l'histoire de ma vie
années 2008, 2013, 2014, et aujourd'hui.
t'es restée quelques minutes sur le banc. les yeux fermés. t'aimes ce moment. lorsque l'église se vide. lorsque les familles se recomposent. tu aimes les regarder partir. tu aimes apprécier le silence lorsqu'ils ont tous quitté la bâtisse. mais, tu te rends rapidement compte que tu n'es pas seule.
bonjour. qu'il vient te dire, simplement. il s'approche de toi, son corps qui vient s'asseoir à tes côtés.
bonjour. un écho, un sourire. tu ne sais pas tellement ce qu'il vient faire ici. ni pourquoi il te détaille tant. le sang te monte rapidement aux joues tandis qu'un silence gênant s'installe entre vous.
j'vous ai vu, dimanche dernier. vous êtes une habituée ? tu acquiesces doucement.
je viens ici tous les dimanches. avec ma famille, en général. tu relèves les yeux vers lui. vos regards qui se rencontrent alors qu'un frisson parcourt ton échine.
Judith. que tu dis en tendant ta main.
Isaac. tu le détailles un instant. il est plus âgé que toi, c'est certain. plus âgé d'une dizaine d'années, environ. tu remarques des traits marqués sur son visage. une certaine fatigue. une certaine amertume, peut-être. vous êtes restés là à parler pendant des heures. t'as raconté ta vie à un inconnu. il s'est confié à toi. jeune divorcé. père de deux gamins qu'il ne voit quasiment jamais. son ex-femme ayant pris la fuite avec eux. il a accumulé les embûches, les erreurs. il est empli de regrets, de remords. un gars peu fréquentable qui souhaite se repentir. et tu lui as tendu la main, Judith. tu as été sa rédemption. il était ton premier amour.
l'amour ne dure que trois ans, paraît-il. mais t'as détesté de devoir le quitter. t'as détesté de devoir lui dire au revoir. là, sur le quai de la gare. là, alors que t'as décidé de t'engager auprès de médecins sans frontière. t'es partie à Haïti. il avait bien d'autres choses à faire que de te suivre. t'as compris. t'as compris qu'il était temps que cette histoire se termine. alors, vous vous êtes quittés. vos coeurs lourds. une marque indélébile sur ton myocarde. tu ne l'oublieras jamais, c'est certain. et, peut-être que s'il est réellement ton âme soeur, vos chemins se recroiseront.
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je m'apelle Judith. que tu souffles alors que tu te pousses de la porte d'entrée afin de le laisser entrer. c'est la première fois que ça t'arrive. la première fois que tu héberges un homme, autre que ton frère, chez toi. t'as comme l'impression que cette maison est bien trop vide. dénuée d'âme. dénuée d'un certain bonheur. tu te sens seule. alors, t'as décidé de louer la chambre libre. t'en es pas à ton coup d'essai. quelques personnes sont déjà venues. des femmes. mais, lorsqu'il t'a appelé, t'as pas réussi à dire non. t'as pas réussi à ne pas ouvrir ta porte. t'es comme ça, toi. vouloir aider tout l'monde. le coeur sur la main.
Evan. qu'il te répond alors que vos deux mains viennent se rencontrer. tu souris délicatement alors qu'un frisson vient parcourir ton échine. tu le détailles quelques secondes. tes yeux qui analysent sa silhouette. il a l'air paumé. il a l'air mystérieux. tu te mords la lèvre inférieure.
je vais te faire visiter. que tu souffles tout en fermant la porte derrière lui. et tu t'es dirigée dans la maison. sourire aux lèvres. faisant découvrir à Evan ton chez toi. ton cocon. là où tu habites. là où, lui aussi, habitera pour ces futurs mois. ce jour là, tu n'as pas mesurer les conséquences de cette nouvelle collocation. t'as pas pensé une seule seconde que tu te laisserais prendre à son jeu.
pas de sentiments. pas d'attache. qu'il t'a dis, un soir. t'as acquiescé. pour lui. pour profiter des rares moments que t'allais pouvoir partager avec lui. t'as accepté de faire ne entorse à tes valeurs. à tes convictions. à cette promesse que tu t'étais faite.
ne jamais te donner à un homme si t'en es pas amoureuse. ne pas te donner s'il n'est qu'un vagabond. qu'un type qui ne veut que ton corps. t'as craqué. mais, t'étais amoureuse, Judith. tombée dans ses filets sans qu'il ne s'en rende compte. t'étais jalouse qu'il puisse en approcher une autre. qu'il dorme ailleurs que chez
vous. t'as fais une concession. t'as vendu ton âme au diable. à Evan.
et puis, il y a eu ce matin. ce matin où tu t'es levée et où Evan avait disparu. pas un mot. pas un au revoir. juste un numéro laissé sur une enveloppe déchirée. il t'avait prévenu dès son arrivée. dès qu'il a posé ses valises chez toi. Evan est un vagabond. Evan ne reste jamais à un endroit plus de quelques mois. pourtant, tu comptais lui dire, ce matin là. que t'étais enceinte de lui.
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j'ai vu ton frère à la pharmacie. il m'a dis que tu étais revenue. cette voix. tu te retournes, les yeux écarquillés. un sourire se dessine sur ton visage tandis que tu viens prendre l'homme dans tes bras.
Isaac... que tu murmures contre lui. tu t'éloignes légèrement de lui avant de le détailler.
t'as pas changé. que tu ajoutes, un sourire qui étire tes lèvres. près de quatre ans sans vous voir. près de quatre ans sans que vous n'ayez aucune nouvelle l'un de l'autre. il t'a manqué. tu baisses ton regard vers ton ventre arrondi. t'es bientôt au terme de ta grossesse. l'enfant à naître, un garçon, doit pointer le bout de son nez d'ici quelques semaines.
ton frère m'a parlé de ça, aussi.. le sang te monte rapidement aux joues.
il a encore du mal à digérer la nouvelle. que tu murmures, honteuse. t'as décidé de garder l'enfant. t'as décidé de le mettre au monde. même contre l'avis de ta famille. même si tu dois te faire passer pour une catin auprès de l'église. tu assumes tes actes. tu en assumes les conséquences. et puis, c'est tout ce qu'il te reste d'Evan. ce petit être. Isaac te sourit, venant ensuite déposer un baiser sur ta tempe.
tu viens dîner avec moi ? tu acceptes. et tu lui raconteras tout. sur Evan. sur ce que tu as pu vivre à Haïti. sur ce voyage formidable qui t'a réellement changé. tu lui raconteras en avec détails votre relation, à Evan et à toi. à quel point il te manque, encore aujourd'hui. tu ne lui mentiras pas. tu lui raconteras, aussi, les raisons de ta futur maternité. tu te confieras à Isaac. comme s'il était ton meilleur ami. te lavant de tes pêchers.
et quelques mois plus tard, t'es retombée dans ses bras. Isaac a changé. Isaac assume la paternité d'un enfant qui n'est pas le sien. Félix. aujourd'hui fiancée. heureuse. t'es loin d'imaginer qu'un individu va venir tout bouleverser dans ta parfaite vie.
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