A kind of surprise [Aline]

Minipousse, je crois que j'ai laissé traîner quelque part chez les parents un dossier du boulot. Tu pourrais regarder s'il te plaît ? J'ai peur de passer à la maison, maman risquerait de me séquestrer. Je fournis les cookies si tu viens. PS: j'ai déménagé au 19 West Bay.
Il avait envoyé le message rapidement, avant de retourner s'occuper des éléphants. Il était le genre de type à manquer d'organisation et à réaliser l'absence de certains éléments uniquement lorsqu'il en avait besoin. Maintenant, par sa faute, il était bien incapable de se souvenir de la dernière date de vaccination du mâle du groupe... Et ça pourrait cruellement lui être utile. En toute sincérité, il savait qu'il aurait le dossier rapidement s'il était bien dans le bureau de son ancienne chambre. Aline ne disait jamais non à la possibilité d'échapper aux parents et de venir squatter chez un de ses frères. Sauf Matthew, peut-être, qui avait le don d'assommer d'ennui n'importe qui. Ou ses gamins qui mettaient à rude épreuve les nerfs de la personne la plus patiente au monde. Mais outre le dossier, Tom se doutait que cette entrevue serait... Particulière. Cela faisait quelques semaines maintenant que pour montrer à Azraël qu'il faisait des efforts, Tom avait envoyé à sa mère ce SMS lourd de sens. Non, il n'était pas en couple avec sa meilleure amie comme il le prétendait mais avec quelqu'un d'autre. Les suppositions étaient libres. Le fait est que Tom n'était toujours pas revenu vers ses parents, avait presque disparu de la circulation. L'accident d'Azra, l'hôpital, la rééducation. Un enfer quotidien mais qui heureusement s'allégeait de jour en jour. Le présenter aux parents attendrait qu'il soit remis...

Mais dans tous les cas, Tom ne pourrait pas traîner ce mensonge éternellement. Il le savait très bien. Tout comme il se préparait psychologiquement à lâcher la bombe auprès de sa petite sœur. Elle était bien trop intelligente pour qu'il puisse nier quoique ce soit dans cette maison. Une seule chambre, la marque du passage d'Azra absolument partout, que ce soit par le paquet de clopes sur le comptoir, la deuxième brosse à dent, le pull sur le canapé, ou leur photo dans un petit cadre posé sur le meuble télé. Une envie du jeune que Tom n'avait pas réussi à lui refuser. Alors oui, ce fut avec une certaine appréhension qu'il vint ouvrir la porte le soir même à la tête blonde et à son regard inquisiteur. Azra était chez Helios, ils devraient au moins être tranquille pour ça. "Tu me sauves." Il sourit, vient étreindre la jeune femme, ébouriffer ses cheveux pour l'embêter. "Comment tu vas ? Entre, vas-y." Il ne lui restait plus qu'à aller chercher les cookies.

Allongée dans mon lit je griffonne sur mon vieux cahier, mes pensées sont toutes tournées vers Adrian, cet homme est tout le temps là, que ça soit physiquement ou mentalement j'ai l'impression de ne pas pouvoir passer quelques instants sans qu'il me hante. Et inconsciemment, comme souvent en ce moment, mes doigts s'activent pour dessiner ses yeux, la chose qui me perturbe le plus chez lui, je pourrais me noyer dedans indéfiniment, mais la réalité me rattrape souvent comme à l'instant. Je sursaute en entendant mon téléphone m'indiquer la réception d'un nouveau message.

Tom a écrit:

Minipousse, je crois que j'ai laissé traîner quelque part chez les parents un dossier du boulot. Tu pourrais regarder s'il te plaît ? J'ai peur de passer à la maison, maman risquerait de me séquestrer. Je fournis les cookies si tu viens. PS: j'ai déménagé au 19 West Bay.

Je fronce les sourcils déçue, je ne m'attendais pas à ce que ce soit Tom. Mais rien qu'à l'idée de pouvoir me droguer de cookie je retrouve une certaine bonne humeur. Si sa tête n'était pas accroché à son corps, Tom trouverait le moyen de la perde. Je me lève de mon lit tout en lui répondant

Aline a écrit:

Ca va te coûter chère en cookie tout ça, j'espère que c'est ceux au nutella. J'arrive bientôt, à plus big brother ;)

Je me diriger vers son ancienne chambre pour récupérer le fameux dossier qui traîne négligemment sur son bureau puis je retourne dans la mienne ranger mon cahier dans mon sac et attraper une petite veste. L'idée de sortir de la maison n'était pas pour me déplaire, entre maman qui met son nez de partout, papa qui grogne pour un oui ou pour un non, l'ambiance n'est pas vraiment au beau fixe, heureusement que j'ai mes frères.

Le chemin jusqu'à chez Tom se fait rapidement, même si je ne peux m'empêcher de cogiter sur le pourquoi il a démangé, son appartement était parfait. J'arrive devant sa porte et je sonne une fois, deux fois, trois fois, j'adore l'embêter. Je retire mes écouteurs au même moment où la porte s'ouvre sur mon frère. « Tu me sauves » il me prend dans ses bras et me décoiffe au passage, je râle sans répondre à sa question et entre derrière lui sans vraiment faire attention à l'état de son appartement. «A force de t'entendre dire ça je vais y prendre goût» Je sors son précieux dossier de mon sac et l'agite sous son nez avec un grand sourire «J'espère que les cookies sont bientôt prêts »

La sonnette qui résonne à plusieurs reprises ne laisse pas le moindre doute sur l'identité de la personne à l'extérieur. Mais une fois sa petite sœur dans la maison, Tom doit redoubler d'efforts pour rester souriant, avenant, comme si la situation était parfaitement normal. Alors qu'il y a cette bombe qui scande son tic tac oppressant dans un coin de sa tête. « Tu sais, même si je suis heureux que tu existes, t'es pas siii indispensable que ça tous les jours de ma vie, prends pas la grosse tête. » Il sourit, se retient de lui tirer la langue. À attitude enfantine, réaction enfantine. Ceci dit, il est pas content d'enfin remettre la main sur ce dossier. Ses collègues l'auraient assassiné, et il aurait eu sacrément de mal à créer un faux dossier pour compenser. On ne rigolait pas avec la santé des animaux. Surtout qu'avec la chance qu'il avait, il serait tombé sur l'individu qui a un pépin de santé bête mais non négligeable... Enfin. Il quitta l'entrée pour se diriger vers la cuisine, jeter un œil dans le four. « Cuits à point même. Tu ne sens pas cette odeur ? » de sucré, de chocolat fondu. Sans aliment bizarre comme ce que leur mère faisait parfois -même s'il fallait reconnaître que ses cookies à la mangue séchée avaient quelque chose d'étrangement satisfaisant-. Le dos tourné à sa sœur, il attrape une manique pour sortir la plaque brûlante du four, prendre une assiette et les disposer dessus. Lentement, très lentement. En partie pour ne pas se brûler, entre autres pour rassembler un résidu de courage. « J'ai oublié de te le dire, mais juste pour quelque temps, cette adresse est secrète. J'espère que tu ne l'as pas donnée à Maman. Elle me harcèle pour que je passe à la maison. » Et qu'enfin il lui présente cette personne avec qui il est en couple, puisqu'il avait avoué ne pas être en couple avec sa meilleure amie comme il l'avait prétendu. Il n'avait aucune idée de si le coming-out avait été compris, ou de si Aline avait eu vent de ce message. « Mais en tout cas je suis content que tu sois venu. Ça faisait un moment. Puis t'es la seule de la famille que je peux avoir sur mon canapé sans grimacer ou trouver une excuse pour l'inciter à débarrasser le plancher trop rapidement. » Il lui lance un sourire taquin, tend l'assiette de cookies sur le bar de la cuisine. « Et donc ? T'as quoi à me raconter ? » Lui, il passait son tour pour l'instant.

Je balance mon sac contre son canapé en haussant les sourcils lorsqu'il me répond que je ne suis pas essentielle à sa vie, malheureusement pour lui je préfère croire le contraire. « Je suis sûre que si je ne te donne plus signe de vie pendant une semaine, tu vas venir me voir comme un gros bébé pour quémander des câlins » Je lui lance un clin d'oeil taquin et je me laisse tomber dans son canapé en le voyant partir dans la cuisine en quête du Saint Graal. « Cuits à point même. Tu ne sens pas cette odeur ? » Je tapote mon ventre, même si Tom ne peut pas me voir. « Ce que je sens c'est surtout le mal au ventre qui va venir après avoir tout mangé » Je tourne la tête pour l'observer alors qu'il prend tout son temps, je fronce les sourcils, et d'un coup je perçois son anxiété, Tom passe rarement par quatre chemins lorsqu'il a quelque chose à dire, et pourtant cette fois ci il parait nerveux, ses gestes sont lents, et il ne plaisante pas comme d'habitude. Je ne comprends pas pourquoi, et je comprends pas non plus pourquoi il a déménagé. Tom a toujours été discret à propos de sa vie, en particulier de ceux qui la partage, et je ne suis pas naïve au point de croire qu'il a eu seulement une seule relation dans sa vie, c'est peut-être pour ça qu'il a déménagé, peut-être même que cet appartement appartient à la personne avec qui il vit ! Je pars directement dans un scénario digne d'un film et j'observe un peu plus attentivement la pièce. La plupart des meubles appartenaient déjà à Tom, je fronce les sourcils, et mon frère me coupe dans mon élan, confirmant certains de mes soupçons au passage. « J'ai oublié de te le dire, mais juste pour quelque temps, cette adresse est secrète. J'espère que tu ne l'as pas donnée à Maman. Elle me harcèle pour que je passe à la maison. » Je me lève du canapé pour venir m'asseoir au comptoir qui sépare la cuisine du salon et mon regard tombe sur un paquet de clope. Je ne savais pas que mon frère fumait, je fini même par oublier de répondre à sa requête, alors il enchaîne sur autre chose, me laissant tout de même intriguée par le paquet. « Mais en tout cas je suis content que tu sois venu. Ça faisait un moment. Puis t'es la seule de la famille que je peux avoir sur mon canapé sans grimacer ou trouver une excuse pour l'inciter à débarrasser le plancher trop rapidement. » Je rigole légèrement, plus pour la forme que pour autre chose, puis je lui rétorque pensivement. « En même temps je suis la seule qui ne cherche pas à se mêler de ta vie privée... » Petite pique. « Entre maman qui me propose de me payer pour enquêter sur ta vie car tu ne lui dis rien, Leeth qui cherche la moindre occasion de te charrier... » Je hausse les épaules en souriant. « C'est normal qu'avec ça je sois ta préférée » Mon regard se perd sur l'assiette de cookie qu'il me tend et je me fais pas prier pour en attraper un que je fourre dans ma bouche sans plus de grâce. « Et donc ? T'as quoi à me raconter ? » Je hausse un sourcil et avale ce qu'il me restait dans la bouche. « Ok, tu marches comme ça toi, un cookie en échange d'une question ? » Il me semblait pas que c'était le deal, mais bon, par où commencer. Entre l'arrivée d'Adrian dans ma vie, le jeune homme me pousse à affirmer mon talent pour le dessin à tout le monde, il m'aide à me perfectionner avec de nouvelles techniques, et pourtant lorsque je suis avec lui j'ai l'impression de redevenir cette adolescente timide et maladroite. Tout chez lui me fascine, je ne rêve plus que de ses yeux, de son odeur, et de tous ces trucs qu'il me fait découvrir. A la base c'était censée être une relation prof/élève, sauf que les choses ne se passent pas comme prévu... Puis il n'y a pas qu'Adrian, ça serait trop facile, Caleb aussi est beaucoup trop présent dans ma vie, il descend aux enfers et m'entraine avec lui dans sa chute, je ne me rappelle même pas la dernière nuit que j'ai passé sans lui. Je veux l'aider à s'en sortir, sauf que c'est moi qui chute.

J'attrape un nouveau cookie en me rendant compte que je n'ai toujours pas répondu à sa question, et je grimace intérieurement, je suis pas sûre que le frère-poule qu'il est supporterait toutes mes révélations. « Oh bah tu sais ! Les cours me prennent beaucoup de temps, le dessin aussi. J'ai pas le temps de sortir ni de faire de nouvelles rencontres » Je mords férocement dans mon cookie, un peu mal à l'aise de lui mentir comme ça, mais il n'approuverait pas ce que je fais. Alors je lui pose la question qui me brûle les lèvres depuis tout à l’heure pour le distraire. « Depuis quand tu fumes ? » J'attrape le paquet posé sur le comptoir et j'y jette un oeil, comme s'il allait me donner le propriétaire.

Il est nerveux. C’est rare chez lui, mais ce sentiment fait battre son cœur trop vite, lui donne chaud, et le rend tout sauf naturel. Il ne sait pas pourquoi il a décidé qu’aujourd’hui serait le jour. Mais il ne se dégonflera pas. Avec un peu de bon sens, il sait que la blondinette ne sera pas choquée, ne prendre pas mal la nouvelle. Mais ce serait juste la fin de tout ce qu’il avait toujours affirmé, de son attitude d’enfant parfait. Il aimerait être plus détendu et malgré tout, il a ce balai dans le cul qui rend ses sourires crispés et ses rires nerveux. « T’as pas le monopole des câlins. » Il avait Azraël. Azraël qui semblait avoir laissé sa trace partout ici et le trahissait à chaque mot, chaque geste. Il peut encore s’en cacher puisqu’il lui tourne le dos, se perd en contemplation dans les cookies -qui heureusement ont le mérite d’avoir une belle tronche-. Il espérait s’étouffer avec plutôt que de parler, d’ailleurs. « Je sais pas comment tu fais pour manger autant et rester toute menue. » Il soupire, sourit tout de même. Aline est bien une Berenson pour cela, et il ne remet pas sa parole en doute. Les cookies vont passer un sale moment et il était possible que Azra n’ait rien en rentrant. Il en ferait d’autres, à l’occasion. Quand il revient dans le salon avec l’assiette, il essaye de se détendre, d’éloigner ses appréhensions. Tout avouer à Aline, c’était simple. A sa mère, il n’était pas prêt. Ça force la mise au point, la nécessité de garder cette adresse discrète pour l’instant. Il voulait sa tranquillité, ainsi que celle de son petit-ami. Le brun avait beau vouloir que Tom s’assume, il ne voulait certainement pas une maman Berenson qui fouine, colle, et oppresse malgré ses bonnes intentions à n’en plus savoir que faire. Il voulait voir juste Aline et comptait bien tout faire pour ça, même s’il sait que ça annonce la couleur de cette discussion. Elle est maligne la minipousse, et le scrute à la recherche des tous les indices possibles.

Elle n’a pas tort pour autant. Elle ne courait pas après les explications, ne cherchait pas à être au courant de toute l’actualité. Cela rendait la chose plus simple. Si elle n’avait pas d’attentes, alors la pression devenait moindre. « Je vais pas dire que t’es ma préférée, je veux pas semer la discorde dans la famille. Mais disons que t’es mignonne. » Il lui sourit autant que faire se peut, mord à son tour dans un cookie. Même s’il a des choses à se dire, il veut profiter qu’elle soit là. Car après tout, le contraire est vrai. Il ne fouille pas dans la vie de sa sœur et en définitive, il a parfois la triste sensation de ne rien savoir de ce qu’elle fait, ce qu’elle vit, ce qui la fait vibrer en dehors du dessin. « Promis, les cookies, c’est gratuit. » Vu qu’ils ne se voient pas assez. Qu’ils le veuillent ou non, ils ont leur vie respective, et l’écart d’âge entre eux existe. Au moins que c’est décevant d’avoir encore les mêmes réponses, surtout quand elles manquent autant de sincérité. « Tu ne vas pas me faire croire que tu ne sors pas, que tu n’as pas de vie étudiante ? Je dirai rien si tu fais le mur tous les soirs. On l’a tous fait avant toi. » Elle fuit son regard. Il s’en rend compte, et même s’il se tait, il aimerait savoir ce qu’elle ne lui dit pas. Ce qui, à ses yeux, est trop important pour qu’elle lui fasse confiance.

Elle est forte pour détourner le sujet, tout de même. Il glisse aussi son regard sur le paquet de cigarettes posé à l’intérieur, qui le fait grimacer. Il n’aime pas l’odeur, il n’aime pas ces habitudes, mais rien de ce qu’il n’a pu faire n’a eu raison de cette addiction. « C’est pas le mien. » Il a la sensation d’étouffer mais se force à inspirer. « C’est à mon petit-ami. Il y a des sacrifices à faire quand on habite ensemble, j’aime pas ça, mais bon. » Il baisse les yeux, refuse soigneusement de croiser ceux de sa sœur. A la place, il tend lentement la main vers l’assiette de cookies, en prend un. « J’ai pas nécessairement envie que Maman apprenne que je suis gay en faisant une visite surprise alors… voilà. » Et il mord dans le cookie, prêt à s’enterrer.