Encore toi ! feat aoline

La soirée avait encore été longue. Il était tôt lorsque j'ai quitté l'appartement d'un ami à central bay. J'avais encore la tête dans le cul après une soirée de poker, soirée qui mélange bière et jeux, tout ce que j'aime. J'ai l'impression de ne faire que ça depuis six-mois. Je suis forcé de marcher ou de prendre les transports en commun, ma voiture ayant été accidentée par ma faute au passage. Marcher me faisait du bien, ça me permettrait de retrouver un peu mes idées. Je n'aurais pas du jouer ce soir. Je le sais bien, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux pas dire non quand on me propose de jouer. Je suis devenu tellement accroc, on me dit souvent que je devrais me faire soigner et je déteste ce terme, pourtant j'ai accepté d'aller à des réunions de soutiens d'addicts de toute sorte pour faire plaisir à l'officier Whopper et je commence à me demander si ce n'est pas une bêtise de ma part, au moins cette fois il ne pas arrêté. C'est aussi pour ça que j'ai accepté d'aller à ces réunions. J'aurais préféré que se soit différent que je n'ai pas à devoir me rendre à ces idioties. Je n'y vois aucun intérêts et j'en sors toujours de mauvaise humeur, rien que d'y penser ça me met les nerfs.

Je marche et entre dans un coffe-shop. J'ai besoin de mon café du matin et de ma clope que je prendrais en sortant. C'est mon remède des longues soirées, une clope et un café pour me remettre d’aplomb avant de retourner dormir, c'est l'avantage d'être en arrêt de travail prolongé. Le patron m'a finalement donné plus de temps pour me remettre. Je lui en suis reconnaissant, je ne me sens pas prêt à retourner bosser. Je marche et regarde les gens autour de moi, tous on l'air d'être pris par leur vie et de savoir quoi faire. J'aimerais faire parti de ces gens-là mais ce n'est pas le cas. Je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie et je n'ai pas envie d'y penser. Je sors de la boutique et je continue de marcher et fini par reconnaître une personne que j'ai croisé déjà plusieurs fois parce qu'elle participe aux même réunions que moi. Merde … je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie de me planquer. Je n'aime pas qu'on soit au courant de mes problèmes et même si je n'en ai pas parlé énormément pendant les réunions elle sait que je joue aux jeux, c'est tout ce que j'ai eu envie de dire. J'aurais bien fait demi-tour mais c'est trop tard, je pense que je suis repéré. Dommage que je ne puisse pas faire l'autruche et planquer ma tête dans le sable, enfin là ça aurait été compliqué.

«Tu as une vie en dehors des réunions wouah, je n'aurais jamais cru ça, Appoline c'est ça?… »

Je ne sais même pas pourquoi j'ai dis ça. Le coup de la panique et de mon habitude à être sarcastique et méprisant sans doute. Je bois une gorgée de mon café et m’efforce de garder mon sang-froid, de paraître tout à fait normal. J'ai fais exprès de mon tromper sur son nom, je sais comment elle s'appelle, mais j'aime bien emmerder les gens sur leur nom, comme pour Flynn.

Aoline referma son ordinateur. Ses parents lui demandaient toujours comment elle allait. Ils ignoraient autant l'un que l'autre où elle se trouvait. La brunette s'était d'ailleurs toujours demandée pourquoi ils n'avaient pas poussé leurs recherches. N'importe quel idiot aurait eu la présence d'esprit ne serait-ce que de remonter l'adresse IP. Pourtant, non. Cela étant, elle bénissait leur ignorance sur le sujet. Malgré leurs mails incessants, elle était relativement tranquille. Elle jeta un coup d’œil à sa montre : neuf et quart. Maintenant qu’elle était réveillée, elle ne voyait aucun intérêt à repartir se coucher. Elle soupira et se leva. Elle fila dans la salle de bain et se regarda dans le miroir. L’hématome sur sa joue guérissait bien mais trop lentement à son goût, l’obligeant à le camoufler avec du maquillage. Quant aux bleus sur ses bras et son abdomen, ils n’étaient guère mieux. Heureusement pour elle, c’était beaucoup moins douloureux qu’avant. Elle se doucha et entreprit une fois encore de cacher tout cela. Elle s’habilla et descendit. Elle eut la surprise de trouver sa meilleure amie attablée dans la cuisine. Elle vint lui planter un baiser sur la joue « Bonjour toi. Qu’est-ce que tu fais debout si tôt ? » D’ordinaire, c’était Aoline qui se levait la première. La blondinette haussa les épaules en souriant « J’avais envie … » Julina marqua une pause « T’as mis du fond de teint ? Toi ? » La française leva la tête, bien décidée à garder son agression pour elle. Elle n’était pas prête « Oui je fais des essais. Bon je file, j’ai quelques courses à faire » Tant pis, elle prendrait un café en centre-ville.

Lorsqu’elle arriva sur place, la ville s’éveillait tout juste. Il était encore trop tôt mais elle reconnut quelques habitués. Ses cours étaient enfin terminés et elle attendait avec impatience les résultats. Elle se dirigea vers le coffee shop et reconnut au loin une tête familière. Jackson faisait partie d’un de ses groupe de parole et Aoline l’y avait vu plus d’une fois. Peu loquace, tout ce qu’elle savait sur lui était son addiction aux jeux et le fait qu’il soit borné. Arrivée à sa hauteur, elle fut accueillie par son sarcasme habituel. La brunette leva les yeux ciel, mécanisme de défense qu’elle connaissait par cœur, étant elle-même une adepte. Elle décida de jouer le jeu « Et oui qui l’eut cru ? » elle marqua une pause. Il avait une mine affreuse, la tête de celui qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit « Aoline c’est plus joli. Et toi c’est Jason nan ? » Certes ce n'était pas très malin mais la brunette n'était pas non plus du genre à se laisser marcher sur les pieds.

J'ai souris lorsqu'elle a fait la même chose pour mon nom. Elle l'a écorché, mais je trouve ça plutôt amusant qu'elle entre dans le même jeu que moi. J'aime les femmes qui entrent dans mon jeu et qui ont du répondant, comme elle a l'air d'en avoir, je sens que ça risque d'être amusant. J'ai laissé échappé un petit sourire avant de lui dire:

«Ouai à peu de chose près. Jackson, mais mes amis m'appellent Jack.»

J'ai toujours aimé me la péter face aux femmes, leur faire comprendre que j'ai beaucoup d'amis, que je suis riche ou que j'ai la voiture de James Bond. C'est sans doute la chose la plus ridicule que je fais. J'essaie juste d'attirer l'attention. Parfois ça marche, parfois pas. J'ai bu une gorgée de mon café. Je ne m'attendais vraiment pas à croiser quelqu'un de mes réunions. C'est un peu gênant. C'est également ridicule parce que tout le monde sait que j'ai des problèmes d'addiction aux jeux d'argent, mais là c'est une inconnue et généralement je m'arrange pour qu'elles ne connaissent pas mes vices. Je fini donc par dire:

« C'est un peu bizarre non? De se retrouver là ...»

Je parle autant des réunions que d'être ici face à elle. Je n'aurais jamais imaginé qu'il y avait autant de monde qui avaient des problèmes. Je pense que j'étais bien trop égoïste pour me rendre compte que les autres aussi étaient là et que je ne suis pas seul.

«Je ne t'imaginais pas être matinale.»

Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ça. C'était un peu vache compte tenu de ce que je connais de ces problèmes, à croire que le naturel reviens au galop. J'ai toujours besoin d'être vache à un moment ou un autre. J'ai beau essayer de ne pas l'être ça fini toujours par prendre le dessus. J'ai tellement joué la comédie si souvent que je suis devenu cette personne là. Ce n'était sensé être qu'être masque pour plaire aux autres, c'est devenu ma réalité.

Aoline avait réussi à éviter les questions de sa meilleure amie. Elle n’était pas particulièrement fière de lui mentir – enfin d’omettre la vérité plutôt – mais elle n’avait pas envie pour le moment. Elle avait réussi à surmonter ça seule, sans craquer. Elle sentait qu’elle était au bord, elle avait probablement besoin de se lâcher et en parler le lui permettrait certainement. *Pas maintenant* songea-t-elle. La brunette se dirigea vers le café, qu’elle n’avait eu le temps de prendre après être partie comme une voleuse pour éviter Julina et tomba nez à nez avec Jackson. Elle avait rencontré le jeune homme à une des réunions auxquelles elle se rendait. Il n’était pas particulièrement loquace et elle savait qu’il avait tendance à se cacher derrière le sarcasme. Elle faisait la même chose. C’était souvent plus simple. Ils se « saluèrent » et une gêne s’installa. Il ne semblait pas à l’aise et elle pouvait parfaitement le comprendre. Le seul endroit où il s’était vu, était aux réunions. Et lorsqu’on sortait et qu’on croisait certaines personnes, on avait la désagréable sensation d’avoir écrit en gros « ex-toxico » sur le front. Aoline le regarda « Me lever tôt me permet de garder un rythme et donc un mode de vie relativement sain. » La brunette leva un doigt pour lui signifier qu’elle revenait. Elle eut tout juste le temps de voir le froncement de sourcil de Jackson. Incompréhension ou désapprobation ? Elle fila acheter son café, enfin son chocolat, c’était ce dont elle avait envie sur le moment, de quoi grignoter un peu et ressortit. Le jeune homme était toujours à la même place. La française lui sourit, prit son bras et les dirigea vers un banc sur lequel ils s’installèrent. Elle voulait surtout le mettre en confiance, ce qui était assez ironique venant d’elle.

La ville commençait à s’éveiller, les habitués venant chercher leur café ou leur journal. Jackson tirait une tête, se demandant certainement quelle mouche l’avait piqué. Elle savait que pendant les réunions, il se faisait tout petit et ne parlait que très peu. Alors peut-être qu’en dehors, ce serait différent. La brunette prit quelques secondes pour le détailler : il semblait vraiment fatigué et elle décida de rebondir une fois de plus sur sa dernière remarque « Toi aussi tu es bien matinal, t’as l’air crevé » Ce n’était pas très subtil mais s’il y a bien une chose qu’elle avait appris durant ces réunions c’est qu’il était important d’avouer, et de dire soit même que l’on avait un problème. Jackson devrait donc faire cet effort.

Aoline tendait des perches à Jackson et elle espérait qu'il les saisirait. Il arborait une mine fatiguée, lunettes de soleil juchées sur le nez. Elle savait qu'elle n'avait pas été très subtile mais elle s'en fichait pas mal. Il était important que le jeune homme mette des mots sur ses problèmes et pour le moment, il avait réussi à ne pas trop en parler. Très discret aux réunions, généralement il se présentait pendant le tour de « table », et se taisait le reste du temps. Il lui précisa que cette fatigue était dûe à un emploi du temps chargé. La brunette fronça les sourcils : elle n'était pas dupe. Combien de fois l'avait-elle sortie cette excuse ? Cela fonctionnait certainement avec les autres, mais pas avec elle. Elle préféra ne pas réagir de suite et laissa couler. Elle trouverait un autre moyen de le faire parler. Elle se doutait qu'il n'avait pas dormi chez elle et qu'il venait de prendre son café avant de finalement rentrer. Elle ne comptait plus le nombre de fois où ça lui était arrivé avant sa désintox. Probablement impatient de changer de sujet, il lui demanda si elle habitait dans le coin. La brunette prit une gorgée de son chocolat et secoua la tête en signe de négation « Non du tout. Je vis avec ma meilleure amie à South Bay. » Julina avait choisit l'emplacement mais Aoline avait craqué sur leur maison à la seconde où elle l'avait vu. La brunette ne s'imaginait pas vivre ailleurs aujourd'hui. C'était éloigné du centre-ville, sans trop l'être. C'était un quartier assez calme et reposant, tout ce dont elle avait besoin.

Elle prit quelques secondes et décida de revenir à la charge. Peut-être serait-elle en mesure de le prendre à son propre jeu ? « Du coup, tu travailles sur quoi en ce moment ? Ca doit être assez important et exténuant avec la tête que t'as » Elle lâcha sur un ton légèrement ironique. Il était tout à fait possible qu'il ait travaillé jusqu'à pas d'heures, mais elle écoutait son instinct qui lui disait tout le contraire. Elle ignorait jusqu'où elle irait pour le pousser à parler mais il était primordial qu'il le fasse. Si ce n'était pas durant les réunions, ce serait avec elle. Si ce n'était pas avec elle, ce serait avec quelqu'un d'autre mais il devrait le faire. Sinon, il finirait par exploser.

J'ai menti , ça fait partie de ma nature. C'est presque inquiétant de voir que je peux sortir n'importe quoi si rapidement. J'ai de l'expérience en mensonges il paraît. Elle se doute peut-être que je mens à voir son regard. Je m'en fiche. Je n'ai pas tellement parlé de moi durant ces réunions , je ne vois ps pourquoi je le ferais maintenant. Je n'ai jamais été un confident et je ne le serais jamais. Elle me dit qu'elle n'habite pas là, dommage. Elle n'est pas si désagréable à regarder, bien au contraire. C'est tout à fait le genre de fille que j'apprécie. Elle m'apprend qu'elle vie à South Bay, c'est étrange je ne l'ai jamais vu là-bas. J'y ai une maison sur la plage, l'une des plus grande évidement.

« Je ne t'ai jamais vu là-bas, pourtant j'y vis depuis des années, enfin moins maintenant, mais je garde la maison. J'y fais des soirées là-bas.»

Je me rends compte de ce que je viens de dire. Je me suis vendu tout seul je crois. J'ai serré les dents et j'ai levé les yeux au ciel. Je suis vraiment un nul. Ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé hier cela dit, hier la fête ailleurs. Elle me pose à nouveau des questions sur moi, sur quoi je travail. J'ai répondu aussitôt :

« Sur une nouvelle émission. Je suis reporter.»

C'est sorti si vite que je n'ai pas eu à réfléchir. Je ne sais même pas pourquoi je continue de lui mentir. Elle sait déjà que je suis reporter je l'ai dis à la première réunion, le mensonge c'est que je ne travail plus depuis des mois. Je suis en année sabbatique forcée. Je n'ai pas eu tellement le choix pour le coup, mon patron me l'a imposé voyant que je n'étais pas en état de retravailler. J'ai beau aller faire un tour au journal souvent je n'essaie même pas de le convaincre de me reprendre tout suite. Je préfère me laisser aller et subir tout ça et donc je préfère être un gros menteur. Je n'ai pas envie de parler de tout ça de toute manière. Si j'en avais eu envie je l'aurais fait pendant les réunions. Je fini par lui demander d'un ton un peu sec:

« C'est bon c'est fini l'interrogatoire, ou tu veux savoir autre chose?»

Autant qu'elle sache que je ne suis pas disposé à parler plus. C'est à ses risques et périls.

Jackson et elle échangèrent quelques banalités, et parlèrent de tout et de rien, évitant soigneusement les sujets qui fâchent. Aoline préféra ne rien dire pour le moment et aborderait de nouveau tout cela un peu plus tard. Elle indiqua où elle vivait, et ce dernier sembla surpris. Lui aussi avait une maison là-bas, mais ne l'avait jamais vu. Et réciproquement. Certes, Aoline ne connaissait pas ses voisins par cœur, pour autant, elle était certaine de tous les avoir croisés au moins une fois. Un mot la fit tilter : soirées. Donc, elle ne s'était pas trompée pour le moment. Elle prétendit pourtant le contraire et resta attentive à la suite. Tentant de le piéger à son propre jeu, elle le lança sur le sujet de son boulot, ou tout du moins, sur la raison pour laquelle il avait une sale tête. Il lui confia qu'il travaillait sur une nouvelle émission, et qu'il était reporter, chose qu'elle savait déjà. Apparemment, la curiosité d'Aoline ne plaisait pas beaucoup à Jackson, si bien qu'il lui demanda sur un ton sec si elle avait terminé. Elle haussa les épaules « Ca dépend, t'arrêtes de me mentir ou pas ? » lui dit-elle innocemment. Elle se tourna vers lui, un sourire sur le visage. Sa réaction allait probablement le faire péter un plomb. Mais elle s'en fichait pas mal à vrai dire.

Elle termina son chocolat d'une traite avant de s'attaquer à son muffin. Aoline se demandait combien de temps encore Jackson pourrait tenir son histoire. Bien entendu, elle le mettait devant le fait accompli. Elle savait pertinemment qu'il lui mentait et même si au début elle avait joué dans son sens, il était temps d'arrêter. « Les lunettes de soleil avec le temps qui fait c'est sympa, enfin c'est surtout utile pour cacher tes cernes, parce que tu n'as pas dormi de la nuit. Elle était cool ? Ta soirée. Ca valait le coup ? » La brunette n'étant pas du genre à se laisser marcher sur les pieds décida qu'il était temps de le bousculer un peu. Elle savait que ça pouvait déraper, mais ce n'était pas son inquiétude pour le moment. « T'as joué combien ? Enfin c'était uniquement des jetons ou tu as parié ? » Rentrer dans le vif ou mettre les pieds dans le plat ? Aoline n'arrivait pas encore à savoir mais quelque chose lui disait que ça ne tarderait pas.

C'est vraiment bizarre de me retrouver face à Aoline en dehors des réunions. Je n'avais jamais imaginé que ça puisse arriver, pourtant ça pourrait encore se produire et pas seulement avec elle. Les gens que l'on croise en réunions font partis de cette ville. J'aurais du m'y préparer, mais je ne pensais pas vraiment à ça. Je vais à ces réunions simplement pour faire plaisir à Lachlan, pas parce qu'elles m'apportent quelque chose, pas encore du moins. Je ne m'ouvre pas assez pour que ça puisse me faire du bien. Je n'en vois pas encore l'intérêt. C'est encore trop tôt de parler. Je lui avais demandé où elle habitait et j'ai été surpris d'apprendre qu'elle habitait south bay. J'ai laissé échapper que j'y faisais surtout des soirées. J'ai serré les dents à ma bêtise. Elle commence à m'agacer et en plus elle voit juste. J'ai levé les yeux au ciel derrière mes lunettes de soleil. Elle a deviné que je lui mentais, en même temps ce n'est pas si difficile à croire, je ne fais pas tellement d'efforts pour mieux cacher mon jeu. Je ne suis pas d'humeur. Je soupire et fini par lui lâcher:

« Qu'est-ce que ça peut te faire? Tu n'es pas ma mère et de toute manière je ne sais pas tellement ce que c'est je n'en ai jamais eu. Qu'est-ce que tu va faire si je te répond oui j'ai joué, oui j'ai perdu, combien? Beaucoup comme toujours parce que je n'arrive pas à grand chose depuis des mois. Tu es contente comme ça?»

Je la déteste et je me déteste de lui avoir dévoiler tout ça. Je ne sais pas ce qui me prend. C'est sorti tout seul comme un boulet de canon. Je crois que je suis en colère. Il paraît que c'est l'une des étapes après la disparition de quelqu'un qu'on aime. C'est mon psychologue qui m'a dis ça. J'ai arrêté de croire que ça n'était pas arrivé, mais je n'arrive pas encore à accepter la mort de mon meilleur ami, de mon ex-petit ami comment est-ce que je pourrais l'accepter alors que je m'en sens responsable? Comment est-ce que je pourrais reprendre une vie normal après tout ça?

«Et toi alors pourquoi te sens tu obligé de parler et de me demander tout ça? Je ne vois pas en quoi ça nous aide … »

J'imagine qu'elle ne va pas s'arrêter là, ce serait trop beau pour être vrai et j'ai l'impression qu'elle est de nature curieuse, tout ça risque de ne pas être simple. Je bois une gorgée de mon café en attendant sa réponse. Je voudrais que tout ça se termine et que je puisse rentrer, la fatigue ne m'aide pas à garder ma colère en moi.

Aoline l'avait réellement poussé dans ses retranchements et comme elle s'y attendait, Jackson n'avait pas tardé à lui dire le reste. Mais le plus important à retenir dans tout cela c'était qu'il avait fini par se confier. Enfin. Il avait parlé. A voir sa tête, ce n'était pas du tout prévu. Le premier pas était fait. Pour autant, la brunette ne comptait pas en rester là. Il lui avait affirmé qu'il avait joué et perdu beaucoup hier soir mais que c'était constant dernièrement. Cependant, elle n'aurait jamais deviné qu'il lui confierait quelque chose d'aussi personnel : il n'avait pas eu de mère. Aoline préféra ne par réagir et se confondre en excuses. Jackson détesterait certainement et l'aurait pris pour de la pitié. Ce n'était pas le but. Finalement, il s'enquit de ses motivations. Pourquoi insistait-elle autant ? Pourquoi était-ce si important pour elle ? Il était parfaitement en droit de se poser ces questions. « Parce que comme ça que ça marche. Tu es obligé de passer par cette étape. Parler, te confier. Je te propose, non pardon, je te pousse à le faire aujourd'hui avec moi, mais cela pourrait être avec quelqu'un d'autre. » La rue devenait trop passante et Aoline n'aimait pas ça. Elle connaissait un meilleur endroit pour discuter sans que l'on ne vienne les importuner. Elle était tombée par hasard en se baladant et elle y venait pour réfléchir et se vider la tête. Elle n'y croisait jamais personne même si elle se doutait que les habitants devaient le connaitre. «  Si tu me suis, je t'expliquerai en détail pourquoi ça m'intéresse autant »

Aoline ignorait totalement si Jackson la suivrait. A sa tête, il n'attendait qu'une chose : un échappatoire. Une raison pour s'en aller et encore elle n'était pas certaine qu'il se donne la peine de trouver une excuse. Il pouvait tout aussi bien faire demi-tour et la planter là, comme une idiote au milieu de la rue. Mais ce serait dommage. Il avait fait le premier pas, le plus difficile : parler, ne serait-ce qu'une fois. Certes, les bénéfices n'étaient pas visibles à la seconde près mais elle savait qu'il s'en rendrait compte. Elle se revoyait quelques mois plus tôt, bornée et épuisée après son sevrage. Elle avait refusé de parler pendant plusieurs semaines et même lorsqu'elle s'était lancée, il lui avait fallu encore quelques temps avant de se sentir soulagée, libérée d'un poids. « Tu n'es pas obligé de me suivre mais ce que tu viens de faire, même si je suis sûre que tu ne l'avais pas prévu, est une énorme étape. Ne t'arrêtes pas maintenant »

Je suis doué pour me foutre dans la merde, comme aujourd'hui. J'ai un gros problème de gestion de mes sentiments. Ils sortent à leur guise sans que je ne puisse les maîtriser et la colère et sans doute le pire des sentiments. Je n'arrive pas à contrôler ma colère, elle est sortie sans que je ne suis puisse l'arrêter. Je serre les dents. Je déteste ne pas me maîtriser et qu'on me voit comme ça, alors je suis encore plus énervé. Je lève les yeux au ciel, comme si parler pouvait m'aider. Comme si ça pourrait changer quelque chose? C'est comme ça que ça marche? Mon cul ! Je ne vois pas pourquoi je devrais passer par là. Je fini par lâcher d'une voix toute aussi colérique que tout à l'heure :

«Haha! Laisse-moi rire, parler ne me servira à rien du tout! Ce n'est pas ce qui va les ramener!»


Je me mords la lèvre, fait chier! Elle a le chic pour me faire parler décidément et ça ne me plaît pas beaucoup. Je soupire. Il semblerait qu'en effet j'ai peut-être besoin de parler, je le sais au fond, mais je ne m'en sens pas prêt du tout. Cela fait pourtant des mois que je suis dans une impasse, des mois qu tout me semble compliqué. Je soupire une nouvelle fois et lui réponds:

«Tu fais chier hein, c'est bon, tu m’emmènes où? ...»

Ma voix s'est radoucie. Je ne peux pas tellement la blâmer, c'est moi qui ai un problème. Une énorme étape … je lève de nouveau les yeux au ciel. Mais pourquoi pas … après tout. Je ne suis plus à ça près et puis c'est une jolie fille … je peux bien faire ça.

« Je ne vois pas en quoi c'est une étape, je suis en colère, c'est tout. Je suis persuadé que ça t'arrive aussi d'être en colère.»

Je sais que ce n'est pas que de la colère. Je ne veux juste pas qu'elle soit au courant, mais je crois qu'il est bien trop tard pour ça. Si je ne laisse pas une chance à quelqu'un … peut-être que jamais je ne m'en sortirais. Lachlan sera fier de moi. Il faudra que je lui dise. Il avait peut-être raison après tout … peut-être que j'ai le droit à une deuxième chance.

D'abord incertaine, Aoline choisit de le pousser encore un peu. Elle n'avait rien à perdre et dans le pire des cas, Jackson l'enverrait paitre pour finalement rentrer chez lui. Mais contre toute-attente, il continua à se confier. Elle sentait que ce n'était pas réellement intentionnel, pour autant, il avançait. Apparemment, il avait perdu quelqu'un et plus elle y réfléchissait plus la jeune femme trouvait qu'ils se ressemblaient. Elle ne l'aurait pas soupçonné au début, mais elle était heureuse de se tromper. Elle avait beaucoup appris sur elle dernièrement, aussi, peut-être serait-elle plus à même d'aider Jackson ? Dans tous les cas, c'est ce qu'elle comptait faire. Elle lui proposa de s'éloigner et de trouver un coin plus tranquille. Il accepta, à sa manière. Il ajouta que ce n'était que de la colère et qu'il arrivait à tout le monde de se mettre dans cet état. Elle lui sourit et prit son bras avant de l'entrainer avec elle.

Aoline retourna à sa voiture et invita à Jackson à monter côté passager. Le but était de s'éloigner le plus de la ville et de se rapprocher de la mer. « Bien sûr qu'il m'arrive d'être en colère. Mais on sait tous les deux qu'il s'agit de quelque chose de différent. Ce n'est pas la même chose que lorsque ton patron va t'énerver ou que ton frère t'a encore piqué ton ordi. C'est bien plus profond. » Ils mirent une quinzaine de minutes pour arriver. La brunette lui fit signe de la suivre et dix petites minutes plus tard, ils se retrouvèrent avec Island Bay à leurs pieds « Mon frère aîné, Paul, est décédé par ma faute il y a un peu plus de dix ans. C'est en partie à cause de cela que j'ai commencé la cocaïne » Elle s'assit en tailleurs bientôt suivit par le blondinet. Elle savait que pour mettre Jackson en confiance, elle devrait être honnête avec lui. « C'était une après-midi assez classique. Paul est entré dans ma chambre. Il avait pris l'habitude de faire ça lorsque mes parents étaient absents. Il s’apprêtait à faire ce qu'il faisait toujours mais cette fois-ci, je me suis défendue et j'ai couru à travers les bois. » Elle avait le regard loin, incapable de se tourner vers Jackson. Pourtant, elle réalisait qu'elle parlait de cette histoire pour la première fois à une personne qui n'était pas dans la confidence. Et toute l'histoire. Elle savait aussi qu'elle n'avait pas besoin de donner de détails sur ce que Paul lui avait fait subir, et que le jeune homme avait compris « Il m'a rattrapé et je suis tombée au sol. Il avait le dessus et je me suis dit que c'était terminé, qu'il allait recommencer. Mais mon second frère, Evan, est intervenu. Ils se sont battus et j'ai frappé Paul à la tête avec une pierre avant qu'il ne le blesse. Ce jour-là je l'ai tué. Evan m'a fait promettre de lui mettre sur le dos et s'est enfui. Je ne l'a plus jamais revu. Il a fait ça pour me protéger. J'étais en colère et triste. Je me suis sentie coupable et j'ai commencé à me droguer. » Elle s'autorisa de nouveau à respirer  « Trois personnes sont au courant de cette histoire : mon parrain, ma meilleure amie et Evan. Tout ça pour dire qu'il est nécessaire de parler, de se confier. Ca m'a fait du bien. Et peut-être que ça t'aidera aussi. »

L'endroit ou m’emmenait Aoline était un mystère. Je ne savais pas du tout ce qu'elle avait l'intention de faire. Elle roula un moment et je me suis contenté de l'écouter. Je ne sais pas pourquoi je l'ai suivi. Ça aurait pu être un plan foireux mais je n'ai pas l'impression que c'est le cas. J'ai même l'impression qu'elle n'a jamais été aussi sincère et qu'elle ne mène pas en bateau :

« Mon patron ne me crie pas dessus. Il m'a même forcé à prendre cette année sabbatique ...»

Ça ne sert plus à rien de mentir. Elle a compris que c'était une façade, que je racontais n'importe quoi. Sinon elle ne m’emmènerait pas là. Mais elle a raison. C'est autre chose que de la colère, il y a bien plus que ça derrière. On s'installe sur la plage et elle se livre alors à moi et j'en reste sans voix. Je me sens tout à coup très idiot de l'avoir charrier, très con de m'être comporter de cette façon là. Elle est sûrement plus forte que moi. J'imagine ce qu'elle a pu traverser du moins je crois. On a finalement plus de choses en commun que je ne le croyais même si nos histoires sont différentes. Elle a tué son frère. Je suppose que j'aurais fait la même chose vu les circonstances. Une chance qu'elle ai eu un deuxième frère plus intelligent. Je ne comprendrais jamais que l'on puisse faire du mal à sa propre famille.

« Pourquoi est-ce qu'il faisait ça?»

Peut-être qu'elle ne le sait pas elle-même. Je baisse la tête, je ne sais pas si j'ai envie d'en parler, mais elle vient de se confier à moi. J'ai décidé de la suivre je ne peux pas ne rien dire. Je ne sais juste pas par où commencer ni ce que je suis sensé dire. Je comprends qu'elle m'a raconté tout ça pour que je fasse de même, mais je ne suis pas certain que ça suffira, cependant je peux toujours essayer. Je soupire et lui dit donc :

« D'accord … je ne sais pas si ça va vraiment m'aider … je ne sais même pas par où commencer … »

Qu'est-ce que je suis sensé dire? Tout ou une partie? Elle m'a tout raconté alors peut-être que tout serait mieux alors autant commencer par le commencement comme on dit.

« Ce qu'il faut que tu saches ce que je n'ai jamais été très doué avec les sentiments, je crois que ça date de l'époque où ma mère est morte. Mon père n'a jamais su me montrer l'exemple ou me guider pour quoi que se soit, alors j'espère que tu ne me jugera pas trop quand même. Je suis tombé amoureux de mon meilleur ami … on se connaissait depuis toujours et j'étais toujours sorti avec des filles, mais avec Carter c'était différent … je lui ai toujours demandé de garder ça pour lui. On a fait nos études ensemble, on n'était toujours l'un avec l'autre, personne ne soupçonnait rien. Son père m'a fait rentré dans le journal pour lequel je travail, lui aussi a eu une place. On s'est séparé à cause de mon addiction aux jeux qui était déjà là. Il ne supportait pas de me voir gâcher mon argent et je ne l'écoutait jamais et il ne supportait plus de voir que je ne m'assumais pas ...»

Je marque une pause. Je revois tout dans ma tête, nos disputes, nos retrouvailles, notre séparation, c'est comme des flash qui ne cessent de me hanter. Je poursuis :

« On a souvent travaillé ensemble. On est resté meilleurs amis. Tout allait plutôt bien jusqu'à il y a sept mois. On était parti en tournage en Afrique. J'étais le chef d'équipe on tournait un reportage pour le journal quand on s'est fait attaqué. On logeait dans un camp militaire, le pays n'étant pas très sur, on savait que ce genre de choses risquait d'arriver. J'avais demandé à Carter de charger le camion, je regardais notre parcours avec le cartographe et le guide quand ils ont ouvert le feu. Des rebelles nous ont tiré dessus. J'ai vu Carter se faire tué et je n'ai rien pu faire pour le sauver. C'était moi qui lui avait dit de se poster là … la moitié de mon équipe est morte ce jour-là. Je ne sais toujours pas pourquoi je suis toujours là. Je n'ai pas pu lui dire que je l'aimais toujours ... »

J'ai sans doute eu beaucoup de chance de m'en être sorti indemne et de ne pas avoir été blessé. J'ai eu beaucoup plus de peur que de mal mais le mal n'est pas seulement physique, depuis ce jour-là j'ai changé, je ne suis plus le même. Je ne sais pas comment faire pour me sortir la tête hors de l'eau.

Lorsqu’elle avait proposé à Jackson de la suivre, elle ne s’était pas attendue à ce qu’il lui suive. Elle l’avait espéré bien entendu, autant pour lui que pour elle. Sur le trajet, elle n’avait pu s’empêcher de sourire. Il devait probablement la prendre pour une folle mais elle avait la sensation d’être utile. D’aider quelqu’un. Ils s’étaient installés tranquillement et Aoline avait déballé toute son histoire. Elle s’était rendue compte que pour le pousser à parler, elle se devait d’être honnête, autant avec lui qu’avec elle-même. Bien sûr, il avait des questions et elle ne pouvait pas lui en vouloir. La brunette haussa les épaules. « Je l’ignore en fait. Je me doute que quelque chose n’allait pas chez lui et peut-être qu’on aurait pu l’aider, qu’il aurait pu se faire soigner. Mais lorsqu’il en est pris à Evan, j’ai aussitôt réagit. Enfin. » La française s’était souvent demandée comment les choses auraient pu être si elle ne l’avait tué mais elle avait pris conscience qu’elle se faisait plus de mal qu’autre chose.

Ce fut au tour de Jackson de prendre la parole et ce dernier lui confia qu’il ignorait par quoi commencer. Elle comprenait ce sentiment tout simplement parce que cela vous demandait de mettre le doigt sur le déclencheur de votre addiction et c’était douloureux. Elle lui adressa un sourire encourageant. Tout comme elle quelques minutes plus tôt, il s’ouvrit sans détour. Il se laissa aller et lui raconta son histoire. Elle ne put s’empêcher d’être touché et l’écouta jusqu’au bout. Il ne demandait qu’à s’en sortir mais ignorait par quoi commencer. Lorsqu’elle avait débuté sa cure, elle était passée par tous les états possibles et imaginable. Les gens en centre lui avaient certainement sauvé la vie et elle leur en serait toujours reconnaissante. Mais elle savait également qu’il était primordial d’avoir quelqu’un pour vous épauler, sur qui compter le temps d’être en mesure de pouvoir avancer seul. Sa meilleure amie avait été là du début à la fin et encore aujourd’hui, elle restait près d’elle mais Aoline savait qu’elle était suffisamment forte pour ne pas avoir besoin d’elle. Elle regarda Jackson « La première chose que tu dois comprendre, et je ne pense pas être la seule à te l’avoir dit, c’est que tu n’es en rien responsable. C’était un accident Jackson. Personne n’aurait pu prévoir ça. Ton meilleur ami aurait aussi bien pu traverser la route et se faire renverser par un bus. En ce qui concerne les regrets, je comprends. J’aurais aimé dire à mon frère de rester, qu’on aurait trouvé une solution. J’aimerais, aujourd’hui, lui dire à quel point je suis désolée de l’avoir mis dans cette position. Mais c’est inutile. Le plus dur c’est de le comprendre et de vivre avec.  » Elle marqua une pause avant de reprendre « Le jeu n’est qu’un exutoire pour toi. Une manière d’avoir le contrôle, tu compenses. J’ai commencé à la cocaïne pour oublier et ne plus rien ressentir parce que c’était trop douloureux. Il faut apprendre à vivre avec sa peine. On le fait tous les jours. Et pour ces traumatismes c’est pareil mais c’est plus dur. Je peux t’aider si tu le souhaites. Je ne peux parrainer personne pour le moment. En revanche, je peux être présente pour toi. On peut aller aux réunions ensembles, si jamais tu sens que tu vas partir en vrille, appelles-moi. Je suis passée par là, je sais ce que ça fait. Mais il faut que tu en aies envie.»

Spoiler: