Like the stars miss the sun in the morning sky • Aoline

Like the stars miss the sun in the morning sky

Les mains dans les poches de son jean, un t shirt noir sur le dos, la tenue la plus simple possible : du grand Paxton. Comme tout le monde il aimait être élégant et tout ce qui allait avec mais il n'était jamais autant à l'aise qu'en jean basket. Et puis à quoi bon s'habiller en gentleman si c'était pour aller chez les toxicos anonymes, de toute façon personne ne le verrait. On lui avait proposé de participer à une des réunions après une conférence où le français avait forte impression. L'organisateur des réunions des anciens drogués avait pensé que l’expérience de l'interprète pourrait aider certains à se confier et peut-être à le prendre comme un exemple. Toutefois Paxton n'avait pas été emballé, il ne tenait pas particulièrement à être perçu comme un modèle, tout simplement parce qu'il n'en était pas un. On lui avait ensuite parlé d'une sorte de confessionnal, où les gens les plus discrets et anxieux à l'idée d'être reconnus pourraient se confier simplement et librement. Paxton ne pourrait pas voir la personne avec qui il serait en train de dialoguer, et elle ne pourra pas le voir non plus. Ça convenait parfaitement au trentenaire, il pourrait aider en se contentant d'écouter et de conseiller, en partageant son avis son expérience.
Bizarrement il était un peu stressé, peut-être parce qu'il sentait que d'un côté Pax a peur d'être confronté à des anciens toxicos parce que il pourrait se rendre compte que lui aussi avait un problème. Que boire pour oublier ce qui le suivait partout où il allait n'était pas la solution. L'interprète était perdu dans ses pensées en rentrant dans le bâtiment étroit calé entre deux immeubles qui servait de local aux réunions pour les alcooliques et toxicos anonymes. Il y avait déjà un peu de monde dans la salle. Contrairement à ceux à quoi on pouvait s'attendre, la salle n'était pas miteuse, il y avait un carrelage qui paraissaient neuf et des murs blanc cassé, le tout donneraient presque un rendu agréable. Il n'y avait pas non plus de chaises en rond ou de bêtises comme ça, mais une table avec de quoi manger et boire. Pax aurait bien pris un petit verre pour se mettre dans le bain mais il fallait bien admettre que ce n'était ni le lieu ni le moment. Le seul cliché présent dans la salle étaient les affiches arborant des slogans un peu bidons, qui devaient sûrement faire du bien quand on était en manque.
Un homme inconnu posté à côté de la table de victuailles lui décrocha un grand sourire, Pax devina qu'il était censé décliner son identité, enfin plutôt dire pourquoi il était là. L'homme arborait un badge sur lequel était écrit avec des petites lettres difformes "Oscar". Le français s'avança et sourit à son tour, tout en tendant sa main. "Paxton, je viens pour aider au confessionnal." Oscar sembla quelque peu surpris, mais montra de la main l'endroit où s'installer. Pax le remercia rapidement et s'installa derrière le rideau. L'endroit ressemblait vraiment à un confessionnal d'église, sauf que les boiseries était remplacée par du plastique bon marché et le petit coussin par des chaises pouvant rappeler celle des années lycée.
Paxton senti que quelqu'un avait pris place à ses côtés, même si il ne pouvait pas voir distinctement. "Euh... Salut. Je sais pas franchement comme ça se passe mais si t'es là c'est que tu dois avoir des trucs à confier alors... Je t'écoute." Le trentenaire était quelque peu gêné. "Tu n'as pas à avoir peur. Je te tutoie j'espère que ça te convient ?"

Maintenant qu'elle savait qu'elle était admise en dernière année de psychologie, Aoline n'avait que trois choses de prévu dans son emploi du temps : son travail à la librairie, passer du temps avec ses amis et bien sûr, ses réunions chez les toxicos anonymes. Elle était particulièrement assidue, surtout dernièrement. Elle s'était fait agresser dans un bar il y a mois de cela et elle n'en avait parlé à personne sauf Julina, sa meilleure amie. Et encore, il n'y avait fallu plusieurs semaines avant d'y parvenir. Cette situation lui avait rappelé ce qu'elle avait vécu avec Paul et maintenant qu'elle s'était confiée à Juls, elle ressentait le besoin de venir plus souvent. Elle ne voulait pas replonger et repenser à son passé ne l'aidait pas. Noah, son parrain, était absent pour quelques temps, alors il lui avait conseillé de se rendre aux réunions. Un nouveau concept devait être testé. L'association avait mis en place une sorte de confessionnal. Ainsi, on ne voyait pas la personne à laquelle on s'adressait. Cela pouvait aider certains à se confier. La brunette parlait surtout à Noah, et se voyait mal raconter sa vie à quelqu'un d'autre. Pourtant cette nouvelle installation l'inspirait.

Line arriva sur place et chercha du regard ce nouveau jouet. Elle prit de quoi manger et rentra dans la cabine. Apparemment quelqu'un était déjà installé.La brunette prit quelques secondes pour éteindre son téléphone afin d'être tranquille. La personne de l'autre côté s'adressa à elle. Un homme apparemment. Il la rassura et lui demanda si le tutoiement la dérangeait. Aoline sourit, ce qu'il ne pouvait pas voir, évidemment. « Non ça ne me dérange pas du tout. »La française marqua une pause. Elle avait le sentiment qu'elle devait justifier sa présence aujourd'hui « Mon parrain m'a conseillé de venir. Il est absent et j'avais besoin de parler. Il y a environ un mois je […] un homme m'a agressé. Il m'a frappé au visage. On l'a stoppé avant qu'il n'aille plus loin mais cela a fait remonter quelques souvenirs et les raisons pour lesquelles j'ai commencé à me droguer. J'ai eu peur de replonger » Et elle était fière de ne pas l'avoir fait. Cependant, l'envie était toujours présente et cela l'effrayait beaucoup.

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Il fut très largement soulagé quand la personne de l'autre côté du plastique bas de gamme lui affirma que le tutoiement ne la dérangeait pas. C'était une femme, une jeune femme s'entend. Elle avait une voix douce, et on pouvait sentir à travers sa voix qu'elle devait être très jolie. Il y avait toujours ce genre de personne, il suffisait de les entendre parler dans votre dos, au téléphone ou ici dans un confessionnal chez les toxicos anonymes pour savoir que la voix venait d'un beau visage. Ensuite il y eût comme une sorte de blanc, pas vraiment de la gêne mais plus de la pudeur, ils n'étaient pas là pour parler de la météo et le genre de confessions que l'interprète s'apprêtait à entendre, prennent forcément quelques silences avant de pouvoir sortir. La jeune femme évoqua son parrain absent en ce moment et son besoins de se confier. C'est à ce moment là que Paxton sût qu'il avait bien fait de venir, ça ne lui coûtait rien et il allait aider cette jeune femme, enfin du moins il l’espérait. Elle remonta ensuite à des événements qui remontaient au mois dernier. Elle marqua une pose, et le français senti que ce qu'elle avait à dire devait vraiment être un poids pour elle. « Un homme m'a agressé. Il m'a frappé au visage. On l'a stoppé avant qu'il n'aille plus loin mais cela a fait remonter quelques souvenirs et les raisons pour lesquelles j'ai commencé à me droguer. J'ai eu peur de replonger. » Paxton frissonna. Les souvenirs de Paul et d'Aoline remontèrent dans son esprit, toujours autant incrusté en lui si bien qu'il pouvait presque sentir son cœur se briser à la pensée de sa petite sœur. L'interprète resta quelques secondes sans rien dire, il laissait peser les mots prononcés par la jeune fille car ce qui était arrivé était beaucoup trop grave pour qu'il enchaîne tout de suite après en passant l'éponge. « Ce genre de gens... Ne méritent pas que tu gâches ta vie pour eux. J'imagine à quel point ça peut être tentant de replonger après ce genre d'événement, surtout si tu as des antécédents similaires, mais tu ne peux pas faire ce plaisir aux gens comme ce mec. Tu es quelqu'un de bien, pas comme eux. » Il n'avait même pas vu cette jeune femme, mais il pensait vraiment ce qu'il disait, la sincérité dans sa voix ne mentait pas. Elle l'avait touché, juste en lui racontant un point de son histoire, mais un point qui parlait beaucoup trop à Paxton.
Evan prit le relais sur lui, il se sentait submergé par des émotions longtemps enfouies, mais après tout lui aussi était libre de parler ici. Il décida de se confier un petit peu, pour partager avec cette inconnue son histoire, lui montrer qu'elle n'était pas seule. Et d'un côté se prouver que lui non plus n'était pas seul. « Je vais te confier quelque chose. J'en ai jamais parlé à personne mais bon il y a un début à tout. » Le français tremblait de tout son corps, et même si elle ne pouvait pas le voir, il était sûr qu'elle pouvait le sentir. « Mon grand frère a été trop loin sur ce terrain avec ma petite soeur, ça s'est terminé tragiquement. Et encore aujourd'hui je me sens coupable de ne pas l'avoir aidé plus tôt, de ne pas avoir remarqué quelque chose. Et parfois quand les souvenirs remontent, je bois pour que ça passe. Mais en ce moment j'essaye d'arrêter. Parce qu'on ne règle pas ses problèmes ainsi, et je pense que c'est pareil pour la drogue. C'est tentant et délivrant mais au final on se défait pas de ces choses là... »

Aoline fut surprise de la facilité avec laquelle elle venait de se confier. Ce n'était pourtant pas son genre, au contraire. Même lors des réunions de groupe, elle exposait son problème de drogue mais elle n'avait jamais parlé des viols et du meurtre. Peut-être que c'était une erreur puisqu'il s'agissait des raisons qui l'avaient poussé à commencer. Et aujourd'hui, dans ce confessionnal de fortune elle s'était confiée, sans retenue, comme elle le faisait avec Noah, sans tabou et sans honte. Le fait de ne pas voir son interlocuteur aidait bien sûr, mais elle avait senti dans la voix de la personne de l'autre côté, qu'elle ne serait pas jugée. Et elle avait raison. Le jeune homme la rassura et lui précisa qu'elle ne devait pas perdre son temps avec ce genre de personne. Elle hocha la tête, consciente qu'il ne pouvait pas la voir. Elle l'écouta jusqu'au bout et ce dernier finit par se confier à son tour. Elle ouvrit de grands yeux en écoutant son histoire. Tout cela était tellement similaire à ce qu'elle avait vécu. Elle sentait qu'il était nerveux et cela signifiait beaucoup pour lui. Il ajouta également qu'il essayait d'arrêter de boire. La brunette réfléchit quelques secondes : certes elle ne pouvait pas le voir mais sa voix ne lui semblait pas familière. La manière de s'exprimer lui rappelait Evan, son frère mais elle était certaine de ne l'avoir jamais entendu durant les réunions. Autrement dit il tentait de se sevrer seul. « En effet c'est délivrant et on ne pense plus à rien. Mais au final, le réveil n'en est que plus dur. » Aoline se souvenait de toutes les étapes de son sevrage : des vomissements aux hallucinations, et finalement, à ce fameux réveil, ce retour à la réalité. « Au fait, je ne me suis pas présentée. Enfin c'est anonyme donc on va dire que je m'appelle Dylan et toi ? » La brunette ne souhaitait pas tout dévoiler d'elle, aussi, elle préféra donner son second prénom. Elle ne mentait pas vraiment après tout. Sa mère avait choisi son deuxième prénom, très répandue en Angleterre et dans les pays anglophones en général. Aoline n'avait appris que bien plus tard que c'était un prénom exclusivement masculin en France. Cela la faisait toujours sourire d'ailleurs, sans réellement savoir pourquoi.
La jeune femme resta silencieuse quelques secondes puis reprit la parole. Elle savait qu'elle était pour se confier mais le discours de son interlocuteur la touchait « Donc si j'ai bien compris, tu essaie de te sevrer seul, tu t'en sors ? » Elle souhaitait l'aider, elle avait la sensation de se retrouver dans son histoire, c'était assez étrange comme sentiment. Et il avait fait la moitié du chemin : il avait admis être malade et c'était le premier pas vers la guérison.

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Pax sentit que son histoire avait un peu chamboulé la jeune fille de l'autre côté du confessionnal. En même temps il fallait dire que ce n'était pas commun et il se doutait bien que c'était le genre d'histoire qui pouvait faire peur, même si il n'en avait jamais réellement parler à quelqu'un. La voix de son interlocutrice lui semblait familière, après tout il avait déjà côtoyé des drogués dans les différentes soirées où il s'était rendu mais il n'avait jamais touché ça. C'était un palier qu'il ne s'était jamais permis de franchir sans raison apparente. Et puis il devait bien avouer que se bourrer la gueule n'était vraiment pas mieux de toute manière. Le trentenaire était donc légèrement perturbé de savoir désormais qu'il y avait peut-être une tête connue derrière la paroi de plastique. Et puis en dix ans à Island Bay il avait eu le temps d'en croiser du monde.
Les paroles de la jeune femme à propos du réveil résonnait dans sa tête, il avait exactement la même opinion qu'elle. Il avait ce sentiment de satisfaction et de sérénité, celui qu'on a quand on parle avec quelqu'un qui pense exactement comme nous et qui comprend ce qu'on ressent. Il n'avait pas ressenti ça depuis des années, pas depuis sa sœur, ou même son frère, ils étaient les deux seuls êtres humains sur la planète qui avaient vraiment réussi à le cerner. Même si désormais ça le rendait triste qu'une de ces deux personnes soit un violeur mort et enterré et que l'autre soit obligée de vivre avec les séquelles de ces agressions.
Pax esquissa un sourire quand elle parla de se présenter alors qu'ils étaient dans un confessionnal et que tout le principe était de rester anonyme. Apparemment elle se rappela de ça tout en parlant, et le sourire du trentenaire retomba d'un seul coup quand elle choisit un prénom. Elle avait choisit le deuxième prénom de sa sœur. Sans vraiment savoir pourquoi il sentit ses yeux devenir quelque peu humides, ce prénom additionné avec la voix devenait un peu beaucoup à porter sur ses épaules. Il respira un grand coup pour se reprendre en main. . « Enchanté Dylan qui n'est pas Dylan du coup...C'est sympa Dylan pour une fille... Dans mon pays natal c'est exclusivement masculin... » Il ne savait pas ça depuis très longtemps mais en tout cas il savait que si un jour il revoyait sa sœur il ne pourrait s'empêcher de la charrier là dessus. « Moi c'est Evan.» Ici personne ne le connaissait en tant qu'Evan, il ne prenait donc aucun risque, et puis à ce moment précis il se sentait vraiment comme Evan.
La jeune femme lui demanda comment se passait son sevrage, le fait que la situation se retourne le fit sourire, après tout ils étaient là pour s'aider l'un l'autre on va dire. Et puis Pax sentait que cette conversation était vraiment forte, il y avait une vraie connexion entre les deux interlocuteurs. « C'est ça, je me vois mal aller dans un groupe, parler de moi c'est pas vraiment mon truc... Habituellement. » Il venait de s'en rendre compte qu'actuellement il ne faisait que parler de lui ce qui le dérouta un peu. Il fallait croire qu'il faisait vraiment confiance à cette Dylan. « Je ne sais pas vraiment si je m'en sors je commence juste, mais ça fait déjà 5 jours que je n'ai rien bu. Après ça commence un peu à me manquer mais j'essaye de me concentrer sur d'autres priorités... » Notamment sur son travail, et sur ses amis qui n'étaient pas issus du milieu alcoolique qu'il fréquentait.
Pax voulait apprendre à connaître encore un peu plus la jeune fille de l'autre côté du confessionnal, désormais elle savait pourquoi lui avait commencé à boire, mais il ne savait pas ce qu'il l'avait poussé elle à commencer. Et il avait lu dans un livre sur les addictions que parler des raisons pour lesquelles on a commencé est fondamental dans le processus de guérison. Et puis il était aussi un éternel curieux. « Et sinon, qu'est ce qui t'a poussé à commencer tout ça ? »

C'était tellement simple comme s'ils se connaissaient depuis un moment. C'en devenait déconcertant. Aoline n'était pas habituée à ressentir ça. Elle savait qu'elle pouvait tout dire à Julina ou encore Noah, mais là, elle sentait que c'était différent. Elle avait cette étrange sensation de se sentir entière de nouveau. Et ça la dérangeait. Elle ne pouvait pas ressentir ça, c'était illogique. Elle repoussa ce sentiment suffisamment loin et se renconcentra sur son interlocuteur. La brunette prit la décision de se présenter sous le nom de Dylan. Elle sentit à sa réponse qu'il souriait et il ajouta quelque chose qui la surpris. Elle ne connaissait pas les traditions dans tous les pays du monde mais d'après sa remarque, elle en déduisit qu'il était français mais tout comme elle, il n'avait pas d'accent. C'eut le mérite de la faire sourire, sourire qu'elle perdit rapidement en entendant le nom qu'il avait choisit. Son coeur manqua un battement. Elle ferma les yeux quelques instants et lorsqu'il reprit, elle se rendit compte qu'elle avait cessé de respirer. Cet étrange sentiment revint et Aoline eut du mal à s'en débarasser. Elle secoua la tête et se surprit à chasser quelques larmes. C'était tout bonnement ridicule. Qu'est-ce qui la prenait tout à coup ? Evan était un prénom répandu. Elle prit une profonde inspiration, attentive à son interlocuteur. Elle avait noté qu'il se sevrait seul et ce dernier le lui confirma. Il lui indiqua qu'il n'était pas à l'aise à l'idée de parler de lui devant tout un groupe de personne. Elle le comprenait. Il lui avait fallu plusieurs mois avant qu'elle ne se sente en confiance. Aujourd'hui c'était différent, elle sentait qu'elle n'avait rien à craindre. Il ajouta que ce n'était que le début et qu'il était sobre depuis cinq jours. Elle hocha la tête en signe d'approbation, oubliant toujours qu'il n'était pas en mesure de la voir. « C'est un très bon début. Chacun fait comme il le sent et à son rythme. Félicitations en tout cas » Certes, cela ne faisait pas une semaine mais ça signifiait tellement plus. Il avait compris et accepté qu'il avait un problème, et il avait fait en sorte d'entamer un processus de guérison. Il pouvait être fier de lui, ce n'était pas donné à tout le monde.

La conversation se reporta alors sur elle et il lui posa la question qu'elle redoutait. Celle qui devrait la pousser à se dévoiler à lui. Celle qui expliquait tout mais n'excusait rien. Celle dont elle avait eu honte pendant des années avant de réaliser qu'elle n'était en rien responsable et qu'elle n'était coupable que de la suite des événements et des choix qu'elle avait fait. Quelle était la raison qui l'avait poussé à commencer la drogue ? La brunette regarda en l'air, cherchant l'inspiration ou peut-être un moyen de se sortir de là. Mais il n'y en avait aucun, elle le savait. Les seules personnes au courant de cette histoire étaient Julina, Noah, ses parents et son frère. Pour le reste du monde, c'était le décès de Paul mais en réalité c'était bien plus. Elle ferma les yeux : elle était sur le point de raconter son histoire à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, qu'elle avait peut-être déjà croiser sans le savoir, quelqu'un qui portait le nom du frère qui avait tout abandonné pour elle, quelqu'un dont elle avait confiance pour une raison qu'elle ignorait totalement. Elle ravala difficilement les larmes qui menaçaient de couler « Lorsque j'étais plus jeune, j'ai subi des agressions [...] des agressions sexuelles. » elle marqua une pause. Pourquoi était-ce si difficile ? « C'était mon frère aîné. Mes parents n'ont rien remarqué. Je me suis renfermée peu à peu. Je n'ai jamais rien dit. Un jour, il est entré dans ma chambre, c'était la fin d'après-midi et j'ai couru, je me suis enfuie. Il m'a rattrapé et j'ai cru que c'était terminé. J'ai fermé les yeux et lorsque je les ai rouvert, Evan se tenait au dessus de moi. » Une larme roula sur sa joue « J'ignore si ce nom signifie quelque chose pour toi ou si tu l'as choisit au hasard, mais tu portes le prénom de la personne qui m'a sauvé la vie ce jour-là, mon frère, Evan. »

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Quand il annonça son prénom, enfin ce qu'il considérait et considérerait sûrement toujours comme son prénom, bien qu'il le ramenait dans les endroits sombres de son passé sembla avoir un effet sur son interlocutrice tout comme le prénom Dylan avait eu un effet important sur lui. Elle eût besoins de prendre des grandes inspirations, Pax ne savait pas exactement quels étaient ses souvenirs liés à ce prénom, mais en tout cas il s'en voulait d'un côté de l'avoir utilisé si ça pouvait l'avoir déstabilisée d'une quelconque manière. Il ne voulait pas la fragiliser d'autant plus qu'elle ne l'était déjà. Toutefois, les félicitations de la jeune femme ne tombèrent pas dans l'oreille d'un sourd, c'était la première personne à le féliciter. Sûrement la première personne qui comprenait réellement ce qu'il était en train de vivre, et à quel point se rendre compte de son problème avait déjà été un combat en soi. Dans son esprit, même un simple merci n'était pas assez fort. Il était relativement seul à Island Bay, bien sûr il avait Siloë qui était là pour lui, mais il ne pouvait jamais parler de qui il était avant, et donc pas vraiment se défaire de son problème d'alcool. « Merci, vraiment, ça représente beaucoup... »

Quand il reporta la conversation sur elle, un blanc s'installa. Peut-être était-elle gênée de son histoire, après tout il comprenait que ce n'était peut-être pas facile pour elle de parler de ce genre de chose ici, dans ce cadre, même en sachant que rien ne sortirait jamais du confessionnal. Parler de soi et de son histoire était toujours comme rouvrir une plaie pour les gens amochés comme elle devait l'être, et comme lui l'était. Il avait, dans un certain sens, hâte d'entendre son histoire, d'en savoir plus sur elle, de savoir ce qui avait pu pousser une jeune fille qui semblait si intelligente, et si compréhensive sur des rails aussi accidentés. Après tout il était le mieux placé pour savoir que les choses moches arrivent principalement aux gens biens, sa sœur lui avait malheureusement démontré. Paxton sentait que la jeune fille faisait un gros effort sur elle-même, il se montrait patient, ne voulait pas brusquer les choses ou bien lui faire peur.
Il était loin d'imaginer que c'était lui qui allait être brusqué par ce qu'il allait entendre. Son interlocutrice déballa mot pour mot son histoire. Enfin celle de sa sœur plutôt. Il ne comprenait pas. Il resta muet, incapable de formuler quoi que ce soit, ou même de penser correctement. Ce n'était pas possible. Ça faisait trop de coïncidences. Dylan, et maintenant ça, l'histoire était exactement la même, encore si les prénoms avaient différés il se serait juste senti abasourdi, abasourdi que quelqu'un sur la planète soit dans la même situation que lui. Mais là ce n'était pas juste quelqu'un sur la planète. C'était forcément sa sœur, ça ne pouvait être qu'elle, l'émotion dans sa voix, le ton, la confiance qu'il avait ressenti, il n'y avait qu'elle pour lui promulguer ces sentiments. Ça lui paraissait irréel. Il avait longtemps imaginé la retrouver, mais jamais il n'avait imaginé ça de cette façon. Pax ne savait pas vraiment quoi faire, il se retrouva à ouvrir la bouche sans même savoir ce qu'il allait dire. « Aoline... ? » Sa voix tremblait malgré lui, il n'arrivait pas vraiment à se contrôler. Il n'osait pas passer de l'autre côté, il était complètement perdu, les larmes roulaient silencieusement sur ses joues, et il comprenait qu'il avait là une chance de lui dire tout ce qu'il avait toujours voulu lui dire. « Je suis désolé, je suis tellement désolé, j'aurai dû m'apercevoir que quelque chose ne tournait pas rond, j'aurai dû t'aider plus tôt, ça n'aurait jamais dû arriver, je... » Sa voix se brisa dans un sanglot, il exprimait tout ce qu'il avait gardé pour lui pendant toutes ces années, cette culpabilité qui le rongerait certainement toute sa vie. Il resta simplement là, assis, dans le silence, il avait l'impression qu'il n'y avait désormais plus que lui, sur sa chaise, avec sa culpabilité qui l'étouffait dans cette boîte en plastique.

Le fait d'entamer un processus de guérison, de se rendre compte des choses et d'avoir envie de s'en sortir signifiaient tellement. Aoline savait qu'il était alors important de le lui faire remarquer et de l'encourager. Elle le félicita comme d'autres auparavant avaient pu le faire pour elle. Il sembla toucher et l'en remercia. C'est alors que la conversation changea du tout au tout. Il était venu pour la brunette de raconter son histoire, toute son histoire. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés tous les deux, plusieurs émotions la submergeaient, et elle ignorait pourquoi. Elle prit une profonde inspiration et se lança. Elle évoqua les viols et ce fameux jour, celui qui restera à jamais gravé dans sa mémoire, celui où elle fut libre et celui où elle perdit tout. Elle parla d'Evan, chose qu'elle ne faisait jamais et elle ne put empêcher quelques larmes de couler. C'était à la fois douloureux et libérateur. Elle se surprit à sourire, comme si elle venait de franchir une étape. Puis tout bascula « Aoline... ? » Son nom résonna un moment et elle avait la sensation de n'entendre que ça. Elle secoua la tête, incapable d'intégrer ce qui se passait. Puis il continua, il s'excusa pour tout ce qui s'était passé. La jeune femme resta figée sur place mais un son la fit sortir de sa torpeur : il pleurait. Que faisait-elle encore de son côté « Ev [...]  » Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la porte de son côté s'ouvrit. Certaine de voir son frère, elle fut surprise de reconnaitre Marc, le responsable de l'association. Il l'attrapa par le bras et une seconde plus tard, l'alarme incendie retentit. Il l'entraina de force à l'extérieur tandis qu'elle se débattait « Non attends, il est toujours à l'intérieur ! Evan !   »

Aoline continuait à se débattre. C'était inconcevable ! Elle venait de le retrouver, elle ne pouvait pas le perdre à nouveau. Marc finit par la lâcher et elle fila à travers la foule, criant son nom. Elle savait qu'elle avait l'air d'une folle mais elle s'en fichait pas mal. «  Evan ?!  » La brunette continuait d'avancer à l'aveugle, espérant entendre son nom en retour. Épuisée, elle bouscula quelqu'un et quelques secondes plus tard, on la serrait dans les bras. Elle n'avait pas besoin de réfléchir, elle savait qui c'était. Aoline se détendit presque immédiatement et lui retourna son étreinte. Tout prenait son sens, toutes les pièces du puzzle s'emboitaient enfin. Lorsqu'elle y pensait, comment avait-elle fait pour ne pas s'en rendre compte plus tôt ? Tellement d'indices, de coïncidences, un peu comme si elle s'était interdit d'espérer, de croire. Elle laissait ses larmes couler librement, comprenant enfin d'où lui venait ce sentiment de paix et de confiance. Elle comprenait pourquoi elle se sentait entière de nouveau. Elle avait finalement retrouvé son autre moitié « Tu m'as horriblement manqué, si tu savais » Aucun d'eux n'avaient relâché leur étreinte, certainement effrayé à l'idée de perdre l'autre.

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Elle commença à prononcer son prénom quand soudain elle fut coupée, l'alarme incendie venait de se mettre à hurler, et pour Pax c'était comme si les éléments se déchaînaient contre lui, quelqu'un avait extirpé sa sœur du confessionnal, il avait l'impression qu'à peine venait-il de commencer à la retrouver que déjà elle n'était plus là. Il entendit sa sœur crier son nom, elle avait dit quelque chose ensuite mais il n'avait pas réussi à distinguer la nature des propos car elle s'éloignait déjà. Le trentenaire s'extirpa de la boîte avant de commencer à se diriger calmement mais rapidement vers la sortie. Il accélérait le pas, plus parce qu'il avait envie de retrouver sa sœur que par peur d'être dévoré par les flammes. D'ailleurs il se fichait pas mal de savoir si cette alerte incendie était réelle ou non en fait, ça ne faisait vraiment pas partie de ses priorités. Il entendit son prénom dans la cacophonie qui régnait, les gens étaient agglutinés et il n'y voyait rien malgré son mètre 85. Il décida de ne pas crier, mais plutôt d'essayer de retrouver sa sœur grâce au son de sa voix. Quelques instants plus tard il fût percuté par quelqu'un il baissa le regard et vit les longs cheveux bruns. Certes la dernière fois qu'il l'avait vu remontait à 10 ans, mais il aurait reconnu ses cheveux entre milles.
Il la serra dans ses bras, impatient de la retrouver et de sentir qu'elle était avec lui et pas en danger quelque part où il ne pouvait pas l'aider. La tête d'Aoline était pressée contre son torse, il passa sa main dans ses cheveux tout en la gardant pressée contre lui. Il sentait les larmes de sa petite sœur mouiller son t-shirt, mais il s'en fichait. Il l'avait retrouvé, elle était là, ici et maintenant et c'était tout ce qui comptait. Les larmes de Paxton s'étaient séchées depuis qu'il était sorti de la cabine. Son cœur se mit à battre encore plus vite qu'il ne le faisait déjà quand elle lui dit à quel point il lui avait manqué. « Toi aussi tu m'as manqué tu sais... » Il aurait voulu que ce moment dure pour toujours. Il souhaitait à tout le monde de vivre ça, un sentiment de bonheur aussi satisfaisant, il avait déjà l'impression d'avoir accompli quelque chose, même si au final c'était simplement le destin qui les avaient réunis. Il finit tout de même par se décoller. Il contempla Aoline, elle avait bien changé, c'était devenu une véritable femme désormais, marquée par la vie certes, mais à la voir comme ça elle rayonnait. Pax sécha les larmes de la plus jeune et ne pu s'empêcher de jouer son rôle de grand frère : « T'as toujours pas grandi par contre ! » Il lui sourit de toutes ses dents, chose qu'il n'avait pas faite depuis bien longtemps.

Le trentenaire commençait à reprendre peu à peu ses esprits, et par la même occasion des tonnes de questions arrivaient à lui, il était tellement impatient et curieux de tout savoir de la vie de sa petite sœur, de savoir ce qu'il avait loupé, connaître ceux qui lui avaient permis d'aller mieux. « Qu'est ce tu fais en Nouvelle-Zélande ? Je veux absolument tout savoir, dix ans c'est long ! »

Elle venait tout juste de le retrouver, c'était irréel ! Marc la laissa partir et elle se mit automatiquement à la recherche de son frère, criant son nom à travers la foule. Elle percuta quelqu'un et se retrouva dans ses bras. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre. Elle lui retourna son étreinte et se laissa aller contre lui. Elle lui confia à quel point il lui avait manqué, sentiment qui s'avéra réciproque. Finalement, Evan se détacha d'elle et la regarda de plus près. Il reprit rapidement ses habitudes de grand frère et lui lança une petite vanne. La brunette lui donna un coup dans l'épaule en riant. Ca faisait tellement longtemps ! Finalement les questions fusèrent ce qui ne l'étonna qu'à moitié. Ils avaient beaucoup à rattraper, des années d'histoires « Et bien j'ai emménagé ici il y a cinq mois. Je vis avec Julina » La jeune femme évoqua sa meilleure amie intentionnellement. Elles avaient grandi ensembles, aussi la blondinette avait connu Evan. Elle avait même craqué sur lui petite, détail qu'Aoline adorait lui rappeler. Julina avait été son ancre, la personne sur qui elle s'était reposée et qui l'avait aidé.
La foule commença à se disperser et la française prit l'initiative de s'installer sur un banc. Autant ne pas rester planter là, au milieu de la rue. Elle avait tellement de question pour son frère mais elle se réfréna. « Paxton, comment tu vas ? » Un homme d'une trentaine d'année s'approcha d'eux. Aoline ne comprit pas tout de suite. Qui était Paxton. Son frère se leva et lui serra la main, la mine contrite. Il lui jeta un regard désolé et reprit place à côté d'elle. Le blondinet s'en alla et ils se retrouvèrent de nouveau seuls. « Paxton ? J'aime bien c'est joli mais je comprends pas tout à vrai dire ... » Le téléphone de la jeune femme vibra : c'était Julina. Apparemment elle avait besoin de la voir. Elle hésitait, elle ne voulait pas laisser son frère. Elle avait l'horrible sensation que ce serait la dernière fois, mais ce ne serait pas le cas. « C'est Juls, il faut que j'y aille. Je suis désolée, ça a l'air important. Mais donnes-moi ton numéro et on se fera un truc ensembles, d'accord ? » Evan opina et nota son numéro dans son portable. Elle ne le perdrait pas cette fois-ci. Elle le serra dans ses bras et fila. Ils s'étaient retrouvés et pour de bon. Le destin s'était assez joué d'eux comme ça. Elle grimpa dans sa voiture et partit en direction de la maison, le sourire aux lèvres.


FIN DU SUJET