Can I stay, please? # Nozo

Voilà presque deux heures que je cherchais à m'endormir, en vain. Alors que je me retournais sans cesse, mon lit en voyait de toutes les couleurs, balançant coussins et autres couvertures inutiles. Je soupirais doucement, fixant un instant le plafond qui restait tristement impassible. Je n'arrivais pas à trouver ce qui pouvait me tracasser assez pour m'empêcher d'accéder aux bras de Morphée. La perspective de perdre une partie le lendemain? Le fait d'être incapable de parler à Evie? Ou encore simplement le fait de vivre dans ce monde? Agacé, je me levai d'un bond, souhaitant avant tout éviter la crise d'angoisse. Oh cela m'était déjà arrivé. Jamais de très violentes, mais c'était toujours effrayant et je n'avais pas besoin de ça. Désertant mon lit, je sortis dans le couloir, marchant pieds nus jusqu'à une porte non loin de là. J'avais d'abord pensé aller voir ma mère, aller lui quémander un coin d'oreiller, me calmer à ses côtés. Mais je me souvenais qu'hier soir, elle était très fatiguée, et je ne voulais pas la réveiller.

Alors c'était chez ma soeur que je voulais me rendre. Ces derniers temps, je me tournais plus facilement vers notre mère, en partie parce que Noa avait un caractère indépendant et passait beaucoup de temps en dehors de la maison. Contrairement à moi qui étais très casanier... Et j'avais beau ne rien dire pour la laisser partir à l'aventure, je souffrais de la voir s'éloigner de moi, de nous. Elle me manquait, c'était aussi simple que ça. Collant mon oreille sur sa porte, je n'entendis rien d'autre que le silence du sommeil. Je savais qu'elle était rentrée il y avait une heure, je l'avais entendu faire le moins de bruits possible pour ne pas me réveiller... J'hésitais un moment, avant de gratter doucement à la porte, histoire de m'annoncer. J'ouvrais alors la porte de l'antre de ma jumelle... Une fois à l'intérieur, je vis qu'elle ouvrait difficilement les yeux. "No', tu dors?" soufflais-je doucement. Stupide question alors que je venais à peine de la réveiller. M'approchant du lit, je me glissais tout naturellement à ses côtés, un peu lorsque nous étions enfants et que nous dormions ensemble, prêts à chasser les monstres. Ensemble. "Désolé, je n'arrivais pas à dormir et... ça te dérange si je reste ici avec toi?" Ma voix avait un ton presque suppliant. Je ne voulais pas retourner dans ma chambre vide. Mon besoin d'affection, de contact physique était si fort que j'avais peur de ne jamais réussir à dormir seul. Et pour une fois que Noa était là, je comptais bien profiter un peu de sa présence. Sa seule odeur, si familière, me permettait déjà d'être plus serein. "Tu as passé une bonne soirée?" Oh, elle avait bien tenté de m'emmener avec elle, mais j'avais esquivé, comme à mon habitude. Mais j'aimais l'entendre raconter ses soirées rocambolesques et pleines d'aventures.

M'imposer dans la chambre de Noa pouvait sembler égoïste et intrusif, mais à mes yeux, c'était une nécessité. Et même si elle émit quelques grognements, je savais qu'au fond, elle était heureuse que je vienne quémander un contact. Installé tout près d'elle, je la laissais passer un bras autour de moi, me rapprochant pour avoir une partie de la couverture. Même à moitié endormie, elle était magnifique. Un vraie déesse aux yeux d'azurs, si semblables aux miens. Le silence de la pièce n'était pas étouffant comme dans ma chambre, sa seule présence remplissant ce vide qui m'oppressait constamment. En ce moment, je me posais beaucoup de questions sur mes relations avec les autres, alors c'était toujours un soulagement de pouvoir compter sur des sentiments fraternels forts et indestructibles... Alors qu'elle répondait à ma question, je remettai en place l'une de ses mèches de cheveux qui faisait la rebelle. Pas question qu'il y ait une barrière entre mon regard et le sien. « Oh tu sais, pour une fois tu as eu raison de ne pas venir. C’était légèrement ennuyant. » C'était... surprenant. Rares étaient les soirées qui n'enchantaient pas Noa. Mais bon, il fallait bien des exceptions pour confirmer la règle. "Ah, je suis déçu pour toi... Il n'y avait même pas quelques princes charmants pour te faire danser toute la nuit?" Je ris doucement, conscient que ma soeur savait depuis longtemps que le prince charmant n'existait pas et qu'elle était le maître de son destin. Sa main sur mon bras était comme le lien entre nous deux, je me sentais mieux, bien mieux. « J’espère, au moins, que de ton côté, tu as pu profiter du beau temps qu’il faisait dehors et que tu n’es pas resté enfermer à l’intérieur. » Je soupirai doucement avant de grimacer légèrement. Ma jumelle me connaissait par coeur... Et même si tous ceux qui me connaissaient avaient conscience de mon côté geek, elle était la seule qui pouvait me le reprocher. "En fait... j'ai joué sur mon Ipad toute la journée. Mais j'étais dehors sur la terrasse, comme ça je pouvais bronzer en même temps! Tu me connais, je ne peux pas m'en empêcher... Et puis, j'étais tellement proche d'atteindre le niveau d'au dessus!" Mauvaise excuse... Les jeux vidéos n'étaient qu'un moyen comme un autre de me protéger du monde extérieur et même si on m'avait répété un nombre incalculable de fois que j'avais l'air stupide le casque sur les oreilles et les yeux collés à l'écran, je m'accrochais à cette réalité virtuelle. Reportant mon attention sur le visage doux de ma soeur, je décelais un soupçon de contrariété. Entre nous, il était difficile de se cacher des choses, et plus les minutes passaient, plus je sentais que ma soeur cachait quelque chose. J'aurais été incapable de dire quoi, mais c'était suffisamment important pour qu'elle ne m'en ait pas parlé avant et qu'elle en soit tendue... "Dis, Noa, tout va bien? J'ai l'impression que quelque chose ne va pas... J'espère que ce n'est pas ma faute! Surtout si tu me trouves trop collant, dis-le moi... C'est juste... On te voit moins en ce moment alors je me posais la question." Je ne voulais pas l'obliger à se confier, mais quelque part, j'étais contrarié qu'elle ne se sente pas assez en confiance pour me parler. Qu'est-ce qui pouvait être si grave pour qu'elle s'éloigne de moi?

On dit que l'amour qui unit des jumeaux est éternel, et j'y crois dur comme fer. Je ne me voyais pas un jour la repousser ou même ne serait-ce que la détester. C'était physiquement impossible. Elle pouvait m'agacer, m'énerver, me rendre triste, mais jamais elle ne pourrait me faire du mal. Les yeux dans les yeux, j'observais ma belle princesse de soeur. Parfois, j'aimais bien aller la voir surfer, juste pour l'admirer. « Non, on sait tous que mon prince charmant c’est toi et personne ne sera jamais à ta hauteur. » Mon petit rire répondit au sien. Son prince charmant... Dans un sens, elle n'avait pas tord. J'étais celui qui viendrait à son secours quoi qu'il advienne, celui qui ne la laisserait jamais tomber, même dans les pires moments de sa vie. J'aimais bien penser que j'étais unique à ses yeux et qu'elle ne me remplacerait jamais. Que même quand elle rencontrera l'homme -ou la femme- de sa vie, elle ne m'oubliera pas et reviendra vers moi quand les temps seront durs. Alors qu'on échangeait sur nos emplois du temps rescpectifs durant cette journée, je la vis lever les yeux au ciel en entendant ma réponse. Oh elle savait très bien comment j'étais. Et je savais que ça ne lui plaisait pas forcément. « On ne te changera jamais toi… J’espère que ça en a valu la peine et que tu l’as atteint ce niveau… » J'aquiesçais dans un mouvement de tête, amusé de la voir agacée. Installés l'un contre l'autre, nous étions tranquilles et apaisés. Pourtant, je ne pus m'empêcher de lui poser la question que j'avais sur le coeur depuis un moment. Après tout, elle se faisait si distante que j'avais peur d'y être pour quelque chose... Je soupirais doucement avant de lever des yeux inquiets vers elle. Sa main vint se poser sur ma joue et je me détendis presque immédiatement. « Si j’avais un problème avec toi, tu sais que je serais venue te voir pour en parler et puis, tu sais que l’été je ne peux pas m’arrêter. » La raison aurait voulu que je la crois, mais mon coeur me disait bien autre chose. Bien sûr qu'elle sortait beaucoup. Pourtant je sentais que ces derniers temps, c'était différent. Je lui lançais un regard sceptique. "Tu es sûre que ce n'est que ça?" Je voyais bien qu'elle hésitait à me parler. Pourtant je souffrais qu'elle me laisse de côté et mon coeur qui battait la chamade semblait lui aussi attendre une réponse. « En réalité, j’ai merdé. » Comment ça, merdé? Tout de suite, j'imaginais le pire. Est-ce qu'elle se serait fait embarquée dans des histoires louches? Est-ce qu'elle aurait des ennuis avec des mecs dangereux? Soudain paniqué, je ne savais pas quoi dire, je me contentais de la regarder avec intensité. J'en oubliais presque de respirer alors qu'elle rompait notre contact visuel. « Et maintenant que je ne peux plus retourner en arrière, je ne sais pas quoi faire. Je m’en veux tellement et personne ne va me pardonner… » Mon regard se fit plus inquiet mais aussi plus déterminé. Je posais doucement ma main sur sa joue. "C'est faux! Tu sais que je te pardonne toujours. Toujours..." Je me fichais bien de savoir ce qu'elle avait fait. Je voulais juste être là pour la soutenir et la protéger. Je n'aimais pas la voir dans cet état. Sa détresse me bouffait de l'intérieur et je cherchais désespérément un moyen de la soulager et de l'aider. Il était évident qu'elle cherchait à me dire ce qu'elle avait fait. Je le voyais dans ses yeux qu'elle avait peur de ma réaction. « J’ai couché avec le copain de Reagan. » What? Je restais sans voix quelques secondes, incapable de savoir comment réagir. Noa n'avait jamais eu de problèmes pour se trouver des mecs, elle était très jolie et assez populaire. Alors c'était étrange de penser qu'elle l'avait fait avec le copain de sa meilleure amie. Il devait y avoir une raison. Oui, c'était sûrement ça. "Avec Declan? Mais... pourquoi? Enfin, je veux dire, il s'est passé quelque chose de particulier?" Je n'arrivais pas à être déçu d'elle. En grand romantique, je voulais croire qu'il y avait eu une étincelle entre eux. Une passion qu'ils n'ont pu repousser... Mais je ne savais pas ce qu'il y avait dans la tête de ma soeur à ce moment-là. Peut-être était-ce seulement le fait de braver un interdit? J'étais contre tout acte qui pourrait engendrer de la peine et de la souffrance. Pourtant c'était de ma soeur dont il s'agissait. Je ne pouvais donc pas être objectif... "Je suppose que Reagan n'est pas au courant... Tu comptes lui en parler? A moins que Declan ne le fasse..." J'avais envie d'ajouter que j'espérais qu'il s'en voulait autant qu'elle. Parce qu'il y avait bien deux personnes d'impliquées dans l'histoire. Lui et elle.

Peu importaient les raisons qui avaient poussé ma soeur à avoir gros sur le coeur, je savais qu'elles étaient suffisamment graves pour qu'elle n'ait pas osé m'en parler avant. Et même si au fond d'elle, Noa devait savoir que je lui pardonnerai toujours tout, cette fois, elle ne semblait sûre de rien. Lorsqu'elle m'annonça enfin ce qui la rongeait de l'intérieur, je ne pus qu'être surpris. Ma soeur n'avait jamais été une briseuse de couple. Certes, elle aimait bien flirter, s'amuser, déconner, mais je ne pensais pas qu'elle m'annoncerait ce genre de choses... Surtout en pensant que le mec avec qui elle l'avait fait était le petit-ami de sa meilleure amie... Alors oui, j'attendais des explications de sa part. Parce qu'il devait bien y avoir une raison, non? « J’aimerais bien excuser mon comportement par une quelconque raison. » La voir aussi perdue me fendait le coeur, littéralement. Je caressai doucement ses cheveux pour la rassurer. « Sauf que ça s’est juste passé, sans que je sache réellement ce que je faisais à ce moment-là. » Quelque part, je me doutais qu'elle me dirait ça. Il semblait bien que parfois, il n'y avait pas de raison. Il y avait juste l'instant présent. Et je ne pouvais donc pas comprendre ce que ma soeur pouvait bien penser à ce moment-là. Etait-elle attirée par Declan? Avaient-ils simplement succombés l'un à l'autre à cause du goût de l'interdit? Je lui offris un regard compatissant, cherchant des mots qui pourraient l'apaiser. Pas la peine de l'assomer avec des remontrances, elle se mettait déjà assez la pression comme ça. Alors je me contentais de demander si elle pensait mettre sa meilleure amie au courant. Parce que disons-le franchement, je la pardonnerai, mais encore fallait-il qu'elle fasse l'effort de s'amender. Et intelligente comme elle était, j'étais sûr qu'elle allait faire le bon choix. « Je ne sais pas comment… Je ne peux pas lui faire ça. Elle et Declan ont mis tant d’effort dans leur relation. Je ne veux pas être celle qui ruine tout ça. » Alors qu'elle se retournait vers moi, mes yeux cherchèrent un contact avec les siens. Comme pour l'encourager à parler. « J’aurais dû m’en tenir à des soirées jeux vidéos avec toi. » Je soupirais doucement, avant de passer à nouveau une main dans ses cheveux. La culpabilité la rongeait de l'intérieur, cela se voyait même sur son visage. "Ne dis pas ça... tu appartiens au monde de la nuit, de la fête, de la joie! Moi je ne suis qu'un ermite bien trop sage et qui ne devrait pas passer autant de temps devant un écran..." Un sourire doux s'éveilla sur mon visage tandis que je la regardais, elle, ma soeur, cette star de la nuit. Elle était tellement magnifique. "Et puis tu n'es pas la seule à être en cause dans l'histoire, j'espère que Declan se sent aussi coupable que toi... Dans tous les cas, Reagan mérite de le savoir. Si tu veux, je peux même venir avec toi pour te soutenir! Mais il faut que le lui dises, sinon ça va complètement te ronger de l'intérieur..." J'en savais quelque chose. J'étais le spécialiste de celui qui intériorise trop ou qui extériorise trop. Soit je gardais tout pour moi et je me rendais malade, soit j'exprimais toute ma tristesse et ma colère à grand renforts de larmes et de coups de sang. Les deux extrêmes combinés ne faisaient pas bon ménage en tout cas. Et j'étais tout à fait sérieux dans ma proposition de l'accompagner. A la vie, à la mort. Soudain, une question s'alluma dans mon esprit et ma curiosité prit le dessus. "Mais, comment ça se fait que vous vous êtes retrouvés que tous les deux? En général, t'es plutôt collée à Reagan, non?" Car de là venait tout le problème. S'ils ne s'étaient pas retrouvés à deux, peut-être n'auraient-ils jamais fait l'impensable?

L'empathie était une émotion forte dans notre famille. Plus encore entre Noa et moi. En partie parce que nous étions jumeaux, mais aussi parce que le lien qui nous liait était plus fort que cela. Alors je ne pouvais pas m'empêcher d'éprouver des remords aussi, au contact de ma soeur. « Je ne sais pas pour Declan… j’essaie de l’éviter le plus possible. » C'était tout à fait compréhensible, surtout au vu de la façon dont cela l'affectait. Et le revoir voulait dire se souvenir de l'acte en question, ce qui ne ferait que renforcer ses remords... La culpabilité serait alors bien trop forte. Et c'était le meilleur moyen pour que quelqu'un se rende compte de quelque chose. Donc que Reagan finisse par tout découvrir. D'ailleurs, je ne comprenais pas quels évènements s'étaient passés pour qu'elle se retrouve seul avec Declan. « En général, oui. Sauf que tu sais comme moi qu’elle n’assiste pas à toutes les soirées auxquelles je vais et ce soir-là, quand je lui avais demandé, elle m’avait dit passé la soirée avec Declan justement… » Oh. Donc Reagan n'était peut-être pas si innocente que cela. Où était-elle pendant tout ce temps? Soit elle était avec quelqu'un d'autre, soit elle avait une autre raison. Dans tous les cas, il y avait anguille sous roche. Et c'était étonnant de la part de Reagan de refuser de faire la fête avec Noa... « Par contre, celui-ci est apparu à la fin de la soirée, sans elle, et… arrive ce qui ne devait pas arriver. Aucune idée de ce qui s'est passé, je n'étais pas en état de me soucier de grand chose... » Je n'avais rien à répondre à cela... Parfois, il semblait bien qu'on ne pouvait pas trouver de raisons valables à un geste. Comme si le destin s'en était mêlé pour que Declan comme sa soeur cède à leurs envies du moment. « J’ai merdé, je vais aller lui dire, mais je n’ai pas envie de la blesser. » Peut-être aurais-je du répondre que malheureusement, sa meilleure amie serait forcément affectée par cette annonce. Mais Noa montrait tellement de culpabilité que je n'avais pas le coeur de lui ajouter plus de désespoir qu'elle n'en avait besoin. « Maman dit toujours que je devrais assumer mes conneries. Je n’aurais pas le choix d’assumer celle-ci… Quand je vais être prête. »  J'aquiesçais silencieusement, cherchant à la détendre plutôt à ajouter à sa détresse. Cette histoire de devoir assumer ses conneries était tout à fait vrai mais elle avait encore un peu de temps pour voir venir. « Change-moi les idées s’il-te-plait. Je gèrerais ça plus tard. Dis-moi ce qui se passe dans ta vie. Hors jeu vidéo, bien entendu. Il y avait une raison pour laquelle tu venais me voir ? » Je soupirais doucement, avant de grimacer. Devoir me livrer à mon tour n'avait pas été dans mes intentions, je voulais juste passer du temps avec elle. Mais vu qu'elle venait de faire l'effort de s'ouvrir à moi, je finis par lui dire: "Je n'arrivais pas à dormir..." Ce qui était parfaitement vrai. Les raisons en étaient diverses et variées. "Je me pose beaucoup de question sur mes sentiments envers Evie en ce moment... Je ne sais pas si c'est moi ou si elle m'a envoyé un quelconque signal. J'ai juste l'impression de ne plus éprouver la même chose qu'avant...." Evie était ma meilleure amie depuis des années, je la connaissais par coeur. Pourtant je sentais que ce n'était plus comme avant... Que peut-être j'en voulais plus. Et évidemment, je culpabilisais pour cela. "Tu sais... Depuis que Vickie... Enfin depuis qu'elle est partie, ça n'a jamais été pareil. Je ne suis pas sûr de pouvoir aimer quelqu'un comme je l'ai aimé elle..." Oui, et je devrais ajouter que cela m'avait détruit quand elle était partie... Parce que c'était le penchant des grands sentiments. Quand ils disparaissaient, il ne restait plus qu'une grande souffrance.

Mon frère m’écoutait me plaindre depuis le début et je l’admirais pour sa patience envers moi. Je jongle avec les bêtises constamment et mon jumeau arrive toujours à me sortir des raisons pour excuser mon comportement. Il a cette façon calme de raisonner et de me faire voir les choses d’une autre façon. Je savais que je devais écouter ces conseils. Je savais qu’il avait raison et je me surprends à penser que je devrais m’assagir comme lui. Ça m’éviterait bien des problèmes. Il n’y a pas un moment dans une journée où je ne me dis pas que sans lui je serais perdue. Il me complète parfaitement bien. Après cet instant de révélation, j’aurais eu l’impression que je me sentirais un peu plus légère, mais les remords étaient encore là. Bien qu’un soulagement se faisait ressentir au fait que Kenzo était encore là à côté de moi. J’essaie de faire taire le reste de culpabilité en m’intéressant à la vie de mon frère. D’ailleurs, une curiosité s’empare de moi quant aux raisons qui ont poussé mon jumeau à venir me rejoindre. Je le vois grimacer et cela attise encore plus ma curiosité. Il y avait donc bien une raison derrière cela.  "Je n'arrivais pas à dormir..." Je grimace à mon tour, m’en voulant d’avoir pris beaucoup de son attention alors que lui avait peut-être besoin de se confier. Essayant de rattraper mes erreurs, je l’encourage à continuer.  « Tu sais pourquoi ? » "Je me pose beaucoup de question sur mes sentiments envers Evie en ce moment... Je ne sais pas si c'est moi ou si elle m'a envoyé un quelconque signal. J'ai juste l'impression de ne plus éprouver la même chose qu'avant...." Evie, un nom que j’avais entendu assez régulièrement, une personne qui partageait ses passions. Je dois avouer que je peux comprendre le doute. Surtout quand le lien parait si naturelle que tu te demandes ce qui pourrait en découler. "Tu sais... Depuis que Vickie... Enfin depuis qu'elle est partie, ça n'a jamais été pareil. Je ne suis pas sûr de pouvoir aimer quelqu'un comme je l'ai aimé elle..." Ma mâchoire se serre lorsqu’il mentionne le nom de son ex-copine, mais je le laisse finir. Il avait l’air désespéré et perdu et je m’en voulais de ne pas savoir démêlé ces incertitudes. Je n’étais pas ce qui était de plus fiable quand il s’agissait de sentiments. Mon regard se tourne vers ses yeux qui semblaient être totalement ailleurs. J’essaie de le ramener avec moi pour qu’il arrête de s’infliger cette douleur en y repensant. « Pour le savoir, tu dois te laisser une chance d’essayer. » Je fixe sa main placée près de lui et me met à penser à tout le mal qu’elle lui avait fait. À quel point elle l’avait laissé dans un mauvais état.  Si je n’étais pas une fille rancunière de nature, je savais que ça allait être difficile d’oublier tout ça. De toute façon, c’est supposé être de l’histoire ancienne. « Faut pas non plus que tu te sentes coupable d’avancer. » ou que tu restes dans l’espoir qu’elle reviendra j’avais envie d’ajouter. Il fallait qu’il vive ses propres expériences pour comprendre l’origine de ses questionnements. Enfin de ce que je pensais. « Laisse-toi aller, les réponses vont finir par venir d’elle-même. » Quoique mes conseils n’avaient aucune efficacité pour moi, mais c’est tout ce que je connaissais et je sais que mon frère a besoin d’arrêter d’être aussi rationnel…

Le problème avec moi, c'était que j'avais tendance à beaucoup plus écouter que parler. J'étais le confident, le meilleur ami, le protecteur. Celui qui serait toujours là, peu importaient les problèmes, peu importait le temps qu'il me faudrait pour réparer les erreurs. Ce système me permettait d'oublier mes propres soucis en me concentrant sur ceux des autres. Peut-être parce qu'au fond, j'imaginais que mes petits soucis quotidiens ne valaient rien face à d'autres... Bien entendu, je me fourrais le doigt jusqu'à l'oeil en pensant ainsi, et c'était bien souvent ma soeur ou ma mère qui me faisaient me rendre compte que je gardais beaucoup trop en moi. Il n'y avait qu'à elles que je pouvais me confier, même si j'avais le forte impression qu'il en serait de même avec Alyx. Oh j'avais confiance en Enzo aussi, mais il était mon meilleur ami, et il y avait certaines pensées que je ne pouvais partager avec lui. Poussé par Noa, je finis par me livrer, lui confiant les doutes qui m'assaillaient ces derniers temps. Il était toujours question de sentiments. Parce qu'ils me semblaient très abstrait, et je me disais que je ne devais juste pas bien me comporter. Que je n'étais qu'un incompétent notoire dans ce domaine. Je soupirais doucement une fois que j'eus fini de parler, me contentant de regarder ma jumelle dans les yeux, cherchant en elle des réponses. « Pour le savoir, tu dois te laisser une chance d’essayer. » Elle avait raison. Mais au fond de moi, je ne pouvais pas m'empêcher de penser à mon ancienne petite-amie. Peu importait qu'elle m'ait fait du mal, je ne pouvais juste pas l'oublier. Elle avait atteint mon coeur d'une manière telle que je ne pensais pas qu'il était possible... « Faut pas non plus que tu te sentes coupable d’avancer. » Je serrai ma main contre la sienne, cherchant du réconfort dans ce contact. Coupable d'avancer, c'était exactement ce que je ressentais. Etait-elle en train de lire dans mes pensées? Non, elle était juste ma soeur jumelle, la personne qui me connaissait le mieux sur Terre. « Laisse-toi aller, les réponses vont finir par venir d’elle-même. » Je fis une moue pensive. "Tu crois?" Je soupirais une nouvelle fois. "Parfois, j'aimerais que tout soit aussi simple que dans mes jeux. Pas de questions, pas de problèmes. Je sais ce que j'ai à y faire... Je m'en sors même mieux avec les gamins!" J'esquissais un sourire penaud avant de me rapprocher d'elle pour quémander un calin fraternel. Fermant les yeux, je calais ma respiration sur la sienne avant de doucement demander: "ça te dérange si je reste cette nuit?" Au fur et à mesure des mots, ma voix s'était faite plus silencieuse... Et les bras de Morphée, sous les traits de ma soeur, me permirent de m'endormir doucement...