Ryan | In a good book the best is between the lines. (roulette)

J'ai besoin de prendre l'air. Depuis plus de deux semaines, j'erre sans but chez Phoebe et là, j'ai besoin de sortir. Surtout lorsque j'ai compris que la colocataire de ma sauveuse était la femme que j'avais surpris au lit avec ma femme. Mon ex femme enfin la future ex femme. Et que c'est après que je les ai vu que Paloma a commencé à être virulente, à m'enfermer à la maison jusqu'à ce fameux soir il y'a 20 jours. Non vraiment, j'ai besoin de sortir de là. Un jean, un pull trop large en mailles noir avec une écharpe derrière laquelle je veux me cacher. Je sais que cette histoire a fait la une de la presse, la mère lesbienne qui tue l'enfant de sa femme. Autant dire que les détracteurs s'en étaient donné à coeur joie. Que les couples gays ne devaient pas avoir d'enfants et tout le bordel qu'on pouvait entendre à ce sujet. J'ai évidemment évité tout ça, j'ai du engueulé les journalistes qui sont venus à l'hôpital et ceux qui cherchent à me joindre depuis. Je n'ai aucune envie de parler de ça et j'espère juste que ça va se tasser. Je ne sais pas ce qui a pu être écrit, si y'a eu des photos ou quoique ce soit mais je ne suis pas prête à affronter la presse ou des questions à la con de la part de badauds de la ville. Voilà pourquoi je m'efface derrière mon écharpe. Il ne fait pas très froid pourtant, et y'avait même un beau soleil lorsque je suis sortie. Enfin, y'a dix minutes. Parce que là, le ciel se couvre, le soleil se disparaît et je sens même quelques gouttes tomber sur le haut de mon crâne. Et ça s'intensifie, jusqu'à ce que je sois complètement trempée en même pas 5 minutes. Je cherche un refuge lorsque je vois que ça ne va clairement pas se calmer. Et la première chose que j'ai dans mon champ de vision, c'est une librairie. Ni une ni deux je m'engouffre dans la petite boutique pour échapper au déluge qui fait rage dehors. " Putain c'est pas vrai. " Je peste en voyant l'état dans lequel je suis. Non vraiment je dois faire peine à voir. " T'es vraiment pathétique ma pauvre Clélie. " C'est tout moi ça, je m'engueule à haute voix. Sans prêter attention aux personnes qui m'entourent, comme cet homme qui semble être dans le même état que moi. " Je vois que je ne suis pas la seule à avoir été surprise. " Léger sourire ou plutôt rictus qui prend place sur mes lèvres. On a l'air fin comme ça.

C'était encore une journée comme les autres. Encore une où Ryan se mettait à tourner comme un lion en cage, encore une où il se rendait fou à force de ne pas réussir à reprendre un rythme de vie normal. Il s'ennuyait, avait envie de partir, d'avoir la sensation d'être normal. Il s'était brûlé avec son café, ce matin. Une brûlure qui avait laissé une trace rouge sur sa peau. Ça l'avait bousculé plus que de raison parce qu'il n'avait rien senti. Comme si cette blessure n'était rien. Cela lui avait fait réaliser à quel point il était devenu un danger pour lui-même. Au final, c'était encore une de ces journées où il pensait sincèrement que la mort aurait été préférable. C'était une triste vie que la sienne. Le plus dur restait qu'en fait, il n'arrivait pas à se résoudre à en parler. Au prix d'un coup de colère il avait réussi à annuler définitivement toutes ses séances chez le psy. Personne ne le savait ça, de toute manière c'était une décision qui lui revenait de plein droit. Mais peut-être que ouais, au fond, c'était une erreur. Peut-être qu'il avait besoin d'aide. Il ne supportait juste pas que quiconque lui dise qu'on le comprend, qu'on comptait. Ça ne l'aidait pas, ça ne faisait que le mettre hors de lui. Dans l'accident, il avait perdu toutes ses capacités d'expression il fallait croire.
Il avait fini par partir en ville, retourner déambuler dans cette ville qu'il commençait à reconnaître. Un décor bien maigre comparé à ses besoins de liberté. C'était toujours dur de marcher, de regarder les visages et de se dire que si cela se trouvait, il les connaissait. Peut-être que des inconnus connaissaient Ryan, que ces magasins étaient ses préférés avant. Il n'avait pas envie d'être à Island Bay, quand bien même il y était né. Ces pensées sombres finissaient par se déceler sur son attitude. Il suffisait de voir la façon qu'il avait de marcher, yeux rivés sur le sol pour ne pas trop voir ce qui l'entourait. Ça expliquait qu'il n'ait pas vu le ciel se noircir, les nuages devenir menaçant. En l'espace d'une seconde, ce fut le déluge. Ça le sortit un peu de sa torpeur, le poussa à entrer dans la première boutique venue. Une librairie, soit. Il secoua la tête, passa une main dans ses cheveux pour enlever les gouttes qui étaient définitivement venues le doucher. Son attention dévia néanmoins vers la jeune femme qui était entrée en même temps que lui. Et il fut frappé ouais, par la violence de ses mots. Il avait entendu, malgré le ton bas. Elle le remarque aussi, lui sourit. Il a du mal à le lui rendre, alors il hausse juste les épaules. « Non, vous n'êtes pas la seule. Mais moi, je ne me dénigre pas pour ne pas avoir regardé la météo ce matin. »  Il ne sait pas trop quoi dire. Peut-être qu'il aurait dû être un peu plus subtil, aussi. « C'est pas si grave. Il y a pire qu'une librairie. » Les bouquins et magazines n'étaient pas menaçants après tout. Ils ne s'étaient pas réfugiés dans un bar douteux par exemple.

J'aime la pluie. En général. Lorsque je suis chez moi, roulée dans un plaid avec un chocolat chaud en regardant des films à la télévision. Oui, là j'aime la pluie. Sauf que je n'ai plus de chez moi. Ma maison est scellée, enrubannée de jaune, de rubalises floquée pour signifier que c'est interdit d'y pénétrer. Je n'ai pas vraiment envie d'y retourner de toute façon. Revoir cette pièce, celle dans laquelle ma fille perdu le dernier souffle de vie qui lui restait. Cette chambre que j'ai partagé avec Paloma, qui a accueilli nos étreintes et celles qu'elle a eu avec ces salopes de passage. Cette cuisine dans laquelle je préparais à manger pour Mia et cette salle de bain qui fut emplie de ses rires lorsque je la douchais. Non, je ne pense pas être capable un jour de rentrer chez moi. Alors c'est peut être mieux que je n'y ai plus accès. L'eau froide ruisselle sur mes joues alors que je me réfugie dans cette librairie. Elle est belle même si je n'y prête pas vraiment attention. A quoi bon. La beauté des choses, c'est surfait non ? Ca n'a plus vraiment d'importance pour moi. Mais je ne suis pas seule. Il est là lui. Cet homme que je ne connais pas. Il ne se dénigre pas qu'il me dit. Je hausse un sourcil. Oui je m'attaque moi même. Oui je sais que je suis pathétique. Et en effet, j'aurai pu regarder la météo. Mais cette idée ne m'a même pas frappé l'esprit. La météo... Depuis quand je ne l'ai pas regardé ? Je ne sais même plus. J'ai l'impression que c'est loin tout ça. Ce temps ou je regardais le temps qu'il ferait pour savoir si je pouvais emmener Mia au parc. Oui, c'est loin, ça me paraît être une éternité même. Pourtant ça ne fait que quelques semaines. Presque trois. " En effet il y a pire. " Je suis d'accord avec lui et j'ose enfin lever les yeux sur cette petite boutique. " Même si je ne pense pas que le propriétaire apprécierait qu'on mouille ses ouvrages. " Cela va de soi. " Ca n'a pas l'air d'être prêt à se calmer. On risque de rester coincé ici. Enfin moi du moins, je n'ai pas vraiment envie de retourner là dessous. " Je ne sais pas pourquoi je lui raconte tout ça. Il s'en fout probablement. Mais s'il s'est réfugié par ici, c'est qu'il ne souhaite pas finir trempé jusqu'aux os également. " Clélie. " Mon prénom est jeté comme ça. Un peu à l'arrache, je me présente. Cela n'a pas forcément d'importance vu la situation actuelle. Ou peut être que si. Au moins il n'a pas l'air de m'avoir reconnu. Sinon j'aurai déjà eu droit à une foule de questions. C'est mieux ainsi.

Ryan ne peut pas s'empêcher de fixer l'inconnue, d'observer le sourire qu'elle tente d'afficher. Cela sonne effroyablement faux. Il ne sait pas l'expliquer, mais juste sa réaction face à la pluie... Comme si elle était dépassée par les événements autour d'elle. Comme si elle était dans un de ces jours où rien ne fonctionne comme il le faudrait et que plutôt que de respirer, on a juste envie de hurler. Il n'osera pas demander, pour autant. Depuis son réveil, chaque personne à qui il parlait était une rencontre. Il aurait dû prendre l'habitude et malgré tout... Il se trouvait toujours un peu maladroit. « On est trempé mais on ne ressemble pas encore à des éponges humaines. Je pense que les ouvrages survivront. » Ce n'était pas comme s'ils allaient aller s'essuyer avec. Et pour être honnête, Ryan préférait tuer le temps à discuter plutôt qu'aller se trouver un nouveau roman. Il ne lisait quasiment pas. Il n'avait pas l'esprit assez tranquille pour se poser des heures sur des bouts de papier. Ceci dit, la blonde avait raison. Vu les nuages noirs, ce n'était pas juste une averse. Il y en aurait bien pour au moins un bon quart d'heure avant que le rythme infernal se calme un peu. « Je suppose que e n'ai aucun endroit où aller qui m'impose une douche d'extérieur à cette heure-ci, alors... On est dans le même bateau. » De toute façon, si cela se trouvait, ils repartiraient chacun de leur côté pour ne plus jamais se recroiser alors ce n'était pas si grave ce qu'ils pouvaient bien se raconter. Elle se présenta et il retint un sourire accompagné d'un 'je sais', pour l'avoir entendue se parler à elle-même quelques minutes plus tôt. « Ryan, enchanté. » Il l'était.
Plutôt que de rester dans l'entrée, il s'essuya les pieds sur le paillasson et s'aventura un peu plus loin dans la boutique où les magazines et fournitures de bureau décoraient les murs. Les livres étaient plus loin. « Par contre, je dois bien admettre que ce n'est pas le meilleur endroit du monde où atterrir en cas d'averse. On a vite fait le tour. » Et il n'y avait pas la possibilité de prendre une boisson chaude. Il regrettait de ne pas s'être baladé au bon endroit de la ville, où il aurait pu opter pour un bon salon de thé. « Tu es du genre lectrice assidue, toi ? » Il s'essaya à la discussion en se plantant devant le mur de magazines, des journaux aux revues féminines, de tuning, pour enfants. Rien sur l'animation, dommage pour lui.

Spoiler:

C’est plaisant qu’il ne prenne pas de pincettes avec moi. Enfin, il me répond comme à n’importe qui. Sans prendre en compte mes états d’âmes, et mon mal être. Et que les livres ne pâtiront pas notre entrée dans la boutique. ” T’as raison oui. Il fera moins froid au moins. “ Le temps est menaçant et ça ne se calmera pas de sitôt. Il le constate de lui même. Et comme moi, il n’a pas envie d’affronter les éléments. ” Superbe arche de Noé n’est ce pas ? “ Je tente de dédramatiser et c’est peut être le premier vrai sourire que je m’autorise depuis des semaines. Ca fait bizarre, ça fait presque mal. Mon visage n’est plus habitué à ce geste. Puis je me présente. C’est ce qu’on fait dans ce genre de moment non ? Les banalités sont passées et une conversation certainement plus poussée va prendre place. C’est plus sympa si l’on connaît le prénom de son interlocuteur. Plus facile aussi. Et moins antipersonnel. ” Enchantée également Ryan. “ Et bien, deuxième sourire en à peine cinq minutes, qu’est ce qu’il se passe ? En fait si, je sais. C’est reposant de sortir de ma routine. J’ai toujours mal, c’est certain. Mais pour le moment, je peux m’accorder un moment de répit. Et me concentrer sur ce type que je ne connais pas, sur cette librairie que je n’ai jamais vue et sur cette pluie qui ne semble pas s’arrêter. Il entre, je le suis après avoir moi même essuyé mes pieds. Mes vêtements sont humides mais ça ira, il ne fait pas très froid fort heureusement. Je ramasse juste mes cheveux et les plaquent bien pour que l’eau ne ruisselle pas partout. J’observe les livres, les magazines et il y en a pour tous ou presque. Enfin, je pense que chacun peut y trouver son compte mais je n’ai pas le temps de tout voir. C’est bien rangé. C’est déjà ça. ” Oui c’est sur. “ En effet, en quelques minutes on a fait le tour. Il me demande si je suis une lectrice assidue. Je relève le regard vers lui. ” Hum pas vraiment. Enfin je lis un peu de tout mais je ne suis pas du genre à connaître tous les classiques. Je crois que je ne sais même pas ce que sont les classiques. “ Non c’est vrai que ce n’est pas mon style. Dernièrement, je lisais plutôt des livres pour enfant. Mais ce n’est pas le moment de penser à ça. ” Et toi alors ? Tu n’as pas l’air emballé par ce que tu vois. “ Je n’ai pas une culture super développée. Et puis mes cahiers à l’école me servaient plus de support pour mes petits dessins qu’autre chose. Je crois que j’ai encore mon livre de maths dans lequel j’avais fait une petite animation avec une pomme qui se fait croquer. Il suffit de laisser glisser les pages pour voir apparaître la petite animation. Oui, il doit être dans un carton quelque part. ” Ca aurait été plus facile dans un bar ou un café, j'aurai pu t'offrir un verre. Là je me vois mal t'offrir un magazine. “ Non, c'est sur qu'ici c'est plus compliqué.

Ils n'ont pas fière allure, tous les deux trempés jusqu'aux os. Une arche de Noé qui fait un peu peine à voir, qu'on se le dise. « ça manque encore un peu de diversité, on n'a plus qu'à voir si on a été les seuls pigeons pris au piège. » Il lance un sourire. Ce n'est pas si dramatique, non. Le seul problème est qu'ils sont partis pour être bloqués au moins un bon quart d'heure le temps que l'averse se calme, alors Ryan a le réflexe d'entrer, faire un peu le tour du propriétaire, laisser son regard se promener sur les ouvrages et magazines en vente. S'il avait été seul, il aurait pioché un magazine et serait allé se cacher dans un coin de la boutique pour le feuilleter. L'aurait probablement acheté en fait, juste pour se donner bonne conscience. Mais avec une jeune femme à côté, il n'allait pas jouer le sauvage. Il ne leur rester plus qu'à trouver ce que des personnes normales faisaient, coincées dans une librairie. Surtout quand l'une des deux ne lisait pas plus que ça, vraisemblablement. Ou alors, que ce que bon lui semblait. « Tu sais, les classiques, c'est comme les films d'auteur. On te vend une merveille, et tu arrives à la fin avec une précise idée de ce qu'est l'ennui. Et générer l'ennui en s'occupant, c'est quand même un exploit. » Il ne connaissait pas non plus les classiques, du moins, dans sa mémoire actuelle. Mais il avait tenté de prendre quelques jours plus tôt un livre dans la bibliothèque, Les Hauts de Hurlevent, et... oui. Il s'était emmerdé, aussi vulgairement que ça. « Disons que la lecture n'est pas en haut de ma liste d'occupations alors... ça aurait pu être mieux. » Il pouffe. La situation est ridicule mais ça soulage, à vrai dire. Ces rencontres inattendues qui font sourire, qui restent comme un bon souvenir à défaut de devenir des relations à entretenir en permanence. « Offrir un magazine, c'est conceptuel remarque. Mais... tant qu'à être trempés, et si on ressortait ? On court jusqu'au café le plus proche, et puisque j'ai eu l'idée, c'est moi qui paye le café ? » Ils n'étaient qu'à quelques mètres du plus proche bar après tout. « Sans arrière pensée, vraiment. » Il pourrait rajouter qu'il est marié, sauf que même lui ne le voit pas ainsi. Il ne devrait pas justifier son envie d'une boisson chaude.