Jouer avec le feu. | Joey & Nathan.

Ma journée avait été éprouvante. Non pas à cause de la charge de travail qui était somme toute correcte en ce moment, mais à cause d’une migraine qui ne m’avait pas lâché de la journée. Dès le réveil, ça avait tambouriné dans ma tête. Les médicaments n’y avaient rien changé et j’avais dû quitter le bureau plus tôt pour me reposer. Il m’avait été impossible de rester concentrée, à quoi bon s’acharner ? Au final, j’avais dormi une bonne partie de l’après-midi et quand Nathan rentra, cela ne faisait qu’à peine une heure que j’allais mieux et que je pouvais enfin travailler. Autant dire que je n’étais pas de très bonne humeur. Pour ne pas changer, me diriez-vous ? Se coltiner une migraine lancinante les trois quarts de la journée, ça n’aide pas à avoir le sourire, évidemment. J’étais tellement concentrée dans la lecture de mon manuscrit, assise dans le canapé avec mon pc sur les genoux et Sansa à mes pieds, que je mis quelques minutes à réagir lorsque Nathan me rappela qu’il y avait une soirée ce soir. Et merde. Je l’avais complètement oubliée. Je n’avais pas vraiment envie d’y aller alors que je soufflais enfin que ma migraine soit passée. Je voulais rester tranquillement à la maison, à rattraper mon travail en retard alors ce fut l’excuse que je lui avais fourni. Trop de boulot. J’avais sans doute dû manquer de tact en lui disant que je ne bougerais pas du canapé ce soir alors il était parti en claquant la porte. Qu’importe, ça lui passerait, comme d’habitude.

Les disputes étaient fréquentes entre nous, pour ne pas dire quotidienne. Mais elles ne duraient jamais longtemps. C’était un peu notre façon de communiquer, je ne m’en formalisais plus. Ce n’était pas comme ça avant, mais comme on dit, les gens changent et puis tout ce que nous avions enduré n’arrangeait rien. Je m’étais remise à ma lecture mais plus les minutes passaient plus mes pensées m’amenaient inévitablement vers mon mari, tout seul, au milieu de tous ces requins. Il ne faut pas se leurrer, dans ce genre de soirée m’as-tu-vu, le but est d’en mettre plein la vue, quitte à écraser la concurrence. Et les commérages allaient très vite. Je me fichais qu’on parle de moi, ça me faisait une belle jambe à vrai dire, mais je ne voulais pas qu’on critique Nathan. Ça fait mauvais genre de se présenter sans sa femme dans ce genre de soirée. Je soupirais et jetais un œil à ma chienne qui redressa la tête vers moi. « Qu’est-ce que je fais ? J’y vais ? » Elle pencha légèrement la tête sur le côté comme si elle était à même de me comprendre. En réalité, je me posais juste la question à voix haute.

Après quelques minutes de réflexion intense, je finissais par refermer mon pc portable pour le poser sur la table et j’allais me préparer. De toute manière, je n’arrivais plus à me concentrer, à quoi bon ? Après un passage éclair dans la salle de bain tout était prêt. J’avais revêtu l’une de mes robes spécialement pour l’occasion, j’étais maquillée, parfumée, coiffée, bref j’étais sur mon trente et un et prête à y aller. Je récupérais mon sac avant de descendre dans l’entrée et après avoir enfilé mes chaussures, je quittais la maison, direction le lieu des festivités.

Arrivée sur place, je constatais qu’il y avait déjà un monde fou. Logique. Avançant parmi les invités retardataires qui arrivaient en même temps que moi, je cherchais mon mari du regard. Ce n’est qu’après quelques minutes de recherche et après avoir discuté avec un homme qui avait engagé la conversation avec moi que je le vis enfin. Monsieur discutait tranquillement avec une femme plus jeune que lui. Tiens donc, on voit que sa femme lui manque terriblement. Sentant la jalousie monter, je retins une grimace. Il était incroyable, il ne pouvait pas s’en empêcher et il savait que ça me rendait folle. Il était pareil à ce niveau là. Ce qui m’amusait d’ailleurs quand les rôles étaient inversés. Je me dirigeais vers eux, attrapant une coupe de champagne en croisant un serveur avec un plateau plein sur mon chemin. Il riait avec elle cet enfoiré. Vas-y rigole bien mon coco, rira bien qui rira le dernier. J’approchais doucement, jusqu’à arriver assez près d’eux pour écouter leur conversation. L’air de rien. Mon attention était focalisée sur la demoiselle et sur ce qu’elle était en train de dire, je n’avais adressé aucun regard à mon traitre de mari qui se pavanait comme un coq. Les bras croisés, j’amenais ma coupe à mes lèvres pour en boire une gorgée jusqu’à ce qu’ils remarquent ma présence. Ce qui ne prit que quelques secondes, évidemment. « Oh mais continuez, je vous en prie, ça m’intéresse. » Assurais-je en souriant. Mon sourire se voulait sympathique pour la demoiselle mais il n’en était rien. Si j’avais pu étriper cette garce de mes mains dans la seconde, je l’aurais fait. « Loin de moi l’idée de vous interrompre, faites comme si je n’étais pas là. C’est… divertissant. » J’avais insisté sur le dernier mot avant d’enfin porter mon attention sur mon cher et tendre.

Voir mon mari discuter avec une autre femme n’était pas ce qui m’ennuyait vraiment. Je n’étais pas le genre d’épouse à lui interdire d’avoir une vie sociale, loin de là. Non, ce qui me dérangeait surtout, c’était l’expression de cette femme. Comme si elle sentait que Nathan était accessible. Et lui qui ne faisait rien pour lui retirer cette idée de la tête. Je connaissais mon mari par cœur, je savais qu’il aimait séduire et se sentir attirant dans les yeux de ces greluches. Il en jouait et je détestais ça. Qu’est-ce qu’il pouvait m’agacer à agir comme ça. Mais maintenant que j’étais là, la donne allait changer. Déjà, j’allais lui faire ravaler son sourire à cette pimbêche. C’était à elle que je m’adressais mais c’est Nathan qui répondit à sa place. « Commérages de bureau ? » Répétais-je en souriant en reportant mon attention sur la demoiselle. « Intéressant comme manière de définir qu’une femme te mange littéralement dans la main. » Je ne comprenais pas ce qu’elle attendait pour s’éclipser, ne sentait-elle pas qu’elle était de trop ? Elle n’avait donc aucune jugeote ?

Elle ne prononça toujours pas un seul mot alors Nathan en profita pour faire les présentations, insistant sur mon véritable prénom, celui que je détestais tant, mais qui rendait tout de même mieux dans ce genre de soirée. Je tiquais légèrement en adressant un regard à mon mari avant de sourire de plus belle à la jeune femme. « C’est mignon comme prénom. J’aime beaucoup, j’ai failli appeler ma chienne comme ça. » Ce n’était pas vrai, mais elle n’était pas censée le savoir. Tout ce qu’elle trouva à dire en retour fut une pauvre onomatopée. « Vous semblez déçue Olivia, je me trompe ? » Qu’est-ce qu’elle croyait ? Finir la soirée avec mon mari ? Que c’est amusant la naïveté. Un faible sourire en coin, j’amenais ma coupe à mes lèvres pour en boire une nouvelle gorgée.

Nathan reprit la parole en me parlant d’un don et du thème de la soirée de ce soir. Les soirées mondaines avaient, pour la plupart, une noble cause évidemment. C’est pourquoi avec Nathan, nous donnions toujours une jolie somme quand cela en valait la peine. Les enfants malades méritaient qu’on se batte pour eux. « Quand les enfants sont concernés c’est toujours une noble cause. » Cependant, je n’eus pas le temps de développer davantage que cette chère Olivia nous faussa compagnie. Je la regardais partir et maintenant que j’étais seule avec Nathan, mon sourire s’effaça. Je l’avais sans doute fait fuir oui, mais c’était la meilleure chose qui pouvait lui arriver ce soir. A on tour, je soupirais pour porter ma coupe à mes lèvres. « Quel dommage. Tu ne peux plus te pavaner maintenant. » Je reportais mon attention sur lui pour enchainer. « Je constate que ma présence n’était finalement pas tant nécessaire. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent comme on dit. Tu n’as pas trop mal aux pieds ? » A force de danser… « Tu peux même aller la rejoindre si tu veux, les discussions de bureau c’est toujours passionnant. Et ne t’inquiète pas pour moi, j’ai discuté avec un homme charmant en arrivant, je saurais le retrouver parmi cette foule. » Moi amère ? Oh si peu.

Nathan aimait plaire. Il aimait être le centre d’attention quand des femmes se trouvaient à proximité. Il se pavanait tel un coq au milieu d’une basse-cour et il était content. Je savais malgré tout qu’il ne franchirait jamais les limites du raisonnable. J’avais confiance en lui et jamais il n’oserait me tromper. Il m’aimait, certes, mais il savait aussi que je serais sans aucune pitié si cela se produisait un jour. Pourtant, je ne pouvais pas contrôler ma jalousie. Il était mon mari, j’avais signé pour la vie, pour le meilleur et pour le pire. Je pense qu’on avait atteint le pire d’ailleurs. Mais j’avais du mal à supporter de voir d’autres femmes flirter avec Nathan. Alors à chaque fois, je passais à l’attaque, de façon plus ou moins subtile selon mon humeur. Qu’importe la manière de jouer, le résultat était toujours le même, je gagnais et toutes ces greluches partaient la mine décontenancée. Quand j’avais décidément de le rejoindre à cette soirée, j’avais bêtement pensé qu’il se sentirait seul ou qu’on le montre du doigt parce que sa femme n’était pas présente. Tu parles ! Ça ne lui posait aucun problème de se retrouver seul. Il avait trouvé de quoi occuper son temps. Chose que je lui fis remarquer lorsque Mademoiselle voleuse de mari s’en fut allée vers une nouvelle cible.

Mes reproches le firent sourire, évidemment. Il se sentait obligé d’en faire toujours plus pour que je le rejoigne à ce genre de soirée ? Vraiment ? « Ah oui ? Et quelle sera la prochaine étape ? Examiner de près les amygdales d’une blondasse ? » Il ne manquerait plus que ça. « Cette soirée m’était complètement sortie de la tête, je l’avoue. J’ai eu la migraine toute la journée, j’ai même quitté le boulot de bonne heure parce que ça n’allait pas. Je pensais juste me reposer ce soir et rattraper le travail que j’avais laissé de côté aujourd’hui. » Si j’étais finalement venue, c’était pour lui sinon je serais probablement déjà dans mon lit. Enfin, si j’étais un poids, il n’avait qu’à la rejoindre sa pimbêche. Pour ma part, je pouvais très bien retourner discuter avec l’homme qui avait croisé ma route en arrivant. Mais comme je m’en étais doutée, il n’avait retenu qu’une seule chose dans tout ce que j’avais dit. Après c’est moi la jalouse ? Avec un sourire en coin, j’amenais ma coupe à mes lèvres pour en boire une gorgée. Je prenais tout mon temps pour le faire poireauter. Ça lui apprendra. Je haussais les épaules avec une moue faussement désintéressée. « Un certain James. Avocat. Je l’ai croisé en arrivant et comme j’étais seule il s’est avancé vers moi pour engager la conversation. Un homme très gentil, sympathique, chaleureux et charmant. » J’exagérais un peu les traits exprès. « Hum attends, peut-être que je vais te le retrouver. » Je parcourais la foule des yeux à sa recherche. Je le vis un peu plus loin en conversation avec deux autres hommes. « Ah, là-bas, regarde. Le grand blond avec le costume gris et la cravate noire. Tu le vois ? Je suis presque sûre qu’il est australien. » A force de sentir mon regard sur lui, le dénommé James croisa mon regard et m’adressa un sourire. Je le lui rendis en lui faisant un petit signe de la main, un coucou de loin avant de reporter mon attention sur mon cher et tendre. « Charmant, n’est-ce pas ? » Quoiqu’il en dise, Nathan aussi était jaloux et je savais qu’il n’apprécierait pas mon petit manège, comme je n’avais pas apprécié le sien. Il ne manquerait plus que James nous rejoigne pour que je puisse gouter à ma revanche.