kick their ass (nina)

D'aussi loin que tu te souviennes, tu n'as jamais été la fille populaire. Pas invisible cependant, mais toujours avec un nombre d'amis restreint, contrairement à ces filles qui étaient toujours entourées d'un harem, d'un fan-club comme tu aimes le surnommer, ton rictus moqueur perché sur tes lèvres. Des cruches sans cervelles, si l'on veut ton avis. Pourtant tu aurais pu être comme elles, comme ces reines des abeilles. Oui, tu aurais pu. Mais Zelda, t'es trop rabat-joie, trop tranchante, peut-être pas assez souriante. Tu n'es pas solaire, t'es une enfant de la Lune. Distante et secrète. Et puis faut dire que tu sais pas tellement te comporter avec les autres, parce que tu es cassante, Zelda. T'es trop honnête, tu intimides. Alors on te laisse, on se pousse à ton passage. Et ça t'as toujours convenu. Tu sors de ta salle après un cours de bio assommant. Le hall du lycée est bruyant, comme d'habitude. Les gens se bousculent, hurlent comme des animaux en cage. Tu soupires, les yeux levés au ciel. Vivement la fin de ce cirque. Alors que tu pestes intérieurement contre un couple qui se tripote au milieu de ton chemin, tu la repères, assise dehors sur un banc. Cette touffe rousse, reconnaissable entre mille. Tu souris. T'as beau faire souvent la gueule dans une journée, quand tu te décides à sourire, c'est beau, c'est pur. Ton visage s'éclaire : tu rayonnes. Aujourd'hui, Nina en est la raison. Une des rares personnes que tu apprécies en ce bas monde qu'est le lycée. Tu as fait sa rencontre il y a deux ans, et pourtant t'as l'impression que c'était la veille. C'était la fin de la journée, tu t'apprêtais à rentrer, tu longeais la rangée de casiers. Et tu les as entendues, ces connes, ces princesses en cartons. Tu t'es alors approché. Et y avait cette fille, Nina, tu l'avais déjà aperçue deux ou peut-être trois fois au détour d'un couloir. Elle avait ce genre de visage que tu n'oublies pas. Elle était là, un peu assommée par toutes les conneries qu'elle avait pu entendre depuis que ces vipères crachaient leur venin. T'es pas vraiment une justicière Zelda, mais tu supportes pas ce genre de personne qui rabaisse les autres. Tu peux pas laisser faire ça, tu supportes pas. Alors tu t'es plantée au côté de la rousse, les bras croisés, le regard déterminé. Vous ne vous êtes plus jamais quittés, marchant côte à côte le reste de votre scolarité. Toujours prêtes à affronter les pestes du lycée. Tu avances vers elle, le sourire toujours sur tes lèvres. Elle te voit à son tour. Tu t'assoies près d'elle, jetant ton sac à dos sur le banc. « D'accord. Encore une journée de plus dans ce lycée, et je commets un meurtre. Sérieux. » Tu soupires, le menton posé sur tes poings. « Et toi, cette matinée? Des événements croustillants ? Alice, ou la prétention à l'état pur, a-t-elle fini par se faire exploser son expérience dans la tronche en chimie? » Tu sais que souhaiter le malheur des autres, c'est mal. Mais si ça arrivait, par un malheureux hasard, il est possible que tu ne parviennes pas à enlever un sourire satisfait de ton visage.