Et maintenant je fais quoi ? - PV Capucine

Je n’ai vraiment, mais alors vraiment pas le cœur à travailler. Pourtant je me suis forcée à venir aujourd’hui parce que je sais que ça sera pire encore si je reste chez moi. Jade est en voyage et je ne tiens pas à la prévenir du réveil de son père. Il faut qu’elle profite de son escapade, qu’elle rentre sereinement à la maison et là je lui dirai. Ça sera bien mieux, et pour elle, et pour moi. J’ai besoin de temps pour intégrer ce qui vient de se passer... ce matin quand je me suis réveillée après une nuit hyper agitée, je me suis demandée si tout ça était bien réel, si je n’avais pas fantasmé ce réveil pour lequel j’avais tant prié. Mais Cole m’a rappelé la réalité en me demandant au petit déjeuner si je comptais aller voir mon ex-mari à l’hôpital aujourd’hui. J’ai ouvert la bouche avant de la refermer. D’instinct je voulais rectifier. Mon mari. Pas mon ex. Ezra est toujours mon mari et je porte d’ailleurs toujours mon alliance. Ça a été source d’assez de disputes pour qu’il le sache. Et puis ça fait dix-neuf ans que je vais le voir chaque jour que dieu fait à l’hôpital alors pourquoi n’irais-je pas ? Mais je n’ai pas dit tout ça parce que finalement est-ce que j’allais y aller ? « J’en sais rien. », voilà ce que j’ai répondu. Parce que maintenant qu’il est réveillé tout à changé.

Qu’est-ce que je vais lui dire ? Et surtout, qu’est-ce que je vais faire ? Pendant quinze longues années j’ai refusé d’envisager de refaire ma vie. Quinze ans à être fidèle à un homme étendu dans un lit et dont la vie ne tenait qu’à des machines. Plusieurs fois les médecins ont essayé de me persuader de le débrancher et quelques personnes autour de moi allaient en ce sens.  « Il ne voudrait pas rester dans cet état Clarke, laisse-le partir dignement. ». Mais je ne pouvais pas, j’ai toujours lutté avec acharnement contre cette idée. J’avais besoin qu’il soit vivant, comme si ma vie était liée à la sienne. Pourtant il y a quatre ans de ça j’ai décidé d’avancer seule et de refaire ma vie avec Cole. C’était un client du Secret Garden et nous avions de nombreux point communs. Il avait perdu sa femme et leur fils quelques années auparavant dans un accident de voiture. Seul depuis lors, il peinait à se relever de son deuil. Un type bien.

Est-ce que je l’aime ? Oui. Autant que de nombreuses femmes aiment leur mari. Est-ce que je l’aime comme j’ai aimé - Et aime encore - Ezra ? Bien sûr que non. On est des âmes sœurs... le genre d’amour dont rêvent tant de gens sans jamais pouvoir seulement s’en approcher. Aujourd’hui encore je refuse qu’on vive ensemble. Il a son appartement, j’ai le mien avec ma fille, et on dort régulièrement chez l’un ou chez l’autre. Quand j’ai déménagé de notre maison parce que je ne pouvais plus payer seule le loyer, j’ai emporté avec moi tous les vêtements d’Ezra et ils sont dans le placard de ma chambre. Je porte toujours mon alliance, j’ai refusé de divorcer pour me marier avec Cole malgré ses nombreuses demandes. Malgré ça il reste. Il dit qu’il comprend même s’il espère que je vais finir par vraiment avancer. Il est adorable, j’ai de la chance. Et je ne veux surtout pas le blesser.

Aujourd’hui je suis torturée et j’ai peur. Est-ce qu’Ezra sera toujours le même ? Si c’est le cas serons-nous toujours compatibles puisque moi j’ai vieilli mentalement, évolué ? Et s’il est différent, est-ce que nous nous entendrons aussi bien qu’avant ? Si je quitte Cole pour réaliser qu’avec Ezra les choses ont trop changé pour que notre histoire reprenne ne vais-je pas le regretter ? Et dois-je renoncer à mon âme sœur juste parce que j’ai peur ? Et si je quitte Cole et que je réalise que ça a détruit sa vie ? Et si je reste avec lui et que ça détruit celle d’Ezra ? J’ai envie de hurler. Pour l’instant je n’ai prévenu personne de son réveil, pas même mes parents. J’ai juste envoyé un message à Capucine il y a une heure. C’est plus facile de commencer avec elle... elle n’a jamais essayé de me persuader de quoique ce soit, respectant tous mes choix, me conseillant toujours avec bienveillance. C’est quelqu’un qui sait être là et écouter. Je sais qu’elle tient énormément à lui, elle est venue beaucoup le voir à l’hôpital. Elle et moi on n’arrêtait pas de lui parler, à lui raconter des tas de choses, des sujets d’actualité où tout simplement nos vies. Lui parler parce qu’il était là, qu’il existait encore.


Merde !


La tasse que j’étais en train d’essuyer vient de m’échapper des mains et de s’éclater sur le sol. Je pousse un soupire l’as et croise le regard d’une cliente qui me regarde avec un air sévère tout en poussant sa petite fille.


Désolée...


Petit sourire contrit je me retourne et essuie discrètement une larme qui menace de couler.


Laisse, je m’en occupe.


Ma serveuse me fait une petite caresse amicale sur le bras et commence à ramasser les morceaux. Heureusement elle ne me demande pas ce qui se passe, même si elle doit forcément se poser la question. J’en profite pour filer à l’arrière, dans la pièce qui me sert de cuisine. C’est là que je fais mes gâteaux. Besoin de souffler un coup, je m’assois sur une chaise et croise les bras sur la table pour y enfouir mon visage. La petite clochette de la porte d’entrée sonne, annonçant l’arrivée d’un client, mais je sais que Juliet peut gérer...

Dés qu'elle avait appris la nouvelle, Capucine avait tout envoyer balader pour courir à l’hôpital voir Ezra. Elle avait besoin de vérifier par elle-même que c'était vrai. Qu'il était vraiment réveillé.

Elle en était sortie plus que troublée. Troublée et en colère. Visiblement Clarke avait éludée toutes les questions d'Ezra concernant leur situation actuelle, le laissant dans le flou le plus total. Et elle s'était trouvée contrainte de faire de même. Ce n'était quand même pas à elle d'expliquer au jeune homme qu'au bout de 19 ans, certaines choses avaient évoluées et qu'il faudrait un peu de temps pour les régler. Elle avait toujours détesté mentir à son ami.

Même si elle comprenait parfaitement que pour Clarke la situation devait être effroyablement compliquée à vivre entre son compagnon actuel, son mari officiel qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer même si, comme tout le monde elle n'avait probablement pas envisagé qu'il puisse un jour lui revenir, et sa fille. Mais quand même ! C'était à elle de lui parler ! Elle devait répondre aux questions qu'Ezra se posaient. Il avait le droit de savoir, pire, il en avait besoin ! Sans réponse son cerveau se focalisait sur des hypothèses, et franchement, se réveiller au bout de 19 ans, dans un monde qui ne vous avez pas attendu pour évoluer était déjà assez perturbant !

Elle avait donc décidé de parler à Clarke. Les deux femmes se connaissaient bien. Capucine avait vécu le début de leur histoire. Elle se rappelait encore de quelle façon Ezra lui avait parlé de cette femme merveilleuse qu'il avait rencontré. Pour lui ça avait été une évidence. Il allait faire sa vie avec elle. Elle sourit en se rappelant les étoiles qui brillaient dans le regard de son ami et combien elle avait été ému lors de leurs noces. Elle avait flingué sa jolie robe en satin verte à force de chialer. L'eau salé fait de terribles oréoles sur le satin.

Capucine pensait à tout ça en se garant devant le « secret garden ». Elle resta assise un moment au volant, respirant profondément à plusieurs reprises pour se calmer. Elle n'avait pas le droit de passer sa frustration sur Clarke. Tout comme elle ne se trouvait pas le droit d'expliquer elle même la situation à Ezra, elle ne se trouvait pas le droit de reprocher trop brusquement à Clarke ses hésitations et ses dérobades.

Quand elle s'estima prête, elle entra dans le salon de thè. La petite clochette tinta et la jeune serveuse se tourna vers elle avec un sourire.

Un coup d’œil circulaire à la salle lui indiqua que Clarke ne s'y trouvait pas, elle devait être dans l'atelier de fabrication à l'arrière.

Capucine traversa la salle en faisant claquer ses talons sur le dallage d'un air irritée. Quand la serveuse fit mine de venir vers elle, elle l'arrêta d'un geste.

« Je connais le chemin. » lui dit-elle avant de s'engouffrer entre les portes battantes qui donnaient sur la cuisine.

Elle repéra aussitôt son amie, assise sur une chaise, la tête dans les bras. Capucine sentit son cœur se briser, et sa colère fondre comme neige au soleil. Mais, certaines choses devaient être réglées. Elle s'avança et pris une chaise pour s'installer à coté de Clarke.

« Clarke. Il faut qu'on parle. » dit-elle d'un ton ferme.

Puis, réalisant que son entré en matière était bien brutale, elle rajouta :

« Mais on peut aussi faire ça autour d'une bonne tasse de thé et d'une assiette de tes délicieux macarons. »

Des vacances, une île déserte et une bonne amnésie. Me mettre en congé de ma vie pendant une semaine... peut être même deux. Il me faudrait au moins ça pour accumuler assez d’énergie pour tout ce que je vais devoir faire. Aller à Jade, parler à Ezra, prendre une décision... je ne vais pas pouvoir dire éternellement que je ne sais pas. Ça va bientôt faire vingt-quatre heures que mon mari est réveillé et s’il était légitime de lui laisser un peu de temps pour récupérer des forces avant de se lancer dans des explications sur ce que ma vie est devenue et la place qui est là sienne dans mon présent et dans mon avenir, ce temps là est passé. Mais je ne sais pas quoi lui dire. J’ai peur de lui parler.

Hier il avait ce regard... j’ai retrouvé le Ezra de mes dix sept ans, celui qui m’avait fait une visite guidée du lycée et que j’ai embrassé pour la première fois moins d’une semaine plus tard lors de notre premier rendez-vous officiel. A voir ses grands yeux bleus pleins d’insouciance et son sourire presque timide j’ai eu l’impression de retomber amoureuse de lui. J’ai passé tant d’heures à prier un dieu auquel je ne crois pas pour qu’il me le rende et maintenant je suis incapable de profiter de son retour dans ma vie. Je culpabilise énormément. J’ai honte d’avoir cédé. Je me dis que si les choses avaient été inversées, si ça avait été moi couchée dans ce lit d’hôpital, Ezra me serait resté fidèle envers et contre tout. J’ai l’impression de l’avoir trompé, hier je n’ai rien osé lui dire. Je n’ai pas pu. Et Cole ? Déjà que je n’ai jamais été capable de lui offrir une vraie vie de couple, il va encore payer les pots cassés. Ce n’est pas juste pour lui.

Alors oui bien sûr que je me sens mal, évidemment que je culpabilise ! Comment pourrait-il en être autrement ? J’ai l’impression d’avoir un énorme poids sur mes épaules. Quelle est la bonne décision à prendre ? Quel cœur vais-je devoir briser ? Quel homme formidable va souffrir à cause de moi ? Est-ce que je vais pouvoir me décider rapidement ? Je sais que je le dois et la pression est terrible. Je n’ai même pas entendu la porte s’ouvrir quand une voix familière s’élève. Je lève des yeux brillants de larmes vers mon amie qui vient de s’asseoir à côté de moi, hoche doucement la tête avant de me lever.

Je remplissais une petite boule à thé de celui que préférait mon amie pendant que l’eau chauffait, restant silencieuse. Pourtant je suis plutôt du genre à pas mal parler d’habitude. Mais là... je crois que la personne qui me croiserait pour la première fois pourrait penser que je suis aussi aimable qu’une porte de prison. « Il faut qu’on parle », elle m’a dit. Qu’on parle de quoi ? Je n’arrive déjà pas à me parler à moi même à vrai dire, je ne peux pas aligner deux pensées cohérentes alors comment suis-je sensée avoir une conversation avec un autre être humain ? Surtout que je sais pourquoi elle est là. Je sais ce qu’elle va me dire. Et je sais qu’elle a raison. Mais je pense qu’elle ne réalise pas à que, point je suis perdue.

Je pose la théière sur la table, les tasses, le sucre, puis toujours sans rien dire je sors de la cuisine pour rejoindre la salle et aller chercher quelques macarons. Je dois avoir l’air d’un robot parce que Juliet me regarde comme si j’avais mis tous mes vêtements à l’envers. Je reviens en cuisine, pose les macarons et me rassois sur ma chaise.


Je savais que c’était une mauvaise idée... je n’aurais jamais du.


Ma voix est basse et je n’arrête pas de fixer mes doigts que je suis en train de triturer dans tous les sens.


Refaire ma vie... tu sais ? C’était stupide, égoïste. Et aujourd’hui quelqu’un va souffrir par ma faute et... Et je ne sais pas du tout quoi faire Capucine, je m’en veux tellement !


Ma phrase se termine dans un sanglot. Je craque, voilà ! J’ai le droit non ?

Capucine avait regardé Clarke se lever, mettre de l'eau à bouillir, préparer la théière, le thé, les tasses, passer les portes battantes pour aller dans la salle chercher les macarons... le tout dans un silence de mort, le visage marqué et sombre. Elle avait soupiré. Elle était venu ici bien décidé à lui rentrer dedans, à mettre Clarke devant ses obligations, mais elle comprenait à présent qu'elle ne les regardait que trop en face, et qu'elle ne pouvait pas faire autrement que de se dérober pour le moment.

La blonde soupira profondément et fit la moue. Elle aurait mieux fait de ne pas se mêler de cette histoire... Une petite voix au fond de son esprit ricana. Comme si elle avait pu faire autrement... Ezra était son ami, Clarke l'était devenue quand elle avait commencé à fréquenter Ezra... Bon, pas instantanément, il y avait eu un moment de flottement normal, celui où la jolie brune c'était interrogée sur les intentions de l'exubérante blonde. Leur fille la considérait comme une tati bienveillante. Qu'elle le veuille ou non, elle n'avait jamais eu le choix de se mêler de cette histoire ou pas.

Clarke revint avec les macarons. Capucines pinça les lèvres. Elle n'avait plus faim. Pour s'occuper elle commença à les servir, en écoutant Clarke, pinçant encore plus les lèvres, au point de les faire blanchir sous leur maquillage écarlate.

Non ! Clarke n'avait pas le droit de penser ça. Elle n'avait jamais été égoïste !

Capucine avait préparé tout un laïus accusateur, imaginant ce qu'elle dirait à la femme de son meilleur ami, ses réponses... Elle oublia tout.

« Non » répondit-elle simplement dans un premier temps.

Elle marqua une longue pose, s'obligeant à croquer dans une des douceur qu'elle avait réclamées, attendant que surprendre le regard interrogateur de son amie sur elle. Elle planta son regard dans le sien.

« Non. Ce n'était pas une mauvaise idée. Non, tu n'es pas égoïste. » assena-t-elle. « Si tu avais été égoiste, tu n'aurais pas attendu aussi longtemps pour refaire ta vie. Si tu avais été égoïste, tu aurais oublié Ezra, tu n'aurais pas continué à lui rendre visite. Si tu avais été égoïste, tu n'aurais pas expliqué ta situation à Cole au risque de le faire fuir. ».

Capucine prit une gorgée de thé pour tenter de détendre un peu sa gorge qui se serrait à en devenir douloureuse.

« Au fil du temps, nous nous étions tous résignés. Les médecins n'étaient pas optimistes. Même si nous espérions toutes les trois qu'un miracle était possible, il ne restait que ce qu'il était... un miracle, quelque chose d'improbable. Si tu avais été égoïste, tu aurais cédé aux suggestions des médecins de le débrancher depuis longtemps. »

L'analyste senti son cœur se briser en disant ces mots... parce qu'intérieurement, et même si elle en avait honte, elle savait qu'elle se serait battue contre cette décision, tout en réalisant que les choses auraient alors été plus simple pour tout le monde. Cette ambivalence de ses sentiments lui provoqua une légère crise de panique... Elle sentit quelques larmes perler sous ses paupières, qu'elle ne chercha pas à réprimer. Clarke était une des rare personne devant laquelle elle n'avait pas honte de sa sensibilité. Elle reprit une gorgé de son thé brulant, savourant le délassement musculaire mécanique qu'il provoquait dans sa gorge avant de reprendre.

« Tu n'est pas responsables de ce que l'un ou l'autre va ressentir. Cole connaissait la situation, il l'a accepté, même si l'hypothèse qu'Ezra se réveille un jour, il l'a accepté. Ezra, il sait que 19 ans ont passés... et que 19 ans c'est long. Je suis sure qu'il comprendra. »

Capucine releva le nez vers le visage de Clarke.

« Si les choses avaient été inversées, et malgré tout l'amour qu'il ressens pour toi, crois-tu qu'il n'aurait pas fini lui aussi par se dire qu'il fallait qu'il continue de vivre ? »

De nature je suis la gaieté incarnée. C’est comme ça qu’Ezra m’a toujours connue, comme ça que Capucine a fait ma connaissance. J’avais facilement des fous rires, je riais tout le temps, étais enthousiaste pour plein de choses. Ezra me disait toujours que j’avais emmené avec moi le soleil de mon pays d’origine. Je devais l’emmener là-bas, on attendait juste que Jade soit un peu plus grande pour qu’elle profite et se souvienne du voyage. Mais la vie en a décidé autrement. Depuis je ne suis pas retournée en Argentine. Je n’ai pas pris de vacances depuis dix-neuf ans, pas un seul week-end. Si je pars je peux pas aller voir mon mari à l’hôpital. Y’a juste une fois où pendant quelques jours je n’ai pas pu y aller, c’est parce que j’étais malade. Alors j’ai demandé à ma mère d’y aller pour moi, de lui dire que je ne l’abandonnais pas, que je me soignais pour vite revenir. Tout ça pour finir par chercher un peu de bonheur auprès d’un autre. Je pestais d’avoir été aussi faible. Je culpabilisais parce que je me sentais égoïste.


Non... quoi ?


Capucine essayait de me rassurer. Pourtant j’avais vraiment l’impression de ne penser qu’à moi en choisissant de sortir avec Cole. Je ne me suis jamais donnée à lui à cent pour cent comme je l’ai fait avec Ezra, je ne lui ai jamais permis de prendre la place qui aurait dû être la sienne dans mon cœur. C’est pas égoïste ça ?


Il aurait dû s’enfuir... j’aurais dû le pousser à le faire.


Avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Quand Jade a appris que je voyais quelqu’un elle m’a dit « Tu n’aimes pas vraiment papa ! Tu ne l’abandonnerais pas sinon ! ». Ça m’avait choqué. Comment pouvait-elle penser que je n’aimais pas son père ? Bien sûr que si je l’aimais ! Comme au premier jour, plus encore ! Et pourtant je me j’étais dans les bras d’un autre parce que les siens me manquaient. Y’a rien de logique là-dedans. Je me jétais dans une nouvelle histoire et je refusais de renoncer à l’autre, refusant obstinément qu’on débranche Ezra. Pourtant déjà au bout de cinq ans je me souviens que les médecins étaient venus me voir dans sa chambre pendant que j’étais là en visite. « Ça fait trop longtemps. Il y a plus de probabilité de gagner deux fois de suite à la loterie que de le voir se réveiller un jour. ». Je je voulais pas le laisser partir, même si j’avais redu l’espoir de le voir se réveiller.


Il l’a accepté parce qu’il pensait qu’il ne se réveillerait pas et qu’avec le temps je me détacherais peu à peu.


Il ne pouvait pas savoir. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne nous avait jamais vus ensemble. Le thé chaud coule dans ma gorge et je repose la tasse encore presque pleine dans un long soupire. Je lève les yeux vers mon amie. Oui cette question je me la suis souvent posée.


Je ne pense pas. Je crois qu’il se serait accroché encore plus que moi.


C’est drôle d’avoir ce genre de certitude. Mais on était tellement fusionnel tous les deux. Je ne l’ai jamais vu regarder une autre femme, même juste comme ça dans la rue en passant. Il se montrait toujours si amoureux ! On était jeunes c’est vrai... mais j’aime à penser que son amour ne se serait jamais fané.


Il t’a raconté notre rencontre ? Des amis communs nous ont présenté au lycée le jour de la rentrée. Il a proposé de me faire une visite guidée puis on est allé boire un café dans le salon de thé qu’il y avait près du vieux cinéma. On a fait un portrait chinois pour faire connaissance. Je me souviens qu’on a parlé du film Ghost. Tu as vu ce film ?


Un léger sourire apparaissait sur mes lèvres à l’évocation de ce souvenir. J’avais gardé les bouts de papier avec nos questions et réponses. Ils sont toujours chez moi dans une petite boîte.


Je me souviens lui avoir dit toute la peine que je ressentais pour Molly qui avait perdu l’amour de sa vie. Elle pourrait refaire sa vie mais ça ne serait jamais pareil parce qu’on n’a qu’une seule âme sœur. Lui il m’a répondu que Molly savait qu’il était toujours avec elle depuis l’autre côté. C’est tellement lui. Il a toujours eu un courage que je ne possède pas.


Je pousse un long soupire.


Qu’est-ce que je vais faire Capucine ? Qu’est-ce que je vais lui dire ? Je sais bien qu’il fait que je lui parle, que je lui explique mais... j’ai tellement peur de voir sa peine, sa déception... je sais qu’il me pardonnera mais je ne veux pas lui faire de mal. Et je ne peux pas quitter Cole comme ça !

Capucine plongea le nez dans sa tasse de thé en écoutant Clarke. Evidemenet que les choses n'était pas aussi simples que ça. Capucine se sentit coupable de ses pensées bien peu charitables à l'égard de la jeune femme. C'était facile pour elle d'avoir des certitudes à l'emporte pièce, mais dans sa volonté de protéger son amie, elle avait oublié que d'autres personnes étaient fortement impactées par cette histoires, d'autres personnes qui ressentaient des sentiments, forts, et parfois ambivalents.

Clarke d'abord, qui voyait son vœux le plus cher se réaliser... avec quelques années de retard. Si Ezra c'était réveillé 3 ou 4 ans plutôt, les choses n'auraient été que bonheur et joie. Mais entre temps, elle avait fini par se résoudre à envisager de refaire sa vie. Bien sur, Capucine savait qu'elle n'avait jamais vraiment perdu l'espoir de voir l'amour de sa vie lui revenir, mais plus comme un rêve .

Du coup, il fallait maintenant compter avec Cole. Capucine savait que même si Clarke ne l'aimait probablement pas aussi fort qu'Ezra, elle l'aimait suffisamment pour avoir eut envie de tenter l'aventure avec lui. Depuis qu'Ezra était dans le coma, les sollicitations n'avait pas manqué, elle les avait toutes repoussées, seul Cole avait réussit à gagner une partie de son cœur.

Bien sur, Clarke ne lui avait jamais menti sur sa situation, il savait à quoi il s'engageait, mais il est vrai aussi qu'il ne devait pas envisager qu'Ezra reviendrait un jour dans le monde des vivants. Capucine s'en voulu. Pour elle, c'était simple. Cole était une pièce rapportée, qui avait prit sa décision de se mettre en couple avec Clarke en connaissance de cause, mais à présent elle comprenait que son amie, elle était dans une situation bien plus délicate. Cole avait été là pour elle pendant plusieurs années, malgré tout. Et Capucine comprenait qu'elle éprouvait des sentiments pour lui, qu'elle ne voulait pas le faire souffrir.

Cole quant à lui devait être sur des charbons ardents, connaissant les liens qui unissait sa compagne à son mari, il devait s'attendre d'un moment à l'autre à entendre les mots qu'il redoutait tant.

Quoi qu'il en soit, et même si elle reconnaissait que les choses était loin d'être aussi évidente que ce qu'elle pensait, il fallait que Clarke fasse quelque chose. Cette situation ne pouvait pas durer, ni pour elle, ni pour Cole, ni pour Ezra. C'était intenable pour tout le monde et tous souffraient.

Elle soupira.

« Oui, je comprend bien que c'est difficile. C'est difficile pour tout le monde, et forcément Cole va souffrir, mais ne crois-tu pas qu'il souffre déjà ? »

Capucine releva les yeux vers son amie.

« Il sait ce que tu ressens pour Ezra. Il sait depuis toujours que s'il se réveille, il te perdra, et même si effectivement, je pense qu'il n'avait pas envisagé que ça pourrait se produire, il l'a toujours su. D'après toi, comment il vit cette situation ? Il doit s'attendre chaque jour depuis le réveil d'Ezra à ce que tu lui dise que c'est fini entre vous et que tu retournes avec ton mari. Je sais que tu as beaucoup d'affection pour lui, mais nous savons tous que c'est Ezra l'amour de ta vie. Tout le monde souffre de cette situation. »

Elle but une gorgé de son thé et mordit dans une des douceurs pour trouver un peu de réconfort.

« Il faut que tu parles à Ezra. Que tu lui explique pourquoi tu ne peux pas revenir vivre avec lui là, tout de suite. Je pense qu'il peut le comprendre. Il t'aime tant qu'il n'aurait pas aimé savoir que tu avais cessé de vivre toi aussi. Et puis, il te faudra parler à Cole aussi. Et oui, je sais que ça ne sera pas évident. Pourquoi tu n'envisagerais pas de prendre un logement rien que pour toi le temps que les choses se décantent ? »

Que faire... Est-ce vraiment la bonne question ? Peut être qu’il s’agit plutôt de « comment » faire plus que toute autre chose. Je ne suis pas le genre de femme qui s’investit à la légère. Croyez le ou non mais Ezra a été mon seul amant avant que je rencontre Cole. J’ai eu des occasions, occasions que je n’ai même pas voulu envisager un seul instant. Ezra a été le seul garçon que j’ai trouvé digne d’intérêt. Loin de m’intéresser aux beaux sportifs comme mes copines de lycée, mon cœur avait littéralement fondu pour son sourire, son magnifique regard azur mais surtout pour ce qu’il était : un garçon gentil, intelligent et avec qui je pouvais rire pendant des heures. Cole, ce qui m’a touché, c’est que nous partagions une douleur semblable. Il connaissait le chagrin, comprenait le mien. Lui aussi était quelqu’un de gentil et pouvoir me reposer sur quelqu’un me faisait du bien. Depuis qu’on se connaît il est là, présent pour moi, et pour Jade aussi. Pourtant elle ne lui rend pas la vie facile !

Les choses seraient sûrement plus simples s’il ne m’avait pas tant apporté, s’il n’avait pas fait preuve d’autant d’abnégation. Ma vie a été un peu plus agréable ces dernières années et je le lui dois. J’ai l’impression de l’avoir utilisé et d’envisager de le jeter dès que je n’ai plus besoin de lui. Alors oui, il connaissait ma situation mais est-ce que ça rend les choses moins égoïstes ? Bien sûr que non. Le simple fait de sortir avec lui était égoïste parce que je savais depuis le début qu’il était un homme sérieux qui s’engageait vraiment, et que moi je ne pourrais jamais le faire. J’aurais dû peut-être me lancer dans des flirts sans lendemain pour tromper ma solitude... Mais ce n’était tellement pas moi que je n’ai même pas pu l’envisager.


Oui... Bien sûr qu’il souffre...


Et c’était bien la dernière chose que je voulais. Il s’accroche à cet amour comme je me suis accrochée à la vie d’Ezra. J’ai souffert pendant dix-neuf ans à m’attendre chaque jour à ce qu’il meurt, mais j’aurais bien plus souffert encore s’il s’était éteint. Tant qu’il était là j’avançais et peut être que c’est ce que Cole fait. Tant que je suis là il avance. Il souffrira d’avantage quand je partirai. C’est intolérable pour moi de faire souffrir quelqu’un qui aura été si gentil avec moi et qui m’aura tant donné.


Je sais. Et lui-même me presse de prendre une décision. Là encore il essaie de me faciliter les choses et finalement ça a l’effet contraire.


J’aimerais qu’il se montre égoïste pour une fois, qu’il se fâche pour de bon et frappe du poing sur la table, me jette à la figure des tonnes de reproches et crie un bon coup ! Oui, ça serait plus simple si je pouvais me mettre en colère contre lui, pouvoir au moins lui reprocher quelque chose !


On ne vit pas ensemble. Il vient chez moi ou je vais chez lui presque tous les soirs mais ça s’arrête là.


Je soupire. Je me rends bien compte de l’étrangeté de cette situation. C’est un pas que je n’ai jamais réussi à franchir. Et puis Jade aurait encore plus mal vécu notre relation. Déjà comme ça elle le déteste... Alors si elle avait dû vivre officiellement avec lui, ça aurait été encore plus compliqué.


J’ai peur des conséquences. Cole a déjà perdu une femme et un enfant dans un accident, il a mis des années à s’en remettre et je suis la première femme avec qui il sort depuis. S’il me perd aussi... j’ai peur de le briser vraiment, tu comprends ?


Les larmes étaient revenues et coulaient sur mes joues. Je me sentais totalement écartelée avec cette impression qu’il n’y avait pas de bonne solution, que quelle que soit ma décision il y aurait des dégâts collatéraux. Capucine a totalement raison pourtant et je le sais parfaitement. Nous sommes trois à souffrir pour l’instant. Savoir que c’est moi qui devrai être décisionnaire dans cette histoire est un poids énorme.


Je crois que j’ai juste besoin de temps pour trouver le courage... Ne rien faire sans y avoir mûrement réfléchi, au moins par respect pour Cole qui ne mérite pas de se faire jeter sans hésitation et sans un regard en arrière.


C’est peut-être reculer pour mieux sauter mais je me dis que c’est encore la solution la plus sage. Même si je me trompe, j’ai l’impression que c’est ce que je dois faire.


Je suis désolée Capucine, je sais que c’est dur pour toi aussi et je ne t’ai même pas demandé comment tu allais. Alors... Comment vas-tu ?

Oui, Capucine imaginait assez bien le dilemme qui agitait Clarke. C'était une situation intenable, pour laquelle il n'y avait pas de solution idéale. Elle ne voulait pas en rajouter, mais la jeune femme ne voyait pas trop comment les choses pourraient se régler sans qu'au moins un des protagoniste de souffre, et effectivement il y avait de grande chance pour que se soit le pauvre Cole qui paye les pots cassés.

D'un autre coté, Capucine était persuadé que même pour lui, la situation n'était pas comparable à ce qu'il avait vécu avec feu son épouse. Il avait toujours eu cette épée de Damoclès au dessus de la tête, même si le réveil d'Ezra tenait du miracle, Clarke ne lui avait jamais caché qu'elle était toujours amoureuse de son mari dans le coma. Après tout, elle avait toujours refusé de retirer son alliance et de s'installer avec lui.

« Les choses sont différentes cette fois. Je ne dis pas qu'il ne souffrira pas, mais tu n'es pas morte. Son deuil ne sera pas aussi brutal que pour son épouse. Mais, oui, je comprend que tu ais besoin d'un peu de temps pour voir comment la situation évolue. »

Capucine attrapa la main de son ami et la serra dans la sienne.

« Tout ce que je veux dire, c'est qu'à force d'essayer de ménager la chèvre et le choux, c'est toi qui risque d'y perdre la tête. »

Finalement, Clarke changea de sujet pour s'intéresser à ce que Capucine ressentait.

C'était une bonne question. La blondinette devait bien reconnaître qu'elle ne savait pas trop où elle en était. Pour elle aussi, le réveil d'Ezra avait été quelque chose d’inattendu. Une merveilleuse surprise, mais une surprise perturbante quand même. Surtout que les choses ne se passaient pas comme dans son rêve idéal.

Elle n'avait pas envisagé qu'Ezra aurait de telles séquelles. Elle s'était imaginé qu'il se réveillerait un jour, frais et dispo, et que la vie reprendrait. Bien sûr c'était ridicule, on ne pouvait pas sortir d'un coma de 19 ans provoqué par une balle dans la tête comme on sortait d'une bonne nuit de sommeil.

« Tu sais à quel point j'étais proche d'Ezra, la profondeur de notre amitié. Tu sais à quel point j'avais été dévasté par son... accident. Et je suis sure que tu comprends aussi parfaitement à quel point je suis heureuse de son retour, mais je m'inquiète. » avoua-t-elle « Je me doutais bien qu'il serait un peu perturbé par l'évolution du monde, mais j'avais pas envisagé les séquelles dont il est victime, les amnésies, les problèmes de mémorisation. » elle pinça les lèvres. « La seule chose qui n'a pas changé, c'est que c'est toujours une tête de pioche qui ne veut pas admettre qu'il faut qu'il soit prudent et qu'il prenne le temps de sa convalescence. »

Elle serra les dents en repensant au malaise du jeune homme, et à l'impression que son cœur se brisait en mille morceau quand elle avait réalisé qu'il ne se rappelait pas d'elle, qu'il avait oublié jusqu'à son prénom. A ce moment là, elle s'était demandé si lui proposer de venir vivre chez elle quelques temps était une bonne idée. Était-elle la personne la plus compétente pour l'accueillir ? Elle n'était pas infirmière, tout ce qu'elle avait pour l'aider c'était la force de son amitié, la profonde affection qu'elle ressentait pour lui, mais à présent elle se demandait si elle ne risquait pas de leur faire plus de mal que de bien à tout les deux.

« Tu sais que je lui ai proposé de venir s'installer à la maison quelques temps, histoire de pouvoir le garder à l’œil, éviter qu'il ne fasse trop de bêtises, qu'il se fatigue de trop, et trouver des solutions pour l'aider le temps que sa mémoire retrouve sa vitesse de croisière. Mais, je me demande si je suis la personne la plus apte pour l'aider. Que ce passera-t-il si un matin il se réveille en ayant oublié jusqu'à mon prénom. Ne risque-t-il pas de paniquer encore plus de se retrouver dans la maison d'une inconnue ? Et moi ? J'avoue que ça me brise le cœur quand je vois qu'il m'a oubliée. »

Elle soupira et essuya du revers de la main une larme qui s'était échappée de ses yeux avant de prendre une gorgée de son thé devenu tiède.

« Je suis désolée, j'avais pas le droit de te reprocher tout ça. Je sais que ce n'est pas si facile à gérer. »

Comment est-ce qu’une décision à priori aussi évidente peut être aussi difficile à prendre ? J’en ai tellement rêvé de son réveil... je l’ai espéré jusqu’à l’obsession, jusqu’à la folie. Parfois j’avais l’impression de ne survivre que pour ça, pour voir ce jour arriver, occultant l’espace de quelques secondes douloureuses jusqu’à l’existence de ma propriété fille, de la vie que j’avais réussi à construire. Même s’il était dans le coma, toute mon existence tournait autour d’Ezra depuis le jour même où il était entré dans ma vie. On a eu peu d’années ensemble quand on y pense... tellement peu. Pourtant il est toujours le centre de mon monde. Alors bien sûr que je sais ce que je veux... Je ne sais simplement pas comment faire pour que les dommages collatéraux ne soient pas trop importants. Je serrais la main de Capucine.


Oh tu sais... Je crois que c’est déjà fait.


Oui, par moments j’ai l’impression de devenir complètement folle. Depuis son réveil je suis à fleur de peau, j’ai envie de chialer sans arrêt, je sursaute au moindre bruit, angoisse du matin au soir sur tout et sur rien. Je suis tantôt une pile électrique tantôt vidée de toute énergie. Rien ne m’intéresse, tout m’énerve au pire, m’indiffère au mieux. Il faut que ça cesse et je suis la première en avoir conscience. Mais je n’y arrive pas. J’ai peur. Je ne parviens pas à faire ce pas. Et s’il ne m’aimait plus finalement ? Ou du moins plus comme il m’aimait avant. Si la Clarke que les années ont fait de moi ne plus plaisait plus ? S’il était déçu ? J’ai peur qu’on se remette ensemble et que dans six mois il me dise qu’il n’y arrive plus avec moi, que finalement on s’est ratés et qu’il est trop tard pour se retrouver. J’ai peur. De ça aussi oui, en plus du reste. Je ne me sens pas prête à affronter tout ça, il me faut du temps. Du temps pour trouver le courage, du temps pour trouver le moyen. Comme si du temps, nous n’en avions pas déjà assez perdu. Je lâchais un soupire. Je ne suis pas la seule à subir les conséquences de tout ça. Ezra est mon mari, mais il est aussi l’ami de Capucine. Et je sais combien il compte pour elle.


Tu t’inquiète ? Pourquoi ?


Mes sourcils se sont froncés. Est-ce qu’il y a quelque chose que je ne sais pas ? Elle le voit... bien plus que moi pour l’instant. Alors je suis pendue à ses lèvres, à l’affût de la moindre information. Les médecins m’ont en effet prévenu qu’il pouvait être sujet à quelques crises, que sa mémoire pouvait lui jouer des tours. Jusqu’où ça peut aller, ça je n’en sais rien. Visiblement Capucine a déjà été témoin de l’une d’elles et ça l’a quelque peu traumatisé.


Il... Il nous oublie... c’est ça ?


J’avais peur de sa réponse et les larmes me montaient aux yeux. Y a-t-il quelque chose de pire que de voir une personne qu’on aime vous regarder sans vous reconnaître ? C’est temporaire, il faut être patient et le rassurer quand ça arrive il parait... plus facile à dire qu’à faire. Et oui il est têtu. Il veut aller plus vite que la musique et le connaissant il ne doit pas supporter de se sentir affaibli. Il a sa fierté, il a toujours été celui qui voulait protéger la veuve et l’orphelin, alors sa famille et ses amis... il tient à ce qu’ils puissent s’appuyer sur lui. Le contraire ne lui va pas, c’est évident.

Tout ça... En écoutant Capucine je me rends compte à quel point ça nous touche tous. Bien sûr nous avons toutes les deux une place différente dans sa vie mais quelle qu’elle soit cette place, nous l’aimons. C’est difficile, on doit le soutenir autant qu’on peut mais on s’inquiète.


Ne dis pas de bêtises... Viens là.


Je prenais mon amie dans mes bras. On devait se serrer les coudes sur ce coup là. Elle avait le courage de faire ce que moi je n’osais pas encore. Ezra a beaucoup de chance de l’avoir comme amie. Peu s’encombreraient se cette tâche.


S’il y a bien quelqu’un qui est apte c’est toi. Il t’adore, ça doit beaucoup le rassurer de t’avoir comme repère. S’il doit faire une crise, il paniquera où qu’il soit... il ne se rappellera pas plus de moi j’en ai peur. Mais je suis sûre que tu pourras très vite le rassurer. Tu es emphatique, gentille... Tu aurais fait une excellente infirmière dans une vie parallèle.


Je lui souris pour essayer de la rassurer.


Je ne sais pas comment te remercier pour tout ce que tu fais pour lui. Je te promets... de tout faire pour pouvoir prendre le relais le plus vite possible. On ne peut pas espérer meilleure amie que toi.

Entendre l'inquiétude et la douleur dans la voix de Clarke quand elle demanda s'il était en train de les oublier brisa le cœur de Capucine. Encore une fois, elle avait parlé sans réfléchir. Ezra n'oubliait pas l'amour de sa vie ni le fruit de cet amour, juste les personnes moins intimes. Elle se serait foutu des baffes pour avoir laisser Clarke penser ça.

« NON ! » s'exclama-t-elle « Vous il ne vous oublie pas. Je pense même que vous êtes les seules points fixes dans sa mémoire vacillante. C'est moi qu'il oublie parfois, et encore, c'est compliqué, il n'oublie pas tout, il semble se rappeler des émotions, des sensations, mais il oublie les détails... mon prénom, la façon dont on s'est connu. Je suis désolée, je n'aurais pas du te parler de ça. »

Capucine était mortifiée. Cette situation la rendait profondément malheureuse. Elle voulait aider Clarke, Ezra et Jade à surmonter tout ceci, mais elle se rendait compte qu'elle allait devoir prendre sur elle et souffrir en silence si elle ne voulait pas accentuer leurs inquiétudes.

Elle s'abandonna dans les bras de Clarke. Oui, pour elle aussi cette situation était compliquée, son cœur d’artichaut souffrait, son empathie devait gérer des informations contradictoire de la part de personnes qu'elle adorait, et elle en ressentait une immense souffrance. Elle se laissa aller un instant contre l'épaule de son amie. C'était bon de pouvoir se reposer ainsi. Elle en avait besoin, elle prenait toute l'énergie qu'elle pouvait de cette douce étreinte, consciente que dans l'avenir, elle ne pourrait plus se permettre ce genre de défaillance.

Ses amis auraient besoin d'elle, ils auraient besoin qu'elle soit forte et là pour eux quoi qu'il arrive. Et la moindre de ses responsabilités ne serait pas d’accueillir un Ezra encore convalescent et perturbé chez elle.

Clarke s'efforça de la rassurer, lui rappelant qu'elle était sa meilleure amie et qu'il ne pouvait pas trouver d'endroit plus sécurisant, mais Capucine ressentait à présent une profonde inquiétude. Elle ne pourrait pas être là 24h sur 24, et d'ailleurs, d'après les médecins, ce n'était pas souhaitable. Il fallait laisser le temps au jeune homme de réapprendre à se débrouiller dans la vie quotidienne.... et pourtant, si elle s'était écoutée, Capucine n'avait qu'une seule envie... le séquestrer. L'enfermer dans une chambre confortable où il n'aurait pas à subir de plein fouet l'évolution de ce monde, l'évolution des gens qu'il aimait.

Elle secoua la tête pour chasser ses tristes pensées.

« Je sais que la situation est compliquée pour toi aussi, et que tu auras besoin de quelques temps pour la régler. Je vais me débrouiller pour l'occuper un moment en lui faisant découvrir les nouvelles technologies et en mettant au point pour lui quelques applications qui lui permettront de pallier ses défaillance mémorielles. On s'arrangera pour faire les choses en douceur pour tout le monde »

Les médecins m’avaient prévenue de ses possibles pertes de mémoire. Impossible de prévoir leur fréquence ni leur profondeur. Il pouvait juste oublier les dernières heures pendant quelques instants et se retrouver dans un lieu sans savoir comment il était arrivé là, où bien tout oublier jusqu’à son nom pendant des heures, des jours... c’était extrêmement angoissant d’avoir cette épée de Damoclès au dessus de sa tête, et j’avais l’impression de ne pas être du tout préparée à gérer ce genre de crise. J’avais peur d’y être confrontée, de me retrouver un jour devant un Ezra qui n’a aucune idée de qui je suis, de notre histoire, et pour lequel je n’ai aucune place dans son existence. Pour l’instant il semblerait que ses pertes de mémoire n’aient pas été jusque là et Capucine essaye de me rassurer. Elle semble regretter de s’être confiée et pourtant...


Si, tu as bien fait. J’y serai confrontée à un moment où à un autre, autant que je puisse me préparer le mieux possible.


Jusque là je l’évitais. Oui, je dois bien l’admettre... après avoir passé dix neuf ans à lui parler pendant des heures chaque jour, à ne pas manquer une seule visite, maintenant qu’il est réveillé j’évite de le voir. C’est dur... trop dur d’être confrontée à ça. Je le sens coupable de tous les sentiments qui me submergent, de mon envie de me blottir dans ses bras, de tout reprendre là où on l’avait laissé... comme si après m’avoir quitté ce matin là il était simplement revenu à la maison comme tous les soirs. Je sais bien que c’est normal de ressentir ça mais il y a Cole... et je suis d’un tempérament trop loyal et fidèle. Pour l’instant je me sens prise entre deux mondes, je ne peux plus être ni avec l’un ni avec l’autre... car évidemment je me sens également coupable vis à vis d’Ezra. C’est tellement difficile. Mais je sais que ça ne l’est pas que pour moi. Ça l’est également pour Cole, pour Ezra et pour tous ceux qu’il a laissé derrière. Capucine est en première ligne, car ils ont toujours été très proches. Il ne l’aimait pas comme une amie, mais comme une vraie sœur. Elle est de la famille... la famille qu’on se choisit, pas celle dont on hérite d’office. Moi, j’ai appris à l’apprécier avec le temps. Évidemment je la connaissais beaucoup moins bien qu’Ezra au moment de l’accident, elle était surtout son amie à lui. Mais par la force des choses tout à changé. On se voyait beaucoup à l’hôpital, elle était tellement touchée, tellement impliquée... c’est dans ces moments là qu’on voit la vraie nature des gens. Beaucoup de nos proches se sont intéressés à ce qui lui arrivaient au début et se sont vite détournés. Pas Capucine. Jamais. Même si bien sûr au bout d’un moment elle ne venait plus tous les jours, je savais que je pouvais compter sur elle en toutes circonstances. Et de fait, aujourd’hui elle est là, et ce qu’elle propose de faire, peu souhaiteraient s’impliquer de cette façon.


Je suis rassurée qu’il soit avec toi. Ça va aller... On a tous besoin de temps, lui sans doute plus que nous. Et on doit être là les uns pour les autres, faire face ensemble. Je ne suis pas en sucre et toi... tu n’es pas en béton armé. Alors quand ça ne va pas je veux que tu viennes me voir, d’accord ?


Je sais pourquoi Capucine et Ezra s’entendent si bien, c’est parce qu’ils sont pareils. Ils veulent être des rocs pour ceux qui les entourent mais au fond ils sont des êtres ultra sensibles. Ça fait du bien de craquer de temps en temps. Moi, j’en avais terriblement besoin. L’avoir fait m’a fait du bien. Il faut que je règle ça. Je sais que je ne le ferai pas dans les deux jours, mais je refuse qu’il s’écoule encore un mois pour que ce soit fait. Deux semaines me semble une bonne moyenne. Peut être un peu plus, certainement pas moins... Mais ça va le faire. Il faut que ça le fasse ! Je prenais les mains de Capucine et les serrais très fort dans les miennes.


Le plus dur est derrière nous. Rien ne sera jamais plus difficile que toutes ces heures qu’on a passé à son chevet. On va avancer. Ensemble.


Maintenant c’était à moi de lui remonter le moral. Ça fait dix neuf ans que c’est comme ça, qu’on s’appuie l’une sur l’autre chacune à notre tour. On se requinque, on se rassure dans notre combat commun. Pour l’heure la tornade argentine semble être de retour. Ma vie est un vrai rollercoaster ces derniers temps !


Maintenant je vais aller te préparer un sachet de cookies aux trois chocolats. Ce sont ses préférés... et toi tu vas te choisir un assortiment de petites douceurs. Si tu dois montrer à Ezra les nouvelles technologies, tu vas avoir besoin d’énergie et de réconfort !

Capucine se sentait totalement désorientée. Elle avait un peu l'impression d'être au cœur d'une tornade qui la déposerait dans un monde inconnu. Un peu comme Dorothée.

Entendre Clarke évoquée le fait qu'Ezra allait venir s'installer chez elle rendait les choses terriblement réelles. Pour le moment, même si elle avait déjà prévu sa chambre, et organisé certaines choses, elle devait bien reconnaître qu'elle n'avait pas pris la mesure des choses. Quoi qu'il en soit un verrou sauta au fond de son cœur. Elle était heureuse de savoir que Clarke appréciait son initiative et en était même rassurée.

Capucine avait proposé ça sur l'instant, parce qu'elle ne supportait pas l'idée qu'Ezra puisse rester seul, mais elle était loin d'être convaincu d'être la personne la plus à même pour veiller sur lui. Entendre Clarke la rassurer, se réjouir de savoir que Capucine veillerai sur Ezra la rassurait sur ses capacités.

Capucine dut faire des efforts surhumains pour ne pas fondre en larmes quand Clarke lui serra très fort les mains. Pour un peu, elle l'aurait détesté ! Elle ne voulait pas être une petite chose fragile qui fond en larmes pour un oui pour un non. Ce n'était pas ce dont Ezra avait besoin, et à l'instant précis, pas non plus ce dont Clarke avait besoin. Elle s'efforça de sourire en entendant la jeune femme lui dire que le plus dur était derrière elle. Elle n'était pas d'accord, mais elle ne le lui dirait pas. Palabrer pendant des heures de ce qu'elles feraient quand il se réveillerait, c'était une chose, gérer réellement toutes ses choses après son retour serait infiniment plus compliqué.

Quoi qu'il en soit, Capucine appréciait ce que Clarke faisait pour elle. Après tout, leur relation avait toujours été potentiellement compliquée. Quelle femme aurait accepté sans sourciller l'amitié parfois envahissante de son homme et d'une de ses collègues ? Bien des femmes se seraient sentie en danger, même si les liens qui unissaient Ezra et Capucine n'avait rien de malsain. Pour eux, c'était une évidence. C'était une amitié un peu étrange, mais qui ressemblait plus à la relation que pourraient entretenir une sœur et un frère qu'à quelque chose qui pouvait dégénérer en quelque chose d'ambigu. Ils n'étaient probablement pas à la mode, mais jamais il n'y avait eut la moindre attirance physique entre eux. Le concept de Sex friend, ils ne l'avaient jamais connue, il avait été inventé bien après qu'il ai plongé dans le coma, mais Capucine savait qu'ils auraient pu en rire pendant des heures !

Elle attrapa le poignet délicat de son amie quand elle se leva pour aller leur préparer un petit paquet de douceurs.

« Clarke... » l'interpella-t-elle d'un ton triste « Tu es consciente que les choses vont être compliqué. Tu dis que le plus compliqué est derrière nous, mais tu te trompes, il est devant nous. »

Elle resta un instant silencieuse.

« C'était facile de tirer des plans sur la comète tant qu'il était inconscient. Maintenant, il est là, avec ses séquelles, avec la vie qui a suivi son cours... Ça sera difficile pour nous tous. »

Capucine eut un pauvre sourire.

« Qui sait... La saveur de ses gâteaux préférés pourraient avoir des effets imprévus... Comme la madeleine de Proust... Et moi, j'avoue que je ne dirais pas non à un peu de soutien... Lui apprendre l'utilisation des nouvelles technologies, même simplifiées, risque de nous demander beaucoup de patience à tous les deux. »

Elle sourit un peu plus largement

« Mais je te jure ! Je me suis engagée à prendre soin de loin, et tu me connais, je le ferais...Bon, après, je garantis pas que je ne me procurerai pas une camisole de force pour me faire obéir, non, parce qu'il faut bien reconnaître, ton amoureux, c'est une tête de mule ! »

J’ai l’impression qu’on est une équipe qui s’apprête à devoir se serrer les coudes pour un match difficile.  C’est un peu le cas... sauf que pour l’instant je ne me sens pas encore assez forte pour jouer mon rôle d’attaquant principal.  Je m’en veux pour ça, je me fais l’effet d’être une mauviette.  J’ai de mauvaises pensées envers Cole, envie qu’il ne soit pas là pour rendre les choses plus simples.  Et en même temps je culpabilise parce qu’il ne mérite vraiment pas de souffrir et de faire partie des dommages collatéraux.  Pourtant ça va être le cas, je le sais bien.  Je ne fais que reculer pour mieux sauter.  Au fond de moi je sais que le choix est fait depuis toujours.  En fait la question ne s’est jamais posée sérieusement et c’est ce qui est le plus triste pour mon compagnon actuel dans cette histoire.

C’est pour ça que je n’ai jamais ressenti de jalousie envers Capucine.  Oh je peux être jalouse !  Je me souviens que quand une fille faisait des œillades à Ezra je pouvais me transformer en vrai furie.  Je vous rappelle que je suis argentine, j’ai le sang chaud !  Mais je ne me suis jamais sentie menacée par l’une d’elle.  C’était plus par principe qu’autre chose.  Pour moi, il n’y avait aucun risque qu’Ezra me trompe.  Pourquoi j’en étais si sûre ?  Impossible de l’expliquer.  Je crois qu’il faut vivre ce qu’on a vécu pour le comprendre.  J’ai su après notre première sortie que j’avais trouvé l’homme de ma vie.  Même si ça paraissait totalement fou, je le savais.  Je ne suis pas une fille mystique, je ne crois même pas en dieu.  Mais s’il est vrai que les âmes sœurs existent et se cherchent à travers les différentes vies qu’elles incarnent sur terre, alors j’ai la certitude absolue qu’il est la mienne.  Y’a des choses qui sont hors de la compréhension et qui défient toute logique.  Donc non... je n’ai jamais été jalouse de Capucine.  Je ne le serai jamais vraiment de qui que ce soit.  

Au contraire, je l’apprécie énormément.  L’épreuve nous a rapprochées toutes les deux et ce qu’elle est en train de faire pour Ezra est formidable.  C’est une vraie amie, quelqu’un sur qui on peut vraiment compter et je la considère vraiment comme un membre de notre famille.  Alors oui on va faire bloc ensemble.  Je serai là pour elle quand elle en aura besoin tout comme elle est toujours là pour moi quand je suis à terre.  Je ne peux pas me complaire dans la douleur... la vie m’a fait le plus beau des cadeaux avec Ezra et Jade, mon mari est presque revenu d’entre les morts.  Je dois affronter.  Le pire est derrière, c’est ce que je pense vraiment.  Mais Capucine ne semble pas vraiment de cet avis.  Je fronce un peu les sourcils à ses mots.  Le pire est à venir ?  Oh non... je ne crois vraiment pas.  Soudain des images de ce jour là me reviennent en mémoire.  J’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir... mon travail était à côté de l’hôpital alors les collègues d’Ezra ont pu vite me prévenir et je suis arrivée très peu de temps après lui.  Il n’était pas encore monté au bloc parce qu’il avait fait des arrêts cardiaques sur le chemin vers l’hôpital et il fallait d’abord le stabiliser.  J’ai vu le brancard poussé énergiquement par l’équipe médicale vers les ascenseurs et entrevu la blessure sans les bandages.  C’est une image qui restera gravée dans mon esprit jusqu’à la fin de ma vie.  J’entends la voix de Capucine au loin et les images se superposent.  Je sais que je dois me les enlever de la tête.  Je cligne des yeux et essaie de me déconcentrer sur ce qu’elle dit.  Une camisole... une tête de mule.  Je prends une grande inspiration et sourit à mon tour.  Oui, c’est une tête de mule mon Ezra, y’a aucun doute là dessus.


Allez viens...


Intérieurement je me mets des claques pour réagir tandis que j’ouvre la marche vers le coin boutique.  Mon employée est partie et à fermé derrière elle, préparé comme il se doit les invendus qui ne pourront plus être servis demain dans des boîtes que je vais porter au secours populaire comme tous les jours avant de rentrer chez moi.  


Prends tout ce qui te fait plaisir.  Pendant ce temps là je prépare les cookies.


Je prenais un grand sachet et me saisissais de la pince pour commencer à le remplir de biscuits.  Ceux aux trois chocolats sont ses préférés alors j’en mets pas mal.  J’en mets aussi au chocolat blanc cranberries, quelques uns au cœur coulant...


J’ai vu la personne que j’aime le plus au monde avec un trou dans la tête.  Les machines, les fils... Et j’ai entendu les discours des médecins qui me prenaient à part dans leur bureau presque deux fois par an pour me dire que je devais abandonner, renoncer, qu’il ne se réveillerait jamais et que je devais faire mon deuil.  J’ai affronté la vie sans lui, j’ai vu grandir notre fille sans son père.  Il n’était plus là...


Mon cœur se serre et je repose la pince, commence à fermer le sachet machinalement.


Je n’entendais plus son rire, ses yeux restaient clos, il ne souriait plus.  Toutes nos petites choses du quotidien ont disparu du jour au lendemain, j’avais beau lui parler il ne me répondait pas.  Tout ce qui faisait ma vie s’est éteint avec lui.  Alors oui je sais ça sera difficile.  Je ne m’attends pas à ce que tout reprenne comme si rien de s’était passé.  Mais rien ne peut être pire que ce que j’ai traversé.  


Sauf peut être qu’il m’oublie et ne veuille plus de moi.  Mais je ne veux pas imaginer que ça puisse arriver.  J’essuie discrètement une petite larme qui menace de couler et me remets à sourire quand je tourne les yeux vers mon amie.


Il est là...  ça va me donner de la force.