2005 (sierra)

La scolarité, plus ça va, plus ça te soûle. Mais tu continues à y aller. Ca fait plaisir à ta tante, mais tu te dis, surtout, que dans le fond, ça doit faire plaisir à ta mère, même si tu ne le sauras peut-être jamais. Sa folie, puisque tu ne l'expliques pas autrement, commence à prendre des proportions démesurées. Tu as accepté d'aller la voir après que tu aies pu décider. Ta tante a été fière de toi quand tu le lui a annoncé. Elle aussi elle va la voir, tu en es certain. Mais ça doit lui faire encore plus de mal qu'à toi, parce qu'elle l'a toujours connue, ta maman.
Assis devant la façade de l'établissement hospitalier où loge ta mère, tu attends l'heure de la fin des cours. Comme souvent cette semaine passée, tu n'es pas beaucoup allé à tous tes cours. Ca te prend tellement la tête d'être assis devant un bureau pour aller ensuite à l'hôpital, ce que tu feras sans doute toute ta vie, en revanche, que tu préfères en profiter pour prendre un peu l'air. Ça te fait du bien, en plus. En une voiture klaxonner, tu fermes les yeux et te tourne vers la personne à côté de toi. Parce que, non, t'es pas assis tout seul là au lieu d'aller en cours. Tu es face à Sierra, avec qui tu es ami depuis longtemps. Elle ne sait rien de ce que tu fais après les cours, et tu as bien envie de le lui dire, alors pourtant que tu en es incapable. Au lieu de ça, elle t'a accompagné, sans un mot. Elle s'est assise avec toi et a attendu avec toi. En regardant ta montre, tu vois que la fin des cours a sonné depuis un petit moment. Alors, sans prévenir, tu te lèves, et tournes ta tête vers Sierra, lui tendant la main pour l'aider à se relever. « Tu es certaine que tu ne veux pas rentrer chez toi ? Tu y serais mieux, tu sais... » Et puis tu n'as aucune envie de voir son regard changer sur toi. Tu l'as déjà vu, ce regard de pitié. Mais ce n'est pas toi qui souffres le plus, c'est injuste qu'on te regarde comme ça alors que ta mère est vue comme une folle. Elle est malade, c'est tout...

Je contemple le bâtiment qui nous fait face, à moi et à Emrys. Un hôpital de fous, de malades mentaux, un hôpital des dépressif, psychiatrique. J'y suis déjà passé, devant, en vélo u en voiture mais jamais comme aujourd'hui. Je sèche les cours, c'est pas la première fois car, je suis pas la première de la classe malgré que mes notes donnent espoir d'une merveilleuse université à la clé même si j'ai encore trois ans devant mon nez pour y penser. Je soupire, commençant à ressentir l'ennui me prenant à la gorge. J'ai soif, et j'comprends toujours pas pourquoi on ne rentre tout simplement pas. A force de rester assise sur cette façade, je vais me faire une marque rouge au postérieur. Je regarde mon ami d'enfance, cette personne connait tout de moi et je ne me vois pas lui cacher quoi que ce soit. Il m'a déjà vu fangirliser devant une bande dessinée, donc franchement, y a pas plus à cacher. Je suis pas du genre à m'extasier, rire ou papoter en public, Emrys le sait et il sait qu'il me verra sourire, faire des blagues, uniquement quand nous sommes seuls. « Hé. » j'interpelle mon ami qui fixe sa montre depuis de bonnes minutes déjà. « Tu peux me dire pourquoi on entre pas tout simplement depuis avant ? » je gigote mes jambes dans le faux vide, mes mains de par et d'autre de mon fessier. Finalement, il se lève après encore quelques minutes assis dehors. « Tu es certaine que tu ne veux pas rentrer chez toi ? Tu y serais mieux, tu sais... » je glisse ma main délicatement au creux de la sienne, bondit hors de la façade et touche le sol de mes pieds plats. « Tu rigoles ? Je vais enfin savoir pourquoi Emrys sèche autant les cours. Puis un hôpital psychiatrique, c'est vachement cool. » je souris, l'assurance se lit sur mon visage. Je suis prête à tout savoir, c'est mon ami, j'encaisserais tout. Je suis de très près Emrys à l'intérieur, prenant garde à ne pas attiser la colère d'un malade mental ou d'un potentiel pédophile. Je suis émerveillée par tant de tête grimaçantes, bien que j'aurais vu les lieux plus "sombres" comme dans les films.

C'est étrange de te retrouver là avec quelqu'un d'autre que Newton pour te soutenir. Généralement, personne ne vient jamais, ta mère, c'est un secret que tu gardes profondément et bien caché. T'as la trouille que tout le monde sache et que tout le monde se moque d'elle. Toi, t'en as rien à faire qu'on se paie ta tête, tu peux gérer. Mais ta mère, aussi malade puisse-t-elle être, pas question ! Faut dire que pour le coup, tu fais sacrément confiance à Sierra pour accepter qu'elle te suive jusque là. En l'entendant soupirer, tu réalises que ne pas se bouger, ça doit être compliqué pour elle. Surtout qu'elle ne sait pas vraiment pourquoi vous êtes là. Aux yeux des autres, ta mère est morte, c'est la solution la plus évidente à la question tacite que tout le monde se pose : mais pourquoi c'est ta tante qui s'occupe de toi ?
Tu n'as pas répondu à sa question, au lieu de quoi tu t'es levé et vous vous êtes approchés de l'entrée. Tu as l'impression de vivre au ralenti à cet instant précis, alors même que ton coeur bat la chamade. Ne fais-tu pas une immense erreur, Emrys ? Sans doute, mais tu es prêt à assumer si jamais Sierra change du tout au tout avec toi. Par contre, tu croisais les doigts, si c'était le cas, qu'elle ne le crierait pas sur tous les toits, même si ce n'était pas son genre. Tu as souri devant son enthousiasme. Tu aimerais voir les choses comme elle les voit, mais là, tu es simplement content de voir ta mère. Les seuls aspects joyeux de ces moments. La chambre blanche de ta mère, tu la trouves trop oppressante pour que ça reste un bon souvenir. À l'accueil tu signes avec une carte d'identité. Même en étant mineur, tu as l'autorisation de ta tante d'y aller seul, et c'est tout ce qu'il te faut.
« Si tu trouves les hôpitaux psychiatriques cool, j'espère que tu changeras pas d'avis après ça. » Devant la porte de la chambre de ta mère, tu l'ouvres et tu te diriges vers le lit. Les yeux rivés devant elle, elle ne te regarde pas. Peut-être même ne te voit-elle pas. En t'approchant, tu mets ta main dans la sienne. « Sierra... Je te présente ma mère. » Tu regardes ta génitrice avec tendrese. « Maman, je te présente Sierra. C'est une amie du collège. »

On entre dans l'immensité de l'hôpital psychiatrique, le hall d'accueil en regorge déjà. De malades mentaux. Une première pour moi que de venir par ici. Je regarde Emrys qui signe un papier en présentant sa carte d'identité. Il doit en avoir l'habitude. Ma curiosité s'éveille tout comme mon odorat face à l'odeur typique des hôpitaux. Des infirmiers et infirmières circulent dans les couloirs que nus longeons. Emrys semble bien connaître les lieux. Trop bien à mon humble avis. Je me mordis la lèvres en le collant au dos. J'ai pas peur mais je ne connais pas cet environnement. J'ai jamais aimé les hôpitaux. J'ai jamais aimé être aussi proche d'un public. Je ne me dirais pas agoraphobe, quoi que tout de même, je supporte pas de rester dans un centre commercial plus de dix minutes. Emrys s'arrête devant une porte de chambre. Je manque de lui heurter le dos, ce dos de gamin de quinze ans. Je soulève mon regard sur la porte, le numéro de la chambre, à la recherche d'un indice. D'un plaque. D'un nom. « Si tu trouves les hôpitaux psychiatriques cool, j'espère que tu changeras pas d'avis après ça. » il attise de plus en plus ma curiosité, ça m'énerve. Il finit par ouvrir la porte, s'élancer dans la pièce blanchâtre. Je le suis en fermant la porte dans mon dos. Je regarde la pièce, faite de blanc, morbide. Là, on est comme dans les films, c'est mieux. Quoi qu'un peu oppressante cette couleur. Je regarde Emrys qui s'est dirigé vers un lit occupé. Une femme y est assise, fixant l'horizon vide comme son regard. Je fronce un sourcil, je ne comprend pas ce qu'on fout dans la chambre d'une patiente. « Sierra... Je te présente ma mère. Maman, je te présente Sierra. C'est une amie du collège. » le mot fait blocage dans mon cerveau d'adolescente. « "Maman" ? » le mot qui fait blocage sort de ma bouche comme une personne entrant dans un moulin. J'ai conscience que la métaphore est pas superbement trouvé mais là, de suite, j'ai rien de lus à dire. Je balbutie des mots invisibles, avale une gorgée de ma salive et m'approche de la dame au regard vide. Je me penche sur le côté, pour avoir mon visage pile en face d'elle. Ma crinière brune tombe vers le bas tandis que j'agite ma main devant ses yeux. Elle ne réagit même pas. Je me recule, je regarde Emrys, un peu surprise. « Elle ne me voit pas ? Elle entend ce qu'on dit ? Et puis t'as pas dit que ta mère était morte ? » Trop de questions en une fois, j'en ai bien conscience mais là de suite, que voulez-vous que je dise d'autre ? Emrys, mon ami depuis des années, m'apprends que sa mère est en vie. Enfin en vie, on dirait un légume pas comateux.

Tu te doutes que des tonnes de questions vont te tomber sur le nez. Tu n'es pas complètement prêt à répondre à toutes, mais tu le feras quoi qu'il en soit. Sinon, Sierra ne serait pas là, à tes côtés. Ça non. Ta mère, c'est pas toi qui as dit le premier qu'elle était morte. En fait, tu as simplement laissé les autres le croire et tu ne l'as jamais démenti. Et ce malgré les regards réprobateurs de ton cousin, qui n'a jamais compris pourquoi tu voulais à tout prix laisser planer le doute. Newton a toutefois toujours su combien il était embarrassant pour toi d'expliquer à tout le monde l'histoire de ta famille, et il ne t'a jamais forcé. Puis, l'adoption de ses parents faisait de toi son frère, alors c'était plus simple pour tout le monde de taire ce que tu craignais le plus voir exposé.
La main dans celle de ta mère, probablement plongée profondément dans ses pensées, ou sous calmants suite à une crise de sa part - tout était possible - tu est rassuré tandis que ton coeur, lui, ne réagit pas aux informations envoyées par ton cerveau. Tout va bien.
Tu fermes les yeux. Sierra a toujours cru ce qu'on disait sur ta famille : ta mère était morte, c'était pour ça que ton oncle et ta tante t'ont adopté. Mais non, tout ça, ça disparaissait d'un coup d'un seul. « Oui... maman. » Si elle part, elle en aurait tous les droits. Elle pourrait te détester pour lui avoir menti par omission, ou quoi que ce soit. Et tu comprendrais, à ce moment-là. « Elle est probablement sous morphine... je pense qu'elle nous voit, mais qu'elle ne prête pas attention à nous dans cet état... » Puis en même temps, t'y connaît pas grand chose en médecine, encore moins en psychiatrie. « Non, les rumeurs l'ont dit... et j'ai jamais démenti... » Ce qui fait quand même de toi un menteur. Mais dans le fond, tu espères que ton amie comprend. Après tout, si c'était pour qu'on critique ta "cinglée de mère" c'était pas la peine.

Je regarde la mère d'Emrys. Mère, c'est dur à dire, j'ai toujours pensé qu'elle était morte, comme tout le monde. Emrys confirme qu'il a menti. Non, qu'il a juste caché la vérité, on ne lui a jamais vraiment demandé si c'était vrai au final, il s'est juste contenté de ne rien dire de plus que ce qu'on voulait penser. En la voyant ainsi, je me dis que c'est peut-être mieux d'avoir agis ainsi. Les adolescents ne comprennent pas tous et en auraient fait un objet de moquerie envers lui. J'opine, me mordillant la lèvre. Elle ne me fait pas peur, quoi qu'un peu car c'est la première fois que je vois quelqu'un sous morphine. C'est cool et aussi effrayant, j'ai l'impression qu'elle va se réveiller et devenir un zombie. Je m'avance vers une chaise pas loin, face à Emrys qui a toujours sa main sur celle de sa pauvre mère. Je plonge dans le dossier moelleux de la chaise, regardant la dame fixer l'inconnu invisible. « Je peux poser des questions ? » comme si je ne l'avais pas déjà fait. Je passe mon index sous mon nez, frottant ma bouche en regardant sa mère livide. « Pourquoi elle est comme ça ? » Je regarde Emrys, un regard tendre et inquiet. Je découvre que je sais finalement peu sur lui et que c'est aujourd'hui que commence véritablement le jour où j'apprends à le connaître davantage. Newton n'est pas son frère, ça, faut pas être un génie pour le savoir. « Je comprends que tu ne veux pas que tout le monde le sache, pour la condition de ta mère, mais putain, Em, tu sais que tu aurais dû me le dire avant ? » Je pose mes mains sur les accoudoirs. « Je veux dire, même si ça ne se voit pas, je suis un peu choqué par tout ça. » il est rare qu'on distingue mes expressions et sentiments sur mon visage. Je suis aussi inexpressive que sa mère actuellement, quotidiennement. « Attention, ça ne veux pas dire que je vais te tourner le dos ou te prendre pour un gars bizarre. » Je lève mon index en haussant les sourcils puis j'esquisse un sourire amusé lorsque je viens à jeter une petite blague : « T'avais pas besoin de ça pour être un gars bizarre. » je ricane, j'essaie de détendre un peu l'ambiance morbide qui s'installe.

En y réfléchissant bien, tu es complètement soulagé. Tu avais besoin que Sierra le sache. Ce n'est pas parce que la majorité de tes amis d'enfance ne connaît pas ton grand secret que tu ne peux pas faire d'exception. Mais tu as surtout peur que les gens ne comprennent pas : ta mère, tu l'aimes, tu l'aimeras toujours, tu la protèges. Tu espères juste qu'un jour elle guérisse. Même si ça relève de l'impossible et du fantasme. Complètement fou. Sierra s'assoit en face de toi, sur une des chaises. Probablement plus moelleuse que les pieds, ou que le faible matelas sur lequel est allongée ta maman. Alors, oui, tu as une fesse sur ce matelas, mais ça n'en reste pas plus confortable, au contraire.
Tu hoches la tête. Bien sûr qu'elle peut. Elle est venue, tu ne vas pas la laisser avec des questions en tête. Même si, de toi-même, tu n'aurais jamais pu le dire à quiconque. « Quand... quand mon père est parti, peu après ma naissance, elle a commencé à avoir des troubles de l'identité assez violentes... et quelques hallucinations aussi... depuis ça s'est empiré. » Non, tu ne parles pas de schizophrénie. Ta mère est plutôt bipolaire selon toi, mais c'est surtout des troubles de la personnalité qui altèrent son jugement. Son environnement, tout ça. Toi. Le fait que tu ressembles un peu trop à ton père, même si tu aurais préféré que ça ne soit pas le cas.
Tu soupires. Tu t'attendais à des reproches. « Je... je ne l'ai jamais dit. À personne. Pas même toi, tu es venue... je n'y arrive pas. J'ai peur que les regards sur moi changent, qu'il y ait de la pitié, ou de la compassion. Ce n'est pas moi qui suis malade, tu comprends ? » Ton raisonnement est totalement illogique, alors qu'elle comprenne, c'est peut-être plus compliqué que ce que tu ne le penses. « Et puis, je ne veux pas qu'on lui fasse du mal à travers moi. » Tu la protèges ta maman. Même complètement malade, atteinte de folie, tu l'aimes et tu l'aimeras toujours. Tu dois beaucoup à ta famille pour t'avoir permis de comprendre ça.
Tu lâches un petit rire. Sierra est complètement folle, elle aussi. Pfff, comme si TOI tu étais bizarre ! Bon, oui, d'accord, au moins un petit peu. « C'est pas faux. Mais c'est pour ça qu'on m'apprécie, non ? »

J'écoute Emrys parler du pourquoi du comment sa mère est ainsi. Je regarde cette dernière tandis qu'il m'explique, je sens de la tristesse dans ses paroles. Ce doit faire mal de parler de ça aussi... ouvertement à quelqu'un qui n'était pas au courant avant. J'opine à ses paroles, je montre mon écoute, bien que ça me fait un peu mal d'entendre tout ça. Mais Emrys, c'est mon ami et dans l'amitié, on se serre les coudes alors je refuse de le prendre en pitié. Je veux juste savoir, le plus possible du moins. Être là pour lui à compter de ce jour. L'amour, le sentiment romantique, ce n'est pas quelque chose où j'ai de grandes notions. L'amitié, c'est un sentiment, une relation entre personne, que je comprends et que je chéris malgré que je n'en possède pas beaucoup. Elle a eut des troubles de l'identité ? Je ne sais pas si je dois considérer cela comme une bipolarité ou de la schizophrénie, mais j'opine. Simplement. Je me tais. J'opine. « Mais attends, tu vis en sachant ta mère internée depuis ta venue au monde ? » Si ça a commencé avec son père qui les abandonne, j'ai de quoi me poser la question. Je lui demande, en quelque sorte, pourquoi ne pas me l'avoir dit avant. Pourquoi ne pas l'avoir dit tout simplement malgré que je peux comprendre. J'opine à sa réponse. Il est vrai que ce n'est pas génial de se faire prendre par pitié par des inconnus qui, jusque là, en avait peut-être rien à foutre de toi. Je souris lorsqu'il dit ne pas vouloir entendre du mal sur sa mère via lui-même. « Je comprends, Em. Dans ce résonnement, tu as alors bien raison de ne rien dire. » puis, je lance une petite vanne. Emrys n'a rien de bizarre, c'est juste que j'aime bien l'enquiquiner même si pour cela je le traite de gars étrange. Il prend ma farce plutôt bien puisqu'il rigole à son tour. « C'est pas faux. Mais c'est pour ça qu'on m'apprécie, non ? » j'arque un sourcil, encore un peu amusé. « Ouais ne va pas jusqu'à dire qu'on t'apprécie. » Je ricane en me levant. Je me dirige vers lui, mon regard dans le sien, je tais mon rire. Je m'apprête à faire quelque chose que je déteste faire. Je tend mes bras, l'enlace et murmure au creux de son oreille : « Dès à présent, je viendrais avec toi ici, si ça peut te faire du bien. Je veux que tu comptes sur moi. » Je reste dans cette position encore quelques instant avant d'en avoir la nausée. Les preuves d'affections sont clairement pas pour moi. Je ne dis pas n'avoir jamais eu d'amoureux mais je déteste ça. Je tapote dans son dos, totalement gênée, névrosée. « Ok ! » fis-je un peu plus fort en m'écartant de lui. « Puis, j'aimerais apprendre à connaître madame Griffin ? Comment elle s'appelle d'ailleurs ? » Je pose mes mains sur mes hanches indiquant sa mère du menton. « On va bien s'entendre elle et moi ; elle parle pas, elle réagit pas des masses. On se ressemble au final. » j'esquisse un mince sourire amusé en regardant Emrys.

Tu as laissé le mensonge s'installer auprès de Sierra, pourtant, elle fait partie des rares à qui tu n'as pas balancé, cette fois très volontairement, que ton père était mort. Alors, en un sens, même si tu te sens un peu coupable de l'avoir laissée croire aux rumeurs, elle sait une partie de la vérité : ton père est un connard et est parti parce qu'il n'avait pas envie de t'assumer. Triste vérité.
Tu grimaces. C'est vrai qu'en cachant la vérité tu n'as jamais rétabli les quelques erreurs autour de toi. « J'ai un peu vécu avec elle avant que sa maladie ne prenne le dessus. Un peu plus de quatre ans si on enlève le temps où j'alternais et partais dormir chez ma tante. J'avais cinq ans quand son internat a été définitif. » Tu ne t'en plains toutefois pas. Tu sais très bien, tu l'as toujours su d'ailleurs, que tout ça c'était pour ton bien, pour ta sécurité. Tu sais que Sierra peut comprendre, même si digérer le fait que tu ne lui ais rien dit risque d'être un peu plus compliqué. Si elle est là, aujourd'hui, avec toi, c'est que tu es persuadé de pouvoir lui faire confiance, qu'elle a l'esprit suffisamment ouvert pour comprendre que tu n'as jamais voulu la blesser, mais que tu te protégeais. Que tu protégeais ta famille, aussi. Enfin... ce qu'il en reste, apparemment.
En riant un peu plus, tu affichais un sourire joyeux sur ton visage. Sierra savait comment remonter le moral des troupes, et tu avais le rire facile avec elle. « J'ai pas dit que je t'appréciais non plus, rassure-toi ! » Puis elle s'approche de toi. En d'autres circonstances, t'aurais sans doute fait un pas en arrière. Tu connais bien ton amie et quand elle s'approche de toi, c'est toujours pour t’asséner un coup. Mais cette fois tu es certain de ne pas craindre un beau bleu sur le bras. Et elle te le confirme en te prenant dans ses bras. Tu lâches la main de ta mère, qui, contrairement à ce qui aurait pu se passer, ne laisse pas sa main tomber mais la remet bien contre elle, avec douceur. Sans doute les effets de la morphine se dissipent-ils. « Je ne te force pas, mais si tu en as envie, c'est volontiers. » Après un trop long échange, qui aurait mis mal à l'aise n'importe qui connaissant Sierra, et probablement Sierra la première, vous vous écartez, alors qu'elle vient de te tapoter le dos : elle est plus que mal à l'aise.  « Maggie Patterson. Griffin, c'est le nom de ma tante. » Tu étais sûre qu'elle avait compris, parce qu'elle savait que ta tante, c'était la soeur de Maggie. Ta tante s'était mariée, Griffin c'était son nom d'épouse. « Magda » soufflais-tu. Ta mère n'aimait pas son prénom et ne donnait que son diminutif, sauf aux gens qu'elle connaissait et appréciait. Tu esquisse un nouveau sourire. « Je n'avais pas vu ça comme ça, mais désormais, votre ressemblance me frappe. » Sur son lit, elle bougea les yeux et fit un sourire qui se transforma rapidement en grimace. Elle reprenait peu à peu ses esprits. « Par contre, je pense qu'on repassera plus tard... quand elle émerge, c'est jamais très beau à voir. » Même pour toi, et tu préfères ne pas l'infliger à Sierra. Enfin, si tant est qu'elle n'a pas la folie masochiste de vouloir regarder. Parce que toi pas.