Not our day [Jordan C. & Liam]

L’environnement urbain de Wellington m’est familier. Je n’y ai vécus que quelques mois récemment, mais avec ma mémoire impeccable à ce niveau, je ne me perds pas dans la ville. Je me retrouve même parfois à conduire sans même songer à la route à emprunter, comme si j’étais sur le pilote automatique. Aujourd’hui, je dois me rendre à une agence de publicité pour parler d’un contact commercial obtenu par mon manager récemment et dont je n’approuve pas vraiment le concept ainsi que le produit. Je ne suis pas bête, je ne vais pas vendre juste pour vendre. Je connais mon influence. Je refuse d’être associé à quelque chose qui peut être controversé. Du coup, je conduis ma Cadillac avec sérénité, absolument pas stressé par ce qui va arriver. Il est rare que je perde le contrôle et que je sois en situation de grand stress. Même avant un combat, ça ne m’arrive pas vraiment. Dans mes jeunes années de boxeur, ça pouvait me prendre à l’occasion de m’en faire pour un combat important à venir. Mais depuis que je sais que ça ne change pas l’issu d’un affrontement, j’ai arrêté de m’en faire pour rien. Je rejoins donc l’air commercial de la ville, avec ces grands buildings. Je me stationne en parallèle sans difficulté. Je sors ensuite, posant mes lunettes de soleil sur mon nez. Je suis un peu à l’avance. J’enjambe une flaque d’eau importante, cherchant d’où elle vient. Il n’y a pas eu d’orage récent, pourtant. Probablement un problème d’aqueduc, je suppose. Je me rends à l’autre côté de la rue, fixant l’édifice dans lequel je dois me rendre. Je sens une vibration dans ma poche. Je sors donc de là mon téléphone portable et je prends le temps de répondre au message texte de la part de mon manager justement. Il n’est pas très content que j’aille à l’agence de publicité sans lui. J’étais disponible aujourd’hui et pas lui. Je ne peux pas faire mieux ou attendre indéfiniment. Il est vraiment en colère contre moi. Je tente donc de le calmer même si c’est inutile. J’aimerais au moins qu’il arrête d’user de caractères majuscules pour m’écrire. Une femme s’approche de moi et fixe le même bâtiment que moi quelques minutes auparavant. Nous devons entrer dans le même, j’imagine. Mais comme le building ne comprend pas qu’une entreprise, impossible de déterminer dans laquelle elle doit aller. Au moment de relever la tête, j’entends une voiture derrière nous passer à toute vitesse. Elle ne fait pas attention à la flaque d’eau. Je reçois littéralement l’équivalent d’un sceau d’eau dans le dos et la femme près de moi n’est pas à l’abri du même sort. Je me fige. Fuck. Je suis trempé. Nous sommes trempés en fait. Je me retourne vers la femme, tout aussi bouche-bée qu’elle de nous être fait de la sorte arrosé avec un aussi grand manque de respect. Je tente de trouver la voiture responsable des yeux mais elle est déjà loin, il faut croire. Je m’éloigne de la flaque d’eau par la suite. J’aurais dû le faire avant. Saleté de conducteur irrespectueux ! J’observe l’autre personne qui a été arrosé en ne sachant même pas quoi dire. « Ça va ? » Je me contente de demander, voyant qu’elle a même eu plus d’eau que moi. Je n’en reviens pas. Ce n’est pas notre journée.

J’observe le résultat de l’éclaboussure sur la jeune femme. Son tailleur a absorbé une bonne partie du liquide, mais des goûtes se forment tout de même à la toute fin du tissu, tombant une par une afin de rejoindre le sol. Elle aussi elle est dans une fâcheuse situation. Elle avait probablement un rendez-vous d’affaire pour être devant le même immeuble que moi et à présent il est inimaginable d’entrée pour nous y rendre. Sauf que nous ne pouvons pas vraiment demeurer planter là à attendre que le soleil nous sèchent l’eau sur le dos. Je m’approche d’abord d’elle, ignorant comment l’aborder. J’aurais pu faire mieux que ça, j’avoue. Je constate sa colère qui est tout à fait justifiée. Je ne vais pas la blâmer alors qu’elle aussi se sent insultée par le geste de ce conducteur idiot. Je la regarde toutefois un moment, sentant qu’elle se calme raisonnablement. Elle a conscience que je n’ai rien à voir avec ce qui lui arrive. Que je peux peut-être même l’aider si un éclair de génie me frappe. Ses excuses me font lui sourire quelque peu. Je déteste toujours autant entendre quelqu’un me demander pardon. Sauf que ça fait partie de l’éducation des gens polis. Voilà pourquoi je ne reprends jamais quelqu’un qui s’excuse, me contentant de grincer des dents le plus discrètement possible. Qu’importe. Je m’approche encore d’un pas vers elle, ayant à présent une vue complète de son visage. Nous ne nous connaissons pas. Cela ne change rien au fait que nous sommes trempés jusqu’aux os et que c’est très déplaisant. « Tu as toutes les raisons du monde de t’énerver, je t’assure. Je comprends tout à fait. » Je lui dis en ne la quittant pas des yeux. Je tente de la rassurer à ma manière pour ne pas qu’elle se laisse décourager par la situation. Il aurait pu nous arriver bien pire. Par exemple, le chauffard aurait pu nous écraser plutôt que simplement nous éclabousser. Aussi frustrant cela peut paraître dans nos esprits à cet instant, il y a bien pire dans la vie. Il faut juste trouver un endroit pour nous sécher et peut-être une boutique pour racheter de quoi être présentable devant ceux qui nous attendent. Du moins, j’assume qu’elle est attendue quelque part. Je tourne la tête, cherchant autour de nous un lieu pour nous nettoyer un peu. Je ne vois rien qui puisse nous être d’une quelconque utilité à proximité. Nous sommes dans une rue qui ne comprend que des immeubles à bureaux ou des hôtels. Ce qu’il nous faudrait c’est un nettoyeur ou à la limite des toilettes pour user du papier à main pour nous sécher un peu. Il y a une rue plus passante en perpendiculaire à l’endroit où nous sommes. Seul, je m’y serais dirigé sans attendre. Mais, je me sens mal d’abandonner cette femme comme ça alors que nous sommes dans la même galère. Je décide donc de lui exposer mon plan. « Ma voiture est garée à proximité. Si on trouve un nettoyeur ou un endroit pour nous sécher, on pourra ensuite se rendre dans une boutique pour changer de vêtements. Je n’ai aucun mal à te prendre comme passagère, vues les circonstances. Il y a peut-être un nettoyeur dans cette rue au loin. À moins que tu  préfères monter où tu es attendu ainsi. Ou bien que tu aies un meilleur plan. » Je l’observe, ne sachant pas si elle pourrait avoir plus de ressources que je ne le pense. Il est évident que je ne vais pas la forcer à m’accompagner alors que je demeure un inconnu pour elle. D’ailleurs. « Liam Drake. » Je me présente, lui tendant une main en espérant me rattraper sur cette politesse qui me fait cruellement défaut aujourd’hui. Mon sourire ne peut toutefois pas effacer l’eau qui nous mouille tous les deux.

La réponse de la jeune femme vient finalement et aussitôt je dois admettre que son plan est meilleur que le mien. Elle pourra entrer dans le restaurant sans attirer l’attention et sans avoir à s’expliquer durant des heures pour uniquement demander quelques instants pour se sécher. Le fait que ces gens la connaissent me suffit pour avoir confiance en ce lieu. « D’accord, je te suis. » Je lui indique simplement dès qu’elle termine de m’expliquer son idée. Je réalise d’un coup que je ne me suis même pas présenté à elle. Le minimum serait d’au moins connaître son nom pour ne pas avoir à constamment chercher une façon de l’interpeler autrement. Je lui tends ainsi une main dont elle se saisit après un regard en sa direction. Nos paumes se rencontrent finalement et je serre sa main doucement par respect. Les mains d’un boxeur sont habituées à la douleur et à exprimer leur force. Inutile de le lui prouver en ce jour de malheur pour tous les deux. Elle s’appelle donc Jordan. J’enregistre instantanément son identité dans ma mémoire. Je lui souris alors qu’elle admet être enchantée malgré les circonstances. « Oui, occupons-nous de changer les circonstances au plus tôt. » Je dis avec conviction. Sur ce, nous pouvons commencer notre marche désagréable jusqu’au bout de la rue. Même si ce n’est pas si loin que cela, le fait de nous promener dans des chaussures et des vêtements gorgés d’eau est très dérangeant. Je ne fais toutefois aucun commentaire pour éviter de me plaindre inutilement. Nous allons améliorer notre sort sous peu. Il nous faut seulement être un peu patient. Je demeure toujours à côté de Jordan, m’adaptant à son rythme de marche. Je ne la dépasse ainsi jamais, puisqu’elle est celle qui me dirige vers la bonne adresse. Un passant vient vers nous à vélo. Il est très rapide à mon œil. Comme nous sommes dans une journée malchanceuse, je pose une main sur le bras de Jordan afin qu’elle se laisse dévier suffisamment vers la gauche pour que le type à vélo passe sans même devoir se soucier de nous. Je l’observe ensuite s’éloigner en soupirant. Je tourne un regard vers Jordan. « Je ne voulais pas qu’en plus nous devions nous rendre à l’hôpital suite à une collision à vélo. » Il n’y a pas de risque à prendre tant que nous ne pouvons garantir que notre malchance soit terminée. Je ne suis pas particulièrement superstitieux. Je pense seulement que tout arrive pour une raison. Nous atteignons le restaurant dont m’a parlé la jeune femme sain et sauf. Je la laisse entrer la première, la suivant tout en observant attentivement les lieux. À cette heure-ci, il n’y a aucun client. Ce qui est un avantage pour nous. Quelqu’un vient à notre rencontre et je laisse Jordan s’occuper de lui expliquer que nous avons besoin d’emprunter leur salle de bain. Sans surprise, le gérant visiblement nous autorise à le faire. Nous nous séparons donc, entrant de mon côté dans la toilette des hommes. Je sèche mes vêtements au mieux avec le papier à main. Je remercie un membre du personnel lorsqu’il me donne quelques serviettes. Il doit avoir offert la même chose à Jordan. Ainsi, j’arrive à me nettoyer et à éponger la majorité de l’eau. Mes vêtements demeurent humides, mais ils ne sont plus trempés. Dès que je suis satisfait du résultat, je sors de là et je viens m’accoter contre le mur pour attendre Jordan. Au moment de sa sortie, elle apparaît avec le même résultat que moi : Mieux mais encore visiblement victime de ce mauvais coup du sort. La moitié du problème est donc réglé. J’attends toujours sa réponse pour la suite. « Est-ce que tu souhaites m’accompagner pour acheter de nouveaux vêtements ? Je n’ai pas changé d’avis, j’ai toujours une place de passager à t’offrir. » Je ne cherche pas à l’embarquer à tout prix si elle n’est pas à l’aise de le faire. C’est simplement une offre qui vient du cœur, étant donné que nous avons la même poisse apparemment.

Il n’y a pas à dire, c’est une journée intéressante. Rien de ce que j’avais planifié ne s’est produit comme il le devrait. Parfois c’est une bonne chose, puisque cela amène des choses inédites. Mais aujourd’hui, alors que malgré un long moment à m’éponger avec les serviettes fournies, le simple fait d’être encore dans des vêtements mouillés m’exaspère. Certes avec le soleil l’humidité résiduelle devrait sécher sans mal. Sauf que nous demeurons l’un comme l’autre dans un tissu ayant absorbé une eau sale et peu hygiénique. Du coup, ce n’est pas une bonne idée je pense de demeurer dans ces vêtements qui de toute façon ne sont pas recommandable pour nous présenter en public. Encore moins devant les représentants publicitaires que je devais rencontrer. Ils doivent m’attendre d’ailleurs. Tant pis, ils ne sont plus dans mes priorités. Je sors donc des toilettes pour homme et m’installe contre le mur afin d’attendre Jordan. Dès qu’elle sort, je cherche à savoir si elle est toujours partante pour aller trouver de nouveaux vêtements. Je ne l’oblige en rien à le faire. Comme c’est ce que je compte faire de mon côté, ce n’est que naturel que je lui propose de venir également si elle tient à se changer. Elle regarde l’heure en premier. Elle affirme que son rendez-vous peut attendre et qu’on peut y aller. À cela j’hoche la tête et je l’accompagne vers la sortie du restaurant, non sans saluer les employés nous ayons si généreusement accueillie. Je note mentalement de venir y faire un tour pour manger avec Lexie un de ces jours. Je n’ai pas regardé ce qu’offraient le menu, mais j’ai confiance quant à la nourriture. Mon instinct ne me trompe jamais. Alors que nous retournons à l’extérieur, je me tourne la tête dans la direction de la jeune femme alors qu’elle se demande si je vais l’accueillir dans ma voiture ou si je vais nous faire marcher. J’ai beau être un sportif, je ne raffole pas des marches en ville. Je préfère nettement me transporter dans l’une de mes voitures. Jordan possède un chauffeur mais je ne trouve pas utile de le déranger pour si peu. « Ma voiture est juste là. Je t’offre le trajet. » Je lui assure en pointant en direction de ma Cadillac blanche et noire. D’ailleurs, je la déverrouille à distance alors qu’il nous reste encore quelques mètres à parcourir pour l’atteindre. Je m’installe derrière le volant, laissant Jordan se mettre confortable sur le siège passager. « Une boutique à proximité où tu souhaites qu’on arrête en premier ? » Oui, parce que ce n’est pas n’importe où que je peux nous conduire. Si elle me donne des directions à suivre ou un approximatif de l’emplacement de cette boutique si elle ne connait pas le quartier par cœur je devrais sans mal l’emmener là. Pour ma part, je recherche simplement un lieu où je peux m’acheter une nouvelle chemise et un veston ainsi qu’une paire de pantalon. Le reste peut attendre mon retour à la villa. Donc ça n’a pas besoin d’être une boutique compliquée, spécialisée ou onéreuse. Au Diable la marque je serais tenté de dire comme la situation est exceptionnelle. Je démarre la voiture et je nous fais avancer. Le moteur est silencieux et les sièges très confortables. Ce véhicule vaut son prix. Je nous fais donc quitter la rue de l’accident et nous conduit vers notre nouvelle destination en à peine quelques minutes. Avec un peu de chance, je ne serais pas trop en retard à mon rendez-vous.

Je lui souris un instant. Je n’ai pas l’habitude de me stationner loin des endroits où je décide d’aller. Même si je me promène avec ma Porsche et que je déteste les bosses ou les égratignures potentielles sur la peinture rouge de la décapotable, je n’en fais pas tout un plat pour autant. Je préfère nettement m’assurer d’avoir un accès rapide à mon véhicule si besoin. Oui, pour un sportif professionnel, je ne prends pas plaisir à faire des pas inutiles. Ce qui est assez hors du commun. J’en connais qui trouve « amusant » de grimper des étages et des étages d’escaliers. Non, je suis totalement pour l’utilisation d’ascenseur. Je ne dépense mon énergie que lorsque j’en juge nécessaire. Et c’est bien une chance que la voiture soit donc tout près, même Jordan le souligne. Les pieds de la jeune femme commencent à la faire souffrir visiblement donc forcément je ne peux qu’être d’accord. Je retrouve avec bonheur le confort de la Cadillac. Le simple fait d’entendre le léger bruit du moteur au démarrage est suffisant pour m’apporter un grand apaisement. Je suis un fan de voitures et de mécanique. N’importe qui aurait pu s’en douter à me voir déambuler avec plusieurs modèles différents de temps à autre dans la ville. Je ne le cache pas non plus. Du coup, retrouver l’habitacle est réellement rassurant pour moi. Comme si le stress léger que je ressentais jusqu’à présent termine de s’envoler alors que je prends place derrière le volant. Je tourne la tête vers Jordan. Elle n’a pas à s’inquiéter pour l’état des sièges. Je fais affaire avec une très bonne compagnie de nettoyage qui va se charger d’effacer la moindre tache accidentelle qui pourrait apparaître aujourd’hui. Ça ne m’embête même pas. « Ce n’est pas grave. » Je lui assure. Je hoche ensuite la tête à sa proposition de nous rendre au centre commercial à proximité. C’est une bonne idée car du coup nous allons avoir une grande variété de boutiques disponibles pour faire notre bonheur. Je nous fais donc nous avancer de ce pas tel que convenu. La radio est au minimum afin de ne pas faire d’interférence avec les possibles interventions vocales de ma passagère. En quelques minutes à peine, nous arrivons à l’endroit choisi en passant par les souterrains et je nous trouve une fois de plus une place de stationnement non loin de l’une des entrées. Cela va plaire à la brune, je pense. J’arrête le moteur et je m’extrais de la Cadillac, verrouillant le tout dès que les deux portes claquent. Le son de la voiture résonne en écho autour de nous. Nous pouvons ensuite commencer à progresser vers l’intérieur. Je remarque l’inconfort de Jordan. Je me tourne vers elle tandis que l’ascenseur est en vue. Je lui souris, appuyant sur le bouton pour nous faire monter. « Je ne sais pas si j’ai sauvé cette journée de malchance, mais j’ai hâte de me débarrasser de ces vêtements pour des propres, effectivement. » Je lui réponds, détestant me laisser entraîner plus haut que sur la terre ferme. Je ne suis pas le plus terre-à-terre qui soit, mais je tente de m’améliorer à cela. La porte de l’ascenseur s’ouvre sur le centre commercial qui est remplis de monde comme on pouvait l’anticiper. Je me tourne vers Jordan. « Je pense que nous serons plus productif chacun de notre côté. On peut se rejoindre ici dans une heure disons, le temps de trouver ce qu’il nous faut. En cas de besoin, je vous donne mon numéro pour me prévenir par message texte. » Je lui propose au cas où finalement elle doit se rendre rapidement à son rendez-vous. Je veux bien jouer les taxis pour elle. C’est la moindre des choses, je pense. Nous sommes dans la même galère après tout. Nous nous devons de nous entraider, je pense. Du moins, ça fait partie de mon éducation de le faire.

Nous notons le numéro de l’autre afin de nous en servir en cas de besoin. Si elle le souhaite, elle pourra me retirer des contacts de son téléphone dès que je l’aurais redéposée où elle le veut plus tard. Nous ne sommes pas vraiment amis. Des connaissances qui s’entraident, simplement. Je ne vais donc pas lui en vouloir si aujourd’hui est le seul jour que nous passons en compagnie de l’autre. Me donner son numéro ne l’engage à rien. Je suis déjà en couple donc elle n’a pas à craindre que je tente quoique ce soit. Je hoche ensuite la tête à ses nouvelles paroles, suivant des yeux la direction qu’elle pointe. « Ça ne devrait pas être plus long de mon côté. Bonne idée pour le pressing. On pourrait donc s’y rejoindre dans une demi-heure. » Je conclue. Je tourne la tête pour voir ensuite Jordan reprendre l’ascenseur et m’indiquer qu’elle sera au dernier étage. Un faible sourire lui est offert en réponse tandis que les portes de l’ascenseur se referment entre nous. Je demeure à cet étage et je me dirige sans perdre de temps dans une boutique pour homme qui je sais vends ce dont je recherche. Les gens ne me prêtent que peu d’attention, ce qui m’arrange. Le vendeur ne m’aperçoit même pas tandis que je me faufile dans la rangée des vestons. J’en sélectionne un sans même regarder le prix. Le budget m’importe peu. Je traverse ensuite la boutique pour rejoindre l’étalage de pantalons. Le vendeur me remarque enfin et son regard expert confirme ce que je sais déjà. « Un petit accident avec la fontaine à eau ? » Il me demande, curieux. « Pire. » Je lui réponds, n’étant pas du genre à exposer ma vie dès qu’on m’en donne l’occasion. Le vendeur demeure donc avec ce mystère jusqu’à la fin, étant celui qui me fait passer à la caisse. Il doit me trouver ennuyant à mourir puisque je ne lui dis absolument rien. Une fois sortie de la boutique, je fais un nouveau tour aux toilettes. Je me change et m’observe quelques secondes dans le miroir de l’endroit. J’ai retrouvé mon élégance et mon confort tant désiré. Ça fait du bien. Je vérifie mon téléphone. Aucun message de la part de Jordan. Je paris que tout va bien de son côté. Elle me semble être quelqu’un qui sait ce qu’elle veut. Je ne suis pas inquiet pour elle. Je prends le chemin du pressing où je laisse mes vêtements comme entendu. J’attends par la suite la jeune femme, accoté contre le mur le plus proche. J’hausse un sourcil de surprise en constatant la ponctualité impeccable de Jordan alors qu’elle me rejoint pile une demi-heure après que nous nous soyons laissés en face de l’ascenseur. Je me permets d’observer sa nouvelle tenue. « Impressionnant. » Je me contente de dire. Elle est très rapide et efficace, ça c’est certain. Pour arriver à trouver un tel ensemble en si peu de temps, je veux dire. Je la laisse s’adresser elle-même au pressing avant de la rejoindre. « Est-ce que je te dépose quelque part d’autre ou je te ramène à la flaque d’eau ? » Souvenir amère, mais excellent point de repère.

Le commentaire de Jordan m’intrigue. Son soupire surtout. Elle semble regretter de ne pas avoir de travail pour les temps à venir, d’après ce que je comprends. Les rendez-vous d’affaire de son fiancé sont donc les seuls moments lui donnant l’impression de travailler. Pourtant, j’ai constaté la rigueur et l’efficacité de cette femme aujourd’hui. Elle a aussi un grand réseau de connaissances qui pourrait très certainement lui ouvrir de nombreuses portes. Je ne comprends du coup pas vraiment ce qui la conduit à ne plus rien avoir désormais. Certaines femmes préfèrent laisser leur mari travailler pendant qu’elle demeure à la maison. Je n’ai rien contre cela, mais je devine que ce n’est pas vraiment le cas de Jordan. Sinon, elle ne me donnerait pas l’impression d’être aussi frustrée tandis que nous nous engouffrons de nouveau dans l’ascenseur afin de rejoindre le stationnement sous-terrain où se trouve ma voiture. Je compte la ramener là où nous nous sommes rencontrés tel qu’elle me l’a demandé. Sauf que mon cerveau ne cesse de réfléchir à ces dernières paroles. Je n’ai pas l’habitude de me mêler de la vie des gens, par contre le cas de cette femme m’intrigue plus que d’ordinaire. Elle m’a tellement aidé aujourd’hui que j’ai envie de lui rendre la pareille. Moi aussi je suis prêt à user de mes contacts. À quoi bon en avoir sinon. « Je me demande, est-ce que ça t’intéresserais si je parlais de toi à un ami qui travaille à la haute direction de la Société financière Colton ? Il est vice-président de la Société, pour être exact. J’ai le sentiment que tu recherches quelque chose pour t’occuper l’esprit et je suis certain qu’il pourrait te trouver une place. Tu as des compétences qui vont l’intéresser, j’en suis sûr. Brendy adore les gens authentiques, débrouillards et efficaces. Qu’en penses-tu ? » Je me fis uniquement à mon instinct pour déterminer qu’elle recherche la valorisation par le travail. Je doute qu’elle souhaite faire cela pour l’argent, juste par le fait qu’elle est élégamment vêtue, qu’elle possède un chauffeur ainsi qu’un fiancé dans les affaires. Il est clair dans mon esprit qu’elle a des moyens pour vivre aisément. Seulement, chaque personne a besoin d’avoir son but et si je peux l’aider à en avoir un avec une place au sein de la Société du meilleur ami de Lexie, alors pourquoi pas. Je suis certain qu’elle y serait bien et qu’elle pourrait même grimper les échelons si elle est aussi compétente que je le pense. Je conduis jusqu’à devant l’édifice où nous nous sommes rencontrés. Je me stationne à proximité et j’arrête le moteur. Je me tourne ensuite vers Jordan afin d’attendre sa réponse. Je connais par cœur tous les numéros de téléphone de Brendy ou même de la Société, ayant une mémoire phénoménale pour les nombres. Je peux donc la référer à l’homme d’affaire par tous les moyens possibles. Ou bien moi-même m’occuper de lui parler par téléphone ou bien de faire un tour chez lui pour lui recommander Jordan directement. Il a confiance en moi et mon jugement, je sais qu’il va m’écouter et considérer la jeune femme si je lui demande. Reste à voir si elle ça l’intéresse au fond.

J’ai donc visé juste. Je suis parvenu à intéresser Jordan en lui parlant de Brendy et c’est assez naturellement que je respecte son souhait d’y réfléchir. Il est évident que je ne lui demande pas une réponse immédiate ou encore définitive. Ma proposition ne l’engage à rien. Elle est toujours libre de décliner maintenant voir plus tard si au final ça ne l’intéresse plus. Je doute que Brendy en soit offusqué d’ailleurs. Quant à moi, mon absence de rancune parle d’elle-même. J’ai déjà oublié depuis un moment ma haine ressentie envers ce chauffard qui nous a éclaboussés un peu plus tôt. La vie est trop courte pour s’en faire avec ce genre de choses. Nous faisons donc le trajet du retour dans un silence presque parfait. Il n’y a pas pour autant de malaise palpable face à une absence de conversation. Lorsque nous arrivons, mes yeux se baissent sur les gestes des mains de la jeune femme. Elle écrit un message texte à quelqu’un, probablement son fiancé qui doit se demander pourquoi elle n’est toujours pas arrivée. Elle accepte ensuite que je parle d’elle au meilleur ami de Lexie et je hoche la tête à cela. « En effet, j’ai ton numéro. Je te donne le mien. » Je lui dicte les chiffres composant mon numéro de téléphone pour rendre nos futurs contacts plus pratique. Maintenant que nous sommes officiellement dans les contacts de l’autre, il est effectivement le temps de nous séparer, il me semble. Je prends la main qu’elle me tend sans hésitation, la serrant avec un soin particulier afin de ne pas laisser paraître la puissance que renferment mes mains de boxeur. Inutile de le montrer, surtout dans ce genre de situation. « Il n’y a pas de problème. Je suis sur que Brendy va t’appeler. Je le connais. » Je dis en souriant moi aussi. Il en est presque devenu prévisible ce vice-président. Plus qu’il ne le pense, du moins. Elle me remercie encore une fois et à ses mots je laisse échapper un simple rire. En effet, j’aurais été la pire des pourritures de la laisser se débrouiller toute seule après notre accident commun. Elle s’arrête dans son geste destiné à sortir de la Cadillac. Je l’observe quelques secondes avant de répondre. « Oui, j’ai un rendez-vous au seizième étage. Je suis également en retard d’ailleurs. » Je porte ma main à mon propre téléphone qui n’affiche pas la colère de mon manager heureusement. Je ne dois pas être si en retard que cela, donc. « Je t’accompagnes ? » Je lui demande avant de moi-même poser une main sur la poignée de la portière. Puisque nous allons au même endroit, pourquoi ne pas faire encore quelques minutes ensemble. Je marche donc à ses côtés afin d’entrer dans l’immeuble. Je lui tiens la porte par habitude afin qu’elle passe la première. Je la suis ensuite en direction d’un nouvel ascenseur. J’appuie sur la flèche pour monter. Je me tourne vers elle en attendant que les portes s’ouvrent pour nous accueillir. « Cette rencontre a été une agréable surprise, en tout cas. » Je lui assure en souriant toujours. La fin est proche, alors autant profiter du temps qu’il nous reste pour quelques derniers échanges de paroles.