visite matinale (ethan)

visite matinale

« MAMMAN !! » Les pleurs de ma fille résonne dans la grande maison, alors que je viens tout juste de fermer les yeux. Pour une fois, je pensais que j'allais pouvoir dormir. Quand ce n'est pas mes pensées qui tournent trop autour de mon défunt mari, c'est notre fille qui fait un mauvais rêve. Je retire la couette qui me recouvre et sors de mon lit. La chambre de Romi se trouve juste à côté de la mienne, de la nôtre. Dès que j'allume la lumière de la pièce, elle commence à se calmer. « Je suis là mon bébé, tout va bien. » Je m'avance vers son lit, m'assois sur le bord et viens tendrement caresser ses cheveux. La petite fille s'extirpe de ses draps et vient se blottir contre moi. Ses bras tentent de faire le tour de mon corps, mais ils sont encore trop petits. En entendant qu'elle continue de renifler, je prends la décision de l'emmener avec moi. Autant qu'elle soit rassurée et qu'elle se rendorme vite. Je la prends dans mes bras et l'emmène jusqu'à mon lit, en faisant bien attention de tout éteindre derrière moi. Je la dépose à l'endroit où Eliot avait l'habitude de dormir et je me mets à côté d'elle. Je ne cesse de caresser ses cheveux et au moment où je pensais qu'elle dormait enfin, elle me sort une phrase qui me bloque complètement. « Il est où papa ? » Qu'est-ce que je peux bien lui dire ? J'ai déjà essayé de lui expliquer tout ce qui s'était passé, mais tout comme moi, elle a refusé de croire à tout ça. « Il travaille. » Un jour, elle apprendra la vérité et peut-être qu'elle m'en voudra de ne pas avoir insisté pour lui faire comprendre, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire cela en plein milieu de la nuit.

Depuis la question de Romi, je n'ai pas réussi à fermer l'oeil. Toute sa vie, elle va devoir vivre sans son père et même si je n'ai rien à me reprocher pour son décès, je me sens légèrement coupable de tout ça. J'aurais dû demander à Eliot de faire autre chose, d'arrêter de mettre sa vie en danger pour sauver les autres. C'est égoïste, mais il aurait dû penser à lui avant tout. Je tourne la tête vers le réveil, il est encore tôt, très tôt même. C'est fou comme le temps passe doucement quand on n'arrive pas à dormir. Je ne peux m'empêcher de bouger, de me tourner sur la gauche, puis sur la droite et j'ai peur de réveiller ma fille. Pour éviter ça, je décide de me lever. De toute façon, je n'arriverais pas à dormir, alors autant faire quelque chose d'utile. J'enfile un gilet, ferme doucement la porte de la chambre et me dirige vers la cuisine. Je mets alors la machine à café en route et commence à sortir une tasse et de quoi grignoter un peu.

« Je suis déjà réveillée. » Assise autour de la table de la cuisine, je remarque Ethan, mon frère aîné qui pénètre dans ma maison. J'ai une tasse de café devant moi et déjà plusieurs litres de cette même boisson qui se mélangent à mon sang. « Tu ne vas pas pouvoir te sauver comme un voleur aujourd'hui. » Généralement, quand je me réveille, je ne trouve qu'un sachet rempli de croissant, pas de message, ni de frère. Je sais que c'est lui, je l'ai toujours su. Mais aujourd'hui, en étant déjà réveillée, je le prends un peu par surprise. Un fin sourire s'étend sur mes lèvres, malgré le fait qu'il vienne chez moi à une heure si matinale, je suis heureuse de le voir, ça me fait du bien. « Installe-toi. Je t'offre un café ? » En vérité, je ne lui laisse pas vraiment le choix. À peine la phrase échappée de mes lèvres, je me lève et me dirige vers les meubles de la cuisine pour en sortir une tasse.

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Action, réaction. À peine la proposition de lui offrir un café est sortie de ma bouche, que déjà je sortais une tasse. Je sais bien qu'il sort tout juste de son boulot et qu'il prend sur son sommeil pour passer à la boulangerie et nous apporter notre déjeuner, à Romi et moi, du coup, je peux bien faire ça pour lui. Ce n'est pas grand-chose et puis, une tasse de café ne peut pas faire de mal pour l'aider à tenir éveillé encore un peu. Quoique, ça lui rendra peut-être la tâche de s'endormir un peu plus difficile. Enfin, s'il compte s'endormir bientôt. Maintenant qu'il m'a trouvé éveillée, ce n'est pas dit que ça se produise. « J'ai une petite surprise pour toi. » Un frère parfait. Même s'il porte l'effort à son maximum ces derniers temps, Ethan a toujours été une personne gentille et attentionnée, surtout envers Esteban, Lucas ou moi. Un sourire s'installe sur mes lèvres, alors qu'il prend un gâteau, mon gâteau préféré, entre ses mains. « Bien sûr, n'en doute pas, je l'ai fait moi-même. » Sa remarque me fait rire et confirme qu'il n'a pas du tout mis la main à la pâte pour la réalisation de ce gâteau. Je m'en doutais déjà. Il fait certainement ça pour me faire plaisir, pour me faire sourire et pour le moment, ça marche. « Depuis quand t'es une lève-tôt toi? » « C'est Romi qui m'a réveillée. » Je grimace légèrement et passe mon pouce sur le bord de ma tasse. Elle m'a bien réveillée, mais cela fait maintenant plusieurs heures. Je n'ai seulement pas réussi à me rendormir. « Elle m'a demandé où étais son père et après ça, je n'ai pas réussi à retrouver le sommeil. » Elle n'avait aucune idée de l'effet qu'aurait sa question sur moi, elle voulait juste comprendre pourquoi je me trouvais seule dans le lit que je partageais normalement avec Eliot. « Je suis fatiguée de devoir être celle qui lui annonce qu'elle ne reverra plus jamais son père. À chaque fois, elle pleure durant plusieurs heures, s'endort et le lendemain, elle a tout oublié. Maintenant, je lui dis simplement qu'il est parti travailler. » Je tente de sourire un peu, mais l'envie n'est plus là. Je revois le visage de la petite fille, dévasté par l'annonce et mon coeur se serre. « Elle comprendra plus tard, je l'espère. » Je hausse les épaules et me concentre sur la tasse de café qui se trouve face à moi. Je reste un petit temps silencieuse, songeuse de tout ça, puis je finis par relever le visage vers mon frère aîné. « Arrêtons avec la minute dépression ! C'était comment ton travail ? » J'ai perdu mon mari, il le sait bien, mais ce n'est pas une raison pour que toutes mes conversations soient tristes, je ne m'en sortirais jamais sinon.

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Je prends mon temps pour lui expliquer la raison de ma présence si matinale dans la cuisine, mais je ne lui cache aucun détail, à quoi ça servirait ? Ethan me connaît bien, il comprendrait facilement qu'il manque une explication. Mais interdiction de m'apitoyer sur mon sort, je l'ai bien assez fait en six mois, alors je change de sujet et lui demande comment s'est passé son boulot. Avant de me répondre, il m'ouvre le paquet de viennoiseries et je me sers. Je casse le croissant en deux, puis en tire un petit bout que je viens mettre dans ma bouche. « Fatiguant et énervant. La serveuse n'étant pas là, j'ai dû assurer les deux services en même temps. Je suis épuisé. » Je hoche la tête à la positive, comme pour lui dire que je comprends. Cela m'est déjà arrivé dans mon boulot, mais ce n'est pas la même chose. Je dois faire face à des enfants, alors que lui, il s'agit d'adulte, qui n'ont pas forcément toujours les idées en place. « Je n'ai même pas eu le temps de draguer qui que ce soit pour te dire. » Un rire s'échappe de mes lèvres. J'aurais dû m'attendre à ça de sa part, il a toujours été doué pour parler aux filles et jamais il ne s'arrête, encore moins quand il travaille. Il faut dire que nous n'avons pas tous l'occasion de travailler dans un bar, c'est le meilleur endroit pour faire de belles rencontres. « Papa et maman serait ravis d'apprendre ça ! Pour eux, il n'est même pas envisageable que tu te trouves quelqu'un dans ton bar ! » Je n'ai pas besoin de lui dire pour qu'il soit au courant de ça, nous en sommes tous conscients dans la famille. Certainement à cause de la pression que les parents mettent sur ses épaules. « Je suis même sûre qu'ils ont déjà une petite liste de prétendantes pour toi. » Ce ne serait même pas étonnant. Le contrôle de nos vies, c'est leur jeu préféré. Heureusement pour moi, grâce à mes choix de vie, j'ai été plutôt tranquille. « Que vas-tu faire aujourd'hui ? Tu as prévu quelque chose ? » Je remets un morceau de croissant dans ma bouche avant de réfléchir à sa question. Je ne me suis même pas posée la question, peut-être parce qu'il est trop tôt pour que je puisse mettre en place un planning. « Je ne sais pas encore. Romi a entendu parler d'un zoo à la garderie, du coup, elle en parle jour et nuit. L'emmener là-bas lui ferait certainement du bien. Ou alors, j'irais simplement voir les parents. » Même si mes frères sont réticents pour passer du temps avec eux, moi, ça me permet de me reposer un peu, de relâcher la pression que je peux me mettre en étant seule ici. « Je ne vous impose pas de repas aujourd'hui ! » Dis-je pour plaisanter. Ils l'ont échappé de peu ! Je les ai déjà forcés à venir il n'y a pas longtemps, du coup, j'ai préféré leur laissé quelques temps de répit. Je ne les emmène pas là-bas pour qu'ils me détestent, donc ça ne sert à rien d'y aller chaque semaine. « Et toi ? Tu vas rentrer te coucher je suppose. »