Sing that song to me [Tessa & Marty]

Bar le Golden Spirit, 11 janvier 2018

Le Golden Spirit est un modeste bar de Center Bay qui permet à des jeunes chanteurs ou musiciens amateurs de venir se produire sur la scène à tous les jeudis. Cette semaine, c’est à mon tour. Ce n’est pas la première fois que je fais une représentation ici. C’est ma quatrième fois en fait. Du coup, le propriétaire ainsi que les clients réguliers me connaissent. Aubrey avait l’habitude de venir aussi. Sauf que mon spectacle de ce soir coïncide malheureusement avec le match de Liam Drake contre Mark Nash. De ce fait, elle a annulé à contrecœur pour aller à Wellington pour encourager son demi-frère. Je lui aie assuré que cela ne me dérange pas que pour une fois elle s’absente. Elle aura toujours la chance de me revoir alors que pour Liam c’est la toute première fois qu’elle peut le voir combattre en vrai. C’était sa chance de le voir et d’ensuite pouvoir le féliciter pour sa victoire dans le vestiaire. Parce que c’est sur que son frère va anéantir l’autre gars. Je pourrais presque le parier. Du coup, je suis seul de mon côté dans les coulisses. Mon cœur est serré toutefois puisque Tessa m’a promis qu’elle allait venir. J’ignore si elle va vraiment être là ou si elle aura un empêchement. Une part de moi veut qu’elle ne soit pas là pour arrêter de me stresser de la sorte. Une part encore plus grande de moi veut qu’elle soit là pour pouvoir croiser son regard alors que je vais me produire sur scène. Oh God, je garantie que durant les premières minutes de la représentation je vais être très distrait puisque je vais scanner le public à la recherche de la gestionnaire de l’information médicale. Dans ces cas là, en général je me trompe dans les notes à jouer sur mon piano ou encore dans les paroles à chanter. Il ne faut pas que ça arrive. Je ne veux pas que Tessa me voit dans l’erreur. J’évite de penser à cela alors que mon technicien qui se trouve à être aussi le barman du Golden est en train d’installer mon matériel. De mon côté, je fais mes vocalises et je demeure concentré jusqu’à ce que le propriétaire se saisisse du micro et m’introduise. J’entre sur la scène sous les quelques applaudissements des gens présents. Plusieurs parlent encore entre eux. Certains ne vont jamais se taire de tout le spectacle. Ça fait partie du charme de ce genre de petit show. Il y en a qui se foutent complètement de vous et ne sont là que pour l’alcool. Je commence à en avoir l’habitude. Je prends place dernière mon piano. Un bref coup d’œil vers la foule et c’est suffisant pour la trouver. Je la vois assise à une petite table près du bar. Aussitôt, je m’emplis d’un courage insoupçonné. Je pousse avec mes doigts les premières notes de ma chanson d’ouverture. Je commence ensuite à chanter doucement. C’est une balade. Je n’ai le droit de faire que six chansons, ce que je fais avec une remarquable justesse. Lorsque je termine mes dernières notes de ma sixième chanson, il y a un court silence comme toujours. Puis, les applaudissements. Je suis surpris par la force de ceux-ci ce soir. Je souris donc au public. Je me lève et je m’incline pour les remercier. Je me dirige ensuite en coulisse avec le corps qui tremble sous l’excitation. Oh God, c’était parfait ! Dès que l’adrénaline commence à redescendre, je rejoins le bar. Je suis heureux de voir que Tessa est toujours là à m’attendre. Je m’approche en lui souriant. Je prends place en face d’elle. « Hey, salut ! » Je m’exclame joyeuse et assez fort pour surpasser le bruit de fond des conversations environnantes et de la musique. Il ne faut pas crier, mais juste parler un peu plus que son volume de voix ordinaire, ce que j’ai toujours eu du mal à faire. J’espère donc qu’elle m’entend bien. Pour en être certain, je me penche un peu vers elle, appuyant mes avant-bras pour la table. « Alors, tu as trouvé ça comment ? » Je la questionne avec des yeux brillants.

21h22

Vêtue de la tenue idéale au regard de ma sœur Sally, qui est venue m’aider à la choisir à l’appartement un peu plus tôt, j’entre dans le bar où m’a donné rendez-vous le docteur Goodwin. Comme je le voulais, je suis en avance. Cela me donne ainsi le temps de m’installer tranquillement comme de commander une boisson avant la représentation. Je me fraye un chemin parmi la foule de client en quête d’une table de libre. Lorsque je la trouve non loin du bar, au bout d’une minute, je m’y installe en espérant ne pas être importunée par un homme alcoolisé. Je tire sur ma robe en ce sens, pour éviter qu’elle ne soit trop courte. Très honnêtement, je n’ai absolument pas confiance dans le choix de ma sœur. Je trouve cette robe beaucoup trop habillée pour ce rendez-vous. Je n’ai pas envie que le médecin s’imagine que je cherche à le séduire, même si c’est partiellement le cas. D’ailleurs, que ce passera t'il s’il s’en rend compte immédiatement et qu’il me fait comprendre que c’est inutile ? Comment seront-nos rapports au boulot après ce malentendu ? Devrai-je craindre que la rumeur fasse le tour de l’hôpital pour me suivre durant des mois ? Perdrai-je tout crédibilité dans mon poste à cause d’une erreur de jugement de ma sœur ? Car oui, c’est elle qui m’a affirmé que c’était une sorte de rendez-vous galant. Seigneur. Je suis beaucoup trop anxieuse. Il faut absolument que je me détende. J’interpelle une serveuse pour qu’elle m’apporte un cocktail de fruits. Il est préférable d’éviter l’alcool. Elle me l’amène au bout de quelques minutes d’attente. Dès que je l’ai en ma possession, je porte la paille à mes lèvres pour en boire une gorgée. Le gérant du bar annonce en même temps la venue de mon collègue. Je le délaisse lorsqu’il apparaît sur scène. Comme quelques autres clients polis, je l’applaudis tandis qu’il prend place au piano. Il jette un bref  regard au public. Je lui sourie instantanément quand nos regards se croisent. La représentation commence. Je dépose mes coudes contre le bois de la table pour appuyer mon menton contre mes doigts liés. Je suis réellement fasciné par le morceau de musique qu’il joue, le son de sa voix. Il n’y aucune fausse note. C’est plaisant à l’oreille. Autant dans les notes aiguës que les graves, d’ailleurs. Je me surprends à aimer ce petit côté « cassé » que possède sa voix et que je peux entendre à quelques occasions. La représentation s’achève à la sixième chanson. Comme le reste de la clientèle, je l’applaudis sincèrement. Mes yeux ne sont voués qu’à lui. Tellement que je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à nouveau en coulisse après son salut. Je reprends une gorgée de ma boisson en l’attendant. Je ne sais pas s’il était convenu qu’il me rejoigne après, je dois dire. J’espère donc que c’est le cas, qu’il ne va pas partir par une sorte d’entrée des artistes. Après quelques minutes où je commençais à me convaincre qu’il ne viendrait pas, il apparaît devant moi. Immédiatement, je retrouve ce sourire qu’il provoque sur mon visage. _ Salut Marty. Je déclare charmante en réponse à ces salutations, tandis qu’il se penche vers moi. Il désire savoir ce que j’ai pensé de son petit concert. Je ne le fais pas languir. _ Génial. Vraiment. Je lui avoue avec sincérité en m’approchant un peu pour ne pas avoir à élever la voix, chose dont je n’ai pas l’habitude. _ Tu as énormément de talent. J’ai été captivé autant par ta musique que ta voix du début jusqu’à la fin. Je marque une pause, toujours souriante. _ Je suis heureuse que tu m’aies offert le privilège de découvrir cela. J’ai passé un excellent moment. Je n’aime pourtant pas les bars de manière générale. Mais là, j’ai oubliée totalement le lieu pour ne savourer que le plaisir que procure sa musique.

À présent que la pression est retombée, ma représentation étant sans faute, je retrouve une vision d’ensemble. En fait, c’est comme si je portais des œillères depuis les dernières heures, focalisé sur le spectacle et l’anticipation de la venue de Tessa, mais qu’à présent je retrouvais la pleine capacité de ma vue. Tellement que d’un coup l’ensemble du bar se montre à mon regard de médecin. Je repère plusieurs individus avec une consommation suffisante d’alcool pour affecter considérablement leurs facultés si jamais ils prennent le volant. Je repère deux femmes dont les gestes vifs et les traits du visage hostiles m’apprennent qu’elles aimeraient bien se sauter à la gorge, mais qu’un troisième individu masculin prévient l’attaque en s’interposant au milieu. Je remarque aussi l’élégance de Tessa. N’ayant revêtu que mes vêtements de tous les jours ce soir, je me sens un peu intimidé par l’allure renversante de la jeune femme. Je ne sais pas vraiment quoi faire à ce sujet à part d’éviter de fixer les détails de son bustier. C’est avec réussite que je parviens à garder mon regard dans le sien tandis qu’elle me complimente pour ma musique. Elle se penche elle aussi vers moi, faisant en sorte que nos visages sont plus près qu’ils ne l’ont jamais été. J’ai pour réflexe de me reculer, me redressant sur ma chaise avec un sourire. « Merci, c’est vraiment gentil. Je suis content que tu aies autant apprécié. C’est rare en fait qu’une personne me connaissant personnellement assiste à mes spectacles. Ça fait bien d’entendre en tout ça. » Je vais définitivement la réinviter à l’avenir, maintenant que je sais qu’elle apprécie ma musique. Probablement la musique en général, ce qui nous fait un point commun. Je pourrais renchérir sur ce sujet, chercher à la faire parler de cela. Sauf que je… Je ne sais pas trop. Je ne sais pas vraiment quoi faire ensuite. Je souris très grand quand elle m’assure avoir passé un excellent moment. Une serveuse s’arrête alors à notre table et me demande si je désire quelque chose à boire. Bonne question. Si je ne commande rien ou un simple verre d’eau comme je rêverai d’avoir à cause de ma gorge irritée par le chant, cela va paraître forcément mal aux yeux de Tessa. Du moins, je crois. Et si je commande un truc alcoolisé, ça signifie que je souhaite rester avec elle pour la soirée et je ne sais pas quoi faire de cela non plus. Je n’ai pas l’habitude des femmes qui ne me fuit pas dans les cinq premières minutes de conversation. Je n’ai pas réfléchis à plus loin que la représentation en fait. Prend une décision ! « Une bière, s’il-vous-plaît. » Elle me nomme de nombreuses marques de bière. Je sélectionne celle qui me semble la plus familière à mon oreille. Je rapporte ensuite mon attention à Tessa. God, ce qu’elle est belle ce soir ! J’ai du mal à résister à l’envie de baiser le regard occasionnellement pour découvrir davantage des détails de sa robe. « Tu es… » Je commence. Souriant, puis parvenant à reprendre. « … très belle. » C’est mieux que rien. On m’apporte ensuite ma bière. Je remercie la jeune femme qui me l’a amené et j’y plonge mes lèvres en espérant que le houblon va m’aider à être capable de faire des phrases complètes. Je pose ensuite mon verre sur le sous-verre de carton présent sur la table. Pratique ces petits trucs, je dois dire. Je ne sais pas trop comment enchaîner la suite de la conversation à présent. Je décide donc d’y aller avec la chose à ne pas faire. « Le dossier informatisé ne bug toujours pas depuis hier. Encore merci pour avoir réglé mon problème ! » Oui, parler du travail. Je sais. Je me frappe le front mentalement. C’est hier matin qu’elle m’a contacté pour me dire que le pilote régional avait mis le service informatique de notre hôpital sur mon cas et que le bug disparaîtra au cours de la journée. En fin de journée, je l’ai appelé pour lui signaler qu’effectivement c’était le cas. Donc elle sait déjà que ça marche. Elle le sait et je viens de lui redire. Sauf qu’il faut croire que j’ai besoin de lui répéter que c’est aussi le cas aujourd’hui. Je bois une autre gorgée de bière pour ne pas dire plus de stupidités.

Marty se recule sur sa chaise, souriant. Il me remercie pour mon appréciation de son talent. Il trouve cela vraiment gentil. C’est surtout vraiment sincère. J’ai réellement passé un agréable moment à l’écouter. Je suis convaincue que s’il avait choisit cette voie en lieu et place de la médecine, il aurait su se faire un nom dans le domaine. Je suis curieuse de savoir pourquoi il ne s’est pas lancé, tout d’un coup. Ce n’est pas le talent qui manque. Encore moins l’inspiration bienvenue d’un auteur/compositeur doué puisqu’il ne semble avoir besoin de personne pour cela. Serait-ce son introversion similaire à la mienne ? Peut-être. Moi-même je fuirai la célébrité pour m’assurer mes moments de solitudes tant appréciés. Mais peut-être me trompe-je aussi complètement ? Peut-être a t’il essayé à l’âge de l’adolescence et cela a échouée ? Hum. Non. Je ne peux croire en cette possibilité. S’il avait cherché vraiment à ce lancer, il serait un grand artiste de renom aujourd’hui. J’en suis intimement persuadé. Il me confirme que je suis une invitée privilégiée ce soir puisque rares sont les personnes de son entourage ayant la chance d’assister à ces représentations. Je suis flattée, réellement. Cependant je me questionne sur la raison de cette exception qu’il m’accorde. Sally aurait t’elle raison ? Lui plais-je suffisamment pour l’encourager à partager avec moi sa plus grande passion ? Aucune idée. Son attitude ne diffère pas réellement de celle qu’il adopte en ma présence au travail et… j’avoue ne pas avoir l’œil suffisamment expert pour déceler de subtils indices dans son comportement. La serveuse revient à table pour demander au médecin s’il désire boire quelque-chose. Je l’observe alors qu’il semble y réfléchir. Il me semble déceler dans ses prunelles une forme d’anxiété. Un homme vous désirant comme simple amie n’est pas nerveux au cours d’un rendez-vous, n’est-ce pas ? (Soupire) Aucune idée non plus à ce propos. C’est dérangeant de n’avoir pour expérience sentimentale qu’une seule relation de douze ans. D’autant plus lorsque l’on sait que mon ex était un homme beaucoup plus entreprenant. Il n’a jamais passé par quatre chemins pour me faire comprendre ces intentions, ces attentes. En faite, il a même carrément prit en main toute notre relation quand j’y réfléchie. Y compris notre rupture plus qu’évidente qu’il l’a provoqué juste avant les fêtes de fin d’année. (Soupire) Qu’importe. Je n’ai pas envie de penser à lui ce soir. J’ai plutôt envie de me concentrer sur mon rendez-vous qui commande finalement une bière. La serveuse lui énonce une liste de marque très connue. Il en opte pour une avant qu’elle ne nous laisse à nouveau en tête-à-tête. Enfin, si je puis dire. Le bruit alentours n’est vraiment pas favorable à un rendez-vous possiblement galant, je dois dire. Les autres clients ont la voix qui porte haut. Je ne trouve pas cela très pratique pour converser. Marty s’exprime à nouveau à mon encontre. Il me dit avec un magnifique sourire, et une forme de timidité dans la voix, qu’il me trouve très belle. Je sourie sincèrement enchanté d’un tel compliment. Je ne dirais plus de ma sœur ainée qu’elle a de mauvais choix en matière de vêtement pour des rendez-vous. Elle a provoqué chez mon collègue la réaction que j’espérais inconsciemment : de l’admiration. _ Merci. Je lui dis charmante avant de boire à la paille une gorgée de mon cocktail. La serveuse réapparait avec sa bière. Marty s’en saisie pour en boire une gorgée. Je continue de le regarder avec ce même sourire qu’il a provoqué par son arrivée à ma table. J’espère que cela n’est pas la cause de sa nervosité, soit dit en passant. Je ne voudrais pas qu’il me fuie à l’avenir à cause de cela. Le mieux serait peut-être de regarder autre chose. Ce que je fais en portant mes yeux à ma paille que je fais danser brièvement dans mon verre. Je pourrai aussi lancer la conversation. J’avais des questions précédemment. Cela serait peut-être judicieux de les poser maintenant. C’est ce que je crois quand Marty reprend la parole. J’ancre mes prunelles aux siennes pour l’écouter. Il ne rencontre plus de bug depuis hier au niveau de sa session utilisateur. C’est formidable. _ Je t’en prie. Je lui réponds poliment, toujours souriante, immédiatement. Toutefois je ne vous cacherai pas que je suis un peu déçue qu’on parle de travail. A mon sens cela sous-entend qu’il apprécie nos rapports tels qu’ils sont et qu’il ne cherche pas spécialement à les faire évoluer. Je trouve cela dommage. Mais peut-être fondais-je trop d’espoir dans un rendez-vous purement amical ? _ Je n’y suis pour rien, tu sais. Je n’ai été que l’intermédiaire entre toi et le pilote régionale. Je l’informe cependant courtoisement, sans laisser ma déception marquer les traits de mon visage. _ Dis-moi, je reprends en jouant machinalement avec la paille dans mon verre, tu n’as jamais essayé de te lancer professionnellement dans la carrière de chanteur ? La question peut-être posée. Il donne des représentations dans des bars ouvrant leurs scènes aux amateurs. C’est peut-être par regret inconscient d’avoir optée pour la carrière qui nous a permis de nous connaître ?

Cette femme est magnifique et elle ne cherche pas à me fuir. C’est très bon signe. Je sais bien que ce ne sont pas toutes les femmes qui sont forcément destinées à se jouer de moi ou à me traiter comme leur petit-frère mignon. J’ai déjà eut des petites-amies par le passé avec qui ça aurait pu fonctionner si je n’avais pas été aussi pris par mes études. Il n’est pas facile de construire une relation lorsque l’un des deux partenaires est constamment plongé dans ses livres de médecine et qu’il priorise cela au reste. En fait, plus j’y réfléchis et jamais je n’ai été celui des deux qui a demandé la rupture. C’est signe que le problème vient de moi à la base. Je me sous-estime, je me dévalorise aux yeux des autres et j’adopte des comportements d’évitement. Je me plains de ne pas trouver le grand amour mais au fond c’est à cause de moi-même que je ne le trouve pas. Ce n’est pas le manque d’expérience ou de techniques comme pourrait le croire Jackson. C’est vraiment parce que je suis mon pire ennemi dans cette histoire. Et franchement, j’en ai marre. Je refuse que cela dure plus longtemps. Mais comment changer quelque chose que j’ai adoptée depuis des années ? Ce n’est pas en un claquement de doigt que ça va se produire. Déjà, je suis en face de Tessa. J’ai une chance de faire différemment. Je peux simplement commencer par relaxer et arrêter de m’en faire. Elle ne va pas me manger. Et même si au final elle n’est là que par amitié, alors ça ne fait rien. Je dois arrêter de me prendre la tête avec des échecs qui n’en sont pas vraiment. Je sens que la jeune femme en face de moi est intéressée, dans un sens. Sa tenue n’est pas anodine. Enfin, je crois. Donc, je dois simplement alimenter son intérêt pour moi. C’est là que ça se complique. J’ai peur de ne pas réussir. Il me suffit juste d’essayer du mieux que je le peux et c’est tout. Inutile de se faire des scénarios catastrophes alors que nous commençons à peine la conversation. Voilà, j’ai un début de solution. Je dois y aller un pas à la fois. Si je prends mon temps, si je ne m’énerve pas et que je demeure confiant, alors je sais que je peux réussir. Go Marty ! Déjà, l’erreur que j’ai commise est de ramener le travail dans la conversation. Elle me répond par politesse, une fois de plus modeste. J’aimerais lui dire qu’elle devrait prendre plus de crédit sauf que je ne veux pas insister sur le sujet. Je laisse donc couler, me contentant de sourire. Je réfléchis à une prochaine question à lui poser lorsqu’elle se lance à la place. J’accueille cela avec joie. Je ne l’ai pas complètement découragée. Génial ! Elle se demande si j’ai déjà envisager une carrière dans la musique. Est-ce parce que je l’ai impressionné à ce point ? Inutile de lui demander. « C’est encore mon rêve de vivre de ma musique. J’ai essayé quelques fois de me lancer quand j’étais plus jeunes oui, mais sans succès. Je ne tombais jamais sur les bonnes personnes, il faut croire. Puisque pour percer, il y a un gros facteur chance qui est parfois supérieur à celui du talent, malheureusement. Je pourrais aussi tenter de promouvoir ma musique davantage par internet, mais je n’ai plus vraiment le temps de le faire, pour être honnête. De plus, j’aime mon métier actuel. Je ne peux pas dire le contraire. Mais c’est bon de rêver à quelque chose qui ne se réalisera peut-être jamais. Je sais que je ne pourrai pas vivre sans musique, mais ce n’est pas une obligation à mon avis d’être une star internationale. Juste de faire sourire les gens une fois de temps en temps ça me suffit. Comme toi aujourd’hui. Ma mission est accomplie ce soir puisque j’ai réussis à te faire passer un bon moment. C’est tout ce qui compte. Je ne perds pas espoir pour autant. Je ne suis pas complètement résigné à ne me contenter que de cela. Sauf que je n’en fait plus une priorité désormais. J’aimerais vraiment arriver à faire un album toutefois. Ça c’est certain. » Je viens de parler beaucoup d’un coup et je réalise que ça m’aide de faire cela. Je me sens plus à l’aise après mon petit discours. Ça me détend de lui parler de moi de la sorte. Pourquoi s’arrêter, donc ? « Alors, mon prénom est vraiment « Marty », c’est bien celui inscrit sur mon certificat de naissance. Il ne s’agit pas du diminutif de « Martin ». Mes parents sont des anglais typiques, très religieux. J’ai d’ailleurs commencé à chanter à l’église. J’ai un grand frère du nom de Felix. J’ai quitté Londres avec ma meilleure amie Aubrey afin d’étudier à l’université de Wellington. J’habite d’ailleurs toujours avec elle en colocation. Elle est beaucoup plus extravertie que moi et elle a étudié la médecine elle aussi avant de changer de voie pour une maîtrise d’arts. Je possède deux gros chiens : un berger allemand femelle du nom de Celeste et un golden retriever mâle du nom de Lucifer. Ils sont supers gentils, donc il ne faut pas s’inquiéter. Évite seulement de donner de la nourriture à mon gros blond parce qu’il ne va plus te lâcher. Je n’ai pas de loisirs extraordinaires, à moins que tu considères que passer des nuits à composer sur mon piano est un loisir. Ce qu’il faut retenir, c’est que je ne suis pas difficile. Je suis très facile à vivre comme pourrais te le dire Aubrey. Je suis seulement un peu trop accro aux réseaux sociaux et aux converses mais ça je n’y peux rien. » Je ris devant mes propres défauts, qui sont totalement inoffensifs.

Marty me confit que c’est toujours un rêve pour lui de vivre de sa musique. Je trouve ça formidable. D’autant plus lorsque j’apprends que ces précédents essais se sont tous soldés en échecs. Il aurait très bien pu se dire qu’il est nul, qu’il n’arrivera jamais à rien dans le domaine, et ne plus jamais vouloir faire de la scène même à titre d’amateur. Je trouve donc admirable qu’il n’ait pas perdu la foi en son talent. Il a raison. Il a simplement manqué de chance jusqu’ici. Il suffirait juste qu’il se promut plus pour qu’enfin son talent soit reconnu à sa juste valeur. Or, il manque de temps. C’est dommage. Je pourrai peut-être l’y aider ? Hum. Non. De ce que je comprends, le fait que cela reste un rêve irréalisable lui plait autant que son travail actuel. D’ailleurs, s’il tenait réellement à devenir une vedette, il s’en donnerait d’avantage les moyens je présume ? Oui. Je présume bien. La célébrité n’est pas quelque chose qu’il recherche impérativement. La seule chose qu’il aime vraiment dans le fait de chanter est d’apporter du bonheur aux autres. Et en l’occurrence ce soir les autres c’est moi. Je suis très touchée. Je trouve que c’est une jolie philosophie. Elle démontre qu’il n’est pas forcément attiré par l’intérêt pécuniaire que peuvent avoir sa carrière actuelle ou celle de la musique, ce qui le rend d’avantage admirable à mes yeux. _ Je te souhaite de réaliser ton souhait à l’avenir. Je lui déclare souriante à son rêve d’avoir son propre album un jour prochain. _ Et si jamais tu veux de l’aide pour te promouvoir sur internet, n’hésite pas à me le demander. Je serai ravie de te rendre ce service. L'offre est lancée, finalement. Je sais, c'est surprenant. Moi-même je n’aurai pu prédire que je lui ferai une telle proposition vu mes conclusions précédentes. Marty me parle de lui avec détail sans que j’aie le temps de lui poser la moindre question. Cela fait très speed-dating, tout d’un coup. Cela m’amuse beaucoup. Tellement que mon sourire ne cesse de s’amplifier au fur et à mesure que j’en découvre d’avantage sur sa personne ou sa meilleure amie Aubrey. Il me semble qu’il y ait eu une Aubrey à l’hôpital. Une fille très extravertie, justement. Quand j’avais l’occasion de la croiser, elle m’adressait un grand sourire avant de commencer à bavarder pendant des minutes entières. Assez déstabilisant quand soi-même on parle au compte-goutte. Enfin. L’important là n’est pas que ces deux femmes soient la même. Ce qui l’est sont les informations qu’il me donne. Elles ont une signification qui m’échappe quelque peu, je dois dire. Marty essaye t’il de se « vendre » en tant que petit ami en me parlant de sa capacité à être quelqu’un de « facile à vivre » ? C’est ce que j’aimerai croire, oui. Seulement, je pense que c’est un petit peu trop prématuré. Je ne sais toujours pas la raison de ce rendez-vous : amical ou galant. Dans le doute, je vais me dire qu’il me parle de tout ça pour qu’on puisse réellement ce connaître au delà de nos statuts de collègues de travail. Ce qui est déjà un excellent début, je trouve. C’est une bonne base pour n’importe quel type de relation à mon sens. _ Marty c’est vraiment un très joli prénom. Euh… c’est bizarre comme j’ai le sentiment d’être Lorraine McFly en disant cela. Peu importe. J’ai dû regardé beaucoup trop souvent la trilogie Back to the future pour avoir retenu ce morceau de dialogue arrivant à la quasi-toute- fin du premier film. D’ailleurs, je vais m’abstenir d’en faire une allusion à mon collègue. Je suis certaine qu’on lui a suffisamment fait le rapprochement avec le protagoniste de cet œuvre culte du septième art par le passé pour qu’il en soit agacé. _ Il te va bien, je trouve. Je suis sincère. Je trouve que c’est beaucoup mieux que Martin. _ Quand à ton accent il ne trompe pas sur ton pays natal. Je lui confie amusée. _ Très britannique. Comme celui de la Aubrey dont je me souviens. C’est donc bien la même. _ Toutefois je dois t’avouer que je ne pensais pas que tu vivais ici depuis aussi longtemps. Je ne saisie pas bien pourquoi je lui dis cela maintenant. Je ne me suis jamais réellement posée la question auparavant. J’imagine que c’est pour lui laisser entendre qu’il m’intéresse depuis longtemps hors, même si c’est partiellement vrai, il n’y a que depuis quelques jours que je m’autorise à croire qu’il peut de passer quelque chose entre nous. Avant son invitation je le reléguais au simple rang de collègue sympa qu’on oublie dès qu’on a quitté le lieu de travail. Seigneur. Il est préférable qu’il ne sache jamais cela. Mieux vaut poursuivre. Oui mais en parlant de quoi ? De ma crainte des canidés ? Mauvaise idée. Il pourrait en conclure que je ne suis finalement pas la petite amie idéale alors que ce n’est qu’une simple crainte. Si ces chiens sont aussi supers gentils qu’il ne le dit, tout devrait bien se passer. Euh… pourquoi je parle à aussi long terme tout d’un coup ? Cela n’a aucun sens ! Je ne suis pas une fille qui fait des projets à long terme. Je vis au jour le jour. Le mieux est de classer ce sujet pour l’instant et à l’avenir, si je dois être en contact de ces chiens, là j’en parlerai. Oui. Ainsi c’est parfait. Les loisirs. Voilà un bon sujet. _ Je pense que passer ces nuits à composer de la musique est aussi génial que de lire des romans de plus de trois cents pages en dégustant une bonne tisane. Je rie à ces mots. Ma vie n’est finalement pas plus palpitante que la sienne en dehors des heures de travail. _ En ce qui me concerne je suis Néozélandaise de naissance. Je suis née à Lower Hutt. C’est à 17 kilomètres de la capitale. Je reprends avec douceur, me prêtant à l’exercice de parler un peu plus de moi sans qu’il n’ait à me poser la moindre question. _ Je suis la cinquième enfant d’une famille en comprenant neuf, et mes parents sont également très religieux. Je n’ai rien de très palpitant à raconter au sujet de mon enfance/adolescence en dehors du fait que la maison n’était jamais vraiment très calme avec autant d’enfants. Je rie quelque peu. _ Je me suis installée à Wellington à l’âge de 18 ans pour suivre mes études supérieures et deux ans plus tard l’hôpital m’embauchait. Je marque une pause. _ En pour en revenir au loisir en dehors du travail hé bien… Je rie un peu. _ Je n'en ai pas énormément non plus à côté de la lecture. Sauf si tu considères que faire du yoga et arpenter très rarement les sentiers autour de la demeure familiale à quatre roues avec l’un de mes plus jeunes frères Adrian en sont ? Je rie à nouveau. _ Est-ce que… je me racle brièvement la gorge en jouant à nouveau nerveusement avec ma paille. _ Est-ce tu as… un autre passe temps préféré en dehors de la musique ? Stupide. Je voulais lui demander s’il a une petite amie et je n’ai pas été capable de le faire. Sally me ficherait une bonne baffe derrière la tête si elle était assise à une table dans ce bar.

Je souris alors qu’elle m’affirme qu’elle peut faire de la promotion pour moi sur internet. Je me demande immédiatement ce qu’elle sous-entend par là. Je veux dire, elle compte faire quoi exactement pour y arriver ? Elle a des connaissances en informatique afin de me faire un site internet disons plutôt que d’utiliser facebook, twitter et soundcloud comme je le fais actuellement pour me faire connaître ? J’avoue que ça serait déjà un bon début. Sauf que je n’ai pas envie de lui demander. J’aime mieux attendre et le découvrir en surprise si effectivement elle a un talent caché dans ce domaine. Et si elle voulait simplement dire de liker un de mes posts ou de retweeter un lien vers ma musique, bah c’est déjà ça de plus. Ça va me faire autant plaisir que le reste. « C’est gentil. Je veux bien d’une supportrice de plus, j’avoue. » Je ris doucement, ne sachant pas si j’use du bon terme pour la qualifier. Je ne pouvais tout de même pas la traiter de « fan », je trouve que ce mot ne rend pas justice de toute façon. Qu’importe, il est temps de faire un pas en avant. Je décide donc d’enfin lui en révéler plus sur moi pour nous aider à progresser un peu. Je dis tout ce qui me passe par la tête à ce moment-là en espérant ne pas trop l’ennuyer avec les éléments un peu banal que j’expose de moi. Au fond, je ne suis pas si extraordinaire que ça. Oui j’ai un diplôme en médecine, mais ça ne fait pas de moi un surhomme, loin de là. Je suis aussi ordinaire que les autres. Enfin, à mon humble avis je le suis. Du sien, je me demande qui je suis. Son opinion de moi devient d’un coup très important. J’espère lui plaire. Ne pas être trop décevant. Elle aime déjà ma musique, mais ce n’est qu’un seul aspect de moi. Le portrait complet va peut-être lui déplaire. Je déglutie, attendant de voir sa réaction à mes quelques révélations. Elle commence par m’avouer que mon prénom est joli. J’hausse les sourcils à cela, avant de rire un peu. Puis, je recommence à rire alors qu’elle évoque mon accent. Ce n’est pas du tout hilarant, mais c’est juste ses réactions qui me font craquer et pouffer de rire. C’est irréaliste qu’elle me dise cela dans mon esprit, va savoir pourquoi. Je ne suis pas sur de comprendre pourquoi elle ne réalise que maintenant que j’habite en Nouvelle-Zélande depuis aussi longtemps. Après tout, nous nous connaissons depuis… depuis très longtemps, non ? Elle ne m’a peut-être vraiment remarqué que récemment, ce qui ne me surprendrait pas. J’apprends enfin des choses sur elle par la suite. Super, c’est ce que je voulais ! Je découvre qu’elle aime lire et qu’elle vient de pas si loin que cela. Beaucoup moins loin que moi ça c’est sur. J’écarquille les yeux en apprenant que ses parents ont eu neuf enfants. C’est assez rare de nos jours, je dois dire. Et je suis l’expert des bébés, donc je sais de quoi je parle. Je hoche la tête en souriant en constatant qu’elle a quitté le domicile familial très tôt pour étudier elle aussi. Ça nous fait un point commun. Je ris ensuite. « Oui, le yoga et faire du quatre roues sont des loisirs, enfin je crois. » Je me fais douter moi-même, alors que je suis pourtant certain qu’ils en sont. Donc elle est déjà plus sportive que moi, tiens. La question suivante me fait réfléchir beaucoup trop longtemps avant de répondre. « Euh… » Je commence par exprimer, ce qui me fait rire parce que rien d’autre ne vient d’abord. Je finis par me résigner et lui avouer à quel point je suis nerd. « J’aime regarder des films, des séries-télés aussi. Surtout de la science-fiction, je dois l’avouer. Et j’aime jouer à des jeux vidéo. Ouais, je sais. Ça fait très gamin, mais bon. » Je n’arrive pas à faire disparaître le stéréotype de l’homme-enfant qui cherche à demeurer un éternel kid en refusant d’agir avec maturité. Je savais que je n’aurais pas dû lui avouer cela mais elle aurait bien finit par le deviner. Il suffit de regarder mes t-shirt pour découvrir que je suis un nerd puissance mille. Je décide de revenir à un sujet que je sais qu’elle apprécie. « Tu n’as pas mentionné la musique dans tes loisirs. Est-ce que c’est parce que tu en écoutes peu ou bien que tu ne sais pas jouer d’instrument ? » Je lui demande, avec une sincère curiosité. « Ce n’est pas grave si tu ne sais pas, je t’assure. Ça s’apprend facilement si un jour ça te tente. » Je dis ça parce que ? Parce que… je ne sais pas. Peut-être pour inconsciemment me proposer comme professeur même si je sais que je suis nulle pour enseigner donc c’est une très très mauvaise idée de lui dire ça !

Je sourie à sa réponse. _ Il faudra donc que tu me donnes toutes les adresses où tu postes tes musiques, tes dates de concerts en amateur. Très honnêtement, je n’ai pas réfléchie moi-même comment je pourrai concrètement lui faire de la promotion sur internet. J’imagine que le mieux serait de lui créer un site personnel où serait référencer toutes les informations, ainsi que toutes les musiques qu’il poste sur les réseaux sociaux. Un travail conséquent de plusieurs heures, pour ne pas dire de plusieurs jours. Est-ce que je saurai le faire ? Hum. Oui c’est tout à fait dans mes cordes. Je connais bien les langages informatiques utiles à la création d’un domaine personnalisé de A à Z, pour avoir appris dès que mes parents ont achetés un ordinateur avec un accès à internet à la maison, et pourrait combler mes lacunes grâce aux leçons qu’on trouve sur le web. Est-ce que j’ai envie de le faire ? Je pense, oui. Marty est un garçon charmant. Il mérite d’avoir plus de supportrices qu’une seule tout les deux/trois mois. Quoique. Sur ce point je doute qu’il ait réellement besoin de moi. Avec son joli minois il ne doit pas manquer de groupies. Cela me ferait presque déprimée cette pensée, tout d’un coup. Ce qui m’en retient est celle que ce soir c’est moi qui suis assise à sa table à l’écouter me parler de lui. Et c’est moi également qui ait eu la chance d’être invitée à venir l’écouter. Je conserve donc le sourire, appréciant à leur juste valeur toutes les choses qu’il m’apprend sur lui. Mes réactions le font d’ailleurs sourire, rire à l’occasion. J’espère que c’est bon signe. Que cela signifie qu’il me trouve charmante, voir amusante. Le sujet qui ressort de nos présentations succinctes, digne d’un speed-dating de cinq minutes chrono, sont nos loisirs. Nous nous amusons de la définition des miens. Yoga et randonnés à quatre roues en sont t’ils pour lui ? De ce qu’il croit, oui. Je souffle avec amusement, comme soulagé de le découvrir, avant de rire aux éclats. _ Me voilà rassurée dans ce cas. Je réponds sur le ton de la plaisanterie. Sérieusement, je m’en fiche bien dans quel catégorie nous pourrions classés ces activités sportives. Tant qu’elles ne sont pas rédhibitoires à ses yeux, tout me conviendrait. Je m’hasarde à poursuivre la conversation or, au lieu de poser la question qui me brûlait les lèvres (a savoir s’il a une petite amie), je lui demande s’il a d’autres loisirs. Grotesque. Je m’imagine me prenant une tape derrière la tête par ma sœur aînée, planquée à l’ombre d’une table voisine, tandis qu’il y réfléchit. Je me décide à boire une gorgée de mon cocktail de fruits pour chasser la soudaine sécheresse dans ma bouche. Très honnêtement, si je l’ai vexée en lui faisant sentir qu’il avait finalement bien peu de loisir en comparaison aux miens, je m’engage à finir ma vie dans un couvent. Cela paraît extrême comme châtiment mais pour moi il est à la hauteur du probable préjudice causé. J’aime beaucoup Marty. Peut-être même plus que je n’ose l’admettre moi-même. Jamais je ne me pardonnerai de lui avoir fait éprouver une forme de sentiment d’infériorité. Finalement, il reprend la parole. Je lâche ma paille d’entre mes lèvres pour l’écouter, attentivement. Il aime regarder des films ainsi que des séries télés. Un domaine dans lequel je ne brille pas, hélas. Je ne regarde pas énormément ma télévision et je dois posséder en tout et pour toute une dizaine de DVD. (Réfléchit) Ah moins que cela ne soit plutôt des VHS ? Peu importe. Il est finalement un geek et je dois dire que je trouve ça très mignon. Je rie brièvement à l’avis qu’il se fait de lui. _ Je ne trouve pas que tes passions pour les jeux-vidéos et le septième art fassent de toi un gamin personnellement. Je lui confie avec amusement, m’hasardant spontanément à déposer ma main sur la sienne. Très mauvaise idée. Immédiatement nos yeux glissent en leur direction. Je retire la mienne aussitôt comme si la sienne venait de me brûler au deuxième degré. Ce qui n’est pas le cas. Le contact était très agréable. Or, j’estime qu’il était déplacé également. _ Désolé. Je reprends aussitôt, gêné. _ Je n’ai jamais eu l’occasion de jouer à un jeu vidéo de ma vie. Je poursuis pour noyer le poisson dans l’eau, souriante. _ Mes parents refusaient qu’on ait une console à la maison, de peur que cela soit autant la guerre que pour le pauvre PC qu’on avait tous pour une durée limitée par semaine. J’éclate brièvement de rire au souvenir qui me revient à l’esprit. _ Je me rappelle du planning que ma mère avait fait pour nous tous. A presque chaque repas il était remit en question. C’était équitable, pourtant. Maman a toujours fait en sorte que tout soit pareil pour tout le monde. Dire qu’il y a un chouchou dans cette famille est impossible. Marty revient sur le sujet de la musique. Effectivement, je n’ai pas parlée de musique alors qu’elle fait pourtant partie intégrante de mon quotidien. Il me demande si c’est parce que je ne sais pas jouer d’un instrument. _ Il doit y avoir de cela, oui. Je lui réponds doucement, souriante. Appréciant le fait qu’il me propose d’apprendre si un jour cela me tente. _ Mais je pense surtout que je n’ai pas mentionner ma passion pour la musique parce qu’à mes yeux c’était une évidence. Elle est toujours avec moi. Peu importe ce que je peux faire, lorsque je suis chez moi, il y a toujours de la musique. Du classique quand je lis ou que je fais du yoga, et Deezer quand je fais le repas ou une autre activité ne nécessitant pas une grande concentration. Je marque une pause. _ J’aime beaucoup le piano. J’ai toujours voulu en apprendre. Je lui avoue finalement. _ Je ne l’ai pas fait uniquement parce que je suis un peu trop timide pour ça, je crois. Je rie quelque peu. _ Enfin plus jeune je l’étais presque maladivement et mon asthme infantile n’arrangeait pas les choses. Je lui avoue sans gêne. _ Je préférai rester à la maison pour éviter que quelqu’un hors du cercle familiale ou scolaire me surprenne en pleine crise. Je rie à ces mots. _ Cela n’a pas empêché de cela se produise à de rares occasions, cependant. Bref. Tout ça pour dire que… Enfin si ça ne te dérange pas à l‘avenir de m’enseigner ne serait-ce que les bases, j’en serai ravie. Je lui sourie, sincèrement. Il est libre de refuser pour faute de temps ou d’envie, même. Je ne lui en tiendrai pas rigueur.

God, Tessa est vraiment sérieuse dans son désir de m’aider à promouvoir ma musique. À un tel point qu’elle souhaite d’un coup que je lui donne absolument tout ce que j’utilise à l’heure actuelle pour diffuser ma musique ou mes dates de concerts amateurs. Je ne peux pas tout lui donner de mémoire donc à la place je m’empare de mon téléphone portable dans ma poche et j’échange avec elle nos numéros. Du coup voilà, j’ai le moyen de la rejoindre en dehors du travail. Sur le coup, je ne pense pas vraiment à ce que signifie réellement cette action, me contentant de lui envoyer tous les liens qu’elle me demande par message texte. En quelques gestes de plus sur mon écran tactile, je l’ajoute même à mes amies sur facebook. En moins de cinq minutes, je viens de la faire entrer dans ma vie concrètement. Pourquoi je n’arrive toujours pas à le réaliser alors que je suis juste devant elle. Aucune idée ! « Ah, j’oublie Instagram. » Je me souviens d’un coup. Comment l’oublier ? Je poste de temps à autre des affiches comprenant ma liste de dates de concerts pour les mois à venir donc c’est important qu’elle ait ce réseau social là aussi, je pense. Lorsque tout est réglé, nous revenons à la conversation, mon téléphone retrouvant sa place dans la poche de mon jean. Je me décide à lui avouer mes passions pour les films et les jeux vidéo. La plupart des femmes que j’ai rencontré trouve que c’est très immature de se consacrer à des activités d’enfant à leur opinion. Moi et Aubrey ont adorent et ont est adultes pourtant. Qu’importe, je soupire presque de soulagement en entendant Tessa me dire que pour elle ça ne fait pas de moi un gamin. Ah bon ? Ça m’étonne tellement que j’en suis presque bouche bée devant elle. Je ne pensais pas qu’elle me répondrait cela et je dois avouer qu’au final ça me fait sourire très grand. C’est agréable de ne pas être un stéréotype de nerd à ses yeux. À moins qu’elle le pense et ne me le dise pas. Qu’importe, ça me fait plaisir ce qu’elle vient de me dire. Ça me rend un peu plus confiant pour la suite. Du moins, jusqu’à ce que sa main tombe sur la mienne d’un coup. Je baisse mes yeux pour regarder ce qui se passe et elle retire aussitôt ses doigts de là. Je ne fais rien pour l’arrêter. Je ne sais pas du tout quoi dire. Je finis par simplement prendre ma bière d’une main et de glisser l’autre sur ma cuisse. Peureux que je suis, je tente de me dissimuler à son contact. C’est pathétique. Le fait qu’elle n’ait jamais joué aux jeux vidéo ne me choque pas. Je trouve juste cela dommage car je cherche vraiment à nous trouver plus de points commun. J’aborde donc la musique pour voir exactement ce qu’elle en pense. J’ai deviné qu’en effet elle ne sait pas jouer d’aucun instrument. Encore une fois, une petite déception silencieuse. Elle rêve pourtant d’apprendre le piano mais affirme qu’elle ne l’a jamais fait par timidité. Je fronce les sourcils, incertain de comprendre ce qu’elle entend par là. Jouer d’un instrument ne signifie pas d’obligatoirement se produire en public. J’apprends qu’elle avait des crises d’asthme infantile suffisamment incommodantes pour lui créer une forme d’anxiété à ce sujet. C’est vraiment dommage que ça l’ait coupé de plusieurs choses. Et comme je l’anticipais, elle a fait l’association que celui qui allait lui enseigner la musique ça serait moi. Bon sang, je m’exprime pauvrement ce soir. Je viens faire une grimace légère avant de la regarder. « Je ne suis pas très doué pour enseigner, contrairement à ma mère. Mais bon, je peux toujours te montrer deux-trois trucs un de ces jours. » Je finis par lui offrir pour ne pas la décevoir. Je décide d’assumer immédiatement ce rôle pour qu’elle comprenne que je respecte vraiment mes engagements. « En attendant, je peux te donner quelques devoirs. Déjà, il faut que tu saches lire les notes au minimum. Pour ça, tu peux trouver toutes les infos sur internet sans problème. Si tu es capable de faire la différence entre chaque note selon leur forme et leur position dans une portée ça serait déjà très bien. » Je lui conseille avant de boire une gorgée de ma bière. « Mes instruments de prédilection sont le piano et le violon, sauf que les deux sont assez compliqués pour un débutant. Donc dans le pire j’ai une guitare acoustique qui traîne quelque part chez moi donc je peux te la prêter pour que tu te familiarises avec la formation d’accords. Aussi ça va t’aider à réaliser comment sonne les notes. » Oui, je suis vraiment sérieux en ce moment. « Oh et si ça t’intéresse tant qu’à te prêter des trucs, je peux te montrer mes livres de résidence aussi. Je suis sûr que tu vas adorer mon manuel de six cent pages juste sur les différents moyens de délivrance fœtale. » Je ris à cela. Voilà une blague que seule des accro de médecine comme nous deux peuvent apprécier.

Marty sort son téléphone portable de sa poche. Je me demande pourquoi jusqu’à ce que je comprenne qu’il préfère m’envoyer les liens par SMS par soucie de simplicité. Cela me va totalement. J’ouvre ma pochette pour récupérer mon propre mobile, avant d’y enregistrer son numéro. Ensuite, je lui énonce le mien. Rapidement, chaque lien m’ait envoyé. Je reçois même une demande d’ami sur Facebook de sa part. Je l’accepte bien évidemment sans y réfléchir, préoccupé par ce qui nous encourage soudainement à partager nos divers réseaux sociaux. Concrètement, j’ignore totalement ce que tout ceci signifie. Nous accentuons bien la relation hors travail mais… cela n’a aucun sens indiquant si nous devenons amis ou si nous… flirtons. Je crois que le second mot est un peu fort. D’ailleurs, sa définition m’est totalement flou soudainement. Est-ce que flirter ne signifie pas qu’il y ait des petits baisers ? Aucune idée. Il est préférable que je ne cherche pas la réponse. Il est préférable que je ne cherche même aucune réponse. Le mieux est de ce laisser porter par l’instant pour ensuite analyser en fin de rendez-vous tout son contenu. Est-ce que je fais ça souvent ? Non. Jamais. C’est officiellement mon premier rendez-vous depuis ma rupture avec Timothy et comme je l’ai dis précédemment, il me semble, mon ex était très entreprenant. Très franc, également. Il n’avait aucune gêne à exprimer ces attentes nous concernant. Mais qu’importe. Ayant tout les éléments nécessaires pour mon projet de l’aider, je n’aurai plus qu’à m’y mettre dès que j’aurai du temps libre. Cela devrait être demain soir après le boulot, soit dit en passant. Je range mon téléphone dans ma pochette tandis que la conversation se poursuit sur ces autres passions. Il se dit gamin parce qu’il aime les films, les séries, et les jeux-vidéos. Je ne trouve pas. Je ne me retiens pas de lui préciser, amusé. Toutefois, lorsque je sens sa main sous la mienne à même la table, je me fais la remarque que j’aurai pu m’abstenir de le toucher dans la foulée. Nos yeux glissent vers ces dernières. Un malaise s’installe. Je mets fin à ce geste d’un mouvement vif. Je me mords nerveusement la lèvre inférieure tandis qu’il s’empare de sa bière en cachant son autre main sous la table. Et merde. Je mériterai réellement que ma sœur aînée me frappe l’arrière de la tête pour le coup. Je cumule gaffe sur gaffe avec Marty. M’excuser est bien inutile, le « mal » est fait. Cependant je le fais quand même, gêné. J’agis ensuite au plus vite en relançant la conversation. J’avoue n’avoir jamais touché une console de ma vie, ainsi que la raison expliquant cela. J’espérais indirectement qu’il me proposerait de tester ensemble à l’avenir, j’avoue. Hélas, il ne le fait pas. Tant pis. J’aurai peut-être plus de chance avec la musique. Il semble me proposer indirectement d’apprendre un instrument et cela me plairait beaucoup. Tellement que je parle sans aucune gêne de cet asthme infantile dont j’ai pourtant toujours autant honte quinze ans après sa soudaine guérison, comme l’excuse m’ayant empêcher d’apprendre le piano. Nouvel échec. Marty me signifie indirectement que nous nous sommes mal compris. Il ne sait pas enseigner, contrairement à sa mère. C’est génial pour elle or… ce n’est pas avec sa mère que je veux passer du temps en dehors des heures de travail. Il propose toutefois de me montrer deux-trois trucs. Je retrouve l’espoir de parvenir à nous trouver une « raison » de nous revoir. Hélas, c’est encore la déception qui m’accapare. Il parle de devoirs à faire, sans lui ; de chercher les informations nécessaires sur internet pour apprendre la lecture de notes dans une portée, encore sans lui : et de me prêter une guitare acoustique, instrument plus à ma portée en tant que débutante, pour que je me familiarise avec les accords sans sa supervision. C’est ce que je comprends, tout du moins. Dans l’idée c’est vraiment super mais… qu’importe. Je semble être la seule de nous deux à vouloir être en sa compagnie lors de ces fameuses leçons, aussi basiques soient elles, et je pense que cela m’indique très clairement ces attentes quant à notre relation. Il veut que nous soyons amis. C’est correct. J’apprécie sa compagnie ainsi que sa bonhomie communicative. C’est juste un peu décevant de mon point de vue car je ressens vraisemblablement de plus forts sentiments pour lui mais… Ce n’est pas grave. Cela aurait été de toute façon trop beau qu’un garçon aussi charmant, aussi mignon, me trouve à son goût. De plus, que ferait un médecin avec une petite gestionnaire du dossier informatisé de l’hôpital dont la seule passion principale est de lire ? Rien. La preuve : il veut même me prêter ces manuels de résidence, tellement il est certain que lire un livre de six cent pages sur les différents moyens de délivrance fœtale va me plaire. C’est un fait ! Et je rie volontiers de bon cœur à sa boutade ! Cependant… (Soupire) Bref. Je vais arrêter de me plaindre. J’ai voulu y croire, Sally elle-même a voulu y croire, et c’était qu’une douce illusion qui s’éloigne au fur et à mesure que la soirée avance. _ Je vais commencée par apprendre à lire des notes et les différencier sur une portée puis, le jour où je me sentirai prête pour les accords, je t’enverrai un message pour la guitare acoustique. Je lui assure, souriante. Il serait malpoli de décliner maintenant son offre de m’apprendre à jouer d’un instrument à sa manière, n’est-ce pas ? _ Quant à tes manuels, pourquoi pas ! Je suis passionnée de médecine donc ce genre de lecture ne peut que me plaire, il a raison. A ces mots je me saisie de ma paille pour la porter à mes lèvres. Mon cocktail est déjà terminé. Je soupire brièvement en repoussant mon verre sur la table. J’ai bien envie de commander de l’alcool, or je doute que cela soit judicieux. _ Aubrey n’assiste jamais à tes concerts ? Je demande soudainement avec douceur, me décidant à relancer la conversation. Après tout il m’a parlé d’elle en des termes telle que : meilleure amie, colocataire. Elle devrait être la première à le soutenir, non ? Enfin, sauf si elle considère qu’il est meilleur médecin que musicien. Ce qui est possible également.

Je souris alors qu’elle est d’accord pour faire des devoirs de son côté afin de commencer à acquérir une petite base. C’est vraiment génial. Ainsi, il me sera plus simple de lui enseigner à jouer d’un instrument si le langage de la musique lui est familier. « C’est parfait, tiens moi au courant de tes progrès. Si besoin je peux te référer à des sujets à étudier. » Je lui assure, aux anges. J’ai l’habitude des gens autodidactes puisque j’ai moi-même cette capacité à apprendre seul. Je suis heureux de voir que nous avons donc cela en commun. Ainsi, elle comprend mieux mon hésitation à lui enseigner directement. C’est merveilleux de voir que nous sommes sur la même longueur d’onde au final. Elle ne peut non plus pas refuser mes livres de résidence et je souris, fière de moi. Je savais que j’arriverai à lui faire plaisir de la sorte. J’ai repris confiance en moi, c’est rassurant. Donc lorsqu’elle atteint le fond de son verre, je le pointe. « Tu souhaites commander autre chose ? » Je lui demande, comme si la réponse va me donner une indication du temps qu’il me reste pour nous parler. Elle me demande plutôt si Aubrey assiste à mes concerts d’ordinaire. La question me surprend une seconde avant d’y répondre. « Oui, elle y assiste habituellement mais celui de ce soir tombe en même temps que le combat de boxe de son demi-frère et comme c’est la première fois qu’elle a la chance de le voir combattre je l’ai poussé à y aller plutôt qu’à venir me voir faire encore les mêmes chansons. » Je dis, sonnant étrangement plus triste que je ne l’aurais cru. Ce qui n’est absolument pas l’impression que je voulais donner. Je me remets donc un peu plus droit sur ma chaise et je me racle inconsciemment la gorge. Ma main se glisse dans mes cheveux en un geste nerveux. Que dire ensuite ? N’importe quoi en autant que ça me garde joyeux. Hum… « D’ailleurs, je travaille sur une nouvelle chanson depuis quelques semaines. À date il n’y a que mes chiens et mes petits patients qui ont eut la chance d’entendre les paroles par-ci par-là. J’ai de bons espoirs qu’elle plaise aux humains adultes lorsque je vais l’avoir terminée. » Je dis dans un sourire. Ok, ça c’était bien, mais encore ? Euh, peut-être que je pourrais faire ça. Je vais à nouveau chercher mon téléphone dans ma poche et j’ouvre ma galerie de photos. « Tu veux voir à quoi ressemble mes deux amours sur pattes ? » Je lui demande avant de me pencher sur la table et de tourner mon écran dans sa direction. Je fais défiler des photos tout en les commentant avec joie, comme un père parlant fièrement des photos de ses enfants. Au fond, Celeste et Lucifer sont mes bébés. Je lui répète qu’ils sont géniaux et supers gentils, sentant qu’elle n’est pas aussi gaga que moi devant eux. Dès que j’ai finis, je reviens à ma position initiale en riant. « Désolé, je suis un vrai amoureux des chiens donc dès qu’on me laisse en parler j’en profite. » Je range une seconde fois mon téléphone. Et maintenant, qu’est-ce que je fais ? Bonne question. Hum, je n’en ai absolument aucune idée. Tellement que le silence tombe entre nous et que ni l’un ni l’autre ne fait rien pour le briser. Ça commence à devenir gênant et je ne sais pas quoi faire pour nous sortir de cette situation. D’un coup, je pense savoir. J’arrête la serveuse en passant et je lui commande des nachos gratinés. Je n’ai rien de mieux pour nous pousser à demeurer ensemble et à arrêter d’être timide l’un envers l’autre. J’observe Tessa. « J’ai vraiment faim, j’espère que ça ne t’embête pas. Tu pourras manger avec moi, je vais en avoir trop de toute façon. » Je mise gros pour qu’elle accepte de se prêter au jeu car nulle comme je suis, ce rendez-vous est voué au désastre.

Le simple fait que j’accepte d’apprendre les notes, seule, suffit à faire le bonheur de Marty. Son visage s’illumine à nouveau d’un sourire qui ce veut communicatif, comme toujours. Je suppose que c’est mieux ainsi. Cela signifie que nous arrivons à nous entendre même si nous ne nous comprenons pas particulièrement. Du moins, je ne pense pas que cela soit très exact non plus. Nous nous comprenons, quelque part. C’est juste nos attentes qui divergent. Mais là encore, je ne pense pas analyser très justement la situation. Je suis venue dans ce bar sans aucune garantie ni aucune promesse que ce rendez-vous soit galant. Le comportement de Marty n’a donc rien de déplacer, déplaisant. Il n’est juste pas comme ma sœur Sally me la dépeint lorsque je me préparais tout à l’heure, chez moi. Selon elle, l’invitation de Marty trahissait des sentiments amoureux à mon égard. Toujours selon elle, sa presque timidité à mon égard corroborer avec cette idée qu’il attendait plus qu’une relation purement professionnelle entre nous. Or, Marty est de nature quelqu’un de réservé avec tout le monde. JE suis moi-même quelqu’un de réservé avec tout le monde. Cela n’a donc aucune signification cachée. Il voulait passer du temps avec moi, et c’est ce qu’il fait. Il le fait bien d’ailleurs, finalement. Maintenant que les choses sont nettement plus claires à mon esprit, je n’ai donc rien à lui reprocher, ni aucune raison de me sentir déçue. _ Je n’y manquerai pas. Je lui assure plus sincèrement quant à l’avancée de mes progrès. _ J’ai ton numéro désormais. Je précise avec légèreté. _ Il me sera également très utile pour te tenir informé de l’avancer du site internet. Autant l’en informer dès à présent. Je ne voudrai pas que le côté « surprise » de la chose l’incommode à l’avenir. Ah moins que cela ne soit ma volonté de cacher ce début de sentiments amoureux qui m’encourage à faire cela ? Peut-être. Marty me demande en voyant mon verre vide si je souhaite commander autre chose à boire. Désormais que mon humeur s’est améliorée, je pense que cela n’est pas une si mauvaise idée. _ Oui. Je lui indique doucement, souriante. _ Je reprendrai bien la même chose, par contre. Le cocktail de fruits est bon alors… pourquoi changer ? Je relance la conversation en m’intéressant à Aubrey, sa meilleure amie. Je lui demande assez naturellement si elle n’assiste jamais à ces concerts. Il me réponds qu’habituellement elle est présente mais que se soir elle assiste au match de boxe de son demi-frère. C’est la première fois qu’elle le peut. Il a donc souhaité particulièrement qu’elle y soit présente en lieu et place d’écouter un concert qu’elle connaît par cœur. Du moins, j’imagine. C’est un joli geste de sa part. Cependant, on dirait que cela l’attriste également. _ Tu aurais aimé y assister, toi également ? Je l’interroge doucement, m’assurant ainsi de la raison de cette soudaine morosité. Car je présume que c’est le fait d’être ici alors qu’elle est là-bas qui le met dans cet état. Ah moins que ça ne soit uniquement parce que c’est la première fois qu’elle est absente. A vrai dire je n’ai aucune idée à ce sujet. Je n’entretiens pas une amitié forte et exceptionnelle avec qui que se soit. Je ne sais donc pas ce que l’on peut ressentir quand une personne n’est pas là dans un moment « important ». Marty se racle la gorge. Il glisse sa main dans ces cheveux, nerveusement. Le sujet l’incommode visiblement. Il préfère passer à autre chose, en douceur. Il m’apprend qu’il travaille sur une nouvelle chanson que seuls ces chiens et ces jeunes patients ont eut la chance d’entendre. Je sourie à cela. Il espère qu’elle plaira aux adultes lorsqu’elle sera terminée. Je n’en doute pas. Toutefois, naturellement je lui propose. _ Si tu veux un avis avant de la chanter en concert, n’hésite pas. Cela me ferait plaisir de t’assurer qu’elle ait à la hauteur de celles que j’ai eu le plaisir de découvrir ce soir. Une simple idée comme ça, en passant. S’il préfère l’expérimenter directement en public, cela ne me pose aucun problème. Se saisissant à nouveau de son téléphone, Marty me demande tout d’un coup si je veux voir à quoi ressemblent ces deux amours sur pattes. _ Pourquoi pas. Je déclare aussitôt, tout de même curieuse de voir ces canidés. Et je ne suis pas déçue. Il me parle d’eux avec joie, faisant défiler les photos sur l’écran de son téléphone. _ Ils sont très beaux. Je dis poliment, lorsqu’il a fait le tour de son album. Il s’excuse en riant de sa passion pour les chiens. Je rie brièvement à mon tour. _ Ne soit pas désolé, c’est compréhensible. Moi-même quand on me laisse parler de littérature, je me laisse emportée. Il n’y pas de honte à cela. _ Et navré si je ne montre pas un très grand enthousiasme au sujet des chiens. Je poursuis tandis qu’il range son mobile dans sa poche, souriante. _ J’ai été mordue très jeune par le chien de mon voisin, sans grande gravité, et depuis je crains un peu ces animaux. Autant être honnête. _ Je n’en ai pas une peur panique, toutefois. Je peux en approcher. Seulement je ne le fais que si j’ai l’assurance qu’ils ne sont pas agressifs. Marty m’a assuré deux fois en presque une heure que les siens étaient parfaitement adorables alors, cela ne devrait pas être un problème si à l’occasion je suis amenée à les rencontrer. Toutefois, je trouve bien qu’il sache que je ne serais pas spontanément attiré par eux, comme certains autres gens ne pouvant s’empêcher d’en caresser à tout vent. Le silence s’installe entre nous. Je ne saurai dire si cela vient du sujet chien, ou si c’est parce que nous avons fait le tour de tout ceux que nous pourrions abordés. Une grande partie de moi espère que ce soit dû à la première option. Cela serait dommage que nous n’ayons plus rien à nous dire. (Soupir) L’ambiance commence doucement à devenir gênante. Je regarde les autres autours de nous rire, s’amuser. Je crois que c’est le moment idéal pour qu’un miracle se produise. Je n’ai pas encore envie de le quitter et… cela semble pourtant être notre seule issue. J’ai parlé trop vite. Marty interpelle la serveuse a qui il commande des nachos gratinés. Il m’indique à son départ qu’il a vraiment faim mais que nous pourrons partagés. Je trouve que c’est une excellente idée. Je lui sourie immédiatement, ravie qu’il m’ait évité de justesse un départ non-souhaité. _ J’avoue avoir également un petit creux alors… ça sera avec plaisir. C’est sincère. D’ailleurs, j’adore les nachos gratinés. Maintenant que nous avons une raison de rester plus longuement ensemble, cela serait bien que l’on trouve un sujet de conversation. Seulement, lequel serait approprié ? Les loisirs nous en avons fait le tour. Les animaux également. Hum. Je ne vois plus qu’une chose. _ Est-ce que les musiciens ont vraiment plus d’opportunités avec les filles que la rumeur laisse l’entendre, ou c’est une légende ? Je vous assure que dans ma tête cette question paraissait bien moins débile. L’idée en elle-même semblait plus géniale mais… il faut croire que j’ai des prédispositions pour dire des bêtises dès que l’occasion s’offre à moi. Je rie d’ailleurs un peu gênée, espérant l’amuser.

J’écarquille les yeux. Elle veut vraiment me faire un site internet. C’est… wow ! Je n’en reviens pas qu’elle se porte volontaire de quelque chose qui va lui prendre plusieurs heures de son temps personnel. Aussitôt, je me vois insister pour une rémunération. Je ne veux pas qu’elle fasse une telle chose pour moi bénévolement. « C’est vraiment très gentil, Tessa. Merci beaucoup. Je tiens à payer pour le temps que tu vas y consacrer. Ne tente pas de me faire changer d’avis. Je sais que tu veux me rendre service, mais c’est la moindre des choses d’offrir une compensation pour ton travail. » Je la regarde le plus sérieusement que je le peux pour ne pas qu’elle discute mon unique condition. C’est énorme à mes yeux ce qu’elle compte faire pour moi. Il est donc normal que je veuille lui offrir un salaire ou un cadeau, peu importe comment on peut l’appeler. Par la suite, le fait que Tessa souhaite reprendre un verre est signe selon moi que je dispose d’encore un peu de temps en sa compagnie. J’ignore de combien exactement, ça va dépendre de plusieurs facteurs. Je ne sais déjà plus comment relancer la conversation. Par chance qu’elle évoque le sujet d’Aubrey qui m’est facile à répondre. J’hausse les sourcils quand elle souhaite savoir si j’aurais aimé assister au match de boxe de Liam. Drôle de question, mais qui parvient à me faire sourire. « Non, pas vraiment. » J’avoue. Je préfère nettement chanter. Et ensuite on tombe vraiment dans le moment où je patine pour tenter de nous faire parler et de ne pas juste rester assis l’un devant l’autre à siroter nos breuvages respectifs. En parlant de ça, la serveuse remplace le verre de Tessa par un nouveau. Que dire donc ? Je finis par lui avouer pour ma chanson en préparation. Ça me semble un bon sujet. Elle se propose ensuite pour l’entendre une fois terminée. Je sais que ça vient d’une bonne intention mais la proposition me gêne d’un coup. Je n’ai jamais encore chanté une chanson pour une personne dans le but d’avoir son opinion. Je préfère donner une représentation à une audience nombreuse et ressentir ainsi dans leurs actions si la chanson plait. « Hum… » Je ris. « Je… je peux te faire un démo si tu veux et te donner le CD pour l’écouter chez toi. » J’ai envie de me frapper la tête contre la table parce que je sais que ce n’est pas ce qu’elle veut entendre. Bon sang, je fais tout de travers ! Et la suite est pire. Je me dis que je vais calmer le jeu en lui montrant des photos de mes chiens avec mon téléphone. Cela me remplis de joie de le faire. Jusqu’à apprendre qu’elle a été mordue par un chien quand elle était enfant. Fuck. Je perds mon sourire. J’ai envie de me cacher sous la table. Plus ça va et plus j’aggrave la situation. C’est un miracle qu’elle soit toujours devant moi. Elle devrait faire comme dans les films, me jeter le contenu de son verre au visage avant de quitter l’endroit d’un pas furieux. « Je… je t’assure que mes chiens ne sont pas agressifs. Ils n’ont jamais mordu personne. » Mais ça ne change rien au fait que je panique de plus en plus. Comment en peut être un aussi grand désastre avec les filles ? Toujours dire ou faire la mauvaise chose. C’est une malédiction chez moi ou quoi ? Je suis à deux doigts de m’enfuir en courant lorsque j’intercepte la serveuse et lui demande des nachos gratinés. Au moins la bouche pleine je vais normalement arrêter de dire des bêtises. Tessa approuve mon geste et je me retiens de soupirer de soulagement. Je surveille les cuisines dans l’espoir qu’on nous amène rapidement ma bouée de sauvetage. Je tourne la tête vers la jeune femme au moment où elle me pose une nouvelle question à laquelle je ne m’attendais pas. Je fixe d’ailleurs la brune comme si elle venait de me demander de tuer quelqu’un. Elle rit et je l’imite quelques coups, mais par nervosité. Je finis par ouvrir la bouche, la serveuse m’apportant les nachos à ce moment précis. Un miracle. Un miracle je vous dis. Je m’empare de quelques nachos et je les engloutie. Je me pousse à répondre par la suite. « Une légende dans mon cas. Il n’y a pas vraiment de filles… de femmes qui… Tu vois. » Je reprends des nachos. Shut the fuck up, Goodwin ! Just, shut up ! Gardant la tête basse sur ma nourriture, je porte vivemnt une main à mon verre et… je le pousse. Je relève les yeux pour constater que la bière se déverse sur la table et coule sur la robe de Tessa. Je me fige. Please, kill me !

Marty tient à me payer pour le site internet. Ce n’est pas ce que je voulais comme résultat en l’informant de cela ! Je voulais juste qu’il n’y voit pas une… Oh seigneur. Quoique je puisse dire ou faire ce soir, rien ne semble vouloir aller dans le bon sens. J’aimerai bien lui signifier que c’est inutile mais… lui-même refuse que je discute cette décision prise spontanément. Alors... Mes épaules m’en tombent, littéralement. Que suis-je sensé dire après cela ? Que c’est génial ?! Non ! Je ne voulais pas de son argent ! Je voulais juste lui faire plaisir en l’aidant à se promouvoir et… Arg. Je suis visiblement une nullité quand il s’agit de… Hé bien je ne sais pas trop quoi, à vrai dire. J’ai le sentiment d’être assise sur une sorte de sable mouvant où plus je m’active pour m’en libérer, plus je m’y retrouve engloutie. _ D’accord. Je soupire finalement, vaincue. _ Mais quitte à être « payée » pour ce qui n’était à la base qu’un acte amical de ma part, je préférerai que tu m’offres plutôt quelque chose. N’importe quoi. J’y tiens. Je ne veux vraiment pas recevoir de l’argent de sa part. J’aurai le sentiment d’être une vulgaire webmastrice qu’il a embauché pour donner un coup de fouet à sa carrière de chanteur et… Non. Définitivement je n’ai pas envie de cela. Un cadeau c’est plus personnel. C’est mieux à mon sens. Je lui sourie pour lui assurer que cela me fera plaisir, malgré tout. La conversation se poursuit ensuite sur sa meilleure amie, Aubrey. Elle est absente parce qu’elle assiste au match de boxe de son demi-frère et je décèle dans cette information une pointe de tristesse. Je suppose que cela vient du fait qu’il aurait aimé y être également mais… j’ai tout faux. Je rie quelque peu en acquiesçant. Mieux vaut ne pas entrer dans un débat sur la boxe. D’autant plus que je n’y connais absolument rien. Le sujet musique est le bienvenu à ce moment précis, même s’il me pousse à dire encore une connerie. Marty se gêne de ma proposition de valider sa chanson avant qu’il ne la joue en public. Il me propose de m’en faire une démo sur CD pour que je l’écoute chez moi. Hum. Ce n’est pas exactement ce que je voulais. Qu’importe. _ Non merci. Ça va aller. Ne te donne pas cette peine. Je décline spontanément, estimant bêtement que cela pourrait améliorer la situation. _ Je veux dire que… Oh seigneur. Je rie nerveusement à mon tour. _ J’aurai peut-être l’occasion de l’entendre à l’un de tes prochains concerts. C’est plutôt mal-engagé vu la tournure de ce rendez-vous. Je doute qu’il ait envie de s’infliger un tel désastre une seconde fois à l’avenir. D’ailleurs, je doute d’en ressentir le désir également. Pourquoi ? Parce que je ne suis vraiment pas agréable comme fille. Il me parle de ces chiens pour améliorer la situation, catastrophique au possible, et je ne trouve rien de bon que d’être soudainement parfaitement honnête sur ma crainte des canidés. Bon sang, qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ce soir ? Aurais-je le cerveau monté à l’envers ? Est-ce que je suis réellement incapable d’être sympathique avec Marty, uniquement parce que je le trouve craquant ? Je ne comprends pas où les choses ont commencés à si mal tourner. Au départ on arrivait à rire ensemble ! Pourquoi soudainement, tout ce que je dis, amplifie toujours plus son malaise ? Car je ne suis pas aveugle, au passage. Je vois bien qu’il est en situation de panique. Il me certifie avec angoisse que ces chiens ne sont pas agressifs. _ Je le sais ! J’affirme promptement, dans l’espoir de le calmer. _ Je voulais juste que tu saches la vérité sur pourquoi je ne montrais pas particulièrement d’entrain à parler de chien. Je devrais vraiment arrêter d’être honnête, là. _ Je serai contente un jour de les voir, cela dit. D’accord. Il vaut mieux que j’arrête de ramer immédiatement. Pour me taire, je me saisie de la paille de mon second verre pour boire une longue gorgée du cocktail de fruits. Le mieux serait de mettre un terme à ce rendez-vous, je crois. Je n’ai pas envie de partir cependant… une part de moi commence à me dire que cela serait peut-être une bonne idée. C’est Marty qui m’en dissuade en suggérant qu’on partage les nachos grillés qu’il vient de commander. La bouche pleine c’est bien aussi pour éviter d’amplifier la catastrophe. Seulement, j’ai la bonne idée de choisir le pire sujet au hasard pour relancer la conversation qui était au point mort depuis trop longtemps. Marty me fixe avec étonnement. J’ai l’impression d’avoir suggérer qu’on commette un homicide sur prématuré. Et j’exagère à peine. Je rie pour calmer le jeu, gênée. Le musicien en fait de même. Les nachos nous sont servit. Mon collègue se jette sur eux comme un noyé à sa bouée. J’en prends un avec plus de retenue pour ne pas me brûler la langue en mangeant. La réponse à ma question m’est fournit. C’est une légende. Du moins, pour Marty. Je comprends mieux pourquoi ma question l’a choquée. Je l’ai obligé indirectement à m’avouer qu’il n’avait pas franchement de succès avec les filles. Je songe à m’en excuser mais le verre de bière tombant sur la table vient m’en ôter la possibilité. Aussitôt, le liquide se répand sur la table puis sur ma robe. Je me lève dans un geste vif pour m’en éloigner, faisant reculer ma chaise. Je n’ai pas réagis assez vite, hélas. J’ai de la bière non seulement sur la robe mais également mes genoux. L’odeur qui s’en dégage est comme un signal d’alerte à mon esprit. Là, il est temps que je rentre. C’est la catastrophe de trop. Je m’empare d’une serviette en papier fournit avec les nachos pour frotter ma peau. Je ne suis pas en colère contre Marty. C’est un banal accident. De plus, totalement provoquée par moi. Si je n’avais pas eu la brillante idée de le repousser dans ses retranchements, il aurait été maitre de ces gestes, et… Qu’importe. _ Je vais rentrer pour nettoyer tout ça. J’annonce tout d’un coup en déposant le papier imbibé d’alcool sur la table. _ J’ai passé un agréable moment Marty euh… Merci pour l’invitation. Je suis sincère. _ Tu es vraiment un excellent musicien et… Enfin ça m’a fait plaisir de t’écouter chanter et jouer du piano. Je me saisie de ma pochette sur la table. Elle aussi a reçue de la bière. _ A bientôt. Je m’en vais aussitôt à ces mots, après un ultime sourire. Je me fraye un chemin jusqu’à l’extérieur du bar où, directement, je me maudis de ne pas avoir eu l’idée de lui proposer de le raccompagner chez lui. Quoique. Finalement, c’est sans doute mieux ainsi.

Un acte amical ? Je fronce les sourcils. Oui mais… Je sais que… Ce n’est pas ce que je voulais dire par là ! Même dans ma tête, le cours de mes pensées est désarçonné par les évènements. J’aimerais bien argumenter pour que Tessa change sa façon de voir les choses mais je ne souhaite pas aggraver le tout en retour. Je vais laisser couler, bien que le fait qu’elle me demande quelque chose en retour à la place d’une rémunération me laisse sans voix. Je commence à réfléchir à toute vitesse à ce que je pourrais lui offrir et je finis par me résigner à lui laisser choisir. « Oui, sans problème. Je te laisse réfléchir à ce qui te ferait plaisir et tu n’auras qu’à m’en informer quand tu auras statué. » Et voilà, en gros je viens de lui prouver que je ne sais même pas quoi lui offrir de bien. L’envie de me frapper le front bien fort sur la table est encore plus grande maintenant. Je baisse les yeux alors qu’elle décline mon démo. Je savais bien que ce n’est pas ce qu’elle voulait, mais le fait qu’elle refuse aussi… aussi directement disons, me fait un peu de peine. Je suis alors navré d’être aussi gêné en sa présence. Tout aurait été plus simple si j’avais été capable de lui dire oui et de carrément l’inviter chez moi. Sauf que je ne suis pas ce genre d’homme. Je ne suis pas comme Jackson ou même Brendon. Eux, ils arrivent à conclure en un claquement de doigt avec une fille. Moi je… je regarde la fille partir. Je déprime d’un coup intérieurement. Au fond, je ne suis pas le genre d’homme pour Tessa, c’est aussi simple que cela. Elle est tellement entreprenante et moi je décline absolument tout ce qu’elle me propose. Je dois trouver un moyen de sauver ce rendez-vous. La première chose qui me vient à l’esprit est mes deux amours de chiens. Sauf que Tessa a été mordue par un canidé étant enfant donc elle n’est absolument pas fan de ces animaux. Shit, je pensais réussir à l’attendrir et résultat j’accentue le malaise. Je devrais m’arrêter là, cesser de chercher absolument à sauver cette soirée qui est inévitablement vouée à l’échec. Sauf que j’aime bien Tessa, c’est ça le problème. C’est pour ça que je fais tellement d’efforts. Elle avoue qu’un jour elle serait contente de voir Celeste et Lucifer, ce qui devrait me réjouir. Mais pas vraiment en fait. Car j’ai perdu tout espoir que cela se produise. God, je sais que j’ai tout fichu en l’air et qu’elle ne voudra plus me voir ou me parler, sauf au travail. Ça me fait mal rien que de l’imaginer. Je ne voulais pas gâcher notre relation agréable jusqu’à ce soir. Ça me désole vraiment de la perdre. « D’accord. » Je me contente de lui répondre, cherchant toujours à faire changer la situation. Les nachos ne sont pas la bonne idée pour y parvenir. Si ça m’empêche de parler, ça ne me retient pas de bouger. Je renverse mon verre de bière par accident et d’un coup j’ai envie de pleurer. Pourquoi ? Parce que je suis lamentable, voilà pourquoi. Je baisse les yeux, comme pour me protéger de toute colère que Tessa pourrait manifester contre moi. Je demeure assis, immobile sous la terreur de ce moment. J’avale péniblement la nourriture dans ma bouche, la gorge extrêmement serrée par la situation. Elle annonce qu’elle va rentrer et c’est comme un coup reçu en plein visage. « Je… » Elle m’assure qu’elle a passé un agréable moment mais je n’arrive pas à y croire. Pas après ce que j’ai fait. Je ferme les yeux. « Désolé. » Ce n’est qu’un murmure, elle n’a probablement pas entendu dans son empressement à quitter ma présence. « Désolé. » Je parviens à répondre un peu plus fort à ses dernières paroles. Sauf que ça ne la retiens pas. J’écoute ses talons claquer alors qu’elle s’en va. Pourquoi la retenir, cela ne ferait qu’empirer ce qui est déjà un désastre. Je soupire longuement, tristement. Et je me lève ensuite pour commencer à nettoyer la bière, fredonnant pour me rassurer alors que j’ai les doigts tremblant.

FIN