Douces retrouvailles [BOBBY]

B obby s’acclimatait plutôt bien à sa nouvelle vie à Island Bay. Bien sûr, il lui arrivait de trouver son quotidien bien ennuyeux. Rien d’étonnant pour elle qui avait passé la dernière décennie à parcourir le monde. Toutefois, maintenant que Max avait accepté de l’aider à sauver la réserve de son grand-père des griffes avides de ses parents, elle allait devoir s’habituer à sa vie de sédentaire. Par chance, elle n’avait pas tardé à trouver un travail. L’affaire était presque dans le sac avant même qu’elle n’ait posé le pied sur le territoire néo-zélandais, elle avait donc de quoi occuper ses journées. Et quand elle ne travaillait pas… Eh bien, elle ne tenait pas pour autant en place. C’était Bobby, après tout. L’inactivité, ce n’était pas fait pour elle. Enfermée chez elle, elle se sentait comme un lion en cage, et il n’y avait rien de tel pour la rendre totalement folle.

Cette journée n’avait, encore une fois, pas échappé à la règle. Bobby avait passé la matinée à bosser, voguant entre la clinique du zoo et les appels sur le terrain. Une fois sa garde terminée, elle était rentrée, avait mangé rapidement et, une fois assurée que sa boule de poils allait bien, elle était partie se promener. Par un beau temps pareil, rester enfermée aurait été un beau gâchis. Elle s’était donc improvisé une petite randonnée en solitaire le long de la côte, s’éloignant de la ville pour profiter d’un peur d’air et des paysages qui s’étendaient à perte de vue. Elle n’en était pas à sa première randonnée dans les environs. Pendant son année d’études à Wellington, elle en avait fait un bon paquet, mais elle ne s’en lassait jamais. Bobby avait toujours aimé la nature, le grand air. Peu importe l’hémisphère ou le continent sur lequel elle posait ses valises, Bobby ne passait jamais une occasion de partir explorer.

Elle ne s’était pas trop attardée, cependant. Son nouveau colocataire, duquel elle était tombée amoureuse après l’avoir retrouvé au fond d’une poubelle, l’attendait. Très jeune, même pas encore sevré, elle se devait de  garder le chaton à l’œil. A son retour, tout allait bien. Après une bonne douche, c’est donc dans le jardin qu’elle s’était réfugiée, profitant d’un bon bouquin avec pour seul bruit de fond, les vagues qui roulaient non loin de là.

Combien de temps avait-elle passé là, plongée dans sa lecture ? Bonne question. Elle ne releva le nez de son livre que quand elle entendit la sonnerie de la porte d’entrée. Qui pouvait bien lui rendre visite ? Elle n’avait pas tant d’amis que ça… Max ? Possible, s’il avait encore abusé des sucreries. Dans tous les cas, le meilleur moyen de le savoir, c’était de bouger ses fesses. Elle se leva donc et se dirigea tranquillement vers la porte, la boule de poils la suivant comme son ombre. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’en ouvrant la porte, elle s’attendait à tout… Sauf à ça. Tiens ! Salut ! Je venais me faire offrir le thé... Son frère, sur le pas de sa porte. Ca, elle ne l’avait pas vu venir. Ophelia, à la limite, ça ne l’aurait pas étonnée. Elle n’aurait été que trop heureuse de venir mettre le nez dans ses affaires. Laisse-moi deviner… Papa m’a collé un détective privé aux fesses ? demanda-t-elle. Elle s’était bien gardée de raconter à ses parents où elle se trouvait. Ca ne les regardait pas. Ce n’est pas comme s’ils allaient venir lui rendre visite et la féliciter pour son mariage, après tout. Sans un mot, Bobby ouvrit la porte plus grand, invitant silencieusement son petit frère à entrer. Attention de pas marcher sur la boule de poils, l’avertit-elle Son frère partageait son amour des animaux, il ne lui ferait pas de mal volontairement, mais ce petit curieux était déjà dans ses pattes et il était si petit qu’il serait facile de le louper. Qu’est-ce qui t’amène ? Me dis pas que papa et maman t’ont envoyé me surveiller. Ca m’étonnerait pas d’Ophelia mais toi… Ils n’étaient pas très proches. Plus depuis longtemps, en tout cas, mais gamins, ils s’entendaient bien. Se soutenaient quand Ophelia prenait un malin plaisir à se placer au centre du monde parce que dans le fond, ils étaient un peu dans le même bateau.

A lexis se rendrait rapidement compte si la vie à Island Bay était faite pour lui ou non ! Peut-être que le rythme à 100 à l'heure de New York lui manquerait tôt ou tard mais il ne fallait pas oublier que les premières années de sa vie le jeune homme avait grandit à Pretoria en Afrique du Sud alors même si ce n'était pas vraiment comparable venir vivre en Nouvelle-Zélande ressemblait à un retour aux sources.... Mais chaque chose en son temps ! Pour l'instant Alexis était investit d'une mission à savoir redonner ces lettres de noblesses au magazine pour lequel il avait été embauché et dans un second temps prendre le pouvoir total de ce groupe mondialement connu. Son bien-être personnel passerait donc au second plan comme très souvent d'ailleurs même si il aimait prétendre le contraire afin d'appuyer son image de salaud sans cœur et calculateur.

Reste à savoir quelle carte il jouerait avec sa sœur ainée ! Allait-il chercher à retrouver un semblant d'amitié ou au contraire se comporter comme la copie conforme de leur père ? Lui même ne savait pas ! D'autant plus que Bobby et Alexis étaient beaucoup plus proches qu'ils ne voulaient bien se l'admettre ayant pas mal de points et de passions en communs. Alors certes la vie avait fait qu'ils s'étaient éloignés mais on ne pouvait nier le fait qu'il existait bel et bien un lien entre eux et pas seulement familial c'est tout du moins comme ça que le garçon percevait la situation.

Il connaissait la réponse à la première question de la demoiselle mais préféra ne pas répondre, Alexis ne souhait pas prendre partie dans cette guère familiale même si d'une façon indirecte il prêchait pour la paroisse de son géniteur.... En réalité, le jeune homme se servait de ce dernier plus qu'autre chose notamment pour obtenir des informations que lui seul possédait.... ''Merci'' dit-il lorsqu'elle le laissa entrer en lui demandant de faire attention à la petite boule de poils.

Alexis déposa son blouson sur le canapé avant de regarder là où sa sœur vivait ! La décoration lui plaisait, Bobby n'avait pas perdu son sens du bon gôut. ''Te sureveiller ? Non ! Et même si on me l'avait demandé j'aurai refusé ou fait semblant de..... Je n'ai pas envie de me mettre au milieu de vos querelles !'' Sa sœur était méfiante et elle avait raison mais pour le coup Alexis ne disait que la stricte vérité ! ''Je suis là pour le boulot.... J'ai décroché le post de co-redacteur en chef chez Vogue NZ alors tadam me voilà ! Je mentirai en disant que ton adresse ne m'a pas été donné par Papa mais je me voyais mal faire comme si on ne vivait pas dans la même ville toi et moi.'' Sincère ? Alexis ne l'était que trop rarement mais encore une fois sa sœur ne lui avait rien fait de mal alors il n'allait pas se montrer hostile dès la première minute. ''Tu deviens quoi ma chère frangine ?''

B obby n’était pas proche de sa famille. Elle ne l’avait jamais vraiment été, à vrai dire. Pas de ses parents, et pas de sa sœur, en tout cas. Bien sûr, il y avait eu son grand-père, son héros, celui qui, dans toute cette famille de tarés, la comprenait le mieux. Et puis il y avait eu Alexis, son petit frère. Fut un temps, ils étaient assez proches tous les deux, partageant notamment leur amour des animaux et de la nature. Et puis ils avaient déménagé à New York, et elle l’avait vu devenir chaque jour un peu plus le digne fils de son père. Tout ce que Bobby avait toujours voulu, c’était s’éloigner de tout ça. De l’avenir tout tracé par des parents hypocrites et ambitieux. Hors de question qu’elle devienne le trophée d’un mari riche comme crésus et haut placé dans la société. Elle n’était pas la marionnette de ses parents, et encore moins celle d’un homme qui serait plus attaché à son nom de famille qu’à qui elle était vraiment. Alors peu lui importaient les protestations de ses parents sur ses choix de vie. Elle avait fait les choses comme elle l’entendait et s’était éloignée. De tout le monde, y compris Alexis. Un choix égoïste, peut être. Elle avait voulu se préserver de ce monde d’hypocrites qu’était celui des Carmichael et dans lequel son frère avait fini par se sentir comme un poisson dans l’eau.

Autant vous dire, donc que Bobby ne s’était pas attendue à le voir débarquer pour se faire payer le thé. Méfiance comme elle était à l’égard de sa famille, elle ne pouvait s’empêcher de se poser des questions. Mais Bobby était tout sauf hypocrite alors plutôt que de faire comme si de rien n’était, elle n’y était pas allée par quatre chemins et avait directement demandé à son frère s’il était là à la demande de leur père. Ca serait bien le genre de Monsieur Carmichael que d’envoyer l’un de ses enfants en espionner un autre. Alors elle avait posé ses questions. Concernant le détective, elle n’avait pas obtenu de réponse, mais ce silence voulait tout dire, selon elle. Dès qu’Alexis partait, il allait l’entendre celui là, et Bobby se moquait bien de l’heure qu’il serait aux Etats Unis lorsqu’elle l’appellerait. Si elle réveillait toute la maisonnée au milieu de la nuit, ce serait même encore mieux !

A en croire Alexis, toutefois, il n’était pas là pour la surveiller. Bobby considéra sa réponse en silence. S’il s’était agi d’Ophelia, elle n’aurait pas hésité une seule seconde mais Alexis… A défaut d’être entièrement convaincue par sa réponse, elle était prête à lui laisser le bénéfice du doute. Sage décision, approuva-t-elle lorsqu’il affirma ne pas vouloir s’impliquer dans cette querelle familiale. Même si elle aurait préféré qu’il prenne parti pour elle, évidemment, en souvenir des vacances qu’ils avaient passé à la réserve. Lui aussi aimait cet endroit, après tout. Mais entre hostilité ou neutralité, elle préférait la seconde option.

Il était là pour le boulot. Co-rédacteur chez Vogue NZ. Merci papa, certainement. On n’obtenait pas un poste si haut placé dans ce genre d’entreprise sans un peu de piston, surtout pas à l’âge de son frère. Bobby, qui préférait se battre et mériter ce qu’elle possédait, n’approuvait bien entendu pas, mais c’était ainsi que fonctionnait ce monde. Alexis aurait eu tort de ne pas jouer les cartes qu’il avait en main. Félicitations, je suppose, répondit-elle concernant son nouveau boulot, tout en mettant de l’eau à bouillir pour le thé de son frère. Elle mit également la cafetière en route, plus friande de café que de thé. Je suis contente de te voir, en tout cas. Et pour ce que ça vaut, même si Papa t’a envoyé, je préfère te voir toi sur le pas de ma porte qu’Ophelia. Aux dernières nouvelles, toi au moins tu me détestes pas. Pas qu’elle sache, en tout cas. Elle espérait que ça n’avait pas changé. Tout en sortant des tasses, elle entreprit de répondre à la question d’Alexis. Que devenait-elle ? Le sujet qui fâche. Jugeant plus sage d’éviter le sujet de son mariage avec Max – faux mariage, qu’on soit clairs – elle préféra aborder le sujet du boulot. J’ai trouvé un job à la clinique du zoo. C’est pas aussi palpitant que de parcourir le monde pour VSF, et pas aussi glorieux que co-rédacteur en chef chez Vogue, mais ça me plaît. Bon, si elle avait eu le choix elle aurait repris son poste chez Vétérinaires Sans Frontières sans hésiter une seule seconde, mais avant de songer à ça, elle devait s’assurer que ses parents ne mettraient pas la main sur l’héritage de son grand-père. Et avec la clinique du zoo et le programme de préservation de la faune néo-zélandaise qu’ils avaient mis en place, elle avait toujours l’occasion de partir à l’aventure pour sauver des animaux blessés à travers la Nouvelle-Zélande. Elle avait trouvé un bon compromis entre sédentarité et aventure. Désolée, j’ai pas beaucoup de choix niveau thé, s’excusa-t-elle en déposant la boite renfermant les petits sachets à côté de la tasse. Elle-même n’en buvait que très rarement, en acheter n’était donc pas son premier réflexe quand elle faisait ses courses.

S a famille ? Très honnêtement il s'en fichait un petit peu.... Les Carmichael étaient réputés pour être des gens froids, calculateurs et égoïstes.... Une image qui collait parfaitement à Alexis depuis qu'on l'âge de l'adolescence qui qui n'avait fait que s'accentuer depuis qu'on lui avait diagnostiqué ce fameux lymphome.... Pour autant il n'appréciait pas plus que ça d'être en compagnie de ses semblables..... Sa mère ne faisait que de lui prendre la tête sur sa vie professionnelle insistant sur le fait que reprendre la gestion de sa chaîne d'hôtel serait plus rentable que de bosser pour VOGUE ! Son père quant à lui ne lui adressait que très peu la parole.... Les raisons de cette distance ? Probablement sa sexualité..... Ce n'est pas que les deux hommes se détestaient mais si ils ne se voyaient pas ce n'était pas très grave..... Restait Ophélia avec qui ça avait toujours été compliqué..... Pourquoi ? A cause du mal dont elle avait souffert étant plus jeune... Alors certes elle n'y était pour rien mais sa sœur ainée avait attiré malgré elle l'attention des géniteurs et une jalousie s'était installé au fil des années.... On était donc très très loin de la famille parfaite.... Comme quoi l'argent ne fait pas toujours le bonheur des gens, bien au contraire.....

Alors peut-être bien qu'au fond de lui Alexis avait dans l'idée de renouer les liens avec Bobby.... Si leur grand-père avait été là il aurait sans doute trouver les mots pour les rabibocher.... Cet homme était comme une exception dans cette famille de tordu bien que son cas n'est fait que renforcer certains conflits et autre prise de tête..... La réserve que ce sage homme possédait était synonyme de convoitise....

''Non je ne te déteste pas.... En même temps je ne sais pas vraiment qui tu es.... Je connais Bobby enfant avec ses deux couettes et ses robes à fleurs, la Bobby adolescente avec ses colorations pas toujours réussies et ses baskets de toutes les couleurs mais qui est Bobby adulte ?'' Le jeune homme était vraiment très différent avec la demoiselle.... L'Alexis qui se trouvait chez VOGUE n'aurait jamais parlé de cette façon.... Sa sœur bénéficiait d'un traitement de faveur... Peut-être parce qu'elle serait la seule à le pleurer une fois que la maladie dont il souffrait aurait remporté la bataille.... Ou peut-être tout simplement que Bobby faisait ressortit le meilleur chez son frère.... ''Comme tu viens de le dire tu fais ce qui te plait et c'est le plus important... Je t'aurai bien proposé un poste au magasine mais tu n'arriverais pas à supporter toutes les pétasses qui bossent là-bas...'' dit-il en rigolant. N'oublions pas que le monde de la mode était très particulier et qu'il fallait réfléchir à deux fois avant d'y mettre les pieds.

''Je devrai pouvoir trouver mon bonheur t'en fais pas...'' dit-il en regardant les différents parfums qu'il y avait à disposition. Le choix d'Alexis se porta sur un simple thé vert aromatisé à l'ananas. Bien qu'on ne lui ait pas donné l'autorisation, le jeune homme se posa dans le canapé en attendant que l'eau soit à 100 degrés. ''Et hormis le boulot et les animaux où est ce que tu en es ?'' Il avait entendu deux ou trois trucs de la part de ses parents au sujet d'un certain Marc ou Max mais n'ayant pas prêter plus d'attention à tout ça Alexis ne savait pas si sa sœur était en couple ou non.

B obby avait toujours été indépendante. Bien entendu, elle aurait préféré avoir des parents normaux, et surtout des parents qui ne délaissent pas deux de leurs enfants sous prétexte que le troisième demandait plus d’attention. Mais elle s’était toujours débrouillée. Quand elle avait besoin de quelque chose, elle demandait de l’aide au personnel de maison, ou le plus souvent, se débrouillait par elle-même. Demander de l’aide à qui que ce soit, ça n’avait jamais été son truc, et c’était encore plus vrai aujourd’hui. Ce n’était pas un hasard si elle s’y était prise comme un manche avec Max…

Hormis son grand père, Alexis avait toujours été celui avec qui elle s’était le mieux entendu. Jusqu’à ce qu’ils débarquent à New York, en tout cas. Ce déménagement avait tout changé. Ophelia s’y sentait comme un poisson dans l’eau, Alexis avait joué les caméléons et avait changé pour devenir comme tous ces gens qui insupportaient Bobby et Bobby, elle, avait tout fait pour se démarquer et surtout, pour faire tourner ses parents en bourrique. Elle sourit d’ailleurs à l’évocation de ses looks parfois douteux. Les robes à fleur, ça allait encore. Mais il est certain qu’à l’adolescence, elle avait fait quelques expériences vestimentaires et capillaires peu concluantes. Tu sais très bien que je faisais ça juste pour casser les pieds des parents. Ca marchait très bien, d’ailleurs. Tu te souviens de la tête de maman quand elle m’a vue débarquer à une de ses soirées guindées avec les cheveux rouges et une basket différente à chaque pied ? Mais eh, j’avais fait un effort. Déjà je suis venue, et en plus j’avais mis la robe qu’elle avait choisie, se remémora-t-elle, amusée de ses propres bêtises d’adolescente. Elle savait très bien qu’elle était ridicule en débarquant ainsi accoutrée, mais elle savait surtout que ça ferait enrager sa mère et rien que ça, ça en valait la peine. Bobby, la rebelle de la famille en empêcheuse de tourner en rond professionnelle – selon les critères de ses parents, en tout cas.

Tout en servant son café, tandis que l’eau finissait de bouillir pour le thé d’Alexis, Bobby écouta son frère lui parler de son travail et plus précisément, de ses charmantes collègues. Certes, ils n’étaient plus aussi proches qu’ils avaient pu l’être étant enfants, mais il la connaissait au moins assez pour savoir que l’univers de la mode, ce n’était pas pour elle. J’ai passé les dix dernières années à crapahuter au milieu de nulle part pour aller sauver des animaux sauvages. Faudrait un peu plus que quelques pétasses pour m’impressionner. Je les mangerais toutes crues, elles ne finiraient pas la journée, plaisanta-t-elle. La mode, ce n’était pas son domaine de toute façon. Jamais elle ne l’avait envisagé. Le journalisme, ça aurait pu, mais ça n’aurait jamais été pour un magazine tel que Vogue. Non, Bobby, elle aurait plutôt été du genre à aller mettre son nez là où il ne faut pas, à aller faire des reportages dans des endroits reculés, à mettre en lumières les innombrables problèmes qui touchaient ce monde. Elle aimait se sentir utile, trouver un sens à ce qu’elle faisait. Et si sa vie n’était pas parfaite, au moins, elle était enrichissante.

Et hormis le boulot et les animaux où est ce que tu en es ? lui demanda Alexis, qui était allé s’installer sur le canapé. Bobby l’y rejoint, sa tasse dans une main, la bouilloire dans l’autre. Après avoir versé l’eau bouillante dans le mug de son frère, elle s’installa dans un fauteuil et haussa les épaules. Le boulot et les animaux, c’est un peu ma vie depuis dix ans tu sais. répondit-elle d’un ton détaché. En parlant d’animaux, monsieur boule de poil était venu se glisser à ses pieds, encore trop petit pour sauter sur ses genoux de lui-même. Elle l’attrapa donc en douceur, cherchant en même temps comment aborder le sujet autour duquel Alexis semblait tâtonner. Connaissant ses parents, ils n’avaient pas dû manquer de s’exaspérer de ce mariage qu’ils n’avaient pas vu venir. Que savait Alexis ? Enfin, si elle voulait que sa supercherie soit un tant soit peu convaincante, elle pouvait difficilement éviter de mentionner Max. Il fallait juste qu’elle trouve une façon un tant soit peu convaincante de raconter leur prétendue histoire d’amour. Et puis y a Max. On s’est rencontrés au boulot, on bossait dans la même équipe pour VSF. Le courant passait plutôt bien et puis… Enfin, on est mariés. C’était pas vraiment prévu que ça arrive aussi vite, mais avec cette histoire d’héritage, on a dû accélérer un peu les choses. Et sa famille se trouve ici, donc à la fin de notre dernière mission, je l’ai rejoint. Dans les grandes lignes, c’était ça, non ? Bon, si on oubli le fait que jusqu’à il y a peu de temps, le courant ne passait pas du tout bien, qu’il avait peur d’elle, pensait qu’elle n’avait pas de cœur et la surnommait la Reine des Glaces. Des détails. Je laisserais pas maman et papa mettre la main sur la réserve. Tu sais comme moi qu’ils la ruineraient et en feraient un paradis pour riches crétins. C’est hors de question. Certes, elle et son frère n’évoluaient plus dans le même monde depuis longtemps, mais lui aussi aimait passer du temps là bas, étant enfant. Lui aussi adorait leur grand-père. Alors elle espérait qu’ils comprendrait sa détermination à protéger cet endroit, protéger la mémoire de leur grand-père, et ce même si ça voulait dire qu’elle doive lui mentir comme un arracheur de dents.  

L e patriarche Carmichael leur avait mainte et mainte fois répété que la réussite professionnelle et par conséquent le fait de gagner beaucoup d'argent était le nerf de la guerre et que si l'on ne disposait pas des comptes bancaires remplis à foison on n'était pas grand chose.... C'est dans ce contexte là qu'Alexis et ses sœurs avaient été élevé et quand on six ans et que la seule chose qui nous intéresse c'est d'aller voir les animaux du zoo le plus proche ce n'est pas toujours très simple de voir Papa vous mettre le journal de la bourse dans les mains et de changer la chaine des dessins animés pour basculer sur la chaine politique..... Certes le petit garçon n'avait jamais manqué de rien sauf peut-être d'une enfance un peu plus légère.....

Certes aujourd'hui il ressemblait beaucoup à son géniteur du moins sur le plan professionnel mais quand on connaissant les raisons qui le poussaient à se comporter ainsi et bien c'était tout de suite beaucoup plus excusable, le problème c'est qu'Alexis n'avait envie de parler de sa maladie à personne...... Et puis il préférait se dire que si les gens avaient une mauvaise image de lui ce ne serait pas difficile de l'oublier et qu'il ne manquerait donc à personne.... Oui chez Alex' tout était toujours calculé à l'avance, il ne laissait aucun place au hasard...

La remémoration de ces quelques souvenirs d'enfance s'avérait plaisante.... C'est vrai que si on faisait abstraction de plusieurs petites choses, les enfants avaient souvent rigolé ensemble et imaginé des dizaines et des dizaines de plans pour emmerder leur parent..... ''Bien-sur que je m'en souviens.... Comment tu veux que j'oublie un tel truc ? On avait l'impression que le ciel lui tombait sur la tête.... Parfois ca me manque tout ça.... Faire des conneries tous les deux je veux dire... On se marrait bien...'' Nostalgique ? Oui sans doute ! De là à ce qu'il y ait un nouveau round ça par contre c'était beaucoup plus incertain, l’innocence et la folie de la jeunesse y étant pour beaucoup...

''Détrompe toi.... Certaines mannequins sont pires que des hyènes... Avec moi ça va c'est pas le problème mais tu verrais comment elles s'adressent à nos stylistes.... Des pétasses.... Malheureusement j'ai pas le choix, je ne les ais pas choisi mais je dois bosser avec elle quand même.... Mais le jour où elles me parlent comme à de la merde, je me ferrai un plaisir de les envoyer prendre la pause pour la collection printemps été de chez Carrefour !'' Il n'allait pas rentrer dans les détails mais ça lui paraissait nécessaire de préciser ce point...

Confortablement installé, il porta immédiatement le mug à sa bouche ne craignant pas de se bruler... Il n'avait jamais eu le moindre problème à boire quelque chose de ''très chaud''. Soit dit en passant, le goût était délicieux. ''Oui ça d'accord mais après... Ne me dit pas que t'es rentrée dans les ordres'' Heureusement ce n'était pas le cas quoi qu'il aurait respecté le fait que sa sœur se tourne vers la religion mais ça aurait tout de même été dommage... Il y avait donc bel et bien un homme répondant au nom de Max comme quoi son père avait juste mais encore une fois quant à ce sujet Alexis ne portait aucun jugement et ne se laisserait donc influencer par personne.... ''Attends, attends.... T'es mariée ? Et même pas je suis au courant ?! Même pas tu m'as invité ?'' Le jeune homme disait avec beaucoup de légèreté.... C'était dommage mais il savait très bien pourquoi sa sœur avait ça en cachette ! Alexis mettait ça sur le fait qu'étant éloignée du cocon familiale depuis des lustres elle n'avait pas jugé utile d'en informer le reste de la famille et en soit pourquoi pas..... Le rédacteur en chef ne tarda pas longtemps à comprendre pour quelles raisons ses parents cherchaient à savoir ce que Bobby faisait de sa vie privée... Il y avait bien un lien en rapport avec l'héritage du papy... ''Du coup je te dois mes félicitations.... J'espère que c'est un gars bien..... Après je me doutais bien que les parents étaient agacés par quelque chose mais j'étais loin d'imaginer un tel truc.... Tu sais très bien que je tiens aussi beaucoup à cette réserve et je n'ai pas envie qu'on y touche...'' Car autant dans la mode il n'avait aucun honte à écraser ses concurrents autant sur ce qui touchait la réserve Alexis ne souhaitait pas qu'on change quoi que ce soit.... ''C'est clair que celui qui mettra la main sur tout ça risque de ramasser un sacré pognon.''

L 'enfance. L’âge de l’innocence. De la liberté, de l’insouciance. Enfin ça, c’est valable dans les familles normales. Chez les Carmichael, l’enfance c’est surtout les années qui servent à vous préparer au jour où vous serez jeté dans la cage aux fauves. Les parents Carmichael étaient des gens ambitieux, et ils avaient toujours attendu de leurs enfants qu’ils le soient aussi… Tant qu’ils choisissaient une voie qu’ils approuvaient, ce que Bobby n’avait jamais fait. Parce que contrairement à eux, son but principal dans la vie n’était pas de remplir son compte en banque jusqu’à ce qu’il déborde. Elle n’avait pas non plus particulièrement envie d’asseoir son influence sur le monde entier, que ce soit à travers la politique ou une chaine hôtelière. Non, Bobby, ce n’était pas son truc. Mais c’était de cette façon que ses parents voyaient le monde, et c’est ainsi qu’elle avait grandit. Heureusement, elle n’avait pas été totalement seule face aux ambitions de ses parents. Elle avait eu Alexis, son petit frère. Avec lui, au moins, elle avait pu être jeune et insouciante, et rire de leurs frasques respectives quand leurs parents avaient le dos tourné. Quoique Bobby ne s’était jamais gênée pour se moquer du monde devant ses parents et tous leurs amis riches et coincés. L’anecdote qu’elle venait d’évoquer n’était qu’une parmi tant d’autres. Pour autant, cette époque ne lui manquait pas. Elle ne gardait que peu de bons souvenirs de sa vie à New York. Le seul point positif de ce déménagement, c’est qu’elle avait enfin décidé de tenir tête à ses parents plutôt que de se taire. Mais si elle n’était pas nostalgique de ces années, elle l’était peut être un peu en ce qui concernait sa relation avec Alexis, à cette époque.

Aujourd’hui, ils vivaient dan deux mondes totalement différent. Celui de Bobby était fait de voyages, d’animaux, de ce métier qui la passionnait tant. Celui de Alexis, c’était celui du journalisme, de la mode, et toutes les garces qui allaient avec. Garces dont il ne semblait d’ailleurs pas avoir une très haute estime, Dieu merci ! J’en doute pas une seconde, répondit Bobby avant de boire une gorgée de son café, un sourire en coin sur le visage. C’était là un trait de famille auquel même elle n’avait pas échappé : chez les Carmichael, on ne se le laissait pas marcher sur les pieds. Ca avait de bons, et de mauvais côtés.

Enfin, ils n’allaient pas passer la journée sur les potiches avec lesquelles Alexis avait la chance et le grand honneur de travailler. Elles n’étaient pas assez intéressantes pour alimenter une conversation plus de trois minutes. Au lieu de ça, Alexis voulait en savoir plus sur sa vie. Alors non, elle n’était pas rentrée dans les ordres. Le regard qu’elle lui adressa à cette suggestion en disait long sur la question. Ce n’était pas le genre de la maison. Malgré tout, elle avait réussi à le surprendre avec l’annonce du mariage. Le mariage, c’était loin d’être une priorité pour elle. Mais elle avait d’autre priorités, qui l’avaient poussée à se mettre dans cette situation, bien que ces détails là, elle préférait pour l’instant les garder pour elle. On a invité personne, à vrai dire. On était en mission et… C’est arrivé comme ça, répondit-elle avec un haussement d’épaules, gratouillant Indi, la boule de poils, entre les oreilles. Ca, ce n’était pas un mensonge. C’était vraiment arrivé sur un coup de tête. Sa mère lui avait fait péter les plombs et elle avait fait quelque chose de stupide. Une chance que celui qui en avait fait les frais était à présent prêt à lui venir en aide. Merci. Et pour répondre à ta question, il est un peu étrange, mais c’est vraiment quelqu’un de bien, répondit-elle, lorsqu’il la félicita pour ses noces. Et je suis ravie de savoir que ça contrarie les parents. Ils le seraient encore plus s’ils le rencontraient. Je suis sûre qu’ils le détesteraient. Bobby ne pris même pas la peine de cacher l’air machiavélique sur son visage. Même aujourd’hui, à trente-cinq ans, Bobby prenait toujours un grand plaisir à contrarier ses parents. Mais tout ce qu’elle avait dit était vrai. Max était vraiment quelqu’un de bien. La preuve, il était prêt à l’aider, sans rien lui demander en retour. Alors oui, il était un peu étrange, mais on s’y faisait.  

Après une brève pause, Bobby repris. Je me fiche de ce que peux rapporter cette réserve. C’est pas pour ça qu’elle a été créée, et je veux juste… je veux préserver ça, tu vois ? Je veux pas que ça devienne une machine à fric, juste un moyen pour maman d’agrandir son empire hôtelier. Oui, la réserve offrait des safari. C’était un moyen comme un autre de faire rentrer de l’argent pour payer les employés et faire tourner l’endroit. Mais tout était simple. Ecologique. Les employés étaient pour la plupart des locaux, formés sur la réserve. Et c’était ça que Bobby voulait préserver. Cette simplicité et, par extension, la mémoire de leur grand père et de la vision qu’il avait toujours eue pour ce projet. Enfin, bref. Et toi, à part le boulot et les potiches qui vont avec, tu deviens quoi ? Me dis pas que tu t’es marié aussi, ça ferait beaucoup de mariages secrets pour une seule famille, plaisanta-t-elle avant de plonger à nouveau les lèvres dans son café. Ils n’allaient pas parler d’elle toute le journée, après tout, et puis elle aussi avait envie de savoir ce qu’il se passait dans la vie de son petit frère. Depuis le temps, il devait bien avoir des choses à raconter.  

C es retrouvailles non programmées ou presques s'avéraient très appréciables.... Que ce soit de la part Bobby ou Alexis, il aurait été largement possible que l'un d'entre eux ressente de la colère, de l'incompréhension à l'égard de l'autre après autant d'années de silence mais au final il n'y avait rien de tout ça.... A voir comme tout ça évoluerait sur le long terme mais à l'instant T on ne pouvait nier le fait que ces deux là ''s'étaient manqués'' l'un, l'autre.... C'est en tout cas comme ça que le jeune homme analysait la situation au sein de l'appartement de sa frangine..

Bien qu'Alex' n'ait jamais trouvé le courage de dire ''merde'' à ses parents comme Bobby l'avait fait à plusieurs reprises ce qui pesait dans la balance était sans doute le fait qu'il n'acceptait pas certains comportements de ses géniteurs.... Alors oui Alexis n'avait jamais trouvé la force de les envoyer chier et d'exprimer le fond de sa pensée mais que voulez-vous ? La paix n'a pas de prit et parfois mettre son poing dans sa poche nous offre une certaine tranquillité.... Oui, il avait des remords mais pour autant ça lui allait très bien comme ça.... Il se battait déjà contre la maladie alors pas besoin d'en rajouter une couche supplémentaire...

''C'est arrivé comme ça ? Vraiment ? Allez hop on je t'épouse et l'affaire est dans le sac.... Original.... J'aime bien'' dit-il non sans vouloir la taquiner. En soit le jeune rédacteur en chef s'en fichait totalement... Il était heureux que sa sœur ait rencontré quelqu'un et le fait qu'elle s'engage d'une façon peu ordinaire lui correspondait alors pourquoi faire des histoires là où il n'y avait pas besoin ? Alexis avait toujours été bourré de seconde degré ! Il fallait juste écouter correctement le son de sa voix et regarder les expressions de son visage pour comprendre que certaines de ses paroles ne cachaient aucune méchanceté...

''Tu sais pour que quelqu'un trouve grâce à leurs yeux, faut se lever de bonne heure ! C'est pour ça que j'ai arrété de présenter les mecs et les nanas avec qui je sors....'' Sa bisexualité il l'assumait totalement et le jeune homme n'avait pas le moindre scrupule à présenter quelqu'un même si la relation datait de quelques jours.... Il faisait ça aussi pour agacer ses géniteurs qui avaient un peu mal avec ce mode de vie un brin ''dépravé'' pour reprendre leur terme fétiche.

Mettant de coté le sujet de la vie amoureuse un autre et non pas n'importe lequel venait d'être mis sur le tapis. La ''Réserve'' ! Voila un point qui faisait couler beaucoup d'encre dans cette famille de riche.... Beaucoup trop d'ailleurs.... Hélas on ne va pas refaire le monde, l'argent est le nerf de la guerre et ce n'est pas le patriarche qui vous dira le contraire. ''Je comprends oui... Pour l'instant j'ai trop de choses à gérer mais je suis prêt à t'aider dans ton combat, tu peux compter sur moi.'' C'est ce qu'il y avait de mieux à dire et en soit il le pensait ! L'endroit était tellement magnifique, tellement ''brut'' qu'il aurait été dommage de le transformer en paradis à cons !

''J'ai pas le temps pour ça Bobby.... Je viens tout juste de poser mes valises... J'ai même rien à me mettre sous la dent.... C'est pitoyable... Enfin rassure toi, j'ai pas non plus été un curé depuis toutes ces années mais je sais pas l'engagement pour l'instant c'est pas mon délire... Je sais que ça fait très cliché comme discours, t'as le droit de te moquer de moi.''

B obby n’avait pas pour but de mêler qui que ce soit d’autre à sa guerre contre ses parents. Elle y avait déjà entraîné Max de la manière la moins acceptable qui soit, et elle n’avait pas la moindre envie de pousser son frère à prendre part à tout ça. Elle-même s’en serait passée volontiers, et elle aurait d’ailleurs lâché l’affaire il y a longtemps si la réserve et la mémoire de son grand-père n’avaient pas été si précieuses à ses yeux. Et puis elle n’avait pas besoin de donner de leçons à son frère en ce qui concernait leurs parents. Alexis savait parfaitement à qui il avait affaire. Il était tout sauf aveugle, et encore moins idiot, et Bobby ne doutait pas une seule seconde de sa capacité à voir la réalité du monde dans lequel il évoluait toujours, contrairement à elle. Il suffisait de l’entendre parler des pétasses avec qui il travaillait pour en avoir le cœur net.

Malgré tout, c’était agréable de discuter avec lui. De le revoir, après tout ce temps. De constater que, malgré la distance qu’elle avait établie entre dès son départ de New York il y a des années déjà, leur complicité d’antan n’avait pas entièrement disparu. Elle n’était pas intacte, loin de là, mais elle était toujours là, quelque part. Les Carmichael n’avaient jamais été une famille très unie, hormis quand il s’agissait de poser pour des photos de famille ou de faire bonne figure pendant les campagnes de leur père. Au-delà de ça… Il ne fallait pas trop en demander. Et Bobby n’avait jamais été friande de ce genre de mascarade, si bien que son explication du mariage sans fioriture, sur un coup de tête et sans invités se tenait plutôt pas mal. S’il s’était agi d’un vrai mariage, elle n’aurait pas non plus voulu y inviter ses parents, ni même Ophelia. C’était le meilleur moyen de gâcher les festivités. Tu me connais. Les grandes cérémonies, c’est pas ma tasse de thé, lui fit-elle remarquer. Pas qu’Alexis semble la juger ou attendre la moindre justification de sa part. Elle avait beau avoir été élevée dans le luxe et la richesse, Bobby, elle aimait les choses simples, et ça avait toujours été. Et puis au final, elle ne s’en tirait pas trop mal avec Max. Leur petite supercherie n’était pas aussi désagréable qu’elle aurait pu le penser.

Tu sais pour que quelqu'un trouve grâce à leurs yeux, faut se lever de bonne heure ! C'est pour ça que j'ai arrété de présenter les mecs et les nanas avec qui je sors... Un léger rire lui échapper face aux paroles de son frère. La bisexualité d’Alexis, ça avait été toute une histoire. Pour leurs parents, pas pour elle. Bobby, elle n’en avait pas grand-chose à faire que son frère préfère les hommes, les femmes, ou les deux. Quand elle l’avait appris, ça ne lui avait fait ni chaud ni froid, et elle était heureuse de voir que son frère assumait pleinement sa sexualité. Les Carmichael n’étaient pas des plus ouverts de ce côté-là, et Bobby préférait le savoir heureux malgré le mécontentement de leurs parents que de le voir se cacher pour éviter leur jugement. C’est dommage, ils aimaient tellement te voir ramener tes conquêtes à la maison… plaisanta Bobby, un air malicieux sur le visage alors qu’elle se remémorait la tête de ses parents chaque fois qu’Alexis ramenait quelqu’un de différent à la maison. Ce n’était pas comme si leur parents avaient pour habitude d’être satisfaits de quoi que ce soit, de toute façon.

Les parents Carmichael, c’était un sketch à eux tout seuls. Mais si Bobby ne perdait pas une occasion de se moquer d’eux, le sujet de la réserve était lui beaucoup moins drôle. Parce qu’elle les connaissait. Qu’elle connaissait leur goût pour l’argent. Elle imaginait très clairement ce que deviendrait la réserve s’ils mettaient la main dessus. Là où Bobby voyait une nature sauvage préservée, des animaux protégés de la cruauté des hommes, un engagement écologique, mais aussi de précieux souvenirs d’enfance eux ne voyaient qu’une seule chose : des dollars. Des centaines de milliers de dollars, qui ne demandaient qu’à venir s’accumuler sur leur compte en banque déjà bien trop chargé. J’veux pas te mêler à tout ça Alex. Mais ça fait quand même plaisir de te savoir de mon côté. Je sais que j’ai pas été une sœur exemplaire… si elle le regrettait ? Dans le fond, oui. Elle ne regrettait pas la dégradation de sa relation avec sa sœur mais elle regrettait d’avoir mis autant de distance entre elle et son frère, au point où elle ignorait tout de ce qui se passait dans sa vie. Apparemment, elle n’avait pas loupé un mariage, c’était déjà ça. L’inverse l’aurait vraiment surprise, d’ailleurs, comme quoi elle le connaissait encore assez bien. Je serais bien mal placée pour te faire une leçon sur les clichés. J’ai passé des années mariée à mes études, pour ensuite finir mariée à mon boulot. C’est pas facile d’avoir des relations stables quand tu fais confiance à personne et que tu passes ta vie à crapahuter dans des coins paumés. Tu sais comment m’appelaient mes collègues, à VSF ? La Reine des Glaces. Max a fini par le l’avouer, il pensait que je le prendrais mal, Ca ne faisait pas plaisir, bien sûr, mais elle n’en était pas vexée. Bobby était réaliste, elle savait qu’elle était quelqu’un de difficile à approcher. Etrangement, Max semblait être capable de percer sa carapace. C’était le premier depuis longtemps et elle-même en était d’ailleurs étonnée.

Après un moment de silence, passé à gratouiller le chaton qui s’était endormi sur ses genoux, Bobby reprit finalement la parole Je suis contente que tu sois passé. J’ai pas été très présente pour toi ces dernières années… Je sais bien que t’es capable de te débrouiller tout seul, t’es un grand garçon, mais quand même… Elle avait tellement voulu s’éloigner de ses parents qu’elle s’était, du même coup, éloignée de son seul allié dans cette famille de cinglés.