sitting waiting wishing [tozraël #6]

Il a fait l'effort, ce soir. Si au départ Tom voulait que ce dîner soit sans prétention, que ce soit juste une occasion de pouvoir se retrouver et essayer de sauver les meubles, il avait tout de même fini par sortir sa chemise blanche -repassée, s'il vous plaît. Il s'était raté, une première depuis le retour de l'Italie, avait même tenté de coiffer sa chevelure indisciplinée. Et à l'heure indiquée, il était devant chez Azraël, avait sagement patienté qu'il descende. Tout ça pour les emmener dans ce restaurant de Wellington en bord de mer, avec la terrasse les pieds dans le sable. Ils n'étaient qu'à quelques mètres de l'eau, pouvaient entendre le bruit des vagues s'écrasant mollement sur le sable blanc. Il faisait nuit désormais, il n'y avait plus que les lumières de la côte pour éclairer l'horizon. D'où ils étaient, ils pouvaient voir le port, entendre même le claquement des voiles sur les mats. C'était une ambiance que Tom aimait bien. C'était tranquille, éloigné de la civilisation une fois que le soleil avait disparu. Surtout que ce soir, ils étaient visiblement les seuls à avoir préféré l'extérieur à la salle surchauffée. Un peu comme s'ils étaient seuls au monde, avec juste le serveur pour faire des allers-retours. « Alors... comment s'est passée ta journée ? » C'est banal, comme question. Comme attitude. Mais il sent que ce n'est pas naturel et ça le dérange au fond. C'est difficile à supporter. Il se sent con, se mange de plein fouet le mur qui s'est construit entre eux. La main d'Azraël est posée sur la table, et ça attire le regard du blond qui approche doucement la sienne, la frôle de ses doigts. Juste pour initier ce contact qui lui manque cruellement depuis maintenant plus d'une semaine.

Ça lui a fait bizarre de le revoir, et pourtant, il a senti cette boule dans le ventre qui lui a compressé l'estomac toute la journée. Il se rend compte qu'il a été angoissé toute la journée et il l'est encore quand il se retrouve face à Tom, dans ce restaurant qui aurait pu être magnifique si leur relation avait tout autre sens. Il ne sait pas quoi dire, à l'impression d'être en face d'un inconnu alors que pourtant, c'est loin de l'être. C'est Tom bordel. L'été montre le bout de son nez, et pourtant, Azra est en train de porter un gilet alors qu'il a loin d'avoir froid. Peut-être qu'il veut juste se protéger, il sait pas, il a peur d'avoir des réponses. « On a eu beaucoup de cas. » Il dit simplement, apporter son verre à ses lippes pour boire un peu d'eau. C'est loin d'être naturel, et ça lui brise le coeur. Son coeur s'emballe, leurs doigts se frôlent, et il se mord délicatement la lèvre en détaillant Tom. « Tu es beau. » Il faut bien commencer par quelque chose, pas vrai ? Puis c'est vrai quoi, Tom est beau. Cette chemise lui va à merveille, et il sent que l'adulte fait beaucoup plus d'efforts pour lui. En partant sur un sms fait pour sa mère, pour en finir sur une soirée au restaurant, au bord de la plage. C'est beau, c'est romantique, et en tant qu'observateur, Azra sait qu'il ne fait pas ça pour tout le monde. Alors peut-être que c'est vrai, qu'il est vraiment important aux yeux de Tom et c'est agréable de le ressentir. « Alors... Notre premier rencard ? » Il n'avait pas répondu, mais n'a pas oublié les mots que Tom lui a soufflé à l'hôpital. Azra approche doucement sa main, prend l’initiative de la poser sur la sienne. C'est timide. Mais c'est déjà un premier pas. Et sûrement qu'on le juge, d'être face à ce type qui a abusé de lui. Sûrement qu'on le traite de con, parce qu'il lui laisse une seconde chance, mais Azra s'en branle. Pour une fois, il écoute son coeur, pas le reste. « Officiel, pas vrai ? » Un léger sourire se dessine sur son visage, le palpitant au maximum.

Tom n'a jamais été superstitieux ou du genre à croire au destin, à ce genre de choses. Mais s'il y avait cru, alors cela n'aurait pu que renforcer son intention de sauver son couple. C'était bien la première fois qu'il finissait aux urgences pour quelque chose d'aussi stupide qu'un miroir explosé, première fois qu'il n'avait besoin ''que'' d'un infirmier pour le soigner. Et Azra ne passait pas son temps aux urgences. Il y avait des tas d'autres endroits où il aurait pu être dans l'hôpital mais non. Il avait été présent, s'était occupé de lui. « J'espère que je n'étais pas le cas le plus stupide de ta journée. » Il avait dû en voir des vertes et des pas mûres. Mais outre le simple cas médical, il se doutait que sa présence avait dû marquer la journée entière. Surtout avec ce rendez-vous. Et c'est gentil de lui dire qu'il est beau, mais il continue de se voir comme un monstre. « Tu l'es bien plus que moi. » Et c'est au-delà du physique. Azraël est l'une des plus belles personnes que Tom a rencontré depuis bien longtemps. Le genre à avoir un cœur assez généreux pour même tenter de lui donner une autre chance. Dans tous les cas, cela fait partie des aspects qui lui manque, pouvoir passer des minutes entières à se déconnecter du monde pour l'observer, s'attendrir. À être revenu au point de départ, le blond n'apprécie que plus les pas de fourmi. Juste le contact de sa main le fait sourire, lui donne la sensation d'être un peu plus humain. C'est un rencard, oui. Ils sont dans un cadre magnifique, seuls. Cette fois, Tom ne veut rien rater, rien foirer. Il se fout d'être vu si cela peut l'aider à regagner la confiance d'Azraël. « Totalement officiel. Ma mère a fini par me répondre dans l'après-midi, j'aurais pu t'emmener dès ce soir. » Mais il avait préféré qu'ils soient seuls. Qu'ils épongent un peu les dégâts avant de se présenter en public. Probablement parce que Tom avait besoin d'être sûr de son coup, ne pas faire tout ça en vain. « Il manque les roses, les bougies, tout ça. Mais honnêtement, je n'ai jamais été très doué avec tout ce qui est romantique. C'est... ça me dépasse. Beaucoup. » Il a un rire nerveux qui le fait baisser les yeux, comme s'il prévenait qu'il pouvait ne pas être à la hauteur de ses attentes, même ce soir. « Mais je voulais juste passer du temps avec toi. On a peut-être brûlé les étapes, été trop rapide pour apprendre à nous connaître. Alors si ça peut t'aider à me refaire confiance, je patienterai tout ce qu'il faut. » Il savait que dans le meilleur des cas, il aurait droit à un baiser. Se doutait qu'il pourrait se faire repousser pour une étreinte. Et il l'acceptait. « J'adore l'escalade. Aller sur les sommets, prendre de la hauteur. Il y a des spots magiques en Nouvelle-Zélande, mais il faut se ruiner les épaules pour réussir à y accéder. » C'est une information lâchée naturellement. « A toi. Qu'est-ce que je devrais savoir ? »

Azraël réfléchit, quelques minutes. Au fond, en tant qu'infirmier il y a des cas similaires. Un patient qui arrive avec la main en sang à force d'avoir frapper dans un miroir, ça arrive souvent mais dans la nuit. Alors il fini par hausser les épaules, n'a aucune réponse à lui donner pour cette question basique. Il se rend compte qu'il n'y a aucun cas stupide, parce que chacun à son histoire, et chaque patient est différent. Tom n'est pas un cas stupide, tout comme un gosse de quinze ans qui s'est cassé l'épaule en voulant faire une cascade n'est pas stupide ; il avait simplement les raisons pour le faire. Il secoue la tête, loin d'être d'accord avec ces mots. « Pas à mes yeux. » Il aurait pu dire aussi qu'il avait de la chance de l'avoir, mais là, il sait que ce serait déplacer de sa part, mal-honnête aussi. Il a des fourmis dans les mains, un sourire à la con qui se dessine sur son visage quand il comprend que cette histoire avec les parents berenson existe vraiment. « Ils vont réagir comment ... ? Face à ton homosexualité ? » Azra sait qu'il a fait ça parce que ça fait parti du plan, que c'est grâce à ça qu'il va pouvoir regagner sa confiance, mais Azra se dit que, peut-être, c'était trop égoïste de lui demander ça. « Au moins... Tu n'auras plus à ta cacher, je pense que tes parents serait devenus impatient à attendre que tu demandes en mariage cette fille. » La jalousie est là, toujours là. Elle s'entend, il ne peut pas se retenir, c'est plus fort que lui. « Sous le toit, tu as été romantique. » Un large sourire se dessine sur ces lèvres, alors qu'il noue littéralement leurs doigts ensembles. « L'escalade ? Donc, ça explique pourquoi tu as un aussi beau corps. » Il se mord la lèvre, l'ambiance est plus légère, les murs commencent à se briser. Lui, il n'a pas forcément de passion, ni d'activité. « J'aimerais me spécialiser dans la pédiatrie, m'occuper des enfants. Je crois qu'on en a déjà parlé, je m'en souviens plus vraiment mais c'est vrai que ça me plairait. Parce qu'à défaut d'avoir perdu mon enfant, j'aimerais sauver ceux des autres. » Sourire nostalgique au visage, il serre sa main fort, bien plus fort.

Il ne sait pas à quel moment il est tombé amoureux, à quel instant précisément il a fini par admettre que Azraël était important pour lui. Mais maintenant que c'était le cas, il voulait que le jeune le sache, qu'il réalise son importance. Pas qu'il se dénigre, surtout pas maintenant. « Aux miens, si. » Et c'est le principal, c'est ce qui fait que cette discussion n'ira pas plus loin. Le brun vaut bien mieux que lui. Au point de lui céder, de lui autoriser l'accès à une sphère plus privée de sa vie, celle où il n'a jamais fait entrer aucune relation sérieuse. À savoir, sa famille. Les réactions que cela générera, ça... Il s'en doute. « Tu sais, Leeth a fait un coming-out franchement vulgaire devant toute la famille alors... je serai soft, derrière. Ils se feront à l'idée, c'est juste que... Je suis l'aîné. Mon père surtout avait beaucoup d'attentes me concernant. Je vais achever de le décevoir, probablement. Mais ce n'est que repousser l'échéance de me cacher, alors... » C'est vrai qu'un jour, son couple avec Judith ne tiendrait plus. Il ne serait plus crédible, surtout que la blonde faisait sa vie de son côté. « J'ai pris l'habitude de me cacher. Mais ce sera bien mieux, surtout pour Judith qui doit vraiment se marier mais avec son fiancé. » Il sourit, doucement, comme résigné. De toute façon, il était prêt à faire des efforts. Sortir de sa zone de confort, comme sur le toit. « En même temps, je n'avais qu'à suivre l'exemple. » Une surprise sur un toit n'était rien comparé à un voyage surprise en Italie. Mais se surprendre romantiquement et agir comme deux tourtereaux, cela ne les amenait pas vraiment à se connaître. C'était pour ça que le blond enchaîna sur ce petit jeu, une information contre une autre. Alors oui, l'escalade avait permis de sculpter son corps. « Je devrais t'emmener un jour. » Juste pour lui faire découvrir. Et puis Azra lui parla de la pédiatrie. Le sujet des enfants, tellement sensible pour eux deux. Leurs mains se serrent, le contact est là, et Tom ne peut qu'esquisser un sourire triste. Elle a accouché Sulli, leur enfant est parti. « Ce serait beau. Ne te fais juste pas de mal... Parfois, la maladie l'emporte. » C'était une éventualité à considérer, même si cela n'avait rien de juste. Et c'était à son tour. « J'ai... un bon feeling avec les jeunes, ceux qui posent problèmes surtout. Ma famille est une famille d'accueil depuis des années, et j'en ai vu défiler. Alors... j'ai tendance à toujours croire qu'il n'y a pas de cas désespéré. Que tout le monde peut faire des erreurs et avoir droit à une deuxième chance. » Il finit par murmurer en relevant les yeux. Il ne voulait pas faire de sous-entendus, mais il ne peut pas s'en empêcher. Comme pour se rassurer.

Visiblement, ça ne sert à rien d'essayer de débattre. Azraël n'est pas con, il sait très bien que Tom se déteste plus que tout à ce moment précis, depuis Milan. Il n'est pas le seul à souffrir dans cette histoire. Azraël est la victime, mais la culpabilité ronge le visage de son amant, la honte aussi probablement. Alors il hausse les épaules, loin d'être d'accord avec lui, ressentant le besoin de sous-entendre quand même l'importance qu'il a toujours dans son âme. Certes, elle est détruite, mais Tom est toujours là, quelque part. Au fond, Azraël se sent rassurer d'entendre que cette fille a, elle aussi, une vie sentimentale et il se rend compte qu'il se tracasse vraiment la tête pour pas grand chose. « J'ai l'impression de tout bouleverser. » Qu'il murmure, se rendant compte qu'il a pensé à voix haute. Alors il relève me regard, observe le ciel étoilé, les yeux qui se mettent à briller. Azra a toujours aimé ça, passer des heures à observer la beauté du ciel. Il connaît un endroit à Island Bay, proche de la plage, qui est magnifique pour ça et il s'avère qu'il n'y a jamais personne. Son endroit secret, peut-être qu'il emmènera Tom un jour. « J'ai l'impression de te forcer à faire ton coming-out. S'il n'y avait pas eu le... S'il ne s'était pas passé ce qu'il y a eu à Milan, je mets ma main à couper que je serais rester dans l'ombre beaucoup plus longtemps, voir toujours. » Wow, c'est qu'il a des pensées bien trop profonde, Azra. Il lève la main, un léger signe du genre "t'sais quoi ? oublie" avant d'hocher les épaules. Loin d'être un grand sportif, il ne sait pas si l'escalade est une chose qu'il porte dans son coeur. Forcément, c'est à tester, mais faut avouer qu'il n'est pas serein.

Alors leurs mains se serrent, le sujet est sensible sachant qu'ils ont tous les deux perdus un enfant. Certes, ils n'étaient pas nés, mais ça suffit amplement de savoir qu'on va être parent pour les aimer très fort. « Parfois, oui. Mais d'autres guérissent. Puis de toute manière, ma seule manière pour être papa est voué à l'échec, alors si je peux voir le regard des parents de mes patients qui pétillent à l'annonce du bonne nouvelle, alors je peux faire avec. » Parce qu'Azra voulait l'adoption, mais il a tellement entendu dire par Stella que c'était une mauvaise idée, et d'autres mauvaises choses sur le sujet, qu'il a renié cette idée à jamais. Un faible sourire se dessine sur son visage, cette phrase qui signifie beaucoup sans qu'ils aient besoin de le préciser. « Que l'erreur soit grave, ou le soit moins, on a tous le droit à une seconde chance. Il faut simplement vouloir être prêt à l'affronter. » Azra a l'impression d'être un éternel philosophe, il parle beaucoup trop, laisse son esprit divaguer. « Tu dois t'y attacher, à ces gosses. Ouais, ça doit être difficile de les voir prendre leurs envols après ça. » Il se rend compte, simplement, que la famille Berenson est beaucoup plus grande que ce qu'il pensait, même s'il n'y a aucun lien de sang. « Je rêve d'aller à Paris. Mais j'ai pas envie d'y aller pour un simple voyage, j'ai envie d'y aller pour quelque chose d'important. J'idéalise beaucoup cette ville que l'idée d'y aller une seule semaine pour des vacances.. C'est pas ça qu'j'veux. Je sais pas comment m'expliquer, ça sonne bizarre. » Il rigole doucement, reprend sa main pour tirer une clope dans son paquet, laissant la fumée détruire ces poumons. Il a augmenté ces derniers temps, bien trop.

Il a pas tort, Azra. Il est entré dans sa vie sans prévenir, a tout chamboulé sur son passage. Il l'a pas vu venir, Tom. Avant même qu'il s'en rende compte, il avait le brun dans la peau. Ça avait été difficile à admettre au début, mais maintenant que Tom en était à essayer de se faire pardonner à tout prix, il était prêt à tout accepter. Et même si leur amour s'était montré trop rapidement dévastateur, le blond n'y renoncerait pour rien au monde. Leurs moments ensemble, leurs étreintes, les sourires, les étoiles dans les yeux, cela avait trop de valeur pour que l'homme puisse ne serait-ce envisager de laisser tomber. Alors c'est vrai, il doit maintenant bouleverser sa vie, faire des choses auxquelles il se serait refusé pour n'importe qui d'autre. Et il sent bien que Azra ne veut pas en parler davantage, mais si. Ils ont besoin d'en parler, surtout que cette fois-ci, le jeune a tort. « Tu bouleverses tout, c'est vrai. Mais je ne fais pas mon coming-out comme un moyen de me racheter, tout comme je ne t'ai pas dit que je t'aimais juste pour que tu ne partes pas. Si je décide de le faire, c'est que j'ai bien compris qu'on ne pourrait jamais rien construire si je te cache. J'ai envie que ça fonctionne. » C'est d'une franchise jamais inégalée et il essaye d'attraper son regard, lui faire comprendre qu'il est sérieux. Il doit être taré de rêver autant d'un futur alors que leur relation est plus fragile que jamais, par sa faute. Mais il fera tout ce qui est nécessaire.

Le sujet de l'enfant a beau être douloureux, Azra réussit à le rendre beau en en parlant. « T'auras d'autres occasions d'être père si tu le souhaites. Mais c'est beau de vouloir aider des enfants et des parents qui n'ont rien demandé. » Tom se doute que dans les périodes de maladie, tout le soutien est le bienvenu. Même celui de purs inconnus, et surtout quand celui-ci déborde de bonté. Il est comme ça, le jeune. Incroyablement bienveillant. Peut-être naïf aussi, à mettre trop d'espoir en certaines personnes. La preuve, il avait accepté de le revoir. De lui donner cette seconde chance dont ils parlaient. Rien ne serait jamais comme avant mais... « Merci. » Il souffle en serrant sa main. Il ne ruinerait pas tout, pas une seconde fois. S'il ne se voyait pas comme un monstre, Tom réaliserait qu'ils sont semblables sur ce point là. La preuve en est de tous ces jeunes qu'il a accompagné, même pour les cas les plus difficiles. « Non. C'est plutôt un réconfort, et puis on ne perd jamais vraiment contact. » Les savoir tirés d'affaire faisait toujours plaisir. Il arrivait qu'ils fassent un dîner avec tous les gamins qui avaient été de passage. C'était toujours un moment émotionnel.

Et puis Paris. Un goût pour l'Europe et le charme de ces pays, probablement. « C'est pas bizarre. Tu as envie que cette ville signifie quelque chose... Je peux comprendre. » Tom ne peut s'empêcher de noter l'information dans un coin de sa tête, comme dans l'espoir de pouvoir s'en resservir un jour. « Mhh...Je préfère l'odeur de ton parfum à celui de tes clopes. » C'est son information, ce tour-ci. Ce n'est pas une critique ou un reproche, loin de là. Il n'aime juste pas le voir fumer autant, n'aime pas imaginer l'état des poumons. N'aime pas tant l'odeur de tabac froid sur ses vêtements ou dans son haleine. Il a l'impression que c'est nerveux. Il n'a pas tant fumé, en Italie. Mais il l'aime Azra, alors...

Ils sont interrompus par le serveur qui passe en coup de vent, prend leur commande avant de repartir aussi sac, les laissant à nouveaux seuls avec le bruit des vagues et les lumières du rivage.

Son coeur s'emballe, les mains deviennent moites. Il n'a jamais entendu Tom être aussi sérieux, ne l'a jamais vu trouver les bons mots, exprimant ce qu'il pense vraiment au fond de son coeur. Il a l'habitude d'un Tom qui sous-entend beaucoup, sans vraiment oser dire. Alors c'est différent, ça semble plus réel et ça lui provoque beaucoup de bien. « Moi aussi, j'en ai envie que ça fonctionne. » Azra a peur de cette conversation, peur au final d'être déçu, d'avoir eu trop d'attente et qu'au final il en ressort simplement perdant. Il a bouleversé sa vie pour Tom, a plaqué Stella pour enfin pouvoir l'embrasser, a trouvé une excuse pour toujours se retrouver dans son lit et pouvoir dormir dans ses bras. « J'ai peur d'avoir trop d'espoirs. » Murmure le brun, la voix qu'il tremble sans pouvoir retenir l'émotion dans sa voix. C'est plus fort que lui. Et heureusement que le sujet change. Il aime ce petit jeu qui s'installe, il aime en apprendre plus sur lui tout en restant complètement naturel. Il aime savoir que son sport préféré est l'escalade, aime qu'il parle de lui, aime cette sensation d'entrer un peu plus dans l'intimité de sa vie.

« C'est bien de garder contact avec eux, c'est important de voir la réussite que vous avez pu apporter. » Azra connaît pas si bien que ça les familles d'accueil, mais l'hôpital lui permet d'avoir des cas où il est directement touché dans ce genre de sujet. Il a compris quelque chose, c'est qu'il est important que le gosse se retrouve dans une bonne famille, celle qui ouvre vraiment la porte parce qu'ils veulent accueillir, offrir de l'amour et du bonheur, pas celle qui le fait pour avoir une bonne impression aux yeux de leurs amis, et finir par frapper le gosse ou le martyriser quand les portes sont closes. Il sait que dans la famille Berenson, les gosses sont dans de bonnes mains, et c'est sûrement le plus important. « C'est ça. J'aimerais bien y vivre aussi, un jour. » Mais ça, c'est pas pour maintenant. Il a tous ces repères ici. Sa mère, son père, sa famille. Il y a les bons souvenirs, et il n'est simplement pas prêt. Pas quand il a encore toute sa vie sur Island Bay. « J'suis pas prêt à m'arrêter... » C'est la seule phrase qu'il peut placer avant que le serveur arrive, qu'ils disent leurs choix et qu'ils se retrouvent de nouveau que tous les deux.

« J'aime quand tu es comme ça. J'aime quand tu dis les bons mots, que tu ouvres ton coeur. Ouais, ça fait du bien. Je sais que j'ai l'air d'un pauvre gars qui est sans-cesse en train d'en demander trop, qui a besoin de trop d'attentions mais... J'aime quand tu es comme ça. » Son information à lui, plus personnel, il pourrait presque lui glisser qu'il l'aime si ça n'était pas trop tôt. Alors il se contente de consommer sa clope, de la savourer. « C'est déstabilisant, t'es en face de moi et j'ai terriblement envie d'être dans tes bras, de frôler tes lèvres, de finir par les embrasser mais il y a ce mur invisible que j'arrive pas à détruire »

Avec leur relation, Tom est dans l'inconnu. Il ne sait pas où il met les pieds, a peur de trébucher à chaque mot qu'il dit, chaque geste qu'il fait. Il sent bien que l'abîme est proche, que faire les mauvais choix pourrait être la fin d'eux deux. Il devrait en avoir peur mais au lieu de ça... il est dans l'attente. Il patiente sagement, prend ce à quoi il a droit, donne ce dont il se sent capable. Et il a beaucoup, à offrir. Jusqu'à son cœur, son honnêteté, son équilibre, sa sanité. Azraël est le seul à avoir assez fait battre son cœur pour le rendre fou, littéralement. « Alors dis moi. Dis moi l'espoir le plus fou, le plus irréalisable que tu peux avoir. Que je fasse tout ce que je peux pour te rassurer. » Après tout, il avait déjà annoncé son arrivée à ses parents. Il n'avait qu'une parole et ne se dégonflerait pas le jour venu. Tant pis si cela devait être un mauvais moment à passer. Si Azraël était avec lui, alors Tom ne se sentait pas capable d'être effrayé. Il ne serait pas seul.
Il hoche doucement la tête. Il ne se donnera pas la liberté de parler de l'histoire des gamins accueillis dans la famille, de leur parcours, parce que ce n'est pas à lui de raconter les histoires. Mais ils étaient des membres à part entière de Berenson pour la plupart. Les voir devenir des adultes accomplis était une énorme fierté. Quant à Paris... Tom se surprend à se demander s'il souhaiterait y vivre. Il imagine l'appartement avec vue sur les toits, le Sacré-Coeur au loin. Azra qui s'attarde devant la fenêtre en permanence. Et lui qui vient le prendre dans ses bras, bécoter son cou juste pour lui rappeler sa présence. « Tu as la vie devant toi. » Enfin, pas s'il fumait. Mais ça peut être une tête de mule et le blond n'est clairement pas en position de faire des commentaires alors il hausse un sourcil, se renfonce dans sa chaise puisque sa main a perdu le contact.
Sauf que pour le coup, il ne s'y attendait pas à ces belles paroles. Il ne s'attendait pas à ce que cela vienne si rapidement. Il ne le mérite même pas et pourtant, il y a son cœur qui se met à s'affoler dans sa cage thoracique, l'émotion qui le laisse un peu béat. Il se sent un peu moins comme un monstre à ce moment présent. « Tu n'as rien d'un pauvre gars. Tu mérites quelqu'un qui... fasse attention à toi. » ça lui brise la voix ces derniers mots, comme si sa joie avait à nouveau disparu sous la couche de culpabilité. Ça aide pas, de parler de ce mur qui les sépare, qui les empêche d'agir comme les deux tourtereaux insouciants qu'ils étaient encore une poignée de jours plus tôt. « Il est peut-être là pour une raison, ce mur. Moi je serai toujours là une fois que tu auras réussi à l'abattre. » Même si cela devait prendre longtemps.
« C'est la première fois de ma vie que je tombe autant amoureux de quelqu'un, au point de trouver insupportable l'idée que je puisse perdre cette personne. » C'est court, c'est peut-être redondant, peut-être pas surprenant. Mais c'est dit yeux dans les yeux et avec le cœur. Et ça, c'est unique.

Est-ce qu'il prend vraiment le temps de réfléchir ? Ce serait mentir que dire oui. Parce qu'Azra, il a vu tellement loin en compagnie de Tom que la situation complique simplement tout ça, elle les retarde. « J'en ai pas qu'un Tom... Le truc, c'est que je ne vois plus ma vie que par toi. Parce que venir te rejoindre dans la nuit à chaque fin de garde, même si c'était pour une toute petite heure, c'était des moments qui me montraient que je ne pouvais plus me passer de toi. C'est horrible de sentir ta place vide dans mon lit alors que je nous voyais des mois plus tard heureux, dans un appartement à nous. J'nous voyais parler d'animaux, adopter un chien pour s'assurer qu'on serait apte à prendre la décision d'adopter un enfant. J'me voyais la bague au doigt, p't'être même crever dans tes bras. T'es arrivé, tu as tout bouleversé, et j'ai juste l'impression qu'on m'a volé mes plans pour que je recommence tout à zéro. Encore. » La tirade est longue, le monologue ne s'arrête plus, et quand il ferme enfin la bouche, il y a sa clope qui s'est consommée toute seule. Merde. Merde, parce que même avec Stella, ce n'était pas comme ça. Alors pourquoi lui ? C'est une des questions qui va rester sans réponse tout au long de sa vie. Ils parlent de Paris, ça lui permet de s'évader, de s'emballer à nouveau et c'est pas bien putain. Parce que le jour où tout va encore se casser la gueule, il ne sera pas préparé. « Mais la vie n'est pas devant moi quand tu n'es pas là. » C'est tellement sincère que ça lui donne les larmes aux yeux. Tom n'est pas là. Parce qu'il se met des barrières pour se protéger, en ayant rejeter l'homme jusqu'au point de départ, le laissant galérer pour revenir sur un même pied d'égalité. Clope au sol, alors que la conversation est bien trop sérieuse, qu'il attrape à nouveau la main du blond.

Bordel, son corps tremble, et il apporte cette main à se bouche pour y déposer un baiser avant de la serrer fort, très fort et la poser contre son coeur. « Tom, tu prends soin de moi. Tu m'as violé ouais, t'étais pas toi-même ce soir là, mais les choses sont faites et on peut pas r'venir en arrière. » Le mot tabou qui sort des lèvres sans pouvoir les retenir, l'ultime larme qu'il ne peut pas vraiment retenir.Il y a les beaux mots de Tom mais il n'a pas le temps de répondre que le serveur dépose leurs plats fumant. Putain, ça sent bon. Mais putain, Azra il a plus faim. « Moi aussi je t'aime, tu sais ? » C'est sûrement ça, le plus important.

Ils ne fonctionnent pas vraiment pareil. Tom n'a jamais eu vraiment de projets d'avenir. Se projeter au loin, s'imaginer des années plus tard, ce n'est pas quelque chose qu'il fait. Il préfère vivre l'instant présent, qui est bien plus précieux. Tom, il ne remet pas les choses à plus tard. Même avec leur relation ; il ne se dit pas qu'il réparera leur couple plus tard, qu'il fera le point sur ses sentiments plus tard. Et pourtant, ce que raconte Azraël... ça prend du sens. Ou tout du moins, le blond aimerait que ça en ait. Ce serait son genre de se réveiller un matin et de décider de demander son homme en mariage. Ramener un nouveau chien, prétendre que c'est le temps qu'un enfant arrive. Et un autre matin, il se réveillerait en décidant qu'ils sont prêts. La mort, la vieillesse, c'est bien trop loin. « Tu n'as rien à recommencer. Si je suis toujours la personne avec qui tu as envie de réaliser tout ça, alors j'attendrai sagement que tu m'en donnes la permission. Après tout, on a grillé toutes les étapes dès le début. On pourrait le faire encore. Et tu sais que tu es toujours le bienvenu chez moi, et que si tu as besoin de quoique ce soit, je rappliquerai aussi sec. C'est ton choix, et je le respecterai quel qu'il soit. » Peut-être que s'ils se remettaient ensemble, ils ne tiendraient pas jusqu'au mariage. Personne ne pouvait savoir. Mais Tom a besoin de se dire qu'il ne passera pas à côté d'une opportunité d'être heureux à n'en plus pouvoir. Que chaque jour de son quotidien soit semblable à ceux où il ouvrait paresseusement les yeux en sentant des draps s'agiter tout ça pour voir le visage fatigué de son homme. Il n'y aurait personne pour le remplacer. « Je demande que ça, d'être là. » Lui aussi il a la gorge qui se serre. Ça ressemble à un cri du cœur, celui qui supplie une chance de revenir, de refaire comme avant.

Et si le baiser sur sa main fait résonner quelque chose en lui, les mots le font se raidir, à nouveau baisser les yeux. Ce sont deux choses contradictoires, prendre soin de quelqu'un mais le violer. Comment réussir à faire confiance à un type capable de ces deux extrêmes ? Égoïstement, Tom voulait regagner tous ses droits en un claquement de doigts. Mais la raison, elle, n'était pas de cet avis. Ce qui est fait est fait. « C'est bien le problème. » Il s'était excusé assez de fois pour que le jeune comprenne le message. Lui devait commencer à s'habituer aux remords du blond. Sauf que Tom, il ne pourrait jamais se faire aux larmes. Alors ces trois petits mots, l'expression de son amour, ça le bouleverse tout entier Tom. Il s'efforce de regarder son assiette, tenter d'y trouver un certain attrait. Ça ne fonctionne pas. Ce qu'il veut, c'est faire exploser ce mur en mille morceaux. La tentation est bien trop forte pour qu'il ne la retienne. Il finit par se lever, contourner la table pour se baisser au niveau de son homme. Ses bras viennent l'étreindre tendrement, son cou va respirer le parfum dans son cou. Il comprendrait s'il se faisait jeter mais... « T'as pas idée de ce que je donnerais pour pouvoir à nouveau me réveiller contre toi tous les matins. » il murmure. Il va peut-être trop vite. Mais merde, l'amour ne comprend pas les limites.

C'est difficile, ce qui s'est passé. Le truc, c'est qu'Azra il a bien compris que Tom lui laissait le choix. C'est peut-être ça le plus difficile. Il a peur que le blond lui fasse comprendre qu'il peut abuser dans certaines demandes, il a peur que le blond se lasse de l'attente et des distances qu'Azra met entre eux. Parce qu'il est capable de prendre sa main sans avoir de craintes, puis la scène peut lui revenir d'un seul coup et paniquer dans la seconde qu'il suit. « Merci. » Qu'il se retrouve à dire, parce que les mots sont beaux mais qu'il est incapable de savoir répondre des choses aussi belles. « C'est un problème si tu n'as pas de remords, si t'es fier de ce que tu as fait. Il me semble pas que ce soit le cas, là. » Il trouve toujours un moyen de voir du positif malgré le brouillard obscur qui éclaircie leur route. C'est beau, quand même.

Il se lève Tom, et le brun fronce les sourcils, ne comprend pas vraiment son geste jusqu'à ce que le brun s'abaisse à son niveau. « Tente pas la demande en mariage, c'est beaucoup trop tôt. » Il en rigole, parce qu'il vaut mieux rire qu chialer, pas vrai ? Mais il ne s'attendait pas à ce que Tom le prenne dans les bras. Il ne se crispe pas, il ne se braque pas. « Moi aussi, ça me manque. J'ai plus l'habitude de dormir tout seul. Et j'ai même plus d'excuses pour venir dans ton lit. » Parce qu'avant, c'était des prétextes, des sous-entendus pour qu'il finisse la nuit dans les bras de Tom. Mais là, il ne se sent pas prêt. C'est grillé des étapes, et il ne peut pas se permettre de le faire. « J'fais beaucoup de cauchemar. Et quand je me réveille, j'ai le reflexe de tourner de ton côté en espérant que tu puisses m'apaiser. » C'est con bordel. « Mais t'es pas là. » Et il ne sera pas là cette nuit non plus, ni la semaine prochaine. Il lui faut du temps. Le traumatisme reste là, et il a peur de dormir et que les choses se compliquent quand il est dans les bras de Morphée.

« J'ai même plus faim. » Il souffle, un peu honteux. L'appétit aussi, il a réussi à la perdre. Il se blottit simplement un peu plus contre Tom, lâchant un léger soupir avant de déposer un baiser dans son cou. « Ce ne sera plus comme avant, mais ce serait bien mieux qu'avant. » Qu'il murmure, proche de son oreille, alors que sa main trouve sa place dans les cheveux du blond et qu'il éloigne sa tête du cou de Tom, simplement pour observer les traits de son visage. Puis le coeur l'emporte sur la raison, et deux paires de lippes se rejoignent sous les rayons de la pleine lune.

Les regrets ne le rendent pas plus humain, pas après ce qu'il a fait. Tom ne supporte toujours pas d'y repenser et malheureusement, c'est les seules images que son cerveau veut bien fournir dès qu'il n'a pas l'esprit occupé. Il se revoit faire ça à Azra, être spectateur de cette scène atroce. Ça le fait s'arracher les cheveux d'y repenser, lui donne envie de fuir loin, de ne plus s'approcher du brun de peur de lui faire encore du mal, d'une manière ou d'une autre. De peur d'être capable de pire, aussi. Il ne s'est pas reconnu ce soir-là, ne s'associe toujours pas à l'animal qu'il a été. Alors qu'est-ce qui lui garantit que ça n'arrivera plus jamais ? Il a envie d'y croire. Son cœur en tout cas se refuse à penser que quoique ce soit puisse encore aller dans le mauvais sens un jour. Parce que son cœur, il est naïf, et cruellement en manque de cette tendresse permanente à laquelle il s'était habitué. Il ne veut pas lui faire peur à Azra, encore moins le faire se crisper. Il sent que son geste peut être mal interprété, mais ça arriverait presque à rendre les choses plus légères. « Merci d'avoir prévenu, je change de plans alors. » C'est juste avant l'étreinte, le retour momentané des habitues, de cette odeur qui a tendance à le rendre heureux, de cette chaleur qui se fait bien trop désirer.

« Tu n'as plus besoin d'excuse pour venir. Je te passerai même une clé, si tu le souhaites. » S'il veut, s'il en a envie. Tom, à ce moment là, il a envie de supplier de revenir, d'avoir droit encore à ces nuits où ils partagent leur chaleur sous la couette, de ces matins où ils s'embrassent mais ont un petit sourire amusé en voyant la tête de hibou mal réveillé de l'autre. Même de ces fois où ils ont dû arrêter leurs câlins à contre-coeur en regardant l'heure. Alors non, il n'est pas là. Il ne peut pas aider les terreurs nocturnes. « Tu te réveillerais à côté du monstre. Pas dit que ce soit la meilleure idée. » Quitter un cauchemar pour revenir à la réalité. Le blond est amer, sent les secondes d'insouciance se terminer. Et Azra qui avoue ne plus avoir faim, rajouter une couche à la culpabilité. C'est vrai que les assiettes sont délaissées. Le truc, c'est que Tom n'arrive pas à l'entendre comme un reproche qui lui est directement adressé. Parce qu'il l'embrasse dans le cou, et ça lui arrache un frisson. « Fais l'effort quand même. » Il murmure. Il ne veut pas le forcer. Mais il faut qu'il mange, qu'il compense comme il peut le fait qu'il se tue au travail.

Que Azraël recule, c'est difficile à vivre. Tom le dévisage à son tour, regarde son visage en se demandant comment ça pourrait être mieux qu'avant avec ce qu'il lui a fait vivre. Il ne sait plus à quoi s'attendre, sincèrement. Alors le baiser ? Il achève de lui faire perdre pied. Ça a beau être tendre, Tom ne peut s'empêcher de le vouloir plus intense, plus débordant de tous ses sentiments dont il ne sait pas quoi faire. Les jeter, les garder. Il a une main qui glisse sur la joue du jeune, la caresse doucement. « Tu me rends fou, à souffler le chaud et le froid comme ça... » Il se permet d'aller chercher un nouveau baiser, de s'attarder encore contre ses lèvres. Et quand il recule sa tête, il fait l'erreur de lever les yeux, de voir un couple à la porte du restaurant les fixer avec le plus grand des jugements. Il ne sait pas pourquoi ça le fait frémir Tom, le fait s'éloigner pour retourner à sa place, reporter son attention sur son plat. Du poisson, du riz, des légumes. Rien de bien difficile à avaler. « Fais moi juste le plaisir d'essayer de manger, d'accord ? Je sais que c'est de ma faute, que je le mérite mais... J'ai horreur de m'inquiéter pour toi en permanence. Et c'est encore plus affreux quand je réalise que j'ai perdu mes droits de me pointer chez toi quand ça me chante, ou que je puisse réclamer de te voir à n'importe quel moment. » Il s'était beaucoup trop attaché.

Peut-être que c'était trop beau, pour que ça reste tout calme. Azra ne répond pas, parce qu'il y a le baiser entre temps et que ça suffit pour calmer les choses. Le temps de quelques secondes, alors qu'Azra entoure la nuque de Tom, attire son corps contre le sien, profitant de l'étreinte et de la chaleur de leurs lèvres jusqu'au bout. « Tu n'es pas un monstre. » La seule phrase qu'il sort. Et tout s'arrête. Tom va s'asseoir, et Azra a le réflexe de se retourner et de comprendre le changement de comportement Peut-être que c'est trop tôt, mais va savoir pourquoi, ça lui a fait mal. Il a l'impression que tout ça est simplement un rejet, mas Azra sait qu'il en demande beaucoup trop. Alors il ne dt plus rien, se contente de prendre la fourchette dans sa main et de nourrir un peu son estomac qui est en train de lui faire mal de plus en plus. Il a tant de choses à lui demander, mais il est incapable de faire un tri. Alors Azra fini par repousse son assiette. « Je t'ai jamais demandé de t'inquiéter pour moi. » Voilà, au fond, la phrase qu'il lui avait fait sûrement le plus mal. Azraël n'y est pour rien, s'il n'a pas faim, s'il fume trop, s'il panique constamment quand une personne est trop proche de lui. Il n'y est pour rien non plus, s'il dort mal la nuit. Tout ça est complètement de sa faute à lui, à Tom, et jamais il ne lui a dit à voix haute pour toute l'estime qu'il arrive encore à avoir pour lui. « Ouais tu as perdu tes droits, et je pensais presque que tu allais en récupérer un peu ce soir. Mais tu viens de tout gâcher, parce que t'es incapable de réfléchir avant de parler, t'es incapable d'être discret quand tu vois deux personnes qui ne sont pas comme nous et t'es incapable de garder la tête haute quand les personnes en question sont en train de nous juger ! » Il parle pas vraiment fort, mais Azraël est profondément blessé pour tout dire. Il a besoin de cette attention, particulièrement après ce qu'il lui est arrivé. Peut-être qu'il s'emballe, qu'il est trop méchant, mais il lui en faut pas beaucoup avant que sa conscience ne se mette à le remettre en question. Parce qu'Azra se bat pas, mais sa conscience elle... Elle le protège contre tout le monde, Tom en particulier. Alors il recule son assiette. « Tu fais chier. » Il se lève, fuit, fuit vers la plage parce qu'il veut pas pleurer devant lui.

Et pendant un instant, Tom a cru qu'ils pourraient oublier. Qu'ils s'accrocheraient à ces baisers, à cette étreinte, à ces mots auxquels ils ont autant envie de croire l'un que l'autre. Sauf que le blond ne peut pas se voiler la face, il ne peut pas juste faire comme si Milan n'avait pas existé. Et malgré toutes ses bonnes intentions, la réalité refait surface. Il s'éloigne parce qu'il n'aime pas se montrer avec un homme, propose simplement de manger, faire comme si tout était normal. Ça marche le temps d'une seconde, même s'il ne parvient pas à se convaincre lui-même. Le silence est trop pesant, les gestes forcés. Tom n'essaye même pas de soutenir le regard du brun en entendant les reproches tomber. Il les mérite. Mais le plus dur, c'est de réaliser qu'il n'est même pas à la hauteur pour pouvoir pleinement se rattraper. Toujours pas foutu d'assumer ce qu'il est, de trouver les bons mots, d'être juste autre chose que ce violeur d'un soir. Il ne sera jamais assez bien pour mériter le pardon du jeune. Il n'y a rien de pire pour lui torturer le cœur, le mettre plus bas que terre. Il ne veut pas l'accepter. Il l'a encore blessé, même sans le vouloir. « Attends ! » Mais Azraël ne l'écoute pas. Il fait ce qu'il y a de mieux à faire : s'éloigner de lui. Il devrait le laisser. Lui permettre de se reconstruire sans avoir la cause de tous ses démons à côté. Et pourtant, comme depuis qu'ils sont rentrés, Tom se refuse à considérer l'idée. Il se lève tout aussi brusquement, sort des billets qu'il claque sur la table avec un regard noir vers le serveur, et file à la suite de son amour.

La plage est déserte, éclairée par les lampadaires sur la route et par la lune qui se reflète sur l'eau. Azraël n'est pas difficile à trouver dans cette immensité de néant. Mais en arrivant près de lui, Tom se rend compte qu'il ne sait plus quoi faire, quoi dire. Il se sent désemparé, épuisé d'essayer de faire vivre encore un peu d'espoir sans savoir si cela servira à quelque chose. Il ne peut plus supporter ces rapprochements entre eux quand derrière, c'est du retour au point de départ. « Je suis qu'un con et tout est de ma faute. Je sais. Et je comprends que tu aies besoin de temps, que je te remette en confiance... mais je sais pas faire. Je vais encore en faire des faux pas, plein, même avec la meilleure volonté du monde d'être le type qu'il te faut. Si c'est trop pour toi, autant que tu me le dises. Qu'on arrête de se faire du mal pour rien. » Qu'ils sachent en rentrant chez eux ce soir s'ils ont un trait à tirer ou non.