Old reflexes. ft. Aëla

La brune n'avait pas envie de rester seule à la maison ce soir. La télé allumée, assise sur le canapé, avec un chocolat chaud... Non, ce n'était plus possible. Elle avait envie de bouger, de nouveauté. Elle ne pouvait plus passer son temps à cogiter. C'était beaucoup trop difficile. Son esprit était sans cesse embué par les drames du passé. Les méandres de ses pensées ne la quittaient pas. Ils s'insinuaient dans son esprit sans relâche, sans la laisser respirer. Elle étouffait. Presque trois mois depuis qu'elle était rentrée d'opération. Trois mois où l'air avait semblé lui manquer. Trois mois qui avaient étaient invivables.

Aëla avait pris son temps. Elle avait écouté le psy, elle l'avait laissé lui faire la morale, elle s'était tue. Mais aujourd'hui, cela n'avait plus de sens. Elle était complètement perdue. Le sommeil la fuyait et les cauchemars la hantaient. Le contraste entre la vie mouvementée à laquelle elle avait survécu et sa vie calme d'aujourd'hui lui faisait mal. Elle avait aimé ce temps où chaque jour était une nouvelle bouffée d'adrénaline. Elle avait beaucoup moins apprécié l'issue. Elle avait perdu deux de ses frères d'armes et perdu de vue ceux qui restaient. Elle avait tout perdu. Les seules choses qui comptaient vraiment : l'armée, sa famille et sa soeur.

Oui, sa soeur était encore en vie mais elle n'était plus la même. Elle avait perdu la mémoire, perdu la tête. Au grand dam de sa mère d'ailleurs. Installée à Island Bay depuis quelques temps, Johanna continuait de changer. Elle était devenue son exact opposé et Aëla ne savait pas que faire. Elle ne savait pas où elle en était et ce qui allait se passer dans le futur.

«Allez, mets toi un coup de pied aux fesses là.» Rapidement, la brune enfila un manteau par dessus son slim et sa chemise rouge et noire, avant d'attraper les clés de sa nouvelle voiture. Toute neuve, elle était magnifique. Propre, noire, la jeune femme était fière de sa nouvelle titine. Elle se glissa au volant et conduisit sans autre but que celui de trouver un bar ouvert pour ce soir.

Sa recherche ne fut pas longue. La jeune femme ne perdit pas de temps, elle se gara et se dirigea rapidement vers le petit bar tranquille. Il y avait un petit peu de monde mais elle ne s'en accommodait pas. Les gens présents étaient déjà tous installés et elle ne voulait déranger personne. Une place, au bar, entre un couple en train de s'apprivoiser : une petite blonde qui semblait bien plus jeune qu'elle et un homme de son âge, et un homme massif, qui semblait seul. Peut-être était-ce l'occasion de nouer des liens? Aëla en doutait, elle voulait surtout boire un verre. A peine fut-elle assise et débarrassée de sa veste en cuir que la voix de l'homme s'éleva : « Si je peux vous donner un conseil, le caipirinha est pas mal apparemment ! Enfin, vous pourriez aussi prendre un cosmopolitan, mais à mon humble avis ça fait très cliché. » Un fin sourire étira ses lèvres. Ce qui était encore plus cliché, c'était de dire à une femme de commander un cocktail. Aëla n'était pas une midinette et elle ne comptait pas boire un de ces cocktails mondains qu'elle avait en abjection. Parce que c'était souvent ce que buvait sa mère. Alors, sa réponse fut encore plus clichée : «Mettez moi le meilleur scotch que vous avez.», demanda la brune au barman qui venait de l'accoster. Elle se tourna ensuite vers le jeune homme et lui répondit, amusée : «Certaines femmes sont capables d'encaisser des alcools "réservés" aux hommes.». Elle appuya intentionnellement sur le mot "réservés" car elle trouvait ces distinctions ridicules. Aëla aimait le scotch, le whisky, la bière au moins autant que la tequila ou le vin. Sa mère se serait offusquée de savoir ce qu'elle buvait mais c'était bel et bien le dernier de ses soucis.

Aëla le savait, la soirée risquait d'être très longue, comme toutes celles depuis qu'elle était rentrée. Alors, pourquoi ne pas avoir un peu de compagnie? L'homme à ses côtés n'avait pas du tout l'air désagréable et visiblement, la pique envoyée par la brune ne l'avait pas totalement rebuté. Elle l'entendit même rire et lorsque le serveur lui posa son verre, elle se tourna vers lui pour l'écouter.

Alors qu'il tente de se justifier, la brune laisse un fin sourire illuminer ses lèvres. Elle le laisse s'embrouiller dans ses paroles, par pur vice avant de reprendre : «Quand on vit avec des hommes au quotidien, on finit par s'habituer à leurs coutumes.» Avalant une gorgée de l'alcool brun, la jeune femme ne tarde pas à dire : «Et puis, le scotch et le whisky sont des alcools simples à trouver et peu chers.» Cela faisait sens, quand on savait qu'Aëla avait passé la plupart de sa vie à voyager entre différents pays mais surtout à vivre dans des pays différents de la France ou la Nouvelle-Zélande.

«Aëla Pallanca.» répondit-elle sur le même ton, lui laissant le loisir d'essayer de deviner ses origines. Ce n'était vraiment pas facile, elle le reconnaissait. La brune est observatrice: une chaîne glisse le long de son coup pour finir sous son t-shirt et ses sourcils se froncent. C'est quelque chose que les hommes font souvent mais principalement les soldats et les hommes des corps armés. Afin de cacher leurs plaques mais aussi de passer un peu plus inaperçu. En scrutant un peu plus sa peau, la jeune femme ne remarque pas de cicatrices.

Aëla écoute l'homme parler et elle hoche légèrement la tête. Il a raison et tort.«Je ne sais pas si cela joue vraiment sur une question de naturel ou de force, d'authenticité. Pour moi, cela a surtout à voir avec...» Alors que la jeune brune finissait sa phrase, un bruit assourdissant retentit dans la rue. Premier réflexe de la française : se camper sur ses pieds et observer les environs comme la soldate qu'elle était. Ses yeux scrutèrent les gens présents dans le bar, qui la scrutaient elle aussi. Elle venait de passer pour une imbécile. Néanmoins méfiante, la brune observa la rue, qui avait vibrée au son de l'explosion d'un pneu. Se frottant le front avec sa main, la jeune femme éclata d'un rire nerveux, avant de regarder Dan, qui n'était pas dans un meilleur état qu'elle. Elle tenta de se rappeler ce qu'ils étaient en train de dire et la brune termina enfin sa phrase : «Avec l'armée. Désolée, j'ai vraiment cru qu'il y avait eu des coups de feu ou une bombe.» La brune se rassit rapidement sur sa chaise et avala d'un trait la fin de son verre, pour se calmer. L'alcool avait l'avantage de calmer son coeur parfois et son palpitant n'était pas de la meilleure des bonnes fois à ce moment. La brune interpella le barman avant de lui demander : «Est-ce que je pourrais en avoir un autre s'il vous plaît? Et je pense que mon voisin de droite va m'accompagner...» avança la brune en montrant Dan du doigt. Une façon de lui montrer qu'il ne l'ennuyait, ni ne la dérangeait pas et qu'il pouvait rester autant qu'il le voulait.