Une fois dehors, je pris une grande inspiration, la fraicheur matinale me fit du bien. Il n’y avait toujours aucune larme, j’ose espérer pleurer une bonne fois pour toute mais non en fait, rien n’arrivait.
Je marchais dans Westbay, sans réelle destination, je voulais juste marcher et me vider l’esprit. Ce sujet a été une grande énigme dans ma vie, ça a toujours été tabou d’en parler avec ma mère. Alors que toutes les filles avec lesquelles j’ai étudié et que j’ai côtoyé connaissaient leurs origines, moi, je ne connaissais même pas la personne que ma maman aimait éperdument. Je n’avais pas le droit d’avoir un nom ou une photo, elle osait à peine évoquer de vagues souvenirs, à part ça, rien. J’avais un gros point d’interrogation et je me sentais surtout abandonnée. Mais me voilà, dix-huit ans plus tard, l’énigme résolu. Kenlee Prescott… Suis-je dans sa classe par coïncidence ou est-ce qu’elle sait que je suis sa fille et qu’elle n’a rien dit ? heh. Je ricane. Drôle de vie que je mène. Et dire qu’elle me plaisait tellement que je voulais que ma maman passe à autre chose depuis sa dernière fameuse relation et qu’elle s’offre cette chance de vivre de nouveau le bonheur d’aimer et d’être aimée. J’admirais beaucoup Mme. Prescott et je voulais vraiment qu’elle fasse parti de notre famille, mais à aucun moment je n’aurai cru qu’elle était en fait ma… Putain !
Je touche mon front en respirant bruyamment et pour la première fois en cette journée, je ressens cette grosse boule à la gorge qui va se transformer en larmes. Je n’ai qu’une envie là, tout de suite !
Sans hésiter, j’active le pas vers le premier bureau-tabac que je vois et m’achète un paquet de cigarettes. N’ayant pas de briquet, je lui demande de m’en allumer une et enfin, j’inspirais cette fumée lentement. Je n’ai jamais été une grande fumeuse, mais j’en prenais de temps en temps, occasionnellement plutôt. Et aujourd'hui, c’était la parfaite occasion pour ça. Je me détends au fur et à mesure même si je sais que la douleur est toujours présente.
Quelques heures plus tard, après avoir mangé histoire de rester encore un peu loin de la maison et de son atmosphère, je décide de rentrer, je n’ai même pas d’amis à appeler pour ce genre de situations, aucun n’est assez proche. J’aurai bien dit Ethan mais malheureusement, lui et moi, notre amitié, c’est de l’histoire ancienne.
Une fois à l’intérieur, je monte rapidement dans la chambre, je ne voulais pas la croiser, ni qu’elle sente l’odeur de la cigarette, j’en ai fumé au moins cinq ! Heureusement pour moi, je ne la voyais nulle part, elle ne se rendit pas compte que j’étais rentrée, peut-être qu’elle dormait ou peut-être qu’elle était sorti prendre l’air elle aussi, mais dans tous les cas ça m’est égale.
Après avoir pris une douche, j’enfile mon maillot de bain et une petite robe par-dessus. Quoi de mieux que du surf pour oublier toute cette histoire ?
J’entends une musique étouffée depuis le studio de musique, curieuse et ensorcelée par cette douce et mélancolique mélodie. Ma mère en jouait, elle était tellement absorbée et transportée par le son de sa harpe, tellement belle et élégante que je ne pus résister à la tentation de l’accompagner avec le piano. C’était un morceau que je connaissais par cœur, c’était d’ailleurs son morceau préféré et elle en jouait régulièrement. Comme si nous étions connectées de nouveau et comme si elle savait qu’elle ne devait surtout pas me parler, nous jouons un autre, comme au bon vieux temps, cette fois ci quelque chose d’un peu plus fort et de passionné, quelque chose de plus agressif. Du moins, c’est ce qu’il me faisait ressentir, j’y transmettais tout ce que je ressentais au fond de moi. (
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A la fin de celui-ci, je me lève brusquement et lui dis froidement que je serai à la plage, au cas où. Et sans un mot de plus, je sors de cette maison qui m’étouffait désormais.