it's a new dawn, it's a new day [tozraël #9]

« J'suis capable de maîtriser un serpent venimeux sans me faire mordre, d'aller chatouiller le ventre d'un éléphant sans me faire écraser et d'ouvrir la gueule d'un tigre éveillé, et j'suis pas foutu de monter un putain de fauteuil roulant. » Il grogne dans sa barbe Tom en tordant le fauteuil plié dans tous les sens, en tirant, poussant un peu partout. Il doit y avoir un truc, il comprend pas. Et quand il lève les yeux, il capte le regard amusé d'Azra. C'est pas pour autant qu'il a bonne mine le gamin, l'hôpital et sa dépression ont fait de sacrés dégâts. Il est devenu trop maigre, trop pâle, pas assez vivant. Et si la perspective d'enfin quitter l'hôpital avait réussi à le remettre un peu d'aplomb, les premiers échecs aux séances de rééducation n'étaient pas pour aider. Tom avait été présent pour chacune d'entre elles, s'était fait détester à force d'encourager le brun à essayer. Au final, c'était à peine s'il avait réussi à se tenir debout et à faire un seul pas. Il n'était pas totalement paraplégique, cela s'était confirmé. Mais le contrôle et les pleines sensations n'y étaient toujours pas, alors... La rééducation était vraiment un sujet à éviter.

Mais aujourd'hui, Tom ne voulait pas y penser. Parce qu'enfin, ils rentraient ensemble. Plongeaient dans l'inconnu de la vie commune. En dix jours, on pouvait dire que le blond s'était démené. Trouver une maison, signer les papiers de location. Heureusement, le contrat de location faisait mention d'une maison meublée. Il avait juste eu à décorer, remplir les placards, faire les aménagements nécessaires que ce soit à l'entrée, dans la salle de bain ou dans la cuisine. À la fin, il était juste là à espérer que ça plairait à Azra. Probablement que oui ; ce n'était pas très grand, et le vétérinaire était quasiment certain qu'il en regretterait son loft. Mais juste la perspective d'être ensemble ailleurs qu'entre des murs blancs aseptisés... ça soulagerait le quotidien. « Allez, en route ! » qu'il s'exclama finalement en entendant le ''clac'' annonçant que le fauteuil était enfin opérationnel. Tom n'eut plus qu'à aider Azra à s'installer, à fermer la voiture et ils purent enfin s'avancer vers ce qui serait leur maison pour les semaines, mois, peut-être plus à venir. « J'espère que tu n'étais pas particulièrement attaché à avoir des voisins proches. » Il plaisante, doucement. Le voisin est séparé seulement par leurs jardins respectifs, mais ils pourraient faire tout le boucan qu'ils voudraient sans devoir s'inquiéter désormais.

C'était presque cérémonieux d'avancer dans l'allée, de galérer sur les graviers jusqu'à pousser la porte d'entrée après avoir passé la marche. Ça les faisait arriver directement dans le salon, la cuisine américaine à côté, la partie opposée de la pièce déjà occupée par l'immense aquarium et la cage des perroquets. « Maintenant je crois que j'ai juste à te souhaiter la bienvenue à la maison, mon cœur. » Toujours derrière le fauteuil, il se penche pour passer ses bras autour du jeune, embrasser le coin de ses lèvres. Ils en avaient enfin terminé avec l'enfer de l'hôpital et de leur séparation à la con...

Il s'est bougé le cul pour pouvoir quitter cet endroit. Il est infirmier, il a l'habitude de l'hôpital, de l'odeur, des soins à prendre en permanence. Mais quand on est patient, c'est tout autre chose. Il a atteint la limite, un jour de plus et il aurait atteint la limite de l'hystérie. Mais on va pas se mentir, depuis qu'ils ont vraiment retrouvé leur complicité, les choses se sont rapidement améliorés. Son état, sa faim, il a repris le goût à quelque chose, une faible force de se battre. Les séances de rééducations se sont enchaînés, mais faut croire que c'est pas demain qu'il va se remettre à marcher. Au fond, comme un con, Azraël a cru qu'il allait être remis sur pied rapidement, mais non, c'est loin d'être le cas. Il est resté débout quelques secondes avant qu'il n'ai plus de force dans les bras. Il a eu envie de pleurer à plusieurs reprises, tout comme l'envie de tuer Tom qui lui, n'a jamais cessé de l’encourager. Ouais, c'était frustrant. Mais au fond... Il n'a pas meilleur supporteur que lui, et il lui en est bien trop reconnaissant.

« Tu veux de l'aide, amour ? » Il ne sait absolument pas où il se trouve, et le plus frustrant c'est qu'il ne peut pas être un minimum autonome pour pouvoir lire les noms sur la boite aux lettres. Et au fond, Azraël sent son coeur battre comme un dingue. Peut-être que Tom a voulu que ce soit aujourd'hui pour présenter son petit-ami à ses parents ? Mais l'idée est bien trop dingue, Azraël sort à peine. Il est fatigué, malgré tout. Les médicaments l'épuisent, et il n'a plus le droit à la perfusion pour que les douleurs disparaissent. Sa main, emplâtré, n'en peut plus d'être bloquer. Les bleus s’atténuent, mais sont toujours présents. Mais au fond, les choses s'arrangent enfin. Alors, au lieu de pester parce qu'il attend comme un con dans la voiture, il se moque gentiment de son copain qui met bien trop de temps à ouvrir le nouveau meilleur ami d'Azra. « J'te rappelle que tu as dit non à l'infirmière, pour qu'elle te montre. » Parce qu'il pensait se débrouiller tout seul, mais faut croire que son amour est pas capable d'avoir réponse à tout. Et cette image le fait doucement sourire.

« Alelujah ! » Il s'exclame. Il a ses fesses sur le fauteuil, et se laisse sans trop négocier pousser. Il comprend pas directement, pourquoi il voudrait des voisins ? Puis bon sang, ils sont où ? Il ne répond rien, se contente de froncer les sourcils. Au fond, il sait qu'il a compris, mais il a peur que ce ne soit pas vrai. La porte s'ouvre, les yeux qui s'agrandissent, les mots de Tom alors qu'Azra met ses mains dans les cheveux pour chercher un véritable baiser. Il y met tout l'amour du monde, parce qu'il est bien trop heureux. « Putain, c'est notre maison ! » Il s'exclame, comme un gosse, comme s'il avait compris. « Je... Wow, je sais pas quoi dire. » Il se dirige tout seul comme un gosse jusqu'à la cuisine, contemple, remarque le fait que tout a été agencé pour lui, pour qu'il puisse se déplacer sans être bloquer. Putain. Ses yeux se déposent sur Tom, et avec le regard le plus attendri du monde, les mots sortent. « Je t'aime tellement. »

C'est vrai qu'il se sent ridicule à galérer avec un foutu fauteuil. Et Azraël a pas tort, il aurait pu tout simplement demander. À la place il lance une grimace au jeune, celle qui veut dire qu'il aurait tout aussi bien pu se taire. Il gère bien comme un grand, la preuve, il finit par y arriver. Le fauteuil est monté, Azra posé dessus. Et ils n'ont plus qu'à s'avancer vers la surprise. Parce que c'en est une, Tom a tout géré seul. Il a fait ce qui serait le mieux pour eux, sans prendre en compte l'avis du gamin. Aussi bien, il ne serait pas à l'aise ici, préférerait retourner dans son appartement. Le problème, c'était qu'il galérerait. Ascenseur trop étroit pour le fauteuil, appartement trop casse-gueule pour ne serait-ce atteindre un placard. Ici, ce sera plus simple. Ils ont de l'espace, ils sont tous les deux. Il n'y aura plus la question de rentrer chez lui, de passer chercher des affaires parce que Tom a déjà officiellement emménagé. Ses vêtements, sa brosse à dent, ses animaux sont dans cette maison. C'est ici qu'il rentrera après le boulot, ici qu'il passera ses jours de repos. Ça peut paraître tôt, voire irréfléchi de s'installer ensemble maintenant. Mais ils ne sont pas dans un cas de figure habituel, loin de là. Peut-être qu'il est tout simplement temps d'avoir une vie de couple normale.

Il ne peut pas s'empêcher de sourire, trop heureux de voir le brun s'enthousiasmer autant, attraper ses cheveux pour avoir un vrai baiser et non pas ce bisou pas loin de ses lèvres. Et il lui échappe, part à l'exploration de la pièce. Réalise que contrairement à l'hôpital, ici, il n'aura pas besoin d'aide pour s'occuper de lui tout seul. « Je t'aime aussi, Azra. Et désolé de ne pas t'avoir trop consulté mais... j'ai pensé que c'était le mieux. Et je ne voulais pas que tu te prennes trop la tête avec un possible déménagement. Mais on sera bien ici. J'te fais visiter. » Il reprend les commandes du fauteuil, pousse son amour à travers le salon, qu'il a déjà vu. Captain et Pirate s'agitent, l'un d'eux vole jusqu'au canapé. « Les oiseaux ont toujours été en liberté chez moi, j'espère que ça te dérangera pas. Faudra juste pas les laisser sortir quand tu voudras aller dans le jardin. » Pour illustrer ses mots, il ouvre la baie vitrée du salon, qui donne sur un jardin. Ils ont pas quarante hectares de terrain, mais plus qu'assez pour profiter de leur extérieur. Il y a un peu de mobilier de jardin, la niche du chien, et d'ailleurs Tom a déjà prévu d'installer un hamac au fond. D'ailleurs, il y a rapidement Iron qui les rejoint, s'approche en remuant la queue. Tête levée, il fait presque la taille d'Azra assis. « Donc... t'as aussi ce monstre là. » Il sourit, gratte rapidement la tête de l'animal avant de faire demi-tour, retourner dans la maison.

C'est pas vraiment gigantesque. Il n'y a que deux portes à explorer. « La salle de bain. » qu'il annonce en poussant l'une des portes, s'avançant un instant pour que Azra puisse voir. Refaite à neuf il n'y a probablement pas si longtemps, avec le luxe d'une baignoire ET d'une douche.Tom a prévu aussi le tabouret pour permettre au jeune d'accéder sans soucis au lavabo. Puis, la seconde porte. La plus intime, celle qui est aussi au cœur des doutes de Tom. La chambre. Le grand lit pour eux deux, les placards remplis. « Je me suis permis de passer chez toi récupérer des affaires pour que tu puisses vivre ici tranquillement. Si tu as besoin de quoique ce soit d'autre, tu n'auras qu'à me le dire. » Il se tait, se mord l'intérieur de la joue. S'ils en avaient beaucoup parlé et rêvé à l'hôpital, maintenant qu'ils y étaient, Tom était intimidé à l'idée de partager à nouveau un lit. Ils l'avaient fait une fois depuis Milan, une seule et unique fois. « Tu n'es pas coincé avec moi si tu... appréhendes. Le canapé est confortable aussi. D'accord ? » Ils étaient supposés être passés au-dessus de ça. Le souci, c'était que le viol, Azra lui avait rappelé quand ils s'étaient séparés. Ce n'était pas oublié. Pour aucun d'eux deux.

Il est complètement admiratif. C'est juste une maison, mais c'est la leur. Ils ne vont plus s'emmerder à savoir chez qui ils vont dormir, ils ont un toit désormais où ils se retrouveront pour se raconter leur journée. Et fuir, ce n'est plus une option envisageable, parce que c'est ici qu'ils vivent désormais. La maison est tellement belle, et le fait que Tom lui fasse la visite lui touche bien trop qu'il ne le faut. Forcément, les habitudes de vie sont différentes. Azraël avait l'habitude de les voir dans le loft, mais c'est étrange de voir ça chez lui. « Non, ça me dérange pas. C'est bizarre, mais je les ai toujours bien aimé. » Il approuve, donc. Même le jardin, il trouve ça beau. Le monstre en question montre le bout de son nez, alors que Azra passe sa main sur la gueule du chien, qu'il fini par caresser complètement le chien qui reste proche d'eux. Et la visite se continue, la salle de bains, et il voit à quel point Tom a fait attention aux détails. Il voit que si l'envie de prendre un bain est là, il le peut, mais qu'il n'est pas plus handicapé non plus s'il veut prendre une douche. Le tabouret est là, ça s'arrête pas.

Et puis l'ultime pièce. Sans trop comprendre pourquoi, son coeur se met rapidement à battre, et quand il entre dans la chambre, ça lui fait bien trop plaisir. Il a accès aux placards, le lit n'est pas trop haut donc il pourra se débrouiller pour se coucher. Bon sang. Il se rapproche de Tom, tire sur sa main, le force à ce que le blond s'installe sur ses jambes. Il peut bien se le permettre. Il pose sa main sur sa joue, dépose ses lèvres sur les siennes. C'est une vague de différents sentiments. Mais c'est sans doute le plus beau cadeau qu'on ai pu lui faire. Peut-être que cet accident permet de tout recommencer à zéro. « Les seuls fois où tu dormiras sur le canapé, ce sera le jour où tu me tromperas. » Il dit, sur le ton de la plaisanterie, sans trop savoir dans quoi il se lance avec un sujet... des plus sérieux. « Je veux dormir à tes côtés, je veux que nos meilleurs souvenirs se passent dans cette maison. Je sais pas quoi dire bon sang... Merci. » Il est ému, le gosse. Bordel, il est tellement amoureux de lui et si ce n'était pas trop tôt, il lui aurait demandé de l'épouser là, dans cette chambre.

Il se retient de protester quand Azra le force à s'asseoir sur ses genoux, à se rapprocher de lui de la sorte. Le jeune le fait taire assez rapidement d'un nouveau baiser. Et c'est peut-être bête, mais ils n'ont pas la même saveur qu'à l'hôpital. Ici, ils ont leur intimité, leurs moments. Comme si confinés dans cette chambre, personne ne risquait d'encore venir interférer et leur mettre de nouveaux obstacles. Ils n'avaient pas besoin de ça, pas du tout. Tom a une main qui se perd dans la nuque du jeune alors qu'il sourit contre ses lèvres, les laisser traîner sur sa joue. C'est une bonne idée qui empêche Azraël de voir la façon dont il se crispe à la mention de la tromperie. C'était inattendu, dit innocemment certes. Mais il touchait juste. C'était pas comme si le blond devait culpabiliser. Il avait merdé pendant leur séparation. Techniquement, il était libre. Et puis ce n'était qu'un soir, qu'une nuit. Il avait laissé son numéro, con qu'il était, mais si elle n'avait toujours pas rappelé alors elle ne le ferait jamais. « On n'a pas besoin de ça. » Il le dit probablement avec trop de sérieux. Mais au fond il en est convaincu ; s'ils devaient se trahir et en arriver à se tromper... Ce serait une nouvelle épreuve, peut-être trop difficile à surmonter. Il ne serait pas juste question de dormir sur le canapé. Ou alors si, en attendant que l'autre dégage définitivement.

Il refuse d'y penser davantage, se pare juste d'un nouveau sourire. Ils pourraient en avoir des souvenirs ici, c'était vrai. Juste le fait d'emménager ensemble, ça avait quelque chose de nouveau, de mémorable. Un nouveau départ. « Tu n'as rien à me dire, vraiment. J'crois juste que c'était le bon moment pour nous, pour notre couple. Tu peux t'attendre aux odeurs de pancakes ratés et brûlés le matin, aux réveils en plein milieu de la nuit parce que j'ai une urgence au boulot, à la cohabitation dans la salle de bain quand on est pressé, aux soirées où je vais t'écraser sur le canapé parce que je me suis endormi.... T'en fais pas, tu vas en avoir des souvenirs. Je suis même pas sûr que tu me supporteras encore à la fin. » Il se marre, se relève doucement des genoux du brun. Mais il garde sa main intacte dans la sienne, le regard tendrement. « Alors... qu'est-ce que tu veux faire pour fêter ta sortie d'hôpital ? Ici ou ailleurs. » N'importe quoi du moment qu'ils ont la sensation de retrouver leur liberté.

Le nouveau départ ne fait que du bien. Il est terriblement touché de ce qu'à fait Tom pour lui, du fait qu'il est allé récupérer ses affaires pour les déposer chez eux. C'est plus une histoire d'aller dormir à l'appartement de l'un, ou au loft de l'autre, c'est beaucoup plus fort que ça. C'est juste leur maison à eux, il y a le jardin, les animaux de Tom, les affaires d'Azra, tout se mélange bien. Et là, pour le coup, il aimerait bien pouvoir avoir la fonction de ses jambes pour se jeter dans la cuisine, refaire ce même plat que Tom lui avait fait quand Azraël était venu chez lui par peur de rentrer dans son propre appartement, de peur de voir Stella. Il se souvient encore des mots, approximativement. Un mélange de ne prend pas ce loft pour une seconde maison et que c'est clairement ce qu'il s'est passé. Ils étaient déjà ensembles sans s'en rendre compte, alors qu'ils ont mis du temps avant de recoucher ensemble, avant de devenir bien plus intime, avant que l'amour n'arrive pour de vrai. Alors ouais, il y a le viol, mais ils sont passés bien au dessus de ça depuis un long ; très long moment. « Non, on en a plus besoin. » Qu'il confirme, déposant un dernier baiser sur ses lippes, le laissant se lever. « Mais j'aime déjà m'imaginer tout ça. » Il souffle, avec un sourire sur son visage, l'palpitant au maximum. « Enfin, le canapé, j'vais jamais m'y asseoir dessus. J'suis déjà sur mon fauteuil. Mais... Mais ça me plaît. De savoir que je vais me réveiller dans tes bras, tous les jours de ma vie... Ouais, ça me plaît. » Il y a les yeux qui brillent, l'émotion dans sa voix. Et au final, Azra est vraiment le plus sensible des deux, celui qui laisse les émotions trahir sa façon d'être, celui qui a le plus facilement envie de fuir quand c'est beaucoup trop difficile à supporter. « Je veux juste être avec toi, Tom. » Un murmure, il tend sa main vers la sienne. Il s'en fiche d'où ils sont, il s'en fiche de ce qu'ils peuvent s'apprêter à faire, Azraël a simplement besoin d'être avec Tom, de profiter de chaques minutes, d'espérer que les choses s'arrangent, que bientôt il n'y aura plus le fauteuil roulant au milieu. Parce qu'il faut pas rêver, il a beau réussi à bander, il a trop honte d'essayer d'aller plus loin et de ne rien ressentir. « Et si on commandait à manger ? Puis on s'installerait dehors, il fait beau. » Ce serait un premier souvenir ; un beau souvenir.

Sans dire qu'il était un type totalement réfléchi, Tom n'avait jamais été le genre à prendre des grandes décisions sur un coup de tête. Alors cette maison, ça lui fait peur autant que ça le rend heureux. C'est vrai qu'il a hâte de se réveiller le matin et de voir le visage encore endormi d'Azra, de rentrer et d'aller s'affaler avec lui sur le canapé, de tester de nouvelles recettes et de rire ensemble sur le peu de succès qu'aurait le plat. De se surprendre à s'imaginer un futur ensemble, de temps à autres. Il avait hâte de vivre tout ça, oui. Pour autant, la peur ne le quittait pas. Imaginer ce qui pourrait mal tourner suffisait à lui rendre les mains moites et à lui donner envie de tout annuler. Heureusement, c'était trop tard ; ils étaient chez eux désormais, et le sourire d'Azra était la plus belle des récompenses. « On verra si tu resteras dans ton fauteuil quand je t'offrirai plutôt mes bras. » Il sourit lui aussi, préfère penser à ce futur proche qu'à la fin de temps. Il étouffe cette omission par un dernier bref baiser. Il devrait lâcher prise, certainement. Se contenter du bonheur d'être rentrés et d'enfin avoir leur intimité. « On est ensemble. » Il attrape sa main au passage, emmêle leurs doigts. Oui, c'est la pensée à laquelle il doit se raccrocher. Ils ne sont pas encore sortis de cet enfer profond, mais ensemble, cela semble tout de suite bien plus aisé. Finalement, juste manger un morceau sur la terrasse, cela semble être la chose la plus adéquate au monde, tout de suite. Loin des regards, hors de l'hôpital, la bouffe de leur choix dans leur maison. Au vu des dernières semaines et de la maigreur du gamin, c'était rassurant de le voir proposer de lui-même ce programme. « Oui. Ce serait parfait. On commande ce que tu veux. » Ce qui lui ferait plaisir. Ils auraient bien mérité ça. « Et après, je me disais... Parce que je vais quand même passer mes journées au boulot, même si je vais essayer d'arranger mes horaires. Mais on pourrait... essayer de te trouver un peu de compagnie ? » Il y avait le chien, le perroquet, les tortues, mais c'était au blond tout ça. « J'avais envie d'adopter un couple de tamias avant toi. Mais puisque tu vas rester pas mal de temps ici, je pourrais te laisser choisir ce que tu veux. » Chat, chien, hamster, poule, serpent, même une chèvre. Ce qu'il souhaiterait.

Le fait de s'imaginer avec Tom, ça lui provoque un intense plaisir. C'est irréel, tout ça à un goût de nouveau. L'accident aurait pu les détruire, définitivement. Mais il faut croire que malgré les coups bas, ils s'en sortent toujours. Azra ne va jamais pouvoir assez remercier Tom de tout ce qu'il lui apporte, il lui est reconnaissant de beaucoup de choses. Encore aujourd'hui, il arrive à le surprendre en l’emmenant dans cet endroit. Il s'est occupé de tout, et désormais, ils ne pourront même plus fuir parce qu'ils vivent désormais sous le même toit. Et l'imagine, au final, elle est belle. Certes, Azraël ne va plus se lever tôt, ni rentrer tard parce qu'il est pour le moment inapte pour reprendre son travail à l'hôpital, et pour un homme qui aime se dépenser, qui aime être actif, ça lui plaît vraiment pas cette situation. Mais il n'a pas le choix, et encore, il entend cette voix dans sa tête qui lui répète à quel point il a de la chance de l'avoir, cet homme. « C'est pas faux, je préfère largement être dans tes bras en te racontant la fin de la série qu'on regardera sur netflix. » Il lui tire la langue, plaisante, un gosse. Il roule jusqu'au salon, récupère son téléphone dans la veste, se dépêchant de commencer indien. Il a besoin d'une vraie bouffe, il a assez mangé à l'hôpital, mais c'est pas ce qu'il lui donne qui va lui permettre de reprendre un peu de poids, parce que le cliché de la bouffe dégueulasse, elle est réelle. « Tamias ? » Il est étonné de ne pas connaître cette espèce, mais en même temps, c'est pas un grand passionné d'animaux Azra. Il connaît les bases, il sait à quoi ressemble un chien, un chat, des poissons, mais des Tamias... « Tu sais, si tu les veux toujours, on peut te les prendre. » Il est honnête, cherche ses clopes dans son sac. « Tant qu'à avoir un animal à moi, j'veux un chat. Parce que ça fait des câlins, et quand tu me manqueras trop, je pourrais avoir des câlins. » Il fait une boue, fouille dans ses poches. « T'as pas vu mes clopes ? » C'est pas lui qui a rangé ses affaires, et il a assez tenu, là, il a vraiment envie d'une bonne clope et d'aller profiter du soleil.

Cela semble irréel de se dire qu'enfin, ils vont pouvoir avoir un quotidien tranquille. Qu'ils vont pouvoir avoir leurs habitudes, leur intimité, que peut-être ils pourront commencer à entrevoir des projets communs. Certes, leur emménagement ensemble tient plus d'une décision indispensable que d'un réel tournant dans leur couple. La surprise était réelle, mais bien loin de ce dont Tom aurait rêvé. A croire que l'handicap avait décidé de les hanter et de troubler chaque geste chaque décision... Malgré tout, un sourire Mi amusé, lu exaspéré barra son visage. Se faire spoiler les séries Netflix, sérieusement? "Je risquerais de te le faire amèrement regretter... T'as pas envie de voir combien je peux être fourbe." Il lance un regard entendu, comme s'il fallait absolument le prendre au sérieux quand en réalité, après avoir râlé, il renoncerait certainement à regarder pour préférer attendre que le jeune vienne se faire pardonner. Mais cette discussion s'arrêta ici, donna lieu plutôt à l'appel pour commander le repas. Indien, ça lui convenait parfaitement. En attendant, vivre ensemble signifiait devoir accorder leurs habitudes de vie. Tom ne pensait pas être difficile à vivre mais son goût pour les animaux pouvait s'avérer envahissant. "T'as jamais vu Tic et Tac ?" Il sourit doucement, tâte le terrain. Des tamias, ça faisait un moment qu'il en voulait. Il n'avait pas de rongeurs encore, et ceux-là étaient assez amusants, pas trop difficiles d'entretien. Différent d'un chat, certes. Mais le fait que Azra accepte les tamias, et propose même de lui même un nouvel animal sous ce toit, ça fit pétiller le regard du blond. "On pourrait arranger ça. Histoire que tu ne manques vraiment pas de compagnie quand je serai absent. Mais pas de chat dans la chambre, c'est la règle. Crois moi, c'est préférable si tu ne veux pas te réveiller un jour avec une boule de poils puante sur ton oreiller." Un cadeau que le chat de la maison lui avait fait, gamin. Depuis, il préférait les chiens.
Même sans comprendre son geste, Tom décèle un sentiment d'impatience chez le brun. Les mains qui s'agitent, le regard qui inspecte les meubles. Pour ses clopes... Restées dans la voiture. Elles étaient tombées du sac et le blonde n'avait pas pensé utile de les remettre dedans. Alors s'il sait où elles sont ? "Non. Pas vues." Il ment. Parce qu'il est contre cette connerie, qui en plus de lui ruiner les poumons ne risque pas d'aider sa prise de poids. "Tu ne voudrais pas aller prendre une douche en attendant le livreur ? Histoire de te débarrasser de l'odeur d'hôpital. Ensuite on se pose dehors pour boire un verre histoire de fêter ta sortie ?" Il se sent un peu honteux pendant une seconde de profiter de l'handicap et de l'absence de mobilité du gamin pour le priver de ses bâtons de nicotine. Mais c'est pour son bien, non ?

Il y a Tom face à lui, il le regarde avec un sourire qui ne quitte plus ses lèvres. « Si j'commence à te toucher, tu n'arriveras même plus à être fourbe. » Il dit avec tout le sérieux du monde. Il le connaît par coeur, connaît les points faibles qui peuvent le faire succomber. Puis ça parle d'animaux, et rien qu'à voir le regard émerveillé de Tom il sait qu'il ne peut pas lui refuser. « Oh, c'est donc ça des tamias ? » il aimerait pouvoir se lever, être libre de ses mouvements, mais c'est pas le cas. Il est assis sur cette chaise roulante, les mains sur ses jambes ; il bouge pas. Lui qui est un homme qui aime bouger, bordel ça le coupe de tout cette merde. « Ok pour les Tamias, en ce qui concerne le chat sur le lit... J'te promets pas vraiment. » Parce qu'il sera pas là Tom, qu'il va le laisser se réveiller dans un lit froid quand il va devoir partir travailler et qu'Azra va se retrouver tout seul. Alors le chat prendra sa place, et sûrement même le chien, d'ailleurs. Mais si Tom le sait pas, ça passe, pas vrai ?
Puis le besoin de nicotine, qui est en train de ronger ses entrailles. Il a envie de fumer, il en a b'soin, et ça lui bousille les entrailles de pas pouvoir s'en fumer une, de pas pouvoir les chercher comme bon lui semble. « Okay, mais s'il te plaît, cherche mon paquet. » Parce que l'truc, c'es que maintenant, Azraël va devoir complètement se reposer sur Tom pour certaines tâches. C'est rien, c'est juste des clopes. puis ça l'soule presque ; et ça craint de voir à quel point il est accro à cette merde. Et en temps normal, Azra lui aurait demandé de l'aide. C'est sûrement la première fois qu'il s'en va se doucher en total autonomie ; il sait pas faire.
Mais il demande rien, roule jusqu'à la salle de bains, avec la sensation d'avoir le coeur lourd sans trop en comprendre la raison. Il galère pour se déshabiller, et se regarder dans un miroir est un trop grand supplice. S'asseoir sur le siège prévu pour lui est une véritable galère. Et pendant cinq minutes, il a la sensation que les choses sont normales sauf qu'il ne ressent pas l'eau bouillante qui réchauffe ses pieds.
Alors ouais, c'était à peu prêt normal, bien que son coeur bat rapidement, bien que son corps tremble. Et puis, tout dérape. Parce qu'au moment où il termine sa douche, au moment où il essaye de se mettre debout juste pour quelques secondes, il glisse. « Putain, Tom ! » Qu'il hurle, alors que les larmes coulent ; pas parce qu'il s'est fait mal, juste parce qu'il est complètement déstabilisé, et qu'il s'rend compte qu'il est simplement un poids, désormais.

Il y avait quelque chose de réconfortant finalement, dans toute cette histoire. C'était que malgré les derniers événements, Azraël avait l'air de doucement remonter la pente, de retrouver son caractère et ses sourires générés par un rien. Comme le fait de vouloir le bousculer un peu, lui faire imaginer ce que donneraient leurs soirées ensemble, devant la télé. « A tes risques et périls. » Ce n'était même  pas comme si Tom pourrait s'en plaindre, pas après ces semaines à avoir l'impression de glisser, d'être en train de perdre ce qu'ils avaient. Maintenant, ils en étaient à faire des projets d'avenir, même minimes, et c'était beau. Adopter des animaux, ça sonnait déjà comme un bon début, même si visiblement ils ne seraient pas d'accord sur tout. Tom ne peut pas s'empêcher de plisser les yeux en regardant son homme. Ça ne sert à rien de discuter, de toute évidence. Il ne sera pas là pour le surveiller, il ne pourra que râler. Il oubliait toujours à quel point Azra pouvait être une bourrique quand il l'avait décidé. « Hors de question que mon sommeil ou nos moments à nous soient troublés par un animal, t'es prévenu. » Parce qu'il imaginait déjà la conséquence des mauvaises habitudes, le chat qui vient s'incruster au milieu des câlins. Il aimait les animaux Tom, mais il aimait encore plus Azraël et le fait d'être dérangé chez eux par les résidents sous son toit, c'était pas envisageable.
Et en parlant de mauvaises habitudes... il y avait les clopes. Cette manie qu'il n'aimait pas du tout, qu'il comptait éloigner au maximum de cette maison. Avoir un intérieur qui sent le tabac froid, ça ne lui plaisait pas. Et puis il préférait quand le jeune sortait de la douche, avec juste son odeur et son parfum plutôt que ces particules accrochées à sa peau. Il avait déjà bien assez à faire avec ses jambes pour en plus s'encombrer de poumons pollués par la nicotine. « T'en fais pas. » Il ne veut pas mentir, ne veut pas promettre qu'il cherchera alors qu'il ne compte faire aucun effort. C'est un peu pour ça qu'il insiste à ce que le gamin aille se doucher, sorte du décor pour que le blond n'ait plus qu'à prétendre.
C'est tout de même étrange, de le voir rouler jusqu'à la salle de bains, le laissant seul dans le salon. Il n'a pas été habitué à ça, depuis ces derniers mois. Quand Azra prenait une douche chez lui, c'était souvent qu'il s'apprêtait à repartir. Maintenant, il n'y aurait plus ce détail. Il resterait. Ils seraient ensemble. C'était encore difficile à analyser, à réaliser. Alors pour s'occuper les mains, le vétérinaire attrapa la lanière du sac qui traînait dans le salon, se dirigea dans leur chambre pour ranger le contenu dans la commode, remettre chaque chose à sa place pendant que le reste irait au sale. Ça aussi, ça lui arracha un sourire, de voir leur pulls et tee-shirt côte à côte. Il imaginait déjà trop bien Azra lui voler les siens et nier en papillonnant des yeux. L'inverse serait plus compliqué, ceci dit.
Il y eut un bruit sourd dans la pièce à côté, qui le fit sursauter. Et un cri qui lui glaça le sang, violemment. Assez pour faire naître la panique et le faire quitter la chambre en vitesse pour se précipiter dans la salle de bain. Il y avait Azra, effondré dans la douche. Une vision qui lui brisa le cœur instantanément. Par réflexe il s'approcha, se baissa pour pouvoir passer les bras sous les aisselles du brun et le soulever jusqu'à le reposer précautionneusement sur le tabouret. « Je suis là. Ça va, tu ne t'es pas fait mal ? » Il est inquiet, c'est indéniable, pose ses mains sur ses joues en le regardant d'un air concernée. Du pouce, il chasse les larmes. « Tu aurais dû m'appeler si tu avais des difficultés. » Il fallait s'attendre à ce que ce soit compliqué, à ce qu'ils doivent prendre leurs marques. Tout ne pouvait pas être si beau, et cette détresse passagère, Tom l'étouffe en serrant le brun contre lui, embrassant son crâne, le regard perdu sur la paroi de la douche.

Azraël, il veut faire le malin, veut essayer de se débrouiller tout seul. Pourtant, à la minute où Tom lui a suggéré d'aller prendre une douche, il a directement su que c'était une mauvaise idée. Quand il était à l'hôpital, il y avait toujours une infirmière pour l'aider, on ne lui a jamais appris à se laver tout seul comme un grand. Alors, quand il a réussi à entrer dans la douche, c'était déjà énorme pour lui ; pas besoin d'aide finalement, il peut visiblement se débrouiller tout seul, comme un grand. Se laver n'a pas non plus était difficile, il y avait le tabouret, prend le jet d'eau et se le passer sur le corps n'a pas non plus était difficile. Alors, bordel, à quel moment c'est parti en couille ? Parce qu'il a essayé d'être grand, d'être adulte, qu'il a cru que les débuts de la rééducation suffisait pour que les choses commencent à fonctionner à nouveau. Trop bon, trop con. La glissade aurait pu être dangereuse, mais de toute manière, il ne sent plus rien, et puis la douleur ne vient pas de la blessure, elle vient de son ego.

Il a scandé le prénom de son petit-ami, et Tom n'a pas mis longtemps avant de s'accourir à lui. C'est totalement frustrant, ça lui fout un coup tellement fort dans la gueule qu'il se sent complètement impuissant face à tout ce qui lui arrive. Alors il secoue la tête, non il n'a mal nul part, du rien, pas quelque chose de visible. C'est plus fort que ça, finalement, et il pensait que le mal-être allait s'évaporer à la minute où il se précipiterait hors de l'hôpital, mais visiblement non. « Putain mais Tom j'en ai toujours des difficultés, avec cette merde qui doit me servir de jambes ! Mais quand tu seras au travail, j'vais faire comment bordel ?! » Certes, il s'exclame, s'énerve, mais il ne peut pas s'empêcher de serrer Tom contre lui tellement fort qu'il réalise quelque chose ; c'est qu'il a terriblement peur au lendemain, au moment où Tom va se lever, partir pour la journée. Ouais, Azra a la trouille qu'une autre chose comme celle-ci se reproduise, et qu'il doit attendre comme un con au sol parce qu'il est incapable de se relever. « J'veux pas d'une vie comme ça. D'être un assisté. J'veux pas bordel. »

Il ne s'attendait pas à Azraël qui s'énerve brusquement, tremble contre sa peau. Ça le surprend au point qu'il se défait de l'étreinte pour mieux l'observer. Il est inquiet, oui. Pas tant pour le jeune, parce qu'il s'en sortira. Mais plus pour la résistance que Tom essaye tant bien que mal de faire naître. Ça le terrifie, l'idée que le brun puisse décider de se laisser couler. Parce que oui, ce serait dur. Ce serait des mois, peut-être des années à galérer, à avoir l'impression qu'il ne s'en sortirait jamais. Et c'est peut-être tôt pour attendre du gamin une rationalité sans failles concernant son handicap. Mais le fait est qu'il est différent. Il a changé, et Tom ne sait pas s'il peut lui faire confiance pour se battre et avoir le dernier mot. « Tu finiras par t'en sortir. » Il veut y croire. Il veut se dire que ce n'est que temporaire. Les nouvelles auraient pu être tellement pires ; les sensations étaient toujours absentes, mais le contrôle n'était pas sans espoir. Même un centimètre, c'était encourageant. Alors même s'il sait qu'il est supposé être un soutien sans failles, supporter sans broncher les crises de désespoir d'Azra, ça reste infernal. Tom a pas envie de ça. Il refuse de se faire à l'idée qu'elle va ressembler à ça leur vie. Surtout qu'au fond, il se sent encore et éternellement coupable. Par extension, c'était de sa faute s'il y avait eu l'accident. Le viol qui a déclenché la distance, puis la dispute, la bagarre avec Hélios. La fuite d'un Azraël énervé au possible. Ils l'ont fait sortir au mauvais moment. Ça avait été l'histoire de trois secondes, quelque chose d'aussi ridicule que de fatal. « Ça ne tient qu'à toi d'être un assisté ou non. T'en es pas incapable. Et tu veux que je te dise ? » Il se penche Tom, pour pouvoir capter le regard qui tangue entre colère et désespoir. « Je te vois pas comme un homme handicapé. T'es plus alité au fond d'un lit à devoir pisser dans un pot, t'es plus branché à des machines, tu n'es plus observé en permanence par toute une flopée de médecins. Et tu sais pourquoi ? Parce que t'es assez fort pour te débrouiller sans l'aide de personne. » Qu'il veuille l'entendre ou non. Tom, il se raccrocherait à cette vérité. « Et tu sais quoi ? On va commencer à aviser la suite maintenant. Je vais pas t'aider. » Lui mâcher le travail. C'était hors de question. Le blond se relève, sort de la douche, mais il va pas bien loin. C'est juste le temps de se débarrasser de son pull, de son jean, des chaussettes et du boxer. Il ne revient dans la douche qu'une fois nu comme un ver, s'adosse contre la paroi, bras croisés. « Je supervise juste. » Avec une source de motivation en plus. Peut-être une récompense derrière.

Pour chaque défaites, l'envie de baisser les bras est immense. Il y a plusieurs sentiments ; celui de ne vraiment pas y arriver, ce tout petit espoir pour que les choses rentrent dans l'ordres, l'envie de tout recommencer pour ne pas faire les mêmes choix. Pourtant, dans tout ça, il y a Tom. Il y aura beau avoir eu tous les événements tragiques, les sentiments qu'il ressent pour lui sont dix mille fois plus forts que tout. Il aimerait savoir comment Tom arrive à avoir autant de force pour eux deux, mais il sait que c'est mal d'autant se reposer sur lui parce qu'il va finir par, lui aussi, sombrer. Faut qu'il se bouge, Azra, mais il en est pas capable. Leurs regards qui se croisent, Azra boit les paroles de son amant, aimerait y croire, aimerait qu'il lui fasse véritablement entendre que les choses vont finir par aller mieux. « J'ai rien d'un homme fort, Tom. » Un homme fort arriverait à se lever le matin pour affronter la vie, Azra en est pas encore capable. Se regarder dans le miroir est trop difficile. Il ouvre la bouche, mais aucun son ne sort de sa bouche. Tom se décolle de lui, et dans la seconde, il se dit que ça y est, lui aussi il s'en va. Chose qui est complètement con, il sort de l'hôpital, ils vivent à peine ensemble. Mais il le voit qui se déshabille, et ça lui fait drôlement bizarre parce que depuis Milan, il n'a jamais revu le corps nu de Tom. « Mais j'me suis déjà douché, faut juste que j'arrive à remettre mon cul dans cette merde, sauf que ça roule dès que j'm'appuie dessus pour essayer de m'y installer. » Il n'a pas envie de tomber à nouveau, ce serait un double échec, c'est hors de question. « Alors on fait quoi ? on reste assis, à parler dans le douche parce que c'est cool ? comme ça, ça te permets de pas chercher mes clopes ou plutôt, de pas me dire où tu les as foutu ? » Il aurait pu être en colère, mais malgré tout, il reste calme, sourit même un peu. « bon sang, ça fait une éternité que je ne t'ai pas vu nu, et je te trouve toujours aussi beau. » Il se contente de finir avec ça, avec ses quelques mots, le regard pétillant d'amour quand leurs yeux se croisent.

Le fait est que Tom peut être aussi borné que ce qu'Azra voudra bien être. Il ne peut décemment pas baisser les bras, pas en sachant que le brun ne sera pas là pour prendre la relève. S'il doit y en avoir qu'un d'eux deux qui lutte, alors ce sera lui. Il sera fort pour deux jusqu'à ce qu'ils sortent finalement la tête de l'eau, qu'ils passent à autre chose. Même si les récents événements ont détourné leur attention, il y a toujours ces vieux démons qui les hantent. « Si tu n'étais pas fort, tu ne serais jamais sorti de cet hôpital en premier lieu. » Un homme faible ce serait laissé couler, n'aurait jamais mis le pied hors du lit, même le cul sur un fauteuil roulant. Un homme faible n'arriverait certainement pas à le regarder droit dans les yeux et à affronter le souvenir d'un viol. Alors oui, Tom se sent responsable. Il étouffe sa culpabilité comme il le peut, car il sait qu'il a du mal à surmonter cette merde. Il le pense juste sincèrement ; malgré son manque d'espoir, Azraël est le plus fort d'entre eux deux. Pour avoir morflé autant depuis ces derniers mois, il faut bien être résistant pour ne pas se laisser couler. De toute façon, le blond ne le laissera pas se défiler, sur aucun point. C'est ce qui explique le fait qu'il se retrouve désormais à poil dans cette douche, même si cela semble bizarre. « Il y a des freins sur le fauteuil. » Cela l'empêcherait de se mettre à rouler. Ce n'est qu'un détail, vite mis de côté. Le brun est le premier à s'impatienter, chercher à comprendre ce qu'il se passe. Qu'il ait si rapidement compris l'indifférence totale qu'éprouve Tom face aux clopes lui fait pincer les lèvres une seconde, le force à aviser. Le faire arrêter de fumer, c'est un combat vain qui mérite malgré tout d'être mené après tout. « Tu te plains de pas pouvoir te débrouiller seul, j'veux juste qu'on travaille sur ça. » Ceci dit il a raison le gamin. Ils sont en couple, se voir nus devrait être quelque chose de banal. Au lieu de ça, cela ressemble à une intimité maladroite, quelque chose qui surprend. Le plus con, c'est que ça l'amadoue, finit par faire naître un sourire. « Te déconcentre pas amour. » C'est pas pour ça qu'il est nu. C'est juste que ça va devenir mouillé. La faute de Tom qui allume soudainement le jet d'eau, vise Azra pour le tremper complètement. Là, le sourire se fait plus mutin. « Pas question que tu sortes de cette salle de bain tant que je suis pas certain que tu peux te débrouiller seul. Alors vas-y, rassure moi. » Il lui tend le pommeau de douche, s'attend à des représailles. Ce serait l'occasion de voir si des aménagements ont besoin d'être fait dans la pièce.