old memories vs new feelings (tawan#10)

J’angoisse je crois. C’est con, mais c’est plus fort que moi. Si je continue de pas savoir quoi me foutre sur le dos je vais finir par être à la bourre et il n’en est pas question. Heureusement ou malheureusement, Phoebe n’est pas là. Je lui ai pas dit que j’invitais Joan à la réunion des anciens du lycée, elle c’est vite vu elle peut pas venir vu qu’elle bosse. Mais si elle avait été là, peut-être qu’elle m’aurait rassurée, j’en sais rien, ça commence à devenir compliqué avec Joan, surtout vu le baiser qu’on a échangé y’a pas moins de trois jours. Ouais, je dis bien échangé parce que cette fois elle y a pris part. Je sais pas si elle y a pris goût, mais j’ai l’impression d’avoir encore le goût de son baume à la cerise sur le bout des lèvres, et sentir la chaleur de sa langue contre la mienne. Putain j’ai chaud. Ok. On se calme. Tenue. Je perds patience, marche dans tous les sens, manque de me casser la gueule, faut dire que ma chambre c’est un vrai capharnaüm va falloir un jour remédier à ça. Chemise. C’est ce circonstance. Blanche pour le côté classe, et cintrée. Un slim rouge foncé avec effet légèrement ciré, ça fait rock. Une paire de bottines un peu classe, et une veste de smoking noire. Pas mal. Ok. Ça c’est fait. J’essaie de mettre un peu d’ordre dans mes cheveux même si ça va être un peu foutu en l’air par mon casque, du noir autour de mes yeux et me voilà partie. Je souffle un bon coup, donne une caresse au chien et sors démarrer ma moto. J’enfile mon blouson de moto, mon casque et me voilà partie.

Il est 19h 53 très exactement quand je gare la moto dans la cour près des voitures qui sont déjà garée là. Pour une fois, je suis à l’heure, c’est presque un exploit. Je rentre vite fait pour déposer mon blouson et mon casque au vestiaire, vérifiant que Joan ne soit pas encore arrivée. Y’a du beau monde là dedans, tout le monde s’est foutu sur son trente-et-un. L’espace d’un instant, je me demande pourquoi j’ai invité Joan, c’est con, on est pas ensemble, la plupart des gens là dedans sont venus avec leurs conjoints, fiancés, peut-être même maris ou femmes. C’est un truc de dingue, j’angoisse. L’avantage c’est que personne ne s’attend à me voir avec un gars, j’ai fait mon coming out au collège alors c’est une bonne chose de faite. Je dois me griller une clope, j’angoisse carrément. Mon regard divague, je cherche la blonde du regard, mes yeux alternant entre mes pieds, ma montre et ma clope, jusqu’à relever le regard et voir enfin Joan. Merde. Elle est belle…

On met quoi à une réunion des anciens du lycée ? Surtout quand c’est même pas la sienne… Je sais ce que veux dire “tenue correcte“, mais c’est pas pour ça que le choix de la dite tenue est simple pour autant. J’ai fait un ou deux essais, et pour le moment niveau timing je suis plutôt large alors ça me laisse le temps de réfléchir posément à ce soucis vestimentaire. Non je ne vais pas me morfondre en disant que je n’ai rien à me mettre, parce que j’ai ce qu’il faut, mon problème c’est de choisir en ayant finalement pas beaucoup d’infos sur la soirée. J’étais un peu surprise que Tawny me propose de l’accompagner, j’ai bien saisi que c’est parce qu’elle veut pas y aller seule et donc que probablement personne d’autre dans son entourage était dispo, mais malgré tout ça m’a fait plaisir qu’elle pense à moi. Enfin pas qu’elle pense à moi littéralement, juste son invitation. Forcément, j’ai pas envie de lui faire regretter son choix en faisant un faux pas vestimentaire. Et non, mon hésitation n’a rien à voir avec ce qu’il s’est passé y’a trois jours. D’ailleurs j’ai déjà oublié. Presque. De toute façon ça n’a aucune raison de me faire hésiter sur quoi que ce soit… j’ai juste été joueuse pour une fois, c’était purement expérimental. Stop aux digressions mentales, je me concentre une bonne fois pour toute sur le choix de ma tenue. Deux nouveaux essayages plus tard j’opte pour un classique imparable. Une petite robe, sobre et élégante. J’améliore le tout avec quelques accessoire, une ceinture, un collier discret, bracelets et ma montre. Une petite veste pour compléter le tout et je m’observe dans le miroir. J’échappe un soupire devant mes pieds nus. Avec des chaussures c’est mieux. Heureusement je trouve rapidement la paire que j’adore mettre quand je sors. Une légère touche de maquillage, surtout pour mettre mes yeux en valeur, je mets du baume sur mes lèvres et lorsque je le referme je regarde la cerise dessinée dessus. Les mots de la brune me reviennent, j’esquisse un léger sourire amusée.
Bon… je suis prête et j’ai réussi à avoir deux minutes d’avance sur mon timing. J’attrape ma pochette, permis de conduire, clé de voiture, c’est ok. Je souhaite une bonne soirée à ma mère, mon père n’étant pas encore rentré de sa partie de golf. Une vingtaine de minutes plus tard à 19h57 très exactement je me gare sur le parking à l’adresse indiquée par Tawny. J’appréhende toujours, mais maintenant que je suis là je ne peux plus me défiler. Je regarde autour de moi, repère rapidement la moto de la jeune femme et la voit non loin de là en train de fumer une clope… merde c’est ça que j’ai oublié, mes clopes mais bon normalement je devrais pas spécialement avoir besoin de fumer. Enfin j’espère. Je l’observe rapidement tout en m’avançant dans sa direction, ce look là lui va vraiment bien. Elle a l’air un peu dans ses pensées, en tout cas elle ne m’a pas vu arriver avant que je m’arrête devant elle. Son regard se relève sur moi et je ne sais pas trop comment l’interpréter. J’affiche un air légèrement perplexe « Quoi ? Je me suis foirée sur la tenue… ? » demandé-je à la fois nerveuse et étrangement amusée. Au pire personne ne me connaît, alors si c’est un raté tant pis… Tawny fera avec, ou elle peut toujours faire semblant de ne pas me connaître. Non ça c’est pas super crédible et en plus je n’aurai aucune raison de rester. « J’ai pris ma carte étudiante au cas où, pour justifier que je ne sois plus lycéenne. » plaisanté-je pour m’aider à me détendre. Je lui souris avec un air complice « Y’a un briefing d’avant mission ou c’est direct le grand bain ? » demandé-je, curieuse de savoir si la jeune femme a des choses à me dire à propos de ses anciennes connaissances avant que nous entrions.

J’angoisse. C’est idiot. Je sais toujours pas pourquoi je lui ai envoyé ce foutu sms, pourquoi je l’ai invitée à cette soirée J’aurai mieux fait de pas venir tout court ça aurait été plus vite. Phoebe m’avait dit d’y aller toute seule, mais ça c’est con, pourtant c’est encore ce qui me ressemble le plus. Je crois que pour une fois, je flippe un peu du regard des autres, de ces gens qui m’ont connue par le passé et qui ne me connaissent pourtant plus aujourd’hui. Mais le plus étrange, c’est de demander à Joan de m’accompagner à ce genre de soirée alors que c’est même pas ma nana. Et puis, pourquoi elle a accepté elle aussi hein ? Elle aurait pu m’envoyer balader comme les autres fois. Ouais non. Elle m’a jamais vraiment envoyée balader en fait. Et puis ce baiser, mais c’était pas la plus grosse connerie de mon existence ça aussi, franchem - Elle est là. Mon cerveau se tait, tout s’éclaircit. Elle est là. Un léger sourire se fait une place au coin de mes lèvres alors qu’elle s’approche. « Quoi ? Je me suis foirée sur la tenue… ? » Je laisse échapper un léger rire. « Nan t’es… parfaite. Enfin c’est parfait. » Je me racle un peu la gorge et tire une dernière taffe de ma clope avant de la jeter et l’écraser sous ma bottine. « J’ai pris ma carte étudiante au cas où, pour justifier que je ne sois plus lycéenne. » Je réponds à son sourire complice par un qui lui ressemble, tout aussi stressé, j’imagine. « T’as bien fait, ça fait moins effet qu’une carte de flic mais ça peut toujours servir ! » Je glisse mes mains dans mes poches et la regarde sans faillir. « Y’a un briefing d’avant mission ou c’est direct le grand bain ? » Je jette un regard sur l’entrée. « Hum, non. Enfin si, si y’a une fille qui s’appelle Paula qui vient te voir, fuis la au max. Je doute qu’elle ait changé. A l’époque c’était la fille qui se croyait en concurrence avec moi, elle a juste essayé de se taper toutes mes copines… » Je grimace un peu, dit comme ça, on dirait que j’avais un harem. Ouais, ça insinue aussi qu’on va voir pas mal de mes ex, mais ça, j’imagine qu’elle s’en doutait. « Tout le monde risque de croire que t’es ma copine, que je me suis rangée, enfin tout un tas de conneries. Surtout ne t’oblige pas à mentir. Je t’ai pas fait venir pour ça. » Je lui adresse un sourire amical. Enfin, amical ou autre chose, j’en sais bien rien. « On y va ? » Elle acquiesce et nous entrons, je passe après elle, glissant naturellement une main dans le bas de son dos, la frôlant juste à peine. Petit à petit, d’anciens amis perdus de vue viennent me saluer, j’avais pas mal la côte au lycée, surtout avec les mecs parce que j’étais un peu comme eux et j’avais pas les mêmes centre d’intérêt que les nanas. Et puis dans les filles présentes, y’a celles avec qui j’étais juste amies, celles avec qui j’ai couché et qui s’assument, et celles qui ne s’assument toujours pas, s’affichant avec un beau mec qui ressemble à un faux. Et moi, je présente Joan, j’en rajoute pas, je dis pas que c’est juste une copine, après tout, ce qu'il se passe dan sle cerveau des gens à qui je la présente, ça les regarde. Une fois à peu près seules, je me tourne vers la demi-soeur de ma meilleure amie. « Je vais nous chercher un verre ? Bouge pas… » Je m’approche d’elle et de son oreille pour y murmurer. « Oublie pas… Paula… » Et je lui souris avant de m’éclipser, pas longtemps, je veux pas la laisser seule trop longtemps, on sait jamais.

Ouf ! Pas de faux pas vestimentaire. Voilà déjà au moins un truc qui me rassure. Pour le reste je suppose qu’une fois lancée j’arriverai à donner le change. C’est juste une soirée d’anciens du lycée pas une épreuve du feu et en plus j’ai l’avantage de ne connaître personne. Je fais un peu d’humour histoire de me mettre dans l’ambiance et surtout de me détendre d’avantage, c’est con d’appréhender pour un truc qui me concerne finalement pas tant que ça. J’ai accepté de venir pour que Tawny ne vienne pas seule, c’est ce que les amies font, non ? Alors aucune raison de stresser. Avant qu’on entre je demande à la concernée s’il y a des trucs sur lesquels elle veut me briefer, je saurais peut-être un peu plus à quoi m’en tenir. Les consignes de la mission sont simples, éviter une certaine Paula. Je pense que je devrais m’en sortir. Et pourtant la perspective de me retrouver comme ça plonger dans le passé de la brune ne me met pas très à l’aise. On va croiser ses ex, rien d’étonnant elle ne s’est jamais cachée de collectionner les conquêtes. Et faut croire que malgré qu’elle m’ai embrassé y’a pas si longtemps j’ai pas encore intégré que l’accompagner peut potentiellement me faire passer pour sa copine du moment. Tawny aborde le sujet j’en prends alors vraiment conscience, et comme si elle lisait dans mes pensées elle m’affirme que je ne suis pas là pour mentir ou faire semblant de quoi que ce soit. Bon c’est déjà ça de pris, j’ai pas besoin de jouer la comédie. Tant pis pour l’Oscar.
Je hoche la tête, on entre, la brune m’invitant à avancer sans hésitation. Facile pour elle, c’est un terrain qu’elle connaît, moi je suis en terre inconnue. Les visages aussi me sont inconnus et si dans un premier temps je me demande un peu ce que je fous là petit à petit je commence à trouver ça assez amusant d’observer tout ces gens. C’est comme être de retour au lycée mais avec des tas de préoccupations totalement différentes, et étant étrangère à tout ça j’ai une place privilégiée pour en analyser les rouages. J’ai toujours trouvé les trucs de téléréalité merdiques, je regarde pas la télé à vrai dire… la vraie vie ça suffit, la preuve. La plupart des gens me saluent mais parlent avec Tawny, ce qui est logique, je sais désormais ce qu’est le rôle de plante verte. Je capte des regards, observe des discussions, en écoute d’autres. Me manque plus qu’un verre, de quoi manger et c’est comme au cinéma. Il y a une accalmie dans les salutations et discussions, la brune se propose d’aller chercher à boire et j’acquiesce d’un signe de tête « Ok. » je fais un bref et discret salut militaire « Bien chef, je ne bouge pas. » elle s’approche et me remet en garde contre Paula, je l’avais presque déjà oublié. Je lui souris alors qu’elle s’éclipse, croise les bras et regarde autour de moi, reprenant mon analyse de la promo… euh… 1900 quelque chose ? Je ris toute seule de ma connerie et me fait surprendre par un verre qui apparaît devant moi, sauf que ce n’est pas Tawny qui me l’offre mais un jeune homme « Joan c’est ça ? » je hoche la tête « Oui et tu es… » « Andrew. » ok s’il le dit, je sais même pas si on a été présenté « Donc t’es venue avec Tawny ? » je hoche une nouvelle fois la tête « Effectivement. » « On était ensemble au lycée. » Non ? Sérieusement ? C’est un prix Nobel ce type là, non ? « Donc toi et elle... » je le coupe « On est amies. » à voir son sourire je me demande si j’ai bien fait de lui dire ça avec autant d’aplomb, il a l’air de voir une ouverture.
Je m’apprête à lui fausser compagnie, me retourne et tombe nez à nez avec une jeune femme qui me tends elle aussi un verre. Putain mais j’ai une tête d’alcoolo où ils ont tous envie de me saouler ? « Excuse le, il a pas pris subtilité en seconde langue. » j’arque un sourcil, perplexe « Paula. On a pas encore été présenté je crois. » ah bah non c’est sûr « Joan. » dis-je poliment. Je jette un regard en direction de Tawny, je comprends mieux pourquoi elle est pas encore revenue, quelqu’un a l’air de l’accaparer pour une discussion et moi en attendant et bien je me débrouille avec les vautours. Andrew fini par s’éclipser assez rapidement, c’est pas une lumière mais je suis presque tentée de le retenir pour pas me retrouver seule à seule avec la personne que je dois éviter. Je fini mon verre peut-être un peu trop vite et prétexte d’aller m’en chercher un autre quand Paula me retend le second qu’elle avait j’esquisse un sourire forcé « Merci. ». Nouveau regard en direction de Tawny et j’arrive à croiser le sien, je lui fais les gros yeux en mode alerte, help, SOS, mayde… bref j’ai besoin d’aide.

J’ai du mal à croire que j’ai vraiment fait ça, que j’ai vraiment invité Joan à m’accompagner à cette soirée, et qu’elle a dit oui. Elle est là, elle est magnifique, et moi je me retrouve comme une conne à pas savoir vraiment comment me comporter avec elle. Faut dire que j’ai un peu embrouillé mon cerveau avec le baiser qu’on a échangé l’autre jour. Je sais pas si c’est pareil pour elle, mais moi ça m’a bien pollué l’esprit. Je sais pas si c’était une bonne chose, mais je tiens bon, je fais mine de rien, je compte pas en reparler. Je sais pas si c’est une connerie ou non, mais j’y pense un peu trop souvent à mon goût. Je donne quelques tuyaux à Joan avant que nous entrions dans le bain et voilà que mes anciens potes de lycée viennent me saluer. C’est bizarre ce genre de soirée, mais parfois ça peut être marrant quand même. Joan est parfaite, elle est souriante et se fonds dans la masse à mes côtés, elle n’en fait ni trop ni pas assez. A aucun moment je n’ai regretté de l’avoir invitée, mais là je suis d’autant plus heureuse de l’avoir à mes côtés. Une fois un peu de répit, je lui propose d’aller nous chercher un verre, et lui demande de ne pas bouger, que j’ai au moins une chance de la retrouver. « Bien chef, je ne bouge pas. » Je regarde son salut et ris un peu. « Je t’apprendrai comment le faire correctement, ton père aurait honte de toi ! » Je lui adresse un petit clin d’oeil mignon et m’éclipse pour aller nous chercher de quoi nous rafraichir. J’attends un peu pour être servie, et me fais accrocher par une de mes ex qui me demande ce que je fais, où j’en suis. Je lui réponds vaguement, lui demande où elle en est de son côté. C’est plutôt vague, mais elle reste gentille, et à sa place, bizarrement. Mais quand je commence à en avoir marre, je tourne les yeux pour chercher Joan du regard et je la vois en compagnie de… oh merde, Paula. Le regard qu’elle m’adresse en mode S.O.S me fait rire intérieurement et je me contente de sourire, et lui adresse un signe style pendu, une corde autour du cou. « C’est qui ? » « J’sais pas, j’l’ai croisée en arrivant et je lui ai proposé de m’accompagner. » Je ris sans quitter Joan des yeux. « Tu la bouffes du regard. C’est ta copine ? » Cette fois je repose le regard sur Linoa et secoue la tête. « Pas encore. Mais j’y travaille. » Je lui adresse un clin d’oeil et m’éclipse après m’être excusée. Je rejoins donc Joan, et Paula, par la force des choses. « Salut Paula ! » Je tends son verre à Joan et glisse l’air de rien une main dans son dos. « J’imagine que vous avez déjà fait les présentations ?! » « Tawny et moi on était en compétition quand on était au lycée. » Je hoche la tête en me pinçant les lèvres. « Ouais, t’étais surtout en compétition avec toi-même, j’ai jamais joué ton jeu tu sais… » Elle se met à rire, j’ai envie de la tuer. « Alors, t’as trouvé quelqu’un d’autre avec qui te battre dans le vent du coup ? Tu continues d’enchaîner les filles, briser les couples tout ça, ou t’as grandit un peu ? » Cette fois elle rit jaune, bien fait. « Je vois que toi en tout cas tu t’es rangée… » Elle regarde Joan de haut en bas avant d’ajouter. « A moins que ce soit encore une de passage ? »

La mise en garde de Tawny était claire : éviter Paula. Et là je suis où ? Pile en compagnie de cette jeune femme. De prime abord comme ça elle n’a rien de spécial, elle m’offre un verre que j’accepte par politesse après avoir vaguement essayé de lui fausser compagnie. Je suis sans doute trop polie ou bien élevée pour l’envoyer balader, c’est pas mon genre… je suis plutôt sociable et bon public. Je l’écoute qui me parle de ce qu’elle pense de la soirée et alimente la discussion par quelques réponses éparses. Mais surtout j’essaye de capter le regard de Tawny pour qu’elle me sorte de là. Je sais pas qui est cette fille à qui elle parle, probablement une ex puisqu’elles ont l’air nombreuses, mais en tout cas elle monopolise son attention. Heureusement après ma deuxième gorgée de mon deuxième verre de punch la militaire regarde dans ma direction et je lui adresse mon regard de SOS. Elle comprend tout de suite le pourquoi de mon appel à l’aide et m’adresse un signe qui à le mérite de me faire pouffer de rire. Cependant elle a pas l’air pressé et me regarde en riant alors que je fronce les sourcils. Très drôle cette discussion a distance… surtout pour elle. Enfin elle daigne nous rejoindre, me tendant à son tour un verre tout en saluant son ancienne connaissance. Je sens la main de la brune se glisser dans mon dos, elle va la jouer comme l’autre soir en boite ? Peut-être bien… et pourtant ça fait depuis notre arrivée qu’elle insiste bien sur le fait que nous sommes amies. Je sais pas bien ce que je fous là, mes deux verres à la main, entre ces deux nanas qui ont tout l’air d’avoir des comptes à régler. Les hostilités ne tardent pas à être lancées, une pique part dans un sens et la réponse ne se fait pas attendre.
Evidemment puisque je suis là, autant que je serve et en l’occurrence Paula essaye de savoir si Tawny a fini par se caser ou si je suis juste une énième conquête de la brune. J’aime qu’on parle de moi comme si j’étais presque pas là… et j’adore encore plus qu’on me regarde comme si j’étais une sorte de trophée. La cour du lycée n’est pas loin finalement. Je les regarde tour à tour comme dans un match de ping pong et bah j’irais jamais en voir un, ça c’est sûr ! « On s’en fout non ? » lâché-je au milieu de leur échange qui finira probablement par dégénérer « Que je sois là pour une heure, un jour, semaine, mois, an ou décennie… » je termine mon verre entamé d’une traite, je sais même pas pourquoi à vrai dire. Pour me donner un style ? Pour mettre fin à cette discussion qui n’en est pas une ? Parce que je suis contrariée ? J’ai pas de raison de l’être, ça me concerne pas tout ça. En tout cas c’est con comme geste parce que je vais finir éméchée si ça continue. Paula rit « Et bah y’a pas que sa descente de rein qui est jolie. Pas si sage qu’elle en a l’air… » je lève les yeux, blasée puis me tourne vers elle avec un regard provocant « Si tu savais. » je lui mets mon verre vide dans la main, après tout elle me l’a offert, elle peut bien se charger d’aller le jeter. J’attrape le bras de Tawny et l’entraine vers le buffet « On va aller manger un truc, hein ? » je me mets à rire « Autre chose que tes anciennes camarades. » je perçois le double sens de ma phrase et secoue la tête « Enfin pas dans le sens… mais plutôt comme Paula… dans un combat. Bref tu vois ce que je veux dire. » de toute façon c’est trop tard pour que je me rattrape. J’ai intérêt à faire un peu plus attention avant de parler. Merci le punch et les rapaces.

J’étais sûre qu’elle serait là cette mante religieuse. Partout où elle peut détruire la vie des gens, les couples, elle est présente, c’est quand même dingue. Et évidemment je dis à Joan d’essayer de l’éviter mais manque de bol, fallait que l’autre abrutie vienne la chercher. Birdy c’est un petit chat sauvage, faut savoir l’apprivoiser. On la met pas en cage. Alors forcément lorsque je vois qu’elle se sent en danger, je sors les armes et la rejoint, plaçant un bouclier devant nous. Les hostilités sont lancées et Paula n’y va pas de main morte alors je rétorque sans ménagement. « On s’en fout non ? » De si elle est ma copine ou non ? Paula ne s’en fout pas, et finalement, il vaut mieux que Joan ne dise pas qu’elle l’est, au risque d’avoir Paula sur le dos toute la soirée puisque son but dans la vie c’est de me voler toutes mes meufs. Elle n’a pas toujours réussi cela dit. « Que je sois là pour une heure, un jour, semaine, mois, an ou décennie… » Tout à fait vrai, d’ailleurs, je hoche vivement la tête pour approuver. Elle descend son verre d’une traite et je la regarde, surprise. Je la savais amatrice de bière, mais merde, là c’est pas du jus d’orange, c’est quand même du punch et il est bien corsé. Je vais la retrouver dans une heure sur la table à changer en polonais si ça continue comme ça. « Et bah y’a pas que sa descente de rein qui est jolie. Pas si sage qu’elle en a l’air… » J’arque un sourcil, elle est sérieuse là ? « Si tu savais. » La réponse de Joan me fait sourire, elle se révèle la gamine, et j’adore ça. « On va aller manger un truc, hein ? » dit-elle en prenant mon bras pour qu’on s’éloigne de la mante religieuse. « Voilà, allons éponger le punch. » Je lui souris, complice. « Autre chose que tes anciennes camarades. » Je m’arrête un peu dans notre marche et la regarde. « Oh Birdy, tu files du mauvais coton… » « Enfin pas dans le sens… mais plutôt comme Paula… dans un combat. Bref tu vois ce que je veux dire. » Je secoue la tête. « Si tu commences à faire des sous-entendus de ce genre là, c’est pas gagné ! Ça fait mauvais genre, je déteins sur toi j’crois ! » Je ris, parce que vaut mieux en rire qu’en pleurer, mais j’ai bel et bien l’impression que oui, je déteins sur elle. Je ne sais pourtant pas si c’est une bonne chose ou non. Nous arrivons au buffet et Joan lâche ma main alors que nous nous servons de quoi manger, et nous reprenons un verre. « Jus d’orange ? » Elle me fusille presque de son regard adorable et je ris. « Ok ok, t’as la permission de minuit au moins ? » Je ne me lasserai jamais de la provoquer. Je lui tends alors son verre de punch et ajoute. « Je te préviens, après celui là si tu en veux un autre, je l’échange avec tes clés de bagnole. Je te laisse pas conduire. D’ailleurs… » Je m’approche d’elle pour venir chercher ses clés dans son sac, elle se débat un peu en riant et je la coince avec mon bras dans son dos pour ne pas qu’elle s’échappe, et je glisse finalement ma main dans son sac pour en récupérer ses clés, que je mets dans ma poche arrière. Heureusement le trousseau n’est pas trop gros. « Si tu les veux, faudra me passer sur le corps ! » Et je déconne pas.

Putain c’que ça fait du bien d’avoir cloué le bec de cette nana ! Je comprends pourquoi Tawny m’a conseillé de l’éviter… mais là j’y peux rien c’est elle qui m’avait trouvé. Pour esquiver toute réplique éventuelle je propose à la brune d’aller se trouver de quoi manger. Ça tombe bien j’ai faim et comme elle le fais si bien remarqué j’ai du punch à éponger. Et puis viens le premier faux pas verbal de la soirée, sur le moment en faisant ma petite remarque je n’en ai pas mesuré le double sens mais Tawny elle le capte illico, évidemment. Je me justifie pour tenter d’expliquer ce que j’ai vraiment voulu dire, et qui n’avait rien de tendancieux mais l’opportunité est trop belle pour la militaire de me mettre en boite comme elle adore le faire. Est-ce qu’elle déteint sur moi ? Non, je ne crois pas. Ou peut-être. J’en sais rien en fait. « Ouais bah une chose est sûre je vais pas adopter tes expressions. » je ris « On dirait mon père avec ton “filer du mauvais coton“. » je lui tire un peu la langue en mode sale gosse, c’est ma vengeance pour s’être foutue de moi. Mais aux abords du buffet plus rien d’autre n’existe que la bouffe, j’ai vraiment faim c’est toujours comme ça quand je bois. Y’a aussi que je me connais, si je ne mange rien je vais finir par dire beaucoup trop de conneries et ça plutôt rapidement. Je sens déjà l’alcool qui allège un peu mon esprit, faut éponger comme le dit si bien la recrue. Et parce qu’elle ne rate pas une occasion de me taquiner, elle me propose du jus d’orange, je la regarde avec un air faussement outré. Nouvelle pique sur un éventuel couvre feu cette fois, j’affiche un sourire en coin « T’as peur que je me transforme en citrouille ? » plaisanté-je avant de prendre le verre qu’elle me tend.
Je ne la connais pas si responsable, au contraire, mais Tawny m’avertis sur la suite de la soirée. C’est mon dernier verre sinon elle m’empêchera de conduire pour rentrer. « Ça va j’ai bu que deux verres. Il est pas si fort ce punch. ». Je fronce les sourcils quand la brune s’approche de moi, puis comprenant son intention je l’esquive comme je peux avant qu’elle ne réussisse à me bloquer, piquant mes clés de voitures sans difficulté. « Mais je suis ton invitée, t’es pas mon chaperon. » dis-je en croisant les bras papillonnant des cils de façon exagéré pour jouer la carte de l’innocence. Je la regarde alors bien dans les yeux quand elle m’affirme que je ne récupèrerais pas mes clés à moins de lui passer sur le corps « Ok Gandalf… On verra ça. » je ris de ma connerie et récupère l’assiette que je me suis préparée « Et y’a un thème à cette soirée ou pas du tout ? » demandé-je entre deux petits fours. Par pure envie de l’embêter je pique une mini-pizza dans l’assiette de Tawny affichant un petit sourire innocent ensuite. Elle a peut-être raison, faut que je freine ma consommation de punch je commence à avoir ma tête à connerie. Mais il est quand même très bon... bien pour ça que j’en bois une nouvelle gorgée. « Au fait c’était en quelle année que t’as fini le lycée ? 1900 combien ? » dis-je avec malice. Cinq ans nous sépare, mais elle insiste tellement sur le fait que je sois une gamine que c’est un juste retour des choses de mettre l’accent sur son approche de la trentaine. « Ça doit te faire bizarre de revoir tout ces gens. C’était une bonne période pour toi le lycée ? » demandé-je sérieusement cette fois, je ne vais pas rater cette occasion d’en savoir un peu plus sur la brune.

Je me fous d’elle, pour changer, mais faut dire que son sous-entendu - qui visiblement n’était pas volontaire - me fait beaucoup rire. Ce n’est pas son genre, et j’aurai pu très bien ne pas m’arrêter dessus. Quoi que ce serait mal me connaître. « Ouais bah une chose est sûre je vais pas adopter tes expressions. On dirait mon père avec ton “filer du mauvais coton“. » Elle me tire la langue et je me contente de rire. Elle vient de me traiter comme étant son père là ? Elle va voir de quel bois je me chauffe. Je continue notre petit jeu éternel de taquineries, avec le verre, puis avec ses clés. C’est plus fort que moi, ne me demandez pas pourquoi. Mais je suis contente de voir que rien n’a changé de puis le baiser de la dernière fois. Après tout, ce serait peut-être pas si mal si on gardait cette relation, non ? « Ça va j’ai bu que deux verres. Il est pas si fort ce punch. » Ouais ouais c’est ce qu’on dit. Mais si moi je ne suis pas raisonnable, je ne voudrais pas qu’elle suive mes mauvais pas et fasse les mêmes conneries que moi. Je ne veux pas déteindre de la mauvaise façon sur elle. « Mais je suis ton invitée, t’es pas mon chaperon. » Je fais un petit bruit avec ma langue contre mon palais et me saisis de ses clés les mettant en lieu sûr. « Je veille sur toi, je suis pas ton chaperon ! » Et un chaperon c’est pas là pour veiller son son ou sa petite protégée ? Merde. Je suis un peu un chaperon finalement. « Ok Gandalf… On verra ça. » Je secoue la tête, amusée, et la regarde manger avec appétit. « Et y’a un thème à cette soirée ou pas du tout ? » Je secoue la tête avant de me retourner pour regarder l’assemblée, tout en mettant un petit four dans ma bouche. « Beaufs des beaux quartiers. » Je ris un peu et continue de discuter avec la blonde. « Au fait c’était en quelle année que t’as fini le lycée ? 1900 combien ? » Je plisse les yeux en la regardant, sentant bien a pique qui pointe le bout de son nez. « 12. 1912. Juste avant la guerre, Dieu m’en garde ! » Un prêté pour un rendu. « Ça doit te faire bizarre de revoir tout ces gens. C’était une bonne période pour toi le lycée ? » Voilà que le sérieux reprend son cours dans notre discussion, c’est tout nous ça. Je hausse un peu les épaules avant de glisser mes mains dans mes poches. « Pas trop mal ouais, même si mes potes ont pas toujours compris mon environnement familial. Mais bon, je suis pas difficile pour m’intégrer alors ça a été assez facile, malgré mon sale caractère. » Je ris en la regardant, penchant la tête sur le côté. « Et toi, des bons souvenirs du lycée ? J’crois que l’école, ça a pas été bien compliqué pour toi dans l’ensemble nan ? » J’imagine, je ne fais qu’imaginer. Mais c’est une bonne élève d’après ce que j’ai compris, et puis l’autorité, elle connaît, c’est pas comme moi qui ait du mal avec cette foutue autorité. D’ailleurs, je me demande encore ce que je fous à l’armée. Et alors que je laisse mon esprit divaguer, je remarque une jeune femme qui vient vers nous. Je peine à la reconnaître et finalement le tourne les yeux vers Joan et lui dis dans la confidence. « Merde. C’est une de mes ex mais la plus collante qu’on ait jamais fait, elle m’a harcelée pendant des mois après que je l’ai larguée… » Je me pince les lèvres avant d’entendre qu’elle est juste là, et qu’elle prononce mon prénom. Pitié. Faites qu’elle ait quelqu’un dans sa vie. « Ça me fait plaisir de te voir là… » Elle me prend dans ses bras et je n’ai pas d’autre choix que de lui rendre son étreinte, bien que moins chaleureuse qu’elle ne le voudrait. « Euhm ouais, c’est cool que tu sois là aussi. » « Tu es accompagnée ? Je ne connais pas cette demoiselle, et je suis très physionomiste. » « Ouais, c’est Joan, elle est venue avec moi. Joan, j’te présente Lucy. » « On est sorties ensemble au lycée, je crois que j’ai été son record de longueur, je me trompe ? » Pitié, sortez-moi de là…

Gentiment l’alcool s’infiltre dans mon organisme et allège mon esprit. Je parle un peu plus vite que je ne réfléchis, preuve en est mon sous-entendus involontaire que Tawny saisit sans hésiter. Elle n’a pas fini si elle compte relever toutes les conneries que je vais dire… il paraît que c’est un des trucs qui caractérise mon état plus ou moins avancé d’ébriété. J’ai l’alcool joyeux et drôle, c’est mieux que d’être triste ou violente. Pour ne pas me laisser taquiner par la jeune femme sans répliquer je joue la carte de la sale gosse, lui indiquant qu’elle n’est pas mon chaperon. Ça ne l’empêche pas de me piquer mes clés de voiture par prévention. Elle, raisonnable ? Waw je m’y attendais pas à ça. A moins que justement elle ne veuille pas que je m’expose aux mêmes risques qu’elle n’hésite pas à prendre. “Faites ce que je dis pas ce que je fais“ ça serait bien son genre ça ! Peu importe, mon attention est vite captée par le buffet, faut que j’éponge le punch dixit Tawny la malice. Elle sait bien de quoi elle parle, les soirées arrosées j’ai cru comprendre que ça la connaît. Pour le moment elle se tient. Parce que je suis là peut-être ? Pour mieux veiller sur moi comme elle me l’a si bien fait remarquer. En tout cas ce que j’apprécie c’est que notre complicité soit au beau fixe. J’ai essayé au maximum de pas y penser mais y’avait quand même en moi une petite appréhension que les choses soient bizarres entre nous. On s’est embrassé y’a trois jours… et cette fois j’ai pas subit, pas du tout. Mais ça ne change rien et c’est tant mieux. Je peux continuer à la taquiner sur son âge, je ne m’en d’ailleurs prive pas. « T’es quand même super bien conservée pour quelqu’un qui a dépassé le centenaire. » fais-je remarqué avec un sourire en coin « Tu me donneras ton secret ? Ou la marque de ton fond de teint pour cacher les rides ? » plaisanté-je en sirotant mon verre de punch. On rit, en se foutant un peu des gens autour, ces beaufs des beaux quartier comme la brune l’a dit.
Je finis quand même par poser une question un peu plus sérieuse, parce que ma curiosité à son égard ne s’est pas évanouie pour autant. Elle reste mystérieuse, c’est pas facile de connaître d’elle autre chose que des petits détails ou des trucs de surface. En dépit de son sale caractère et des incompréhensions quant à son contexte familiale elle s’est bien intégrée. Ça ne me surprend pas, elle est plutôt sociable et puis y’a qu’à voir combien de personne sont venues la voir à notre arrivée, c’était pas une paria loin de là. La question m’est retournée, prévisible. « Ouais c’était cool. Je l’ai pas mal vécu en tout cas. » je hausse les épaules « J’ai jamais eu de difficultés c’est vrai. » pas sur le plan scolaire, pas non plus pour m’intégrer, même si je me suis un peu inventé un personnage qui perdure aujourd’hui encore du fait de mon petit secret concernant ma virginité. J’allais enchainer pour lui parler un peu plus de mon vécu de lycéenne mais son regard s’arrête sur une jeune femme s’avançant dans notre direction. Tawny ne tarde pas à me mettre au parfum, c’est une de ses ex, la plus collante. Lucky us. Je grapille un autre petit four alors qu’elle salue la militaire avec un sourire et un ton mielleux. Fais gaffe au diabète, trop de sucre c’est pas bon pour la santé. Accompagnée ? Bah non je suis la femme de ménage ! Captain Obvious est physionomiste. Et ? Chance pour elle s’est Tawny qui répond avant moi en faisant les présentations j’adresse un petit sourire pour saluer l’inconnue qui m’explique aussitôt que Tawny et elle ont été ensemble. Son record de longueur. Je sais pas pourquoi mais elle m’agace cette nana, sa façon de parler, son regard… même pas deux minutes qu’elle est là et elle m’énerve pourtant je suis un bisounours. « Et t’es dans le Guinness book des records du coup ? » demandé-je tout naturellement. Je me confronte au regard interloqué de Lucy qui semble un peu désarçonnée par ma question ce qui me fait sourire, amusée.
J’en rajoute une couche en m’approchant de la brune pour déposer un baiser sur sa joue « No offense. ». Je pose mon verre vide, oui déjà mais il est vraiment bon ce punch, et désigne le fond de la salle où je viens de repérer un pant de mur avec des photos baptisé modestement “Hall of Fame“. Je prends la main de Tawny « Oh mais on est pas encore allées voir les photos. » dis-je malicieusement « Sympa de t’avoir rencontré Stacy. » lâché-je avec un petit sourire avant d’entraîner la recrue avec moi. Sur le court chemin nous menant au fond de la salle je lui chuchote « Qui veille sur l’autre là ? » fais-je remarquer malicieusement. Nous approchons des photos, je pense que ça va être drôle « Alors voyons à quoi ça ressemblait à l’époque la promo dix neuf cent douze. » je ne me rends même pas compte que je tiens toujours sa main, l’attirant avec moi pour jouer les curieuses.

J’aime la Joan que je vois là. Je m’attendais tellement à ce que ce soit étrange, mais non. Elle est plus naturelle qu’elle ne l’a jamais été, et l’alcool semble avoir un effet agréable sur elle. Elle est d’autant plus drôle, moins timide. J’adore ça. Je ne l’inciterai jamais à boire et j’essaie même de la freiner, mais je crois qu’elle n’a pas envie d’être raisonnable ce soir. Je ne le suis pas, comment je pourrai réussir à l’inciter à l’être ? « T’es quand même super bien conservée pour quelqu’un qui a dépassé le centenaire. » Je fais une sorte de révérence avec un faux chapeau invisible avant de rire un peu. « Tu me donneras ton secret ? Ou la marque de ton fond de teint pour cacher les rides ? » J’arque un sourcil et n’hésite pas longtemps avant de répondre. « Minimum trois parties de jambes en l’air par semaine… » Je finis mon verre d’une traite avant de tourner les yeux vers elle et voir son air choqué et j’éclate de rire. « Je plaisante, une peut suffire ! » Je lui adresse un clin d’oeil et reprends un petit four avant de lui retourner la question, écoutant attentivement la réponse. Je n’en doutais pas, elle s’en est bien sorti, elle est sociable, gentille, elle s’est peut-être quelques fois fait marché sur les pieds, mais j’imagine qu’elle a des ami(e)s fidèles depuis un bail, ça semble être son genre. Finalement, nous sommes dérangées par une de mes ex, et pas la moins pire. Merde mais j’ai vraiment couché avec des boulets quand on y repense. Enfin, vaudrait mieux pas que je fasse la liste des filles qui sont passées entre mes bras/draps. Lucy souligne qu’elle est sûrement mon record de longueur, et je meurs d’envie de lui rétorquer que ce n’est pas pour autant qu’elle a été le record de prouesse. « Et t’es dans le Guinness book des records du coup ? » Surprise par la réponse de Joan, je tourne la tête vers cette dernière, les yeux un peu écarquillés, et un sourire au coin des lèvres. L’alcool ça lui réussir visiblement. Je repose alors le regard sur Lucy et me pince les lèvres d’un air faussement désolé. C’est ce moment que Joan choisit pour venir déposer un baiser sur ma joue. « No offense. » Ça me fait rire. « C’est ce qu’on dit oui… » J’arque un sourcil en la regardant, souriante, la dévorant carrément des yeux. Elle finit un nouveau verre et se saisit de ma main, me laissant avec un long frisson qui remonte jusqu’à ma nuque. « Oh mais on est pas encore allées voir les photos. Sympa de t’avoir rencontré Stacy. » « Lucy. C’est Lu… » Je pouffe de rire en suivant Joan et l’air de rien, je change la position de mes doigts pour entrelacer nos doigts, le plus naturellement du monde. « Qui veille sur l’autre là ? » « Pourquoi tu crois que c’est toi que j’ai choisi pour m’accompagner… » Je lui souris de plus belle et nous arrivons finalement devant le mur des vieilles photos. « Alors voyons à quoi ça ressemblait à l’époque la promo dix neuf cent douze. » « Fais gaffe, tu risques de tomber amoureuse… » Sans vraiment faire attention, je caresse le dos de sa main avec mon pouce, et cherche avec elle les photos où je pourrai apparaître. « J’avais les cheveux plus courts, un peu à la garçonne, et un look un peu grunge, genre rock star des bacs à sable ! » Je ris et lui en montre quelques unes, elle se fout de ma gueule en plus, mais c’est trop mignon, et je ne me lasserai jamais de son rire. Bordel elle est plus belle ce soir qu’elle n’a jamais été. « Arrête de te foutre de moi, tu sais que j’ai l’arme magique ! » De ma main libre je viens chatouiller à peine sa taille et elle rit de plus belle, lâchant finalement la main. J’aime cette légèreté, j’ai l’impression de me sentir revivre.

Trois parties de jambe en l’air par semaine ? Ok je vais finir comme un vieux fruit, toute ridée ! Je ne m’attendais pas à ce genre de secret de jouvence, mais dois-je vraiment m’en étonner de la part de Tawny ? Pas sûre. Elle revoit sa prescription à la baisse mais je lève quand même les yeux « J’vais mal finir alors. » dis-je en faisant preuve d’autodérision. La brune enchainait déjà les conquêtes au lycée, c’était loin d’être mon cas ou du moins je ne suis jamais allée très loin avec aucun de mes petits-amis de l’époque, ni avec les plus récents d’ailleurs. Par contre je m’en sortais bien scolairement, et même socialement, ce qui finalement a rendu cette période pas désagréable. En revanche ce qu’il l’est, désagréable, c’est l’ex collante de la recrue qui vient de faire son apparition. Je ne sais pas si c’est l’effet du punch mais elle m’agace rapidement et plus ou moins subtilement je vole au secours de Tawny. Bien que je sois de nature gentille, je prends un malin plaisir à rapidement esquiver cette Lucy en la faisant passer pour totalement insignifiante. Ce qu’elle est, non ? A en croire la réaction de la militaire lorsqu’elle s’est pointée dans notre direction. En fait ça m’amuse beaucoup, cette soirée est plutôt fun, bien plus que ce que je pensais. Et même si ce n’était pas prévu que je joue une quelconque comédie, Tawny me l’a dit clairement je ne suis pas là pour prétendre quoi que ce soit, c’est pourtant ce que je fais avec une totale spontanéité. L’alcool aidant sans doute pas mal. Je l’entraine avec moi en direction d’un mur rempli de photos tout en lui faisant remarquer sur le chemin que je lui ai sauvé la mise. A sa réponse j’affiche un petit sourire dans lequel se devine une pointe de fierté.
Mon attention est bien vite attirée par les photos, je suis curieuse ce n’est pas un secret et j’ai hâte de voir à quoi ressemblait le look de Tawny à l’époque. Sa remarque me fait arquer un sourcil, intriguée « De l’époque ? » lâché-je en parcourant déjà quelques photos du regard. La brune ne tarde pas à me faire un petit portrait de son style de lycéenne et je ne suis pas franchement surprise. « La rébellion, toujours ! » m’esclaffé-je alors qu’elle se pointe du doigt sur une photographie. Je ris, me moquant gentiment « L’air nonchalant et le regard de braise… » je trouve ça vraiment drôle de pouvoir la voir ainsi et à la fois c’est un pas de plus pour en apprendre d’avantage. Je pouffe à chaque nouvelle photo où la recrue apparaît mais pas seulement en la voyant mais aussi ces gens que j’ai juste croisé dans la soirée et que je reconnais. Je m’arrête sur une photo de groupe, que des filles et Tawny y apparaît « Toi et tes conquêtes ? » la taquiné-je en riant à nouveau. Sa réaction ne se fait pas attendre, j’ai pour ordre d’arrêter de me foutre d’elle. Sinon quoi ? Oh merde l’arme fatale… elle me chatouille à peine et je me tortille pour l’esquiver en continuant de rire. Je lâche sa main la pointant du doigt « Non ça t’as pas le droit. » tu parles, elle et les règles ça fait deux alors je peux toujours essayer de lui interdire quoi que ce soit. Elle fait mine de lancer un nouvelle assaut « Tawny, non… range ça. » j'attrape ses mains pour tenter de les lui mettre dans ses poches, enfin à la base c’était mon idée mais évidemment elle ne se laisse pas faire. Je me retrouve proche d’elle et fronce les sourcils, me donnant un air faussement sévère « Ça va mal finir, vous allez prendre des heures de colles Graham-Lewis. » je secoue la tête et souris « T’as dû en prendre un paquet, non ? » je reviens une nouvelle fois sur son passé, en me doutant de sa réponse. Son problème avec l’autorité ne date sûrement pas d’hier.

Je sais pas trop ce que ça me provoque, sa main entrelacée dans la mienne, mais j’ai un peu peur de trop apprécier ça. Une fois devant le mur de photos, je la préviens qu’elle risque de tomber amoureuse. « De l’époque ? » Je souris et hoche finalement la tête. « Ouais, l’avant guerre c’est quand même vachement canon… » Suite à ça je lui explique mon look de l’époque, avant qu’elle ne puisse trouver des photos de moi. « La rébellion, toujours ! L’air nonchalant et le regard de braise… » « Voilà, c’est tout moi ! » Je lui souris, fièrement, bien contente qu’elle remarque mon regard de braise. J’étais une tombeuse, et je le suis toujours. Certaines personnes n’en seraient pas fières, mais moi je le suis, et je le revendique. « Toi et tes conquêtes ? » demande-t-elle en voyant une photo de moi entourée de filles. C’est ce moment que je choisis pour la chatouiller, elle l’a bien mérité. « Non ça t’as pas le droit. » « J’ai tous les droits ! » Oui, parce que moi et l’autorité, on est est pas très copains, c’est clair. Je continue de chercher à la chatouiller, elle rit, et je nage en plein bonheur. Elle attrape mes mains pour m’empêcher de continuer et nous nous retrouvons si près que j’en ai une seconde le souffle coupé. Elle fronce les sourcils d’un air faussement menaçant. « Ça va mal finir, vous allez prendre des heures de colles Graham-Lewis. » Je souris de plus belle et viens déposer un bisou sur le bout de son nez, lui murmurant quelques mots. « Si tu essaies de faire aussi peur que ton père, c’est loupé ! » Nouveau large sourire. « T’as dû en prendre un paquet, non ? » Je grimace un peu et penche la tête à gauche puis à droite. « Ouais, pas mal. J’ai toujours eu du mal avec l’autorité, tu l’avais bien compris. » Je souris de nouveau, mon regard bien ancré dans le sien. Putain je meurs d’envie de l’embrasser, fait chier. « Une officielle ? » Je sursaute et me retourne à la voix de ce jeune homme que je crois reconnaitre. « Greg ! » Je lui saute presque dans les bras. Un ami d’enfance qui était parti vivre en Australie pour ses études. « Putain c’est cool que tu sois là je savais pas ! » « Surprise ! » Je me recule un peu pour pouvoir lui présenter Joan. « Joan j’te présente Greg, de de mes meilleurs amis d’enfance, et Greg, c’est Joan, une… amie. » « Une amie ? » dit-il en penchant la tête sur le côté, gardant les yeux rivés sur la jeune femme à mes côtés. « Ouais. » Merde. Elle lui plait. Je connais ce regard. « Alors si c’est juste une amie, je peux te l’emprunter pour danser ? » Je me racle un peu la gorge et esquisse un sourire mal à l’aise, avant de regarder Joan, puis Greg. Il est beau garçon, Joan aime les garçons, et moi je me retrouve là comme une conne. « Ouais, bien sûr, enfin si elle est d’accord. » Je me mords l’intérieur de la joue et prétexte un appel qui fait vibrer ma poche. « Merde, je dois décrocher. Je vous laisse danser. » Je hoche la tête comme pour me persuader que c’est la chose à faire et porte mon téléphone à mon oreille, faisant semblant de répondre à quelqu’un. Je ne me retourne pas, il ne vaut mieux pas. Putain mais c’est quoi mon problème à la fin ?

Je me moque gentiment de Tawny mais la vérité c’est que je suis heureuse de la découvrir un peu plus. Elle n’a pas beaucoup changé, hormis son look et je lui reconnais la même attitude sur les photos que celle qu’elle a l’habitude d’afficher au quotidien. Du moins en ma présence. A regarder ces photos avec la brune j’ai l’impression qu’on est amies depuis longtemps, même si ça ne fait que quelques mois que l’on se connaît. C’est une sensation plaisante, notre complicité n’a jamais été aussi naturelle, et bien que la recrue ne m’ai rien demandé je joue le jeu de la proximité comme pour la protéger de ses ex trop collantes et de sa rivale d’un autre temps. C’est assez drôle que le simple retour au contexte du lycée puisse faire ressortir ainsi de vieilles manies, des liens jusque là rangés dans la case souvenirs. Je taquine la brune sur son côté dragueuse, m’exposant à des représailles que j’esquive en riant. Je sais que lui interdire quoi que ce soit est inutile tout autant que ma pauvre menace d’heure de colle. Elle dépose un baiser sur le bout de mon nez, que je tortille un peu avec une moue faussement contrariée. Je n’ai aucune crédibilité, j’ai pas hérité de l’autorité naturelle de mon père c’est le moins que l’on puisse dire ! J’imagine assez facilement Tawny être une vraie habituée de la salle de retenue, ce qu’elle me confirme rapidement « C’était pas très difficile à deviner, la première fois que je t’ai vu t’étais de corvée… » ça me fait rire, je fais que ça depuis quelques minutes et je ne vais pas m’en plaindre, je passe une bonne soirée. Un mec s’approche, sur le moment je pense qu’il vient voir les photos lui aussi mais il s’adresse à la brune avec une subtilité absolue, demandant si je suis officielle. C’est quoi leur truc à tous de lui poser cette question ? En quoi ça les regarde en plus ? Ils peuvent pas la laisser tranquille deux minutes et moi aussi par la même occasion ?
Tawny se retourne, elle a l’air surprise mais surtout heureuse de voir ce mec. Ok heureusement que j’ai pas lancé de pique… pourtant c’était pas l’envie que me manquait. Je suis spectatrice de leurs retrouvailles, mais pas longtemps, la jeune femme me présentant à celui qui était l’un de ses meilleurs amis. « Ravie de te rencontrer Greg. » dis-je poliment en l’observant non plus comme un intrus mais un ami de la militaire. Il me fixe et réclame de m’emprunter pour aller danser. Je suis pas un objet merde ! Je croise le regard de Tawny qui elle au moins a la décence de prendre mon avis en considération. Je hausse les épaules « Et bien j… » je m’interromps quand la brune signale un appel, la belle affaire comme ça elle peut s’éclipser et me laisser avec son pote dont je ne sais rien. C’était peut-être un de ses partenaires de chasse, le genre avec qui elle prenait des paris de qui emballerait une fille le premier. Je préfère pas savoir à vrai dire. Elle s’éloigne déjà, décrochant son téléphone. J’esquisse un petit sourire à l’intention de Greg, pas nécessairement super à l’aise mais j’ai l’habitude de donner le change « Alors on y va ? » me demande t’il en m’offrant un sourire charmeur. Je dois avouer qu’il est pas mal, mais bon c’est typiquement un dragueur je le sais, je le sens. Cependant en bonne poire que je suis, et surtout pour ne pas paraître impolie, j’accepte sa proposition. Je l’accompagne jusqu’à ce qui fait office de piste de danse, je cherche la recrue du regard mais elle a dû sortir « Vous vous connaissez depuis longtemps ? » qui ça ? Je fronce les sourcils un bref instant avant de comprendre de quoi il parle « Quelques temps. » répondis-je de manière évasive « Et donc y’a rien entre vous, c’est étonnant. » je lève les yeux et échappe un rire « D’être amies ? Pourtant c’est le cas. » je tairais le fait que je l’ai laissé m’embrasser, plusieurs fois. Ça voulait rien dire.
Tout en dansant il pose une main sur ma hanche pour me rapprocher de lui « Tu fais quoi dans la vie ? » « J’étudie l’art. » répondis-je simplement. Je continue de danser, mais clairement je m’amuse beaucoup moins qu’avant que Greg ne débarque. Il est sympa, il a de l’humour sauf qu’un truc ne passe pas, j’ai envie d’un verre. Je recule, me dégageant de son étreinte « Faut j’aille faire un petit point make up. Tu m’excuse quelques minutes ? » il acquiesce et je l’abandonne. Je fais un petit passage vers le buffet pour me servir un nouveau verre de punch puis file en direction des toilettes. Mon verre déjà à moitié vide ne tarde pas à l’être totalement alors que j’attends qu’une cabine se libère. Une jeune femme sort finalement et je prends sa place, en ressortant je me retrouve face à Tawny « C’était pas grave au moins ton coup de fil ? » je crains qu’une fois encore elle me dise que c’est une urgence et qu’elle doit s’en aller « C’est l’heure de partir ? » lui demandé-je en souriant « Vu que t’as encore mes clés de voiture… ça serait bien que t’oublie pas de me les rendre. A pieds la base militaire ça fait loin et seule dans la nuit je ne suis pas très sûre d’avoir envie de tenter l’expérience. ».

Ça fait plaisir de voir une tête connue qui ne me veut pas de mal. Du moins, c’est ce que j’imagine à premier abord. Il nous casse un peu dans notre rapprochement avec Joan, mais je ne lui en veux pas, c’est Greg. Je me souviens de toutes ces soirées où on se battait les filles, certaines que je voulais avoir avant lui même si elles étaient hétéros, ou celles qu’il pensait hétéros mais qui en fait étaient gay. On a même eu une proposition un jour de faire un plan à trois avec une fille à qui on plaisait tous les deux, mais ERK j’ai dit non direct et je lui ai laissé la fille. Bref, c’est Greg quoi. Et je suis pas étonnée de comprendre que Joan lui plait, en même temps, on a les mêmes goûts, et quand bien même, à qui elle ne plairait pas. Mais comme je sais qu’elle aime les mecs, après tout, c’est peut-être l’homme de sa vie, et clairement c’est pas moi qui pourrai empêcher quoi que ce soit. Alors l’air de rien, je bidouille une excuse bidon pour les laisser danser tous les deux. Putain ça fait chier. Je déteste ce sentiment, cette espèce de compression dans ma cage thoracique qui m’empêche de respirer à pleins poumons. Je m’énerve, m’éloigne, et fais tout pour ne pas me retourner. Au passage, je prends un verre de punch que je vide dans la minute, avant d’aller vers les toilettes pour me passer un peu d’eau sur le visage. Finalement, je vais pisser et soulager ma vessie. Quand je sors, je me lave les mains et passe à nouveau de l’eau sur mon visage, quand en relevant la tête je croise la silhouette de Joan dans le miroir. Un mirage ? Elle est pas censée être en train de danser ? J’ai mis tant de temps que ça ? « C’était pas grave au moins ton coup de fil ? » Elle prend place près de moi pour se laver les mains et je secoue la tête. « Nan nan, rien de grave. » Je reste appuyée sur le rebord du lavabo et me mordille l’intérieur de la joue. « C’est l’heure de partir ? » Je me redresse et tourne la tête pour la regarder, pas sûre de comprendre. « Vu que t’as encore mes clés de voiture… ça serait bien que t’oublie pas de me les rendre. A pieds la base militaire ça fait loin et seule dans la nuit je ne suis pas très sûre d’avoir envie de tenter l’expérience. » J’esquisse un sourire, je sais plus trop quoi penser, comment réagir. J’ai envie de fuir parce que je sais que je suis à nouveau en train de tomber dans un gouffre sans fond, je viens d’en prendre conscience, et en même temps j’ai envie de rester, rester là à la regarder pendant des heures, l’entendre rire. « Ouais, t’as raison. » Je vais chercher ses clés dans ma poche arrière et les lui tends pour qu’elle les récupère. « Il est tard, vaudrait mieux rentrer. Je te raccompagne jusqu’à ta voiture. » Je quitte les toilettes en premier, Joan à ma suite, et je nous fraye un chemin. Alors que nous devons passer là où il y a pas mal de monde, j’attrape la main de la jeune femme et la lâche une fois que c’est plus calme. Sans un regard, ni même un mot, et nous quittons la grande salle blindée de monde. Je prends une grande inspiration de cet air frais et sors une clope de mon paquet, avant de la coincer entre mes lèvres et je me tourne vers Joan pour lui en proposer une. « T’es garée loin ? » Je la suis jusqu’à sa voiture, je lui fais confiance, elle a bu mais pas tant que ça, et puis je crois que l’air de rien, je vais la suivre en moto pour être sûre qu’elle rentre en un seul morceau. JE suis son chaperon après tout. Une fois à sa voiture, je la laisse tripoter ses clés et un silence un peu gênant s’installe. « Merci d’être venue en tout cas, c’était sympa, j’ai passé une très bonne soirée. » Je croise son regard et lui offre un sourire sincère. J’aimerai seulement m’approcher et l’embrasser, je ne pense qu’à ça mais en moi, je sens cette force qui cherche à m’en empêcher. Je ne dois pas. Je sais plus tout à fait pourquoi, pour me protéger d’une éventuelle chute, je crois. Mais je ne dois pas.