leave her alone (harmie #1)

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

A peine rentré à la maison, Greyson reste sur le qui-vive, prêt à repartir d’une minute à l’autre, son téléphone portable en main. « Tu ne restes pas ? » Je le regarde d’un air perplexe, la mine boudeuse. « Merde, j’ai complètement oublié de te prévenir. J’ai une réunion de dernière minute avec des clients. » Je grimace légèrement en le fuyant du regard, déçue. « Je suis désolé, c’est un dossier important. » C’est toujours la même chanson. « D’accord. » Il dépose un rapide baiser au coin de mes lèvres avant de quitter la maison. Ces derniers mois et depuis bientôt trois ans maintenant, mon mari est devenu un courant d’air. Avec nos emplois du temps respectifs, nous faisons que nous croiser. Littéralement. Le matin au petit déjeuner entre deux tasses de café ou le soir avant de se coucher. Ni plus ni moins. Et cette situation ne fait que renforcer l’immense culpabilité qui me ronge depuis la perte de Nina. Mais finalement, je ne peux pas vraiment l’en blâmer. C’est un moyen pour nous de continuer à avancer, malgré tout. Se plonger corps et âme dans notre travail pour oublier. La seule manière de se sentir encore vivant – en quelques sortes. Sans réfléchir, j’empoigne mon téléphone portable et compose le numéro de ma meilleure amie. « On sort ce soir ? » Je n’ai pas besoin de lui en dire plus pour qu’elle comprenne que, ce soir, le moral n’est pas au beau fixe. Entre nous, c’est instinctif. On se connait sur le bout de doigts et ce, depuis de nombreuses années. Dans ce cas précis, la jeune femme sait très bien ce dont j’ai besoin. Me changer les esprits et me vider complètement la tête. Ne plus penser à rien. « On se rejoint au foxglove pour vingt heures. » J’esquisse un large sourire avant de raccrocher, soulagée de ne pas avoir à passer la soirée toute seule. Après tout, c’est tout ce que je demande.

***

« Allez, la première tournée, c’est pour moi. » J’abandonne l’espace d’un instant ma meilleure amie pour rejoindre le bar afin de passer commande. La serveuse est occupée à préparer des cocktails lorsqu’un client l’accoste sans aucune gêne. « Ça te dirait de prendre ta pause avec moi dans un coin un peu plus tranquille ? » Ses yeux sont vitreux, embrumés par la dose d’alcool qu’il a dû ingurgiter depuis le début de la soirée. La jeune serveuse tente de l’ignorer mais, en vain. Le client ne semble pas vouloir lâcher l’affaire aussi facilement. Il se penche alors vers elle plus insistant que jamais, les mains baladeuses et le regard lourd de sens. « Tu verras, tu ne seras pas déçue. » Cette fois-ci, c’en est trop pour moi. Témoin de la scène, je ne peux m’empêcher d’intervenir pour aider la jeune femme. Comme un instinct primitif. « Dommage pour toi, elle est déjà prise. » Sans réfléchir plus longtemps, je décide de me faire passer pour sa compagne. Ma main vient naturellement se poser sur la sienne, mes doigts entrelaçant les siens. Un moyen radical pour le faire fuir qui s’avère finalement concluant. L’homme en question finit par tourner les talons en bégayant quelques mots d’excuses, la queue entre les jambes. Sur le coup, je me surprends à laisser échapper un rire amusé d’entre mes lèvres. Faut dire que je suis plutôt fière de mon coup. Mais le regard froid et distant de la serveuse me jette un froid. Pas un sourire, pas un merci. Rien. « Je suis désolée, je n’aurais peut être pas dû… » Je grimace légèrement, mal à l’aise. « C’était déplacé. » Peut être trop. « Je voulais juste vous aider. » J’esquisse un timide sourire restant volontairement sur la réserve.
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Tous les jours, c’est le même rituel. Harper saute du lit à l’aube, met en route une lessive et prépare le petit déjeuner pour ses deux petits frères. C’est le moment qu’elle préfère de la journée, parce qu’avec ses horaires au foxglove elle n’a pas le temps de profiter d’eux le soir, alors le matin c’est sacré ! Harper dépose Eliott et Josh à l’école et court prendre son bus. A peine arrivée au bar, Harper enfile son tablier et prend son poste derrière le bar, aujourd’hui elle travaille jusqu’à la fermeture.

Il est vingt heures, la soirée bat son plein ; Harper essaye de rester concentrée sur ses commandes et son travail. Même si, on ne se le cache pas, elle est envahie ce soir par un sentiment de joie et de fierté. Elle a enfin reçu une réponse qu’elle attendait tant, et un de ses rêves va se réaliser. Lundi elle va aller à l'université, elle attend ce moment avec tant d’impatience ! « Ça te dirait de prendre ta pause avec moi dans un coin un peu plus tranquille ? » Et voilà, encore un client qui a trop bu et qui gâche la joie de Harper. C’est vraiment un côté de ce travail qu’elle déteste. Elle se sent mal à l’aise, son visage est en train de virer au rouge et ses mains commencent à trembler...  « Tu verras, tu ne seras pas déçue. » Harper fait mine de ne pas entendre, et se concentre encore plus sur ses cocktails. Il va quand même finir par se lasser et la laisser tranquille. « Dommage pour toi, elle est déjà prise. » Mais pour qui se prend-elle celle-là ? Avec ses airs de bourgeoises ? Harper n’est pas un petit chiot qui a besoin d’aide. Elle s’est toujours occupée d’elle et de ses frères sans personne pour l’aider. Et ce n’est pas près de changer. « Je suis désolée, je n’aurais peut être pas dû… » Harper lui jette un regard froid et se remet à son travail comme si de rien n’était. Bien que très troublée par le contact de leurs mains, Harper est tout à fait décidée à l’ignorer et à rester de marbre face à son intervention. « C’était déplacé. Je voulais juste vous aider. » Mais elle insiste en plus, en voilà une qui se mêle vraiment de ce qui ne la regarde pas, et Harper déteste ça. Chacun sa vie, pas besoin de se mêler de celles des voisins. « Tout va bien. Je me débrouillais très bien toute seule. » Même si elle inspire plutôt la confiance, il est hors de question qu’Harper baisse sa garde. Elle a bâti un mur entre elle et les autres, et ce mur est si solide, et si vieux qu’elle ne saurait même pas comment le faire s’écrouler. De plus Harper en a fait les frais, les gens qu’elle aime sont toujours blessés voir pire, ce mur est donc la seule solution qu’elle ait trouvée. Alors pour échapper au regard insistant et perçant de sa sauveuse du jour, Harper se remet à travailler. Elle fait même mine de devoir apporter une commande en salle pour échapper à cette situation qui la met mal à l’aise. « C’est bon je vous dis. Vous pouvez retrouver votre amie, je n’ai pas besoin de vous, ni de personne. »

 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Le bonheur des autres est toujours passé avant mon propre bien être. Et mon instinct de protection n’est jamais très loin. Ce n’est pas pour rien qu’après ma courte carrière professionnelle, j’ai décidé de consacrer ma vie à aider les gens. Psychologue, un métier à la fois intimidant et profond. Rentrer dans l’intimité de ses patients, dans leur jardin secret. Déterrer leurs forces mais également leurs faiblesses. Réussir à les mettre en confiance et les aider à se libérer de leur mal être. Ce soir encore, je n’ai pas hésité une seule seconde avant de venir en aide à cette jeune serveuse. Même si cette dernière ne semble pas avoir apprécié mon geste. « Tout va bien. Je me débrouillais très bien toute seule. » Sur le coup, je me confronte à un véritable mur. Froide et distante, la jeune femme reste volontairement sur ses gardes. Son regard est fuyant, évasif. Elle continue de travailler comme si de rien n’était. Comme si rien ne s’était passé. Des situations comme celle-ci, elle en voit sans doute tous les jours en tant que serveuse. C’est malheureusement devenu fréquent – trop fréquent, qu’on en vient à les banaliser. Pourtant, c’est dégradant et irrespectueux pour une femme de se faire traiter de la sorte. Comme un vulgaire objet. Une proie sexuelle. La jeune serveuse apporte une commande en salle avant de revenir derrière le comptoir, le visage toujours aussi tendu, la mâchoire fermée. « C’est bon je vous dis. Vous pouvez retrouver votre amie, je n’ai pas besoin de vous, ni de personne. » A cet instant précis, son attitude m’interpelle. Cette fausse assurance de femme forte cache certainement quelque chose. Et au lieu de laisser couler et de rejoindre ma meilleure amie comme elle vient de me demander, je reste devant le comptoir sans bouger. Même si elle ne veut pas de mon aide, pour ma part, j’ai besoin d’elle pour ma commande. « Deux mojitos, s’il vous plait. » Mon regard se pose alors sur le badge de la jeune fille qui s’exécute. Harper. Inconsciemment, un sourire se dessine au coin de mes lèvres. Sans trop savoir comment l’expliquer, cette jeune fille m’intrigue. Peut-être parce qu’elle me fait penser à quelqu’un en particulier. En réalité, cette personne, c’est moi. Quand je devais avoir son âge, ou presque. Une jeune fille à la fois forte, passionnée, mais terriblement fragile derrière les apparences. Et quand on y pense, encore aujourd'hui, les choses n'ont pas tant changé. A sa place, j'aurais très certainement eu la même réaction qu'elle. On pense toujours, naïvement, avoir besoin de personne. C’est seulement, plus tard, avec le recul, qu’on se rend compte de nos erreurs. « Harper ? » J’ose une nouvelle fois faire un pas vers elle en l'appelant par son prénom. Secrètement, j'espère pouvoir réussir à gagner sa confiance. « Ça ne doit pas être facile tous les jours de travailler dans ces conditions... » Je grimace légèrement. A son âge, je me doute bien qu’elle ne fait pas forcément ce travail pour le plaisir. Enfin, je suppose. « Et, dans le fond, je pense que tu te trompes. » Le tutoiement vient naturellement sans même que j'y fasse attention. D'une certaine façon, je me sens proche d'elle. Comme si je la connaissais déjà. C'est bizarre comme sensation. Pour ne pas la braquer davantage, j'enchaine sur ma lancée sans lui laisser le temps de réagir. « On a tous besoin de quelqu’un sur qui on peut compter. » Que ce soit dans une situation comme celle qu’elle vient de vivre ou dans la vie de tous les jours. Tout le monde mérite d’être soutenu et épaulé. Mon ton se veut le plus doux possible. J'essaye d'être rassurante, de me montrer attentive. J'ai besoin qu'elle se sente en sécurité. « Malgré tout ce qu'on peut bien penser. » Et même si je ne la connais pas personnellement, je ressens comme un besoin inexpliqué de la protéger. Comme un instinct maternel que je suis incapable de contrôler. Peut-être suis-je trop intrusive, mais c’est plus fort que moi.
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Harper, toujours derrière son bar, écoute cette femme qu’elle ne connait pas et qui ne la connait pas non plus. Et elle sent qu’elle ne va arriver à s’en défaire si facilement. « Et, dans le fond, je pense que tu te trompes. On a tous besoin de quelqu’un sur qui on peut compter. » Peut-être est-ce vrai… Harper n’en sait rien. Tout ce qu’elle sait c’est que la vie lui a appris à se débrouiller toute seule. Cela fait des années qu’elle ne compte que sur elle-même pour se protéger elle et la famille qu’il lui reste. Harper reste donc sur ses gardes, méfiante et froide. Malgré tout, le sourire et la délicatesse de cette femme la touchent. Peut-être est-ce le tutoiement ? Ou le fait qu’elle ait pris sa défense ? Harper n’en sait rien mais un sentiment de sécurité et de confiance la traverse. C’est tout de même dans une situation assez semblable qu’Harper avait rencontrée Maxyn… Elle l’avait sauvé d’une mauvaise passe avec un garçon dans la cour de l’école. En saisissant sa main, elle l’avait sorti du pétrin où elle s’était mise avec une élégance et une douceur qui lui étaient propre. Maxyn était au sommet de sa beauté ce jour-là avec son sourire radieux et son rire contagieux. Elle manque terriblement à Harper… Et cette femme-là devant elle vient de lui faire revivre cette scène qui a marqué un tournant dans sa vie.
« Vous savez, je ne le fais pas exprès. » Harper se sent à présent presque gênée de ne pas avoir remercié cette femme pour son aide. Mais, comme elle a rarement eu l’occasion d’être reconnaissante dans sa vie, elle ne sait pas comment s’y prendre. « Merci » Harper rougit, la voix tremblante, mal à l’aise avec cette situation. La reconnaissance est un sentiment lourd de conséquence pour Harper. Elle a toujours été si honnête et généreuse malgré les misères que lui imposent sa vie ; alors remercier quelqu’un chez elle, cela vient droit du cœur, c'est un sentiment pur. « Vous savez la confiance c’est pour moi comme gravir un sommet. C'est long et douloureux.» Et sur ce point, Harper n’en rajoute pas, elle ressent encore la douleur et les blessures des trahisons de son passé. Et elle s’est fait la promesse de ne plus accorder son amour ou sa confiance trop facilement. Mais ce soir, face à cette inconnue, Harper en oublierait presque ses grands principes. Elle est traversée par tout un flot d’émotions qu’elle ne contrôle pas. De la reconnaissance certes, mais aussi de la confiance et une certaine complicité. Elle ne s’explique pas comment en si peu de temps, elle a pu lâcher prise sur ses sentiments à ce point. Mais une chose est sûre, Harper se sent bien. Cela faisait longtemps que quelqu’un ne lui avait porté d’intérêt sans rien attendre en retour. Et c'est donc avec le sourire aux lèvres qu'elle finit la commande de son inconnue. « Voilà vos deux mojitos.»  
Le bar va fermer ses portes dans quelques heures, et Harper a comme une impression d’inachevé, et presque une légère tristesse de ne plus jamais revoir sa sauveuse.  «Voulez-vous que l’on se retrouve après mon service ? »  Dans un élan de folie et sans même reprendre son souffle, Harper vient de lui proposer un rendez-vous. Elle sourit pour dissimuler la gêne et surtout l'impatience qu’elle ressent. Harper espère que cette belle inconnue va accepter son invitation et pouvoir enfin lui donner son nom.


 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Finalement, après quelques instants, la jeune serveuse semble s’adoucir légèrement. Comme quoi, je ne me suis peut être pas trompée à son sujet. « Merci. » Son allure de femme froide, distante, ne semble être qu’une façade. Une couverture pour se protéger du reste du monde. Un moyen de rester détaché pour ne pas souffrir. L’attitude d’une fille qui a très certainement été déçue, brisée. Par des évènements passés douloureux. Finalement, c’est ce qui fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Le temps passe mais les souvenirs restent, là, au plus profond de notre cœur. Malgré tout ce qu’on s’efforce de faire pour les oublier. « Vous savez la confiance c’est pour moi comme gravir un sommet. C'est long et douloureux. » Sa voix s’enraille légèrement alors que les mots prennent un sens particulier lorsqu’ils sortent de ses lèvres. Clairement, ça sent le vécu. Et sa douleur passée peut aisément se ressentir dans son regard. « Je ne peux que comprendre. » Je ne préfère pas rentrer dans un long discours typique de psychologue. Je ne veux pas la faire fuir, au contraire. Même si, dans le fond, il y en aurait des choses à dire dans un moment comme celui-là. La confiance est une fleur précieuse qui se donne aux personnes qui le mérite. « Mais je suis convaincue que, si on rencontre les bonnes personnes, cette confiance peut s’avérer naturelle, évidente. » Et je ne parle évidemment pas seulement de moi. « Voilà vos deux mojitos. » Je la remercie d’un large sourire avant de récupérer les verres sur le comptoir. Et alors que je m’apprête à tourner les talons, la jeune serveuse propose de se retrouver après son service. « Voulez-vous que l’on se retrouve après mon service ? » Légèrement surprise par son invitation, je ne peux m’empêcher de me sentir flattée. S’il y a quelques minutes, elle ne semblait pas vouloir de mon aide, maintenant, c’est elle qui est en train de faire un nouveau pas vers moi. Et pas des moindres puisqu’elle propose de prolonger notre moment. « Moi, c’est Jamie. » Je connais son prénom mais elle ne connait pas le mien. Et pour accentuer cette atmosphère de confiance qui semble voir le jour entre nous, j’ai besoin, à mon tour, de m’ouvrir à elle. « Et tu peux me tutoyer. J’ai l’impression d’être tellement vieille avec ce "vous". » Je fais la fille choquée, la main sur la bouche avant de laisser échapper un rire nerveux d’entre mes lèvres. C’est vrai qu’à côté de la jeune serveuse, je ne me sens pas réellement à ma place. Elle doit avoir dans la vingtaine ou quelque chose dans le genre. Une quinzaine d’années d’écart, plus ou moins, nous sépare et ce n’est pas rien. Pourtant, la maturité qui se dégage de son regard est un réel contraste avec la jeunesse des traits de son visage. « Tu termines à quelle heure ? » A ma grande surprise, je ne refuse pas sa proposition. Après tout, si c’est pour rentrer trop tôt à la maison et me coucher dans un lit froid et vide, toute seule, autant rester plus longtemps pour faire sa connaissance. En réalité, son allure de fille mystérieuse me donne envie de creuser en profondeur. D’en savoir plus à son sujet. « Je suis avec mon amie, je ne bouge pas. » Pour lui dire – en quelques sortes – que je peux l’attendre. Que je veux bien l’attendre. « En tout cas, ça serait un plaisir de passer un moment avec toi. » Et un nouveau sourire se dessine sur mes lèvres avant de rejoindre ma meilleure amie sur notre table. La soirée défile à grande vitesse et pour la première fois depuis longtemps, je ne pense plus à rien. Je me sens bien, là, maintenant. Vivante. Juste à profiter de l’instant présent sans me prendre la tête. Tout au long de la soirée, je ne peux m’empêcher de jeter quelques regards en direction de cette jeune femme, impatiente de pouvoir la retrouver.
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Les derniers clients sont partis, c’est l’heure de fermer le bar. Harper se dépêche car Jamie l’attend dehors. Les lumières sont éteintes, le bar est rangé et la vaisselle faite, Harper peut partir profiter de la fin de sa soirée. Un petit peu angoissée, elle ferme le bar à clé et rejoint Jamie. La soirée est belle et le ciel tout étoilé, les deux jeunes femmes respirent l’air frais en marchant le long de la jetée. Harper trépignait tellement d’impatience à l’idée de retrouver Jamie pour ce moment en tête à tête, mais maintenant qu’elle est dans la situation réelle la gêne fait place à l’excitation. C'est alors qu'Harper sort une bouteille de vin et deux gobelets de son sac à main. « J’ai piqué ça dans le bar en pensant que cela pourrait être utile. » Assises dans le sable côte à côte, un gobelet à la main, l’ambiance se détend. Harper rit, et que ça fait du bien de rire. D’être heureuse, de profiter de l’instant présent. L’alcool délit les langues à ce qu’on dit… Pour Harper en tout cas ça marche, on ne l’arrête plus. « Eliott et Josh m’ont offert un bonzaï pour mes 21ans. Tu sais c’est très difficile de s’occuper d’un petit arbre fragile comme ça. Peut-être même plus difficile que de gérer mes deux chenapans de petits frères. »  Harper se sent tellement à l’aise qu’elle laisse à peine le temps à Jamie de parler. Une amitié est en train de naître, les choses sont si faciles. Malgré tout, Harper ne cesse de garder en tête que ce n’est quun moment de bonheur éphémère. Les vieilles habitudes reviennent au galop et Harper se braque, un nuage noir passe sur son visage. Alors Harper se resserre un verre et essaye de chasser ses idées noires. « Je te ressere un peu ? » Les deux femmes ne se connaissent pas encore très bien et pourtant les dialogues et les regards en disent longs sur leur complicité à venir.  Harper voudrait en savoir un peu plus sur sa nouvelle amie, mais elle a du mal elle-même à se confier sur des choses intimes alors elle n’a pas vraiment envie de bousculer Jamie, pourtant elle est titillée par son envie de tout savoir à propos d’elle. « La célibataire endurcie que je suis, a besoin d’en savoir plus sur toi, Jamie. Est-ce que tu as une petite amie ? Dis-moi qu’une jolie femme partage ton lit !»   Et voilà qu’à présent c’est au tour de Jamie d’avoir le visage qui se ferme, elle croise même les bras en signe de désapprobation, le regard vague et distant. Harper n’est décidemment pas douée pour créer des liens. Comme elle le disait si bien, rien ne dure ! Le bonheur est éphémère chez les Watson. Son indélicatesse la met mal à l’aise, elle voudrait s’enfoncer dans le sable de cette si jolie plage qui vient tout à coup de perdre tout son romantisme. Harper s’est laissée emporter, elle n’aurait pas dû. Elle s’en veut terriblement. « Pardon, je suis maladroite. »  Mais c’est pire. Harper rougit, elle voudrait s’enfuir en courant. La gêne de Jamie pourrait se ressentir à des kilomètres. « Je suis désolée, cela ne me regarde pas. Je n’aurais pas dû. »  Harper se lève, récupère son sac et commence à partir. Les larmes lui montent aux yeux. Elle s’en veut d’avoir tout envoyé en l’air, mon dieu ce qu’elle peut être bête.

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

Finalement, tout peut arriver. Si avant de sortir dans ce bar, mon moral était au plus bas, depuis, il est remonté en flèche. Mes soucis et tracas quotidiens sont désormais loin derrière moi. C’est l’esprit libéré et détendu que je quitte le bar à sa fermeture avant de retrouver Harper comme convenu tout à l’heure. Entre temps, je profite d’un petit moment pour envoyer un rapide message à mon mari. « Ne m’attends pas ce soir, je suis de sortie. » Pour une fois que les rôles sont inversés, je ne vais pas me faire prier. Le sourire aux lèvres, mon regard se pose alors sur la jeune serveuse qui sort une bouteille de vin de son sac. « J’ai piqué ça dans le bar en pensant que cela pourrait être utile. » Je laisse échapper un rire amusé d’entre mes lèvres. A son contact, j’ai l’impression de retrouver mes années jeunesse. De me sentir libre, vivante. Cette sensation est inattendue mais fortement agréable. Je ne saurais pas comment le décrire mais c’est libérateur. Croyez-moi, ça fait bien longtemps que je n’ai pas ressenti ça. Nous venons à peine de nous rencontrer, et pourtant, je me sens proche de la jeune fille. Comme si je l’avais toujours connu. Comme si elle faisait partie de ma vie depuis le tout début. Le feeling a été immédiat entre nous. Alors que nous marchons côte à côté sur la jetée, la discussion se fait naturellement. On parle de tout, de rien, mais surtout de nous. Au fil des minutes, je commence à en apprendre davantage sur elle. Et je sens qu’elle devient de plus en plus à l’aise. « Je te resserre un peu ? » La jeune femme a une sacrée descente. « Tu veux essayer de me saouler, c’est ça ? » Je la regarde méfiante avant de pouffer de rire. « Je te préviens, je ne tiens pas très bien l’alcool. » C’est bien ça le problème. A vrai dire, je ne bois que très rarement. Un verre par-ci par-là pour les grandes occasions mais rien de plus. Je ne suis pas certaine que ce soit bien le moment de jouer avec mes limites. Et pourtant, Harper n’attend pas mon approbation avant de remplir à nouveau mon verre, un sourire mutin sur les lèvres. « Bon, d'accord. » Après tout, ça n’a jamais fait de mal à personne de se lâcher un peu. De décompresser l’espace d’une soirée. Pour tout oublier. Respirer un bon coup, sentir l’air frais sur son visage. Profiter de l’instant présent et ne plus penser à rien d’autre. « La célibataire endurcie que je suis, a besoin d’en savoir plus sur toi, Jamie. Est-ce que tu as une petite amie ? Dis-moi qu’une jolie femme partage ton lit ! » Je tourne la tête brusquement dans sa direction, surprise par sa question. Encore plus étonnée qu’elle pense que je suis avec une femme. Sans m’en rendre compte, mon visage s’est légèrement refermé. « Je... euh. » En réalité, la confusion est totale et les mots sont difficiles à trouver. « Pardon, je suis maladroite. » Tout à coup, malgré moi, la situation devient gênante. Suite à la scène du bar de tout à l’heure, Harper en a naturellement déduit que j’aimais les femmes. En soit, c’est tout à fait compréhensible. Mais sur ce coup, la jeune fille se trompe sur toute la ligne. « Je suis désolée, cela ne me regarde pas. Je n’aurais pas dû. » Harper empoigne son sac et commence à partir, honteuse. Je viens alors attraper sa main pour la retenir, plongeant mon regard dans le sien. « T’inquiètes pas, il n’y a pas de mal. » Je ne veux pas tenir compte de cette maladresse. « Je suis mariée. » Je lève alors mon annuaire gauche pour secouer mon alliance devant ses yeux. « Mais c’est un homme qui partage ma vie. » Même si cet homme est un fantôme aux abonnés absents. Mais ça, c’est une autre histoire. « Je n’ai jamais été avec une femme, même si mon geste de tout à l’heure a pu porter à confusion. » Un bon moyen pour moi de rétablir la vérité sur mon orientation sexuelle. « Et toi alors ? » Je lui retourne naturellement la question. « A part les clients bourrés et un peu trop insistants, comment ça se fait que tu es célibataire ? » J’essaye à nouveau d’apaiser l’atmosphère pour que la jeune serveuse se sente mieux. Qu’elle oublie rapidement son mal être. Harper semble être une jeune fille fragile, à fleur de peau, qui peut changer du tout au tout en l’espace d’une seconde. Avec elle, c’est comme les montagnes russes.  
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

« T’inquiètes pas, il n’y a pas de mal. » Jamie a l’air sincère, mais Harper est toujours prostrée. La confiance en elle n’a jamais été son fort, alors de faire une gaffe comme ça, et de se sentir honteuse, cela lui fait perdre tous ces moyens. Harper n’ose même plus bouger, debout dans le sable, son sac à la main.  « Je suis mariée. » Jamie ne lâchera pas prise si facilement, elle ne laissera pas Harper s’en aller comme ça. La soirée avait si bien commencé, les deux jeunes femmes faisaient doucement connaissance tout en buvant un verre, tout se passait si bien… Harper, les yeux toujours fixés au sol, droite comme i, ne bouge plus, elle écoute Jamie tenter de la rassurer et de minimiser l’impact de ses paroles. « Mais c’est un homme qui partage ma vie. »  Ça y est Harper commence un petit peu à se détendre, elle comprend dans quel sens ses paroles ont été déplacées et pourquoi Jamie a réagi de cette façon.  « Je n’ai jamais été avec une femme, même si mon geste de tout à l’heure a pu porter à confusion. » Ah ça c’est sûr, la gêne de Harper s’atténue au fur et à mesure qu’elle comprend comment elle a pu en arriver à se mélanger les pinceaux et être aussi maladroite. Il faut dire aussi qu’elle s’est sentie si vite à l’aise avec Jamie, ce qui n’est pas dans ses habitudes, et portée par le moment elle s’est permise de repousser ses limites et de se forcer à un peu d’intimité avec Jamie. « Et toi alors ? A part les clients bourrés et un peu trop insistants, comment ça se fait que tu es célibataire ?» Harper a à présent  à peu près retrouvé son calme et un peu de confiance en elle. Suffisamment en tout cas pour revenir s’assoir au côté de Jamie, mais un brin plus loin cette fois-ci pour ne plus se laisser aller à des questions intimes. Harper le sait bien pourtant, ne jamais baisser sa garde, ne pas se montrer faible. Elle a fait tout l’inverse ce soir et elle s’en veut. Jamie doit pouvoir lire tout ça sur son visage, Harper le sait, son visage est un vrai miroir pour ses sentiments. « Je suis célibataire parce que c’est plus simple. » Une réponse vague, digne d’une Harper craintive et méfiante. Toujours accrochée à son sac et à son verre, elle tente un sourire timide et gênée en regardant Jamie. Ce qui dérange le plus Harper dans cette situation c’est d’avoir blessée cette si belle personne, alors qu’elle se sentait bien, qu’elle avait bon espoir de la compter parmi ses amis. « Je m’excuse encore Jamie, je n’ai pas voulu te blesser. » Le sujet à l’air épineux mais Harper tient à demander pardon une toute dernière fois pour que tout soit clair et qu’elle n’ait pas de regret. L’atmosphère de cette plage où sont assises les deux jeunes femmes redevient un peu plus paisible et agréable. Harper se détend encore un peu plus, et recommence à sourire naturellement lorsque ses yeux se portent sur la belle brune. « Je suis célibataire parce c’est plus simple, mais aussi parce que je n’ai pas le temps. » Harper ne veut pas paraître froide ou agressive, elle explique alors le pourquoi de son célibat, comme le lui a demandé Jamie. « Tu comprends, j’ai deux petits frères et je m’en occupe beaucoup. Ils ont une place très importante dans ma vie. » Les détails sur ses parents, Harper les laisse volontairement de côté. Inutile d’attirer la pitié ou de susciter plus d’attention. « Et avec ce boulot au Foxglove, vraiment je t’assure je n’ai pas le temps pour une relation amoureuse. » Harper se dévoile peu à peu, et son écart de conduite si on peut l’appeler ainsi, est vite oublié. La soirée suit son court, la bouteille de vin se vide, les conversations sont plus intimes. Les deux femmes semblent enfin totalement à l’aise, elles profitent du moment présent, et se confient des détails sur leur vie. « Et toi Jamie, parle-moi un peu de ton mari ? » Harper voudrait en savoir plus sur cette mystérieuse sauveuse, elle voudrait surtout que cette nuit ne s’arrête jamais pour être à ses côtés le plus longtemps possible. Harper se sent bien, comme apaisée et attirée par la force tranquille que dégage sa nouvelle amie, Jamie. « Depuis combien de temps êtes-vous mariés ? Vous avez des enfants ? »
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

« Je suis célibataire parce que c’est plus simple. » J’arque légèrement un sourcil, intriguée. Comment une jeune fille de son âge peut-elle être aussi radicale ? Bien que je n’en connaisse pas encore énormément sur elle, je me doute bien qu’il y a quelque chose qui se cache derrière tout ça. A son âge, elle devrait pouvoir profiter de la vie et de sa jeunesse. Profiter d’amourettes de passage ou de relations plus sérieuses. Que ce soit avec des garçons ou des filles, d’ailleurs. C’est l’âge idéal pour les jeunes rêveurs et les apprentis romantiques. Une période de vie rythmée par une passion qui nous consume sans qu’on puisse véritablement contrôler les choses. Vivre au jour le jour, le cœur enflammé. L’époque des premiers amours, des premiers sentiments. Des premières déceptions, aussi. La vulnérabilité et la naïveté d’une jeunesse un peu trop fragile, un peu trop brisée. Peut-être que la jeune femme a déjà baissé les bras en rendant les armes. « Je suis célibataire parce c’est plus simple, mais aussi parce que je n’ai pas le temps. » Mon incompréhension reste totale. Harper reste volontairement évasive sur le sujet mais je ne peux m’empêcher d’être curieuse. « Comment ça ? » Si je veux réellement apprendre à la connaître, il est inutile de rester dans le flou. « Tu comprends, j’ai deux petits frères et je m’en occupe beaucoup. Ils ont une place très importante dans ma vie. Et avec ce boulot au Foxglove, vraiment je t’assure je n’ai pas le temps pour une relation amoureuse. » A chaque fois qu’elle évoque le sujet de ses frères, je peux voir des étoiles dans ses yeux. Il n’est pas difficile de comprendre à quel point ils sont importants pour elle. « Je comprends que tu prennes ton rôle de grande sœur très à cœur, c’est tout à ton honneur. Mais il faut que tu penses à toi, aussi. Tu en as besoin. » D’un simple regard, j’arrive à comprendre que la jeune femme est sur le point de s’essouffler. Elle semble avoir besoin de faire une pause. De souffler un bon coup dans ce rythme quotidien effréné. « Ce n’est pas à toi d’assumer les responsabilités de tes frères, ce n’est pas ton rôle. » Inconsciemment, les habitudes du métier sont en train de ressortir.  Avec moi, la psychologie n’est jamais loin, c’est plus fort que moi. Je sens quelque chose de fort ressortir de ce petit bout de femme. « Tes parents sont là pour ça. » Le visage d’Harper se ferme instantanément suite à ces derniers mots. Son regard devient vide, absent. Sans le vouloir, je viens probablement de mettre le doigt sur un point sensible de son histoire. Tout à coup, je me sens affreusement mal. Gênée d’avoir été un peu trop intrusive avec elle. « Je suis désolée, c’est mon côté psychologue qui me joue parfois des tours... je ne voulais pas m’immiscer comme ça dans ta vie. » Jusqu’à maintenant, la jeune femme ne connaissait pas mon métier. Et, pour être honnête, j’ai peur que cet aveu ne vienne à la faire fuir. Je ne veux pas qu’elle pense que je suis en train de l’analyser. Même si, involontairement, c’est peut être ce que j’ai fait. « De toute façon, tu as tout le temps devant toi pour penser à une relation. » Je reviens très vite au sujet de base pour ne pas rendre la situation gênante. Elle est jeune et l’amour lui tombera sans doute dessus lorsqu’elle s’y attendra le moins. Après tout, c’est toujours comme ça. Imprévisible. « Et toi Jamie, parle-moi un peu de ton mari ? » Finalement, Harper profite de cette brèche pour basculer la conversation sur moi. Et, entre nous, ce n’est pas plus mal. Même si, parler de mon mariage n’est peut être pas une si bonne idée. « Depuis combien de temps êtes-vous mariés ? Vous avez des enfants ? » Je grimace légèrement avant de répondre le plus naturellement possible. C’est un sujet un peu délicat chez moi mais je ne veux pas créer de gêne. « Depuis quatre ans. » Quatre ans de mariage et huit ans de vie commune. « Non, nous ne pouvons pas en avoir. » Je marque un léger temps d’arrêt. « Je suis stérile. »
 

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

« Je suis stérile. »  Ces mots ricochent à l'infini dans la mer, comme si l'univers tout entier faisait le mort et n'entendait pas le désespoir de cette femme qui ne peut pas avoir d'enfant. C’est un long silence qui  suit la réponse de Jamie. Le regard au loin, elle semble plongée dans ses pensées. Harper reste muette un instant, elle ne sait pas comment rebondir face à une telle réponse et préfère respecter Jamie en faisant preuve de discrétion à la suite d'une telle confidence. Elle opte pour la solution de garder le silence quelques instants encore. Les minutes s’effilent, et les deux femmes restent assises côté à côte dans un silence solennel et respectueux, elles observent l’horizon de la nuit. Mais le silence n'arrangera rien mais elle ne sait pas quoi dire non plus, Harper décide alors de se lever.  Elle reprend son sac à main, et fait signe à Jamie de se lever à son tour. « Allez debout Jamie ! » Elle s’exécute sans broncher, comme si la révélation de son lourd secret lui avait fait perdre toute motivation et toute envie. Mais Harper ne va pas baisser les bras. Sa générosité et sa détermination doivent redonner le sourire à sa belle amie. C’est sa mission, elle en prend le rôle avec joie. Faute d’avoir quoique ce soit d’intelligent à répondre à son amie, Harper a une idée en tête pour changer l’atmosphère morose qu’a pris cette soirée. Elle prend Jamie par le bras et la guide vers la terre ferme. Les deux femmes marchent côte à côte toujours dans un silence de cathédrale. Elles arrivent sur un parking de supermarché. Harper lâche alors le bras de son amie. Elle s’élance vers la file de chariots, sort deux pièces de son sac à main. Puis fière comme une poule qui a pondu son œuf, elle revient en poussant deux chariots. Elle s’adresse à Jamie d’un ton qui se veut solennel et comique : « Je déclare ouverte la course en chariots ! » Harper affiche un sourire de mille dents. Elle est toute excitée à l’idée de faire monter sa nouvelle amie dans un de ses chariots de courses, en pleine nuit, sur un parking vide. C'est une idée qui parait tout à fait saugrenue. Surtout que la première image qu’Harper avait eue de Jamie ne colle pas du tout avec la femme qu’elle a sous les yeux à présent. Comme si, par magie, elle avait retrouvé son regard d’enfant, son insouciance et sa joie de vivre. Harper se sent comme un scout qui aide une vieille dame à traverser la route, ou comme un petit enfant qui partage son goûter avec son camarade qui n’en a pas. C’est une bonne et belle action, une action qui met du baume au cœur, qui crée des souvenirs impérissables. La course peut démarrer, les deux femmes sont prêtes à s’élancer. « En position, prêtes, partez ! » Un éclat de rire,  d’amitié et de souvenir impérissable suit les deux jeunes femmes qui se sont relancées dans une course folle. La nuit est belle, leur amitié naissante l’est tout autant et le bonheur ressenti au moment présent par Harper en dit long sur leur future amitié. Des rencontres comme celle-là, on n'en fait pas tous les jours !

≈ ≈ ≈
{leave her alone}
crédit/ tumblr ✰ harmie.

C’est un long silence qui vient balayer l’atmosphère après la révélation de ma stérilité. Les yeux perdus dans le vide, je n’ose pas relever la tête par peur de croiser son regard. En réalité, je ne peux m’empêcher de penser à Nina. Mon bébé. Le trésor que la vie m’a arraché. Je me sens démunie, décontenancée. Terriblement affaiblie et vulnérable. Et malgré mes efforts pour rester forte, courageuse, un malaise s’est inconsciemment immiscé entre nous deux. Ce n’est pas de sa faute. Harper ne pouvait pas savoir qu’elle touchait là du doigt un sujet aussi sensible. Je hausse les épaules en lui adressant un timide sourire pour essayer de relativiser. « C’est pas grave. » A cet instant, la jeune fille semble aussi gênée que je le suis. Faut dire que la situation est plutôt délicate. Pendant quelques minutes, nous restons là, côte à côte, à observer l’horizon dans le silence le plus total. Je ne suis pas seule et pourtant, c’est tout comme. Tourmentée par des pensées négatives, des idées noires. C’est plus fort que moi, je suis incapable de les contrôler. Ces foutus cauchemars qui s’engouffrent dans le plus profond de mon être. Sans que je puisse m’en rendre compte, des larmes viennent se noyer sur mon visage. A ce moment-là, Harper se lève brusquement. « Allez debout Jamie ! » Je la regarde d’un air perplexe sans trop comprendre où elle veut en venir. Mais je prends sa main et me laisse guider sans broncher. Après tout, c’est peut être une bonne chose de passer à autre chose. De ne pas rester sur cette note négative. Je reste tout de même curieuse de savoir ce que la jeune fille a en tête. Nous marchons pendant quelques minutes bras dessus bras dessous sans dire un seul mot. Mais ce silence n’est plus gênant. Comme si notre présence mutuelle nous suffisait. Arrivées sur un parking de supermarché vide, Harper finit par lâcher mon bras se ruant en direction des chariots. Elle revient fière comme une enfant, un large sourire aux lèvres. « Je déclare ouverte la course en chariots ! » Je laisse échapper un rire totalement incontrôlé, presque nerveux. « T’es pas sérieuse ? » Apparemment si. La joie de vivre de la jeune femme a le don d’être communicative. Grâce à elle, je me surprends à rire à gorge déployée. Comme une adolescente de quinze ans. Aussi surprenant que ça puisse paraitre, là, maintenant, je me sens bien. Vivante. Laissant de côté tous les soucis du quotidien. Tous les mauvais souvenirs de ces dernières années. Je suis heureuse et je me sens pousser des ailes. Suivant le mouvement, je me jette dans le caddie pour me mettre en position prête à m’élancer. « En position, prêtes, partez ! » Nos rires se mélangent et s’entremêlent tous les deux, ensemble. Comme si nous nous connaissions depuis des années. Depuis toujours même. Harper est surprenante. Ce petit bout de femme semble venir d’un autre monde. Un véritable ange tombé du ciel. Et, étrangement, je profite de l’instant présent sans me soucier du reste. A cet instant, il n’y a que la jeune brune qui compte à mes yeux. Le reste n’a plus aucune importance. C’est parti, la course peut commencer. Et même si cette sensation de liberté ne dure que quelques instants, elle me procure un bien être inouïe. C’est tout ce dont j’avais besoin pour retrouver mon insouciance l’espace d’un instant. Mettre sa vie sur pause et tout oublier. « Merci Harper, merci, vraiment. » Inconsciemment, ma main vient se loger dans la sienne. Le signe d’une complicité que je ne peux expliquer. Une étrange connexion qui nous lie et nous rapproche. « Ça fait bien longtemps que je n’ai pas ressenti ça. » Cette sensation d’être libre, vivante. Et, pour le coup, c’est exactement ce dont j’avais besoin. Une grande bouffée d’oxygène, un grand bol d’air frais. Cette nouvelle rencontre qui s’avère ô combien précieuse. Cette soirée restera pour sûr dans mon cœur.