It's a price you pay when it comes to love [Anna, Brendon, Lexie & Liam]

Mi-décembre 2017

Villa de Liam Drake (South Bay), 9h44 – Vision de Liam

Ce deuil est une épreuve inattendue, mais familière. Après les premiers jours difficiles, ceux d’une peine qui ne peut trouver d’apaisement, viennent les jours d’incompréhension. En fermant les yeux, j’ai cette vision du dernier souffle de Roy, mon entraîneur. Voir cette image m’effraie, me rend colérique à la fois. La mort est injuste. Elle prend qui elle veut sans en expliquer les raisons. J’ai donc du mal à tolérer l’absence de cet homme que j’ai côtoyé et respecté durant dix années. Heureusement, il y a Sophie, sa femme. Forte, un guide à travers cette confusion qui me paralysait dans la villa. Elle m’a poussé à sortir, à recommencer à apprécier le sport. À valoriser à nouveau le fait de m’entraîner. Sa proposition de reprendre le rôle de son mari à mes côtés est venue rapidement. J’ai confiance en ses compétences, mais remplacer Roy me semblait impossible à ce moment là. Lexie m’a contacté par message texte ce jour-là. Une nouvelle coïncidence, il faut croire. Sa promesse de m’aider me restait en mémoire, sauf que je n’étais pas encore près à lui offrir une place dans le processus. Elle m’a donné son opinion sur Sophie. Lorsqu’est venu le temps de retourner à l’entraînement, j’ai fais de ma soigneuse mon entraîneuse. Les choses se sont calmées par la suite. Mon esprit poussait mon corps à l’action, à des séances de boxe parfois intenses, souvent épuisantes. Mon corps réclamait un besoin de mouvement à mon esprit, parfois amortie par une nuit cauchemardesque. Je n’avais pas besoin d’une voix pour me motiver à faire avancer les choses comme elles auraient du. Le deuil en est à son quinzième jour à présent. Les matins ne sont plus pénibles, j’arrive à les savourer de nouveau. Je n’ai pas d’entraînement de prévu aujourd’hui mais je ne compte pas relaxer pour autant. Mon besoin de s’occuper est encore plus présent depuis que l’inaction est synonyme de souvenirs et de peine pour moi. Je reviens donc d’un long jogging dans le quartier, musique à fond dans les tympans. Je grimpe à l’étage afin de prendre une douche. C’est alors que je termine de ranger mon matériel d’escalade dans mon sac pour l’après-midi que la sonnerie de la porte d’entrée se fait entendre. Personne ne vient me visiter d’ordinaire. Du moins, personne qui n’est pas préalablement attendue. Je me dirige vers la porte, que j’ouvre sans plus d’hésitation. Un homme grand, vêtu d’un complet bleu marin et d’apparence nerveux est devant moi. Je n’ai pas à lui demander ce qu’il fait là pour entendre sa voix. Il me tend une main afin que je la serre, ce que je fais au bout d’une seconde à la fixer. « Brendon Elder, je suis le patron et meilleur ami de Lexie Storm. Désolé d’arriver sans prévenir, mais je ne tiens plus. Je dois impérativement régler ce petit problème qu’il y a entre nous et je n’ai pas vu d’autres solutions que de retrouver votre adresse grâce à vos informations bancaires dont j’ai accès à la Société où je travaille. Lexie n’est pas au courant de cette visite d’ailleurs. Si elle savait, je pense qu’elle me tordrait le cou. » Il rit, mais demeure nerveux. « Est-ce que je peux vous parlez ? Je pense que nous en avons besoin. » Je l’observe en silence. Le fameux meilleur ami de la blonde. Il est assez motivé pour me retrouver et se pointer devant ma porte, donc si ce n’est qu’une conversation qu’il désire, alors parlons. Je l’invite donc à entrer. Il semble surprit, mais accepte en souriant quelque peu. Je le conduis ensuite vers le salon où nous pouvons prendre place face à face. En voyant qu’il semble hésitant à commencer, je tente de le pousser un peu dans le dos. « Je t’écoute, Brendon. » Il inspire quelques coups avant de s’installer sur le bout du coussin et de joindre ses mains ensembles, les épaules sur ses genoux. « Il y a un problème entre nous. Ce problème, c’est Lexie. Elle est très importante pour moi et je suis tout aussi important pour elle. J’ai toujours eu confiance en elle et cela ne changera pas. Du coup, en apprenant qu’elle me mentait à propos… à propos de ses moments avec toi, j’ai compris que quelque chose n’allait pas chez elle. » Il s’arrête. Il a du mal à me confronter. Je suis plutôt surpris de cette visite de mon côté. C’est tout à son honneur d’être là, d’agir comme le vrai meilleur ami que j’imaginais pour la blonde. Je ne connais pas Brendon, mais j’ai l’impression d’avoir toujours su qui il était. Je brise le silence. « Tu es inquiet pour elle. » Je conclue, alors qu’il relève les yeux vers moi. « Constamment ! Et c’est pire depuis que je sais qu’elle peut me mentir ou couvrir la réalité comme si cela n’avait pas d’importance. Peut-être que c’est le cas. Mais pour moi Lexie est en train de changer et j’ai besoin de savoir que ce n’est pas pour le pire. J’ai besoin de m’assurer avec celui qui cause le changement qu’il sait ce qu’il est en train de provoquer et qu’il n’en abuse pas. Qu’il est responsable. Pour son bien. » Il me fixe directement dans les yeux. Je soutiens son regard. « Je n’ai pas vu Lexie depuis quatorze jours. Nous nous sommes parlé par message texte, il y a environ dix jours. Rien depuis. Si quelqu’un provoque un changement chez elle, ce n’est certainement pas moi. »

South Bay, 10h – Vision de Lexie.

Aujourd’hui, c’est journée shopping. Enfin, surtout pour Anna qui a besoin de faire quelques emplettes pour les bébés qu’elle attend puisque, moi, je joue les accompagnatrices avec Lana. Cela ne me fait pas de mal de sortir prendre un peu l’air en sa compagnie. Ça me permet de penser à autre chose qu’à Drake qui ne m’appelle toujours pas. J’ai beau savoir que c’est bon signe, que ça veut dire que son processus de deuil se passe bien, je ne peux pas m’empêcher de croire que c’est aussi un souhait de sa part de me fuir. Il faut dire que je lui ai – encore – donné toutes les raisons de le faire. Après quelques sms échangés il y a… peut-être une semaine – voir plus – je me suis sentie en confiance au point de tenter de faire de l’humour. Un bide total. J’ai juste réussie à convaincre le boxeur à me souhaiter une bonne journée. Je me ficherais bien des claques, parfois. Je sais,  je ne cesse de le répéter. La preuve que je devrais suivre ce conseil avisé de ma part.

_ Tu es dans la lune ?

Je sors de mes pensées au son de la voix d’Anna.  Elle m’observe avec un immense sourire aux lèvres. Visiblement, me découvrir paumée dans mes pensées l’amuse.

_ Est-ce utile que je te réponde ? Je l’interroge alors que j’observe Lana jouant dans l’air de jeu du café où nous faisons une pause entre deux magasins.
_ Non. Elle rie. _ Laisse moi deviné ? Il est accro au tatouage, il manie bien les poings sur un ring, et il a un côté mystérieux qui fascine ?

J’éclate de rire. Elle est douée, il faut le reconnaître. Ah moins que je ne sois devenue bien trop prévisible, ce qui est envisageable.

_ Anna. Il n’est pas sensé te fasciner cet homme. Je lui reproche, taquine, pour éviter d’admettre qu’elle vise juste. _ Que penserait Brendy s’il apprenait ça ?

Elle hausse les épaules, sourire malicieux aux lèvres.

_ Que nous avons subit une inversion de corps et que c’est Lexie qui se trouve sous les traits de sa femme ? Nous rions à cette question.
_ Tu regardes trop de films. Je lui fais remarqué, gentiment.
_ Que veux-tu ? Il faut bien que j’occupe mes journées assise dans le canapé à ne rien faire !
_ J’avoue. J’ai choisie cette option de faciliter aussi du temps où j’attendais ma princesse. Je fais signe à ma fille qui observe dans notre direction pour s’assurer que nous sommes toujours là. _ Tu comptes reprendre ton métier d’Assistante maternelle ? Je m’enquiers, curieuse.
_ Je ne pense pas. Je faisais ce métier pour combler mon besoin de maternité inassouvie. Maintenant que je vais être maman, je n’éprouve plus aucune envie de reprendre.

Je la comprends. Moi-même si je pouvais je me consacrerais à Lana bien plus que je ne le fais actuellement.

_ J’imagine qu’infirmière aussi c’est terminé définitivement ? Sait t’on jamais, que l’envie de retrouver le chemin de l’hôpital lui reviendrait au vu de sa vocation.
_ Aussi, oui. Je crois que je vais avoir pas mal d’occupation pour quelques mois voir années. Me confit t’elle souriante en déposant sa main sur son abdomen.
_ Oh oui, trois enfants à gérer, je te souhaite bien du courage. Je réponds du tac au tac en riant. Ce qui est communicatif.
_ Le troisième on le partage à mi-temps donc ça devrait aller.

Brendy râlerait qu’on parle de lui en ces termes. Quoique. J’ai l’impression qu’à certains moments, il prend plaisir à être traité comme un véritable enfant.

_ Où est t’il aujourd’hui ? Je l’interroge, intrigué de n’avoir encore eu un sms de lui de la matinée.
_ À la maison, j’imagine.

J’hausse les épaules, brièvement. C’est possible, après tout. Nous sommes samedi, on ne travaille pas au bureau, il peut être sur son ordinateur chez lui à travailler. Je sors néanmoins mon téléphone de mon sac à main pour le cas où il me biperait.

_ Ne t’inquiète pas pour lui, Brendon est sur un petit nuage depuis qu’il sait qu’on va être parent.
_ Je sais. Je soupire. _ Cependant je n’arrive pas à m’empêcher de croire qu’il est bizarre ces temps-ci, à mon sujet. Tu n’as rien remarqué ?
_ C’est Brendon. Il est en permanence collé aux gens qu’il aime. Ça le rassure.
_ Oui mais là c’est… je sais pas.
_ Trop ?
_ Peut-être.
_ C’est vrai qu’il est excessif vis-à-vis de toi ces derniers temps mais… Elle s’interrompt. Elle semble avoir réaliser ce que je craignais. _ Oh mon dieu.
_ Quoi ?
_ Il nous fait une jolie crise de jalousie.
_ A quel propos ?
_ Cela ne te paraît pas évident ?

Villa de Liam Drake (South Bay), 9h50 – Vision de Liam

Brendon écarquille les yeux. Je vois bien que ma réponse le surprend, il n’est pas difficile de le déceler. Je penche la tête légèrement sur le côté, incapable de déterminer pourquoi il me donne l’impression qu’il a envie de tout détruire autour de lui. « Non mais vous allez arrêter avec le déni ! J’en ai marre que ni l’un, ni l’autre ne soit capable d’admettre qu’il a des sentiments pour l’autre. C’est agaçant à la fin ! Oui, c’est toi qui la fais changer. Ce n’est certainement pas moi ou Anna. Il n’y a personne d’autre qui est capable de la rendre aussi différente et perdue que toi, Liam Drake. » Je sens bien l’agacement. Je vois aussi la colère. Mais surtout, dans ses yeux brillent un réel souci pour son amie. C’est la première fois que je vois un homme avoir un tel soin d’une femme qui n’est pas sa conjointe ou sa sœur. J’ai comme le sentiment que Brendon est au-delà de toute catégorisation pour la blonde. Il est ce qu’elle a de plus précieux après sa fille. J’esquisse l’ombre d’un sourire. « Je n’ai pas dis que je ne l’appréciais pas. J’ai dis que je ne suis pas suffisamment présent dans sa vie pour faire autant de différence. Lorsque j’ai rencontré Lexie la première fois, elle frappait avec rage dans un punching bag en croyant que cela allait l’aider. Elle a de la difficulté à gérer ses vieux démons, à se stabiliser au changement de son environnement aussi. Son ex est revenu dans le décor, non ? » L’homme en complet soupire. Je vois bien qu’il en sait plus que moi. « Adriel n’est plus un problème. Il a reprit son existence normale sans même chercher à connecter avec sa fille. Lexie ne le reverra peut-être plus jamais et je sais qu’elle a fait une croix sur ses sentiments pour lui. Alors, ne sous-estime pas le pouvoir que tu as sur elle, Drake. Elle a traversé la sécurité au gala d’octobre juste pour s’assurer que tu allais bien. Elle t’a dans la peau. Je ne crois pas qu’il faut prendre cela à la légère. » C’est donc ce qu’il pense de moi. Que je prends légèrement mon lien avec la blonde. J’assume qu’il est au courant de chacun de nos moments depuis juin puisqu’en sms Lexie a affirmé avoir révélé la vérité à son meilleur ami. Il est probablement aussi inquiet à cause de cela. Il ne serait pas ici si son instinct protecteur ne le poussait pas à confronter le danger. Puisqu’aux yeux de Brendon, je ne suis pas un ami, mais bien un ennemi. Je le fixe à nouveau du regard. « Je ne manipule pas les sentiments de Lexie. Je ne la force à rien non plus. Elle a choisit librement de te mentir, je n’y suis pour rien. Mais je suis sur que tu le sais déjà. Du coup, pourquoi es-tu ici ? » C’est la véritable question dans l’histoire. Il semble agir comme son grand frère, comme son père presque. Il cherche à la protéger des autres hommes. A-t-il peur à ce point-là que sa meilleure amie s’attache à quelqu’un d’autre que lui ? Est-il ici pour clamer sa place dans sa vie, pour marquer son territoire tel un animal ? J’aimerais bien en avoir la réponse car il n’y a pas que de l’inquiétude dans le regard de Brendon, il y a surtout de la méfiance et de la jalousie. Étrange que pour un « ami », il laisse transparaître de tels sentiments. Je pense qu’il n’a pas l’habitude de la partager, c’est une évidence même. « J’ai simplement besoin d’une confirmation que tu ne lui fera pas de mal. Que tu ne l’as fera pas souffrir en l’abandonnant pour une autre fille plus jolie ou plus intéressante selon toi. Lexie ne mérite pas d’un homme qui joue avec son cœur. Elle a assez souffert par le passé. » Je me redresse lentement. J’avais raison, il est là pour faire état de sa propriété. « Ça fait longtemps que tu es amoureux de Lexie, Brendon ? »

South Bay, 10h06 – Vision de Lexie.

J’ai beau réfléchir, je ne vois vraiment pas ce qui encouragerait un tel comportement de la part de mon meilleur ami. Peut-être que cela vient de moi. Hum. Non. Depuis ce soir où je lui ai avoué tout mes secrets, tout mes mensonges, j’ai mis un point d’honneur à lui être honnête à tout instant. Je lui ai même parlé de mon échange sms avec Drake. Je ne trouve donc pas l’élément déclencheur de cette crise. J’hausse les épaules pour signifier à Anna que je ne vois vraiment pas de quoi elle parle.

_ Drake, enfin. Me dit t’elle enfin sur le ton de l’évidence. Je fronce les sourcils.
_ Mais de quoi tu parles ? Drake et moi on ne s’est pas revu depuis qu’il a débarqué chez moi suite au décès de son entraîneur ! Inutile que je lui explique, je suis certaine que Brendy s’en ait déjà chargé depuis bien longtemps.
_ Lexie. Elle soupire. _ Que tu t’obstines à porter des œillères c’est ton droit, mais n’attends pas de Brendon qu’il en fasse autant.
_ Je ne comprends pas bien où tu veux en venir, Anna. Je suis très sérieuse. Je ne saisie pas le sens de ces insinuations.
_ Lexie, depuis que tu connais Brendon, est-ce qu’il y a eu un autre homme qui ait eu à tes yeux autant d’importance que lui ?
_ Euh… Non. Enfin si mais… Je lui montre des yeux ma fille. Elle comprends que je ne tiens pas à évoquer son père alors qu’elle peut revenir vers nous à tout instant.
_ Drake est donc le premier ?
_ Le premier quoi ?
_ Tu le fais exprès ? Me reproche t’elle, un peu exaspéré.
_ Non !
_ Lexie.

Elle souffle un grand coup. J’imagine que c’est pour éviter de perdre totalement patience face à ma bêtise car, oui je l’admets, je fais un peu exprès de ne pas vouloir comprendre le cœur du sujet qu’on aborde.

_ Comme je te l’ai dis, que tu t’obstines à porter des œillères au sujet de ce boxeur est ton choix. Je ne le juge pas. Toutefois, j’aimerais que tu reconnaisses qu’il est entrain de prendre une place importante dans ta vie, et que cette réalité effraie Brendon.

J’hoche négativement de la tête. Il est hors de question que j’admette quoi que se soit. Elle doit surement faire fausse-route. Brendy n’a pas besoin de quelque chose de sensé pour péter un plomb comme retrouver ces vieux démons. Je fais signe à Lana de revenir vers nous. Elle soupire, vraiment agacée cette fois-ci. Je ne lui en veux pas de perdre patience. Elle prend le parti de son homme, c’est normal. A sa place j’en ferais tout autant. Quoique. Moi je gueulerais peut-être. Son self-control m’impressionne.

_ Finit de boire ton chocolat ma chérie, on va bientôt s’en aller.

Je déclare à ma princesse, avec douceur, alors qu’elle me dévisage.

_ Arrête de me regarder comme ça. Je lui demande, très sérieusement.
_ Non. Me dit t’elle, implacable. _ Fuir marche peut-être avec Brendon, ou Lui encore, mais pas sur moi. Je vois clair en toi Lexie, et je ne te laisserais pas briser Brendon parce que tu as peur d’affronter la vérité.

Elle se lève, s’empare de ces sacs, puis quitte le café. Je l’observe un peu hébété le temps de quelques secondes. Je ne peux pas la laisser partir. Pas uniquement parce que ma fierté – ou la lionne en moi, peut-être – refuse de lui céder le dernier mot. Je dois la rattraper parce qu’il est important qu’on ne devienne pas des ennemies. Nous aimons le même homme, de deux manières différentes. Pour son bien-être nous devons être solidaire. J’hâte donc ma poupée pour vite la rattraper. Elle marche à une allure normale, comme si de rien n’était. Elle regarde les vitrines. Je prends sa suite en portant Lana dans mes bras pour ne pas l’obliger à courir. A quelques pas de la future mère, je constate qu’elle est contrariée. Sa mâchoire est contractée. Son regard dans le vague. Je soupire. Je regrette de l’avoir mise dans un tel état. Elle est enceinte. Elle ne devrait pas avoir à subir mon entêtement, mon sale caractère, ou que sais-je encore.

_ Anna. Je l’appelle d’une petite voix.
_ Je n’ai rien à te dire de plus, Lexie. M’informe t’elle durement.

Villa de Liam Drake (South Bay), 9h58 – Vision de Liam

J’ai le droit à une nouvelle expression choquée. Il manque presque de faire sortir ses yeux de ses orbites. « Quoi ? » Il exprime d’abord en se relevant. Je le regarde dans toute sa hauteur. Il secoue la tête vivement en répétant des « non » avant de finalement se rassoir et de me pointer. « Oui, je l’aime. Mais pas comme toi. Lexie est ma sœur de cœur. Je ne peux envisager de vivre sans elle. Mais ça ne me rend pas amoureux d’elle. Je veux juste son bien ! C’est tout ce que je veux. » Il secoue la tête encore, soupirant fortement. « Et je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle te trouve. De pourquoi tu lui fais un tel effet. C’est inimaginable. » Il semble réfléchir un instant, je le laisse le faire sans le déranger. « Mais l’amour rend aveugle, il faut croire. » Je ne dis rien. Il parle de moi comme si j’étais avec Lexie. Hors, ce n’est pas le cas. Nous ne partageons pas ce genre de lien et la réaction de Brendon à cela me semble excessive. Sauf que si j’avais une sœur, je pense que moi aussi je serais aussi protecteur qu’il l’est. « Elle a de la chance de t’avoir pour veiller sur elle. Sauf que Lexie a besoin de faire son propre cheminement avant de prendre une telle décision à mon sujet. Je ne vais pas la brusquer. Je ne compte pas lui faire de mal non plus. Lexie est spéciale à mes yeux. » Il me regarde bizarrement. Il ne me croit pas. Non, c’est autre chose. D’un coup, il sourit et secoue la tête à nouveau. « Oui, elle est spéciale. Elle mérite quelqu’un qui comprend au moins ça. » Qu’est-ce que cela sous-entend ? Qu’il pense que je fais partie de cette catégorie de gens ou que c’est simplement l’un des critères qu’il a en tête pour l’homme qui trouvera place à ses côtés. Je ne cherche pas à comprendre. Je me contente de l’observer. Brendon est toujours tellement tendu, nerveux. Il regarde fréquemment à droite ou à gauche. Il se laisse distraire par la sonnerie du cadran du salon. Il a peur, on dirait. Je commence à comprendre le personnage. Il n’est pas là pour me menacer, il est là pour se rassurer lui-même. J’ouvre la bouche pour parler, le faisant dès que je capte son attention. « Écoute, Brendon. Je vois bien l’importance que Lexie a à tes yeux. Je l’ai réalisé depuis longtemps. Depuis ce jour dans le vestiaire où son téléphone ne cessait de sonner. Tu t’en fais beaucoup pour elle et c’est admirable. Vraiment. Sauf que je ne vais pas te la voler. Tu vas rester son meilleur ami et moi je serais ce qu’elle voudra bien faire de moi. Car Lexie a les cartes en main. C’est elle qui va décider de la suite. Je ne vais pas m’opposer à ses décisions. Si elle décide de couper les ponts, je ne vais pas chercher à la poursuivre. Je veux la même chose que toi. Faire son bonheur. » Le dire à haute voix me surprend probablement plus que l’autre homme. Je ne mens pourtant pas. J’ai réalisé avec ce deuil que je ne voulais pas perdre de temps avec les choses que je ne peux pas contrôler. Cela inclus l’état dans lequel me met cette femme que Brendon cherche tant à protéger de moi. Il m’observe sans rien dire. Il doit décider si je suis un candidat adéquat ou non. Je ne fléchis pas devant son regard. « Je sais que tu dis la vérité. J’ai vraiment du mal avec l’idée mais… je vais m’y faire. Parce que tu as raison, je veux le bonheur de mon amie. » Il ne me fait pas encore confiance. C’est visible. Sauf que je ne m’attendais pas à avoir une telle influence sur lui. Il a besoin de temps tout comme son amie pour se faire à l’idée que j’existe et que je ne compte pas bouger de là. Il relève la tête d’un coup. « Pourquoi tu l’as frappé, dans ce cas ? »

South Bay, 10h11 – Vision de Lexie.

En d’autres circonstances, avec d’autres personnes, je n’insisterais pas. Après tout, il ne sert à rien d’obliger une personne à discuter si elle ne le désire pas. De plus, je ne suis pas véritablement le genre de nana à forcer les gens à m’apprécier. On m’aime, c’est bien. On m’aime pas, tant pis. Toutefois, là il ne s’agit pas de n’importe qui. Il s’agit de la compagne de mon meilleur ami. De la future-mère de ces enfants, qui plus est. Je n’ai aucun foutu intérêt à ma la mettre à dos. D’ailleurs, je dois bien l’avouer, je la considère désormais beaucoup trop comme une véritable amie pour l’accepter. J’insiste donc toujours, montrant patte blanche pour l’encourager à ce calmer.

_ On ne peut pas terminer notre sortie entre filles sur une note aussi négative. Je dépose Lana au sol pour lui tenir la main.
_ Et que voudrais-tu, au juste ? Me demande t’elle, violemment, en me faisant volteface. _ Qu’on fasse comme si de rien n’était alors que je sais que ton comportement va détruire l’homme que j’aime ? N’y compte pas. Sa voix se brise. _ Je ne veux plus jamais revoir Brendon souffrir. Tu m’entends ?! Jamais. Ses yeux s’emplissent d’eau. Je comprends que j’ai été trop loin, avec elle.
_ Moi non plus, Anna. Je lui souffle, émue.
_ Ah oui ? On ne le dirait pas, pourtant. Me crache t’elle, acerbe.

Je baisse les yeux sur Lana, horrifiée de nous découvrir ainsi. Elle n’a jamais réellement assistée à une conversation conflictuelle. J’ai toujours fais en sorte qu’elle en soit épargnée. Je m’inquiète des répercussions qu’aura cette conversation sur elle. C’est dans cette optique que je demande à Anna, d’une voix presque implorante.

_ Je t’en prie, calme toi. Pense à Lana. Pense à tes bébés. Te mettre dans de tels états n’est bon ni pour elle ni pour eux.

Je fais appelle à son instinct maternelle. S’il existe bien, s’il est aussi fort que n’a été le mien à l’époque où j’étais enceinte, il devrait l’encourager à se relaxer. Elle observe la petite aussitôt. D’un geste de la main, elle caresse sa petite joue avant de lui dire.

_ Excuse moi poupette. Tata s’est un peu emporté mais tout va bien.

Lana lui sourit timidement. J’imagine que – tout comme moi – elle n’a jamais vu Anna aussi furieuse. Je dois avouer que je croyais que Brendy exagérait lorsqu’il disait qu’Anna pouvait faire peur sous la colère. J’ai crue qu’elle allait me dévisser la tête.

_ Allons à la plage.

C’est plus un ordre qu’une demande. Je ne discute pas. Je suis la compagne de mon meilleur ami, silencieusement, pendant qu’elle demande à la petite si elle est contente de pouvoir aller jouer dans le sable. Lana semble avoir retrouvée sa joie de vivre. Toutefois, je n’omets pas que Lana me posera des questions plus tard sur ce qu’elle vient de vivre. J’essayerais de me montrer le plus honnête avec elle, comme à chaque conversation sérieuse. Nous arrivons enfin sur la plage, où de nombreuses personnes profitent des rayons du soleil matinaux. Le printemps commence indubitablement à rendre à cet endroit son pouvoir attractif. Alors que nous prenons place sur l’un des rares bancs encore libre, je laisse le loisir à ma fille de s’asseoir un peu plus loin sur le sable pour jouer dedans avec le seau qu’Anna lui a acheté à une boutique en chemin. Le silence s’installe entre nous. Glacial. Seule moi peux arranger la situation, j’en ai conscience. Je soupire donc, soudainement.

_ C’est vrai. Tu as raison. Drake commence à prendre de l’importance dans ma vie.

Villa de Liam Drake (South Bay), 10h07 – Vision de Liam

Il n’a pas besoin de me faire un dessin pour que je comprenne ce dont il fait référence. En juin dernier, Lexie et moi avons fait un combat amical dans le ring du gym où nous étions tous les deux membres. Je n’ai pas retenu mes coups alors qu’elle souhaitait m’affronter. « Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » Je lui demande pour me fixer sur ce qu’il sait. Cette réponse ne le satisfait visiblement pas car il fronce les sourcils et redevient rigide. « Que tu l’as frappé à sa demande. Dans un match amical. Elle est rentrée chez moi en taxi. Elle pouvait à peine marcher ! » Cette dernière phrase est définitivement un reproche. Je ne lui en veux pas. Il a raison d’être à ce point enragé par ce qui est arrivé. C’est son droit de l’être. « Elle m’a frappé moi aussi. Il s’agissait d’un combat. Les coups font partie du jeu. » Il se retient à nouveau de tout casser dans le salon. Il me regarde plus durement que jamais. « C’est un jeu pour toi ? Et après tu me demandes de te prendre au sérieux et de t’accepter. » Il se lève. Je ne le retiens pas. Il commence à s’éloigner. « Lexie avait parfaitement conscience de ce qu’elle faisait. Je ne me serais pas engagé contre un adversaire qui n’acceptait pas les conséquences. Elle avait le libre-arbitre pour arrêter dès qu’elle le souhaitait. Et c’est ce qu’elle a fait. » Il s’arrête. Il me fixe de loin, toujours irrité. « Elle n’était pas en état pour combattre, il fallait être aveugle ou idiot pour ne pas le voir. » Je ne réponds à nouveau pas à ses insultes. Il a besoin d’évacuer cette frustration pour comprendre. « Tu sous-estimes beaucoup sa force de caractère. Est-ce que tu l’as déjà vu être en colère ? Laisser la rage guider ses mouvements ? » Il ne répond pas. Je prends cela pour un non. « Beaucoup disent que la boxe est le meilleur moyen pour canaliser ses sentiments négatifs en quelque chose de productif. Pour évacuer sa colère, donc. Pour moi ce n’est pas ça. Combattre permet de reconnecter avec nos instincts primaires, avec cette part de nous que nous craignons parfois. Une part sauvage, si l’on veut. » Il relève la tête et me fixe avec étonnement. Il se rapproche et je garde mes yeux dans les siens. « Lexie s’est battue contre elle-même ce jour-là. Elle cherche à redevenir cette femme qu’elle était avant d’être mère, d’après ce que j’ai compris. Elle n’a pas encore saisit qu’il ne lui faut pas éliminer ce qu’elle est devenue au moment d’avoir sa fille, elle doit apprivoiser de nouveau cette version passé et apprendre à la faire cohabiter avec la version actuelle. » Il revient s’assoir en face de moi en me pointant à nouveau. « Comment tu fais ça ? » Je ne comprends pas sa question. Il juge au moins utile de la préciser. « Comment tu arrives à la comprendre en n’ayant passé que trois-quatre jours en sa compagnie ? » Je ne sais pas vraiment quoi répondre à cela. « J’ai une facilité à saisir la personnalité des autres. Mais, je dois avouer que Lexie est une femme complexe. » Brendon éclate de rire. Tiens, sa colère n’a pas durée aussi longtemps que je le pensais. « C’est le moins que l’on puisse dire. » Il soupire un coup et semble découragé par ce qu’il s’apprête à me dire. Cela me rend curieux. « La prochaine fois qu’elle te demande pour se battre contre « elle-même », tu refuses, ok. » Je le fixe durant quelques secondes. « Je ne peux pas le garantir. » Il porte sa paume à son front pour se frapper avec.

South Bay, 10h15 – Vision de Lexie.

Je sens sa main se déposer sur la mienne. Je l’observe brièvement. J’ignore si son geste se veut réconfortant ou encourageant mais, j’imagine que c’est un peu des deux lorsque nos regards se croisent. L’inquiétude que j’ai eu le temps de lire dans ses prunelles, au sujet de Brendy, ne me trompe pas sur la violence de ces sentiments pour lui. Je prends peur, soudainement. Tellement que je referme ma main sur la sienne, spontanément.

_ Ça va aller, Lexie. Me dit t’elle d’une voix ayant retrouvée toute sa douceur familière à mon oreille. _ Tout se passera bien.
_ Oui, j’imagine. Je souffle. _ Je suppose que Brendy surmontera cette crise comme toutes celles qui l’ont précédés. Il suffit juste que je trouve comment l’aider, comme à chaque fois.
_ Je ne faisais pas référence à Brendon en disant cela.
_ A qui alors ? Je l’interroge aussitôt.
_ Devine. Je soupire. _ Je sais que le sujet Drake est tabou chez toi, même si je ne comprends pas pourquoi, mais il va bien falloir que tu te fasses à l’idée que vous êtes liés l’un à l’autre.
_ Il n’est pas lié à moi.
_ Tu ne nies donc plus que toi, oui.
_ Le puis-je seulement quand je constate que je me reconnais en toi, à son sujet, lorsque tu t’inquiètes pour Brendy ?

Elle sourit. Elle à l’air fière de moi. J’ignore pourquoi.

_ Que vas-tu faire maintenant ? Me demande t’elle, comme pour m’encourager à aller plus loin dans les confidences.
_ Rien. Je l’interromps avant qu’elle ne réplique quoique se soit. _ Il sait que je suis là s’il a besoin de moi. Je vais donc attendre, et voir. S’il ne me rappelle jamais, je saurais.
_ Tu sauras ?
_ Si j’ai eu raison ou tort de m’attacher autant à cet homme. Elle acquiesce. Mon idée semble lui convenir.
_ C’est une sage décision. Je sourie à l’unisson avec elle. _ Que faisons-nous pour Brendon ?
_ On va le rassurer, comme toujours.

Elle est ravie de cette réponse. Son visage retrouve l’éclat de ce bonheur qui ne cesse de l’habiter depuis qu’elle a apprit qu’elle allait être maman. Je suis heureuse de la revoir ainsi. Lana nous appelle soudainement au loin, pour nous montrer son château. D’un commun accord, nous décidons de la rejoindre pour l’aider à en faire un plus grand, plus beau. Un qui la rend fière, ainsi que nous également. Ensuite, nous reprenons le chemin de la maison de Brendy pour aller le voir. Lana à grande hâte de lui montrer son château, qu’on a prit en photo, ainsi que lui raconter notre petite séance shopping. Je ne m’inquiète pas qu’elle répète à son parrain notre altercation. Anna et moi avons toute deux cette même volonté d’être honnête avec lui alors, qu’importe la réaction qu’il pourra avoir à cette idée, nous lui expliquerons que ce n’était finalement rien de bien grave. Car c’est le cas. Désormais je sais que mon amitié avec Anna est suffisamment forte pour nous permettre de nous entendre au delà de nos deux forts tempéraments.

Villa de Liam Drake (South Bay), 10h12 – Vision de Liam

J’attends que Brendon se ressaisisse avant de lui offrir un sourire un peu plus grand. Il semble toujours autant découragé de moi. Je n’ai pourtant dis que la pure vérité. Je ne compte pas empêcher Lexie de m’affronter sur le ring si elle m’en refait la demande. Elle sait ce à quoi elle s’expose, encore plus maintenant qu’elle a sentie mes coups sur son corps. Il serait donc inutile de lui refuser une nouvelle expérience si cela peut l’aider à reconnecter encore une fois avec la partie sauvage qu’elle cherche à faire émerger à nouveau. « Je m’inquiète beaucoup trop pour elle. » Il murmure en libérant son visage de sa main. Je le regarde un instant. Roy était comme cela avec moi aussi. Il s’inquiétait également constamment pour Sophie et Jeffrey, son fils. Cela faisait partie de sa personnalité et je ne vais quand même pas le reprocher à Brendon. « Il faut bien que quelqu’un le fasse. » Il me regarde, peu rassuré. Il y a quelque chose de vraiment paternel dans son attitude. Je ne peux pas retenir le commentaire cette fois. « Ça ne va pas s’améliorer avec la naissance. L’instinct paternel est plus fort qu’on le pense. » Il me regarde comme si je lui avais révélé qu’il avait une araignée dans les cheveux. « Mais arrête de faire ça ! » Il s’exclame en se retenant de me pointer une troisième fois. « C’est Lexie qui te l’as dit ? » Je ris cette fois. Il s’est trahit lui-même. Je hoche négativement la tête et il rit avec moi. « Des jumeaux. » J’hausse les sourcils. « Félicitation. » Il me sourit. Il a vraiment l’air heureux d’un coup. Un papa en formation. Il n’est pas le premier que je rencontre. « Merci, Drake. » Je ne dis rien. Il y a un silence. Rien de gênant toutefois. Brendon se remet de ses émotions et je l’observe alors que la fierté de son visage disparaît graduellement pour laisser place à une certaine neutralité. Malgré tout, il brille dans ses yeux toujours cette inquiétude constante. Il lui faut du temps. C’est le secret. Comme pour un deuil, le temps est le seul allié qui compte vraiment. Il répare les blessures et remet les idées en perspective, comme pour Lexie. Comme s’il lit dans mes pensées cette fois, son meilleur ami s’exprime d’un coup. « Je tente de ne pas m’inquiéter autant. C’est juste que je sais ce qu’elle a vécut. La fragilité qu’il y a au fond d’elle. Elle a besoin de quelqu’un qui… » Je n’insiste pas pour qu’il finisse sa phrase. Il se lève, pointant vers la porte cette fois. Je comprends le message et je me lève à mon tour. Je le suis en silence. Il s’arrête dans le hall d’entrée, me souriant gentiment. « … De quelqu’un comme toi, de toute évidence. » Je lui tends une main. Il la serre des deux siennes. « Ne lui dit pas que j’ai dis ça, par contre. J’espère toujours qu’elle ne te choisisse pas au final. » Il blague et je lui souris. « Je ne vais pas lui répéter, Brendon. Part en paix. » Il hoche la tête et me lâche la main. Il s’arrête à nouveau alors que l’extérieur est visible à travers la porte ouverte. « Il se peut qu’elle te contacte dans les heures à venir, comme je vais lui dire pour notre rencontre. » Il n’a pas à s’inquiéter pour moi. Je vais savoir comment dealer avec cela. « C’était un plaisir, Brendon. » Il sourit très grand. « Plaisir partagé. Désolé encore pour l’intrusion. » Je pose une main sur son épaule. « Je ne suis pas rancunier. » Cette réponse semble le satisfaire. Il me salut encore une fois et rejoint sa voiture alors que je me penche pour ramasser mon sac d’escalade et me dirige moi-même vers mon propre véhicule.

FIN