(f/libre) ○ dianna agron

Les rayons du soleil couchant viennent s’éclater contre le hublot de l’énorme avion dans lequel je viens d’embarquer. Je les laisse quelques instants me réchauffer le visage avant d’abaisser le pare-soleil et de poser ma tête contre la paroi interne de l’A380. J’ai du mal à réaliser que je m’en vais pour de bon. La décision a été prise très rapidement, mais a été un soulagement immédiat. Comme si j’avais enfin trouvé la solution qui mettrait fin à ma douleur. L’annoncer à Bart et Sara a été une autre paire de manche, mais au final, ils ne l’ont pas mal pris. Je sais que Bart pense encore que je suis trop jeune pour partir si loin, si longtemps et seule, mais je sais que je suis prête. J’en ai besoin surtout, réellement besoin. Ils ont compris tout de suite, et y repenser me fait réaliser la chance que j’ai de les avoir.
Je ferme les yeux. Le trou béant qui a remplacé mon cœur dans ma poitrine me fait plus mal que jamais. Je sais qu’en partant, je fais une croix définitive sur Joana. Il n’y a pas de retour en arrière, pas d’espoirs, pas de futur… Et c’est bien, c’est ça qu’il faut, j’en ai conscience, mais putain ce que ça fait mal. Cela fait deux mois maintenant, qu’elle est partie. Deux mois que je pleure non stop, le jour, la nuit, tout le temps, je ne fais plus que ça. Enfin, pas exactement, depuis quelques jours, je n’arrive même plus à pleurer. J’en ai besoin, je voudrais pleurer, mais je crois que je n’ai plus assez d’eau dans mon corps pour ça, même si ça parait débile à dire.

Joana c'était LA fille. Je n’ai jamais été aussi sure de moi, je le sais, je l’ai senti à l’instant même où nos lèvres se sont touchées la première fois. Pour moi, c’était certain, c’était tracé, elle était la femme de ma vie. Enfin, j’avais trouvé quelqu’un qui me comprenait réellement, et c’était bon. Seulement je pense que j’ai loupé le passage où ce que je ressentais, n’étais pas du tout réciproque. Peut-être est-on allé trop vite ? Elle sortait à peine d’une relation compliquée et déchirante, elle n'avait jamais été avec une fille, tant de facteurs qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Mais non, j’ai foncé tête baissée dans ce gouffre de bonheur. De son côté, elle a trouvé ce dont elle avait besoin : un refuge doux et sincère dans mes bras. Et tout semblait si parfaitement naturel, que notre histoire paraissait inévitable. Pour moi, c’était l’amour fou, le vrai, le plus pur qu’il soit, l’amour qui fait voyager, qui fait trembler, l’amour qui fait vivre. Notre complicité était sans faille, tout comme notre sincérité et notre passion. Jamais avant, je n’avais connu ça. Et pour parfaire le tableau, Joana aimait Bart et Sara, et l'inverse était vrai aussi (ce qui n'était vraiment pas toujours le cas).

Mais c’est impossible de vivre ça dans la vraie vie, pas vrai ? Ça n’est pas normal d’être si heureux, on n’a pas le droit. Tant de bonheur se doit d’être équilibré rapidement, et plus tu es heureux, plus tu seras triste après, c’est logique. Ils appellent ça l’équilibre cosmique, ou une merde dans le genre.
Après une année de relation, et sans donner de raison, Joana m’a simplement quitté du jour au lendemain. Littéralement. Malgré tous nos projets et toutes nos promesses, malgré qu’elle ait continué à dire qu’elle était heureuse avec moi, elle a affirmé qu’elle ne m’aimait pas. Juste comme ça. « Je ne pense pas pouvoir être plus heureuse avec quelqu’un d’autre, mais je me rend compte que je ne partage pas tes sentiments et je ne peux pas t’infliger ça plus longtemps ». J’ai eu du mal à y croire, presque qu’autant qu’à l’encaisser. Mais ce que je ne parviens pas à faire, c’est comprendre. La seule raison à laquelle je peux penser, c’est qu’elle a eu peur. Elle a eu peur, de pouvoir aimer une fille, si fort, si longtemps, et si sincèrement. C’est la seule raison que j’ai trouvé, et je ne peux rien y faire. Alors voilà, je pars, loin, longtemps, je pars l’oublier, pour me retrouver.