’ignore, Anna n’a pas cru bon de m’informer de sa situation avec sa meilleure amie. Peut-être parce que je suis indirectement impliqué dans ce conflit. Tout ne peut pas tourner uniquement autour de moi, mais cette pensée est suffisamment tenace pour me faire hésiter à engager la conversation avec Casey. L’inquiétude qui transparaît dans sa voix et sur ses traits en s’adressant finalement à moi me convint de poursuivre comme je l’entendais et de discuter librement avec la trentenaire. Je hoche la tête pour lui signaler que j’ai bien reçu son message texte. Le téléphone dans ma main retrouve ma poche afin de pouvoir me consacrer entièrement à la personne en face de moi. Je l’interromps visiblement alors qu’elle fait ses courses, mais puisque son inquiétude à elle aussi est palpable, je ne peux me résoudre à la laisser poursuivre sans intervenir d’abord. Je pourrais au moins m’excuser de la déranger, sauf que la question qu’elle me pose me semble nécessiter une réponse immédiate. Peu importe ce qui sépare temporairement les deux amies, cela ne protège pas Casey de ses inquiétudes. La comprenant véritablement à cet instant, j’ouvre la bouche pour m’exprimer. « Ça pourrait aller mieux également. Le dialogue est plus difficile depuis deux semaines avec Anna. On ne s’engueule plus, je m’en assure en évitant de mettre de l’huile sur le feu. Tout simplement parce que je ne supporte plus cette tension entre nous. Mais je sens tout de même Anna plus distante, plus fatiguée aussi. Elle a du mal avec son travail, je crois. Elle a arrêté de prendre en charge certains enfants, d’après ce que j’ai compris. Du coup, je tente de lui laisser un peu plus d’espace le temps qu’elle aille mieux. Je ne peux pas cacher que cela m’inquiète aussi. J’ignorais par contre que vous étiez en froid. » J’hésite avec ce dernier mot, incertain si le terme est juste pour décrire leur situation actuelle. « Est-ce que c’est récent ? » Cela pourrait expliquer pourquoi je ne suis pas au courant de la demande de prendre leurs distances de la part de l’Italienne. Si ça se trouve, cela ne fait que quelques jours et Anna n’a pas cru bon de me le mentionner puisqu’elle compte renouer le contact avec son amie très prochainement.

La main de Casey se retrouve sur mon bras dans un geste réconfortant. Cela aurait été plus simple si mes paroles avaient été toutes autres, que les problèmes que nous éprouvons étaient de l’histoire ancienne. Je pense sincèrement que nous approchons de la bonne voie pour nous en sortir. Le rendez-vous chez la thérapeute à Wellington mercredi pourrait bien être ce qui va nous sauver. Du moins, je l’espère. Puisque je ne suis pas prêt à laisser partir l’amour de ma vie à cause que nous avons pour une raison inconnue perdu notre connexion du début. J’apprécie donc l’attention de Casey, preuve que j’ai bel et bien du soutien de la part de mon entourage. Je suis toutefois curieux de savoir depuis quand les deux meilleures amies ont pris leurs distances. Casey m’apprend donc que cela fait presque deux semaines et à cela j’hausse les sourcils. Autant que ça ! Cela veut donc dire qu’Anna a volontairement dissimulé ce conflit à mes oreilles. C’est dans son droit, mais cela me déstabilise tout de même. Y a-t-il autre chose qu’elle me cache ? J’imagine que oui. Nous avons tous notre jardin secret. Casey ajoute que la raison de ce froid est du à ses propres problèmes de couple qu’elle a trop étendue à Anna. Voilà qui m’étonne d’autant plus. Peut-être que ma compagne s’est retrouvée subitement avec trop de soucies sur les épaules et qu’entendre qu’un autre couple proche d’elle allait si mal l’a motivé à vouloir s’en éloignée. Je comprends donc pourquoi cela est difficile pour Casey qui ne cherche qu’à régler ses propres problèmes avec l’aide de sa meilleure amie. La trentenaire me propose un lieu plus convivial pour discuter et j’accepte sans hésiter. « Bien sûr, il y a un café juste à côté. » Je lui pointe. Je la laisse choisir si l’endroit lui convient ou si elle a une préférence pour ailleurs. Pour moi, c’est du pareil au même. Elle règle donc ses achats alors que je l’accompagne pour poursuivre la conversation que nous avons entamée. Il y a donc des similitudes entre ses problèmes de couple et ceux d’Anna à l’époque. Ne pouvant m’identifier à ces deux situations, je préfère taire tout commentaire. Elle m’avoue ne pas être en forme et maintenant qu’elle le mentionne je remarque son expression plus fatiguée que d’ordinaire. Je lui offre un sourire pour ne pas qu’elle s’en fasse. « Ne t’inquiète pas, ayant moi-même vécut des coups très durs au courant de ma vie, je peux comprendre ta situation. Tu n’as pas à t’en excuser. Allez, je t’invite pour ce café. Cela me fait plaisir. » Je me montre généreux par réflexe lorsque vient le temps de réconforter une autre personne. Comme ses achats sont désormais réglés, nous commençons à marcher vers le café tout en poursuivant la discussion. Les mots qu’elle me dit ensuite sont un véritable cadeau. Je ne pensais pas trouver en Casey une alliée remplie d’encouragements. Elle semble sincèrement supporter notre couple et je ne peux que me sentir toucher par son souci. « C’est vraiment gentil de me dire ça. Merci aussi pour ton conseil. Je sais que je ne devrais pas la laisser me mettre à l’écart de la sorte, mais parfois c’est plus fort que moi. J’ai l’impression que si je m’impose trop qu’elle va me pousser encore plus. Mais je vais tout faire pour rétablir le dialogue. Parce que je l’aime, tout simplement. » Nous arrivons au café et j’ouvre la porte pour Casey. « Tu peux également compter sur moi en cas de besoin. Si tu as besoin de parler de ce qui te tourmentes, tu as mon numéro alors n’est pas peur de l’utiliser. Tu ne me déranges pas. » Je lui offre avec un sourire alors que nous nous approchons pour commander notre café.