#72 (sawyer) to make it better

R efermant la barrière du champs, Sawyer soupira. Ce n’était pas un soupir de lassitude, cependant, ni même un signe de fatigue. Pas qu’elle ne soit pas fatiguée – car elle l’était. Mais c’était de la bonne fatigue, pour une fois. Elle avait conclu sa journée par une balade sur la plage, qui s’était terminée par un bain de mer improvisé. Silver, son étalon, adorait l’eau. A partir du moment où il y avait mis un sabot, c’était fichu. Sawyer le connaissait depuis le temps, alors elle avait prévu le coup : pas de selle. Il avait donc pu se rouler comme un bienheureux, et ils avaient tous les deux fini trempés. Il faisait un temps radieux, alors pourquoi se priver ? Ca aurait été dommage de ne pas en profiter.

Elle se sentait donc légère, détendue, en passant la porte de la maison de sa mère. Ca ne lui était pas arrivé depuis si longtemps… Bonne balade, à ce que je vois, commenta sa mère en la découvrant. Très. Tu connais SIlver et son goût pour la baignade… répondit-elle en souriant. Sans se départir de son sourire, Sawyer s’empara de son téléphone. Elle avait hésité à le prendre avec elle, sait-on jamais, mais elle avait bien fait de le laisser à la maison, en fin de compte. Il n’aurait sûrement pas apprécié la baignade.

Sur son écran étaient affichées quelques notifications… Don une lui indiquant un message de Ryan. Surprise, elle arqua un sourcil. Si elle était intriguée ? Un peu. Leur communication était réduite au minimum syndical depuis qu’il était rentré de l’hôpital. En partie parce qu’il n’était pas très causant, et en partie parce que Sawyer, ne supportant plus l’ambiance tendue à la maison et cette impression de faire face à un inconnu qui occuperait le corps de son mari, préférait fuir. Peut être pas la bonne attitude, mais elle n’avait pas encore réussi à trouver mieux. Quelque chose ne va pas ? lui demanda sa mère en voyant son expression. Sawyer haussa les épaules pour lui signifier qu’elle n’en savait rien, et du bout du doigt, ouvrit le message de son mari.

Code:

Hey. J’espère que tout va bien au ranch, je sais que t’as beaucoup de boulot en ce moment mais j’espère qu’on pourra se voir ce soir.

Le message datait d’il y a une quinzaine de minutes. Elle l’avait manqué de peu. Sawyer hésita, cherchant quoi répondre alors qu’Echo déboulait comme un sonné dans la pièce, suivi de sa meilleure amie… Une chèvre naine. Bienvenue chez les Blake. Blake, c’était aussi le nom de la chèvre d’ailleurs. Elle s’était vite transformée en la mascotte du ranch, et son nom avait été vite trouvé.

Code:

Hey. Je viens seulement de voir ton message. Je me change et j’arrive.

Envoyer. Allez jouer dehors, les monstres ! ordonna-t-elle ne attrapant des vêtements de rechange dans son sac, avant de filer à la salle de bain. Pour la douche, elle pouvait attendre d’être rentrée après tout, mais elle n’allait pas prendre la voiture totalement trempée.  Une fois changée, elle salua rapidement sa mère et s’éclipsa vers sa voiture. Echo ! Allez, on rentre ! appela-t-elle. Le berger allemand ne tarda pas à pointer le bout de son nez et profita que Sawyer joue les portiers pour sauter sur la banquette arrière, suivi de… Blake ! Non, tu descends. Allez, oust, sale bestiole ! Ils étaient impossibles, ces deux là. Il lui fallu un moment pour se débarrasser du monstre à cornes miniature, mais elle terrassa finalement la Bête, et pu prendre la route, laissant derrière elle le ranch.

Le message de Ryan l’avait intriguée. Pourquoi cette soudaine envie de la voir rentrer plus tôt ? Il semblait bien se contenter de son absence, jusque là. Elle était un peu angoissée, aussi. Voulait-il parler de quelque chose ? Et si oui, de quoi ? Ces questions tournèrent inlassablement dans sa tête, et ce jusqu’à ce qu’elle se gare devant la maison et coupe le moteur de son véhicule. Récupérant son sac à l’arrière de la voiture, elle laissa Echo descendre et se dirigea vers la porte. A peine ouverte, le chien se précipita à l’intérieur pour aller saluer son maître. Pour lui, amnésie ou pas ça ne changeait pas grand-chose. Ca ne changeait même rien, d’ailleurs. Il était juste heureux d’avoir à nouveau toute la famille à la maison.

Me voilà ! lança-t-elle tout en se débarrassant de ses chaussures. Désolée, j’ai mis un moment, j’ai dû me battre avec un monstre au moment de partir. Un peu de plus et… Sawyer s’interrompit d’elle-même, se dirigeant vers le salon. C’est quoi cette odeur ? demanda-t-elle. Pas que ça sente mauvais, au contraire. Au contraire, même. Et puis, alors qu’elle arrivait au salon, elle découvrit Ryan, débarrassé des joggings et sweats et autres frusques qui étaient devenu son nouvel uniforme depuis son retour. Pantalon, chemise… Pour le coup, c’était elle qui avait l’impression de se laisser aller, avec son short, son t-shirt et ses cheveux bruns qui avaient bouclé sous les effets de l’eau salée. Elle n’avait même pas pris une douche. Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-elle en l’observant sans comprendre. Parce que la Saint Valentin, elle n’y avait pas pensé. Ca lui était totalement sorti de la tête. Il faut dire qu’elle n’était pas vraiment du genre à passer son temps le nez sur le calendrier – elle avait déjà bien du mal à savoir quel jour on était, alors la date… – et que, de toute façon, la fête des amoureux n’était pas sa priorité ces derniers temps, vu l’état de son couple…  La perspective de la Saint Valentin était devenue plus déprimante qu’autre chose, alors elle l’avait totalement occultée de son esprit.

L a Saint Valntin. La fête des Amoureux… Quand on voyait l’état du couple de Sawyer, il n’y avait pas grand-chose d’étonnant dans le fait qu’elle ait totalement oublié cette fête, cette année. Elle lui était littéralement sortie de la tête. Pas que ce soit sa fête favorite le reste du temps – quoique tous les prétexte étaient bons pour se faire offrir du chocolat. Mais si on attendait le quatorze février pour montrer à sa moitié qu’on l’aimait, on avait de sérieux problèmes de couple. Et justement, les problèmes conjugaux, ces temps-ci, elle en avait quelques uns. Alors elle avait oublié. Elle n’avait même pas prêté attention à la date. C’est un peu comme si son esprit tentait de la protéger d’un enouvelle déception. Si on n’attend rien, on ne peut pas être déçu, après tout.

Par contre, on peut être surpris. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’en rentrant chez elle, elle se s’attendait pas à y découvrir un Ryan vêtu d’autre chose que d’un jogging, l’air nerveux, et un bon repas cuisant tranquillement dans le four. Leur relation était si tendue depuis son réveil, son retour de l’hôpital, que même si elle s’était souvenu de la Saint Valentin, elle ne se serait pas attendue à un tel effort de sa part. Et le manque d’efforts, c’est justement ce qu’elle lui reprochait. Il se laissait aller, comme si tous ses problèmes allaient se résoudre en restant enfermé chez lui et en séchant sa rééducation. Sawyer n’était pas non plus toute blanche dans cette histoire, elle le savait parfaitement. Fuir la maison n’était pas la solution, mais c’était tout ce qu’elle avait trouvé. Parce qu’elle voulait l’aider… elle ne savait juste pas comment faire. Comment l’atteindre. Comment résoudre ses problèmes, leurs problèmes à tous les deux. Alors elle se concentrait sur des choses qu’elle pouvait résoudre, ça lui évitait de se sentir totalement inutile.

Surprise. C’était le mot. Et une bonne, qui plus est. Et en parlant de surprises, elle n’était pas encore arrivée au bout. Ça m’avait manqué de faire à manger alors j’ai appelé ma mère et elle est venu m’aider cet après-midi. On était loin des grandes déclarations et pourtant, le simple fait qu’il ait fait l’effort de préparer quelque chose pour eux deux la touchait plus qu’elle n’aurait su le dire. Parce que des efforts, c’est tout ce qu’elle demandait. Même minimes. Juste un signe qu’il voulait que les choses s’arrangent, lui aussi. Ils avaient encore du chemin à faire, tous les deux, mais il avait fait un pas en avant. Un pas vers elle, vers eux. Et il avait passé du temps avec sa mère, elle qui ne demandait que ça…

Alors oui, elle était émue, même si elle s’efforçait de se contenir, se mordant l’intérieur de la lèvre. Si elle fondait en larmes avant même qu’ils ne passent à table, leur soirée risquait vite de tourner court. On peut manger tout de suite ou je peux laisser le tout au four un peu plus longtemps si jamais t’as besoin de prendre une douche ou de te changer. Dans ses paroles, il n’avait pas évoqué la possibilité d’un refus. D’une énième fuite. Pas qu’elle n’ait pas le choix, si elle avait voulu prendre la porte, elle ne se serait pas gênée. Il faisait enfin un pas vers elle, et il aurait été ridicule de partir en courant alors qu’elle attendait ça depuis des mois. L’idée ne lui traversa même pas l’esprit, d’ailleurs. Je… Elle se racla la gorge dans une tentative d’éclaircir sa voix, étranglée par l’émotion. Pas de larmes, même de soulagement, ou de joie. Je vais aller prendre une douche. J’ai pris un bain de mer improvisé, je suis toute salée, répondit-elle d’un ton qui se voulait détaché. Pas qu’il n’ait pas été habitué à la voir rentrer ainsi. Sawyer adorait la mer et au-delà des bains de mer imposés par Silver, elle avait toujours adoré surfer, une passion qu’elle partageait avec son frère ainé. Mais une bonne douche lui permettrait de se remettre de ses émotions avant de passer à table. Je serai pas longue, promit-elle avant d’amorcer un pas pour filer à la salle de bain… Et de se raviser. Au lieu de ça, elle se dirigea vers lui et déposa un simple baiser sur sa joue avant de s’éclipser sans dire un mot.

Comme promis, elle ne fut pas très longue. Après une douche rapide, elle rejoignit la chambre et hésita un instant. Il avait fait un effort, elle pouvait bien en faire un aussi. Au lieu de se contenter d’un jeans et d’un t-shirt, elle attrapa donc une robe. Rien d’extravagant, une simple robe d’été, mais c’était toujours un peu plus habillé qu’un jeans. Debout face au miroir, elle s’observa un instant. Nerveuse. Pourquoi elle était nerveuse ? C’est ton mari, idiote, se sermonna-t-elle à voix basse. Ils étaient ensemble depuis neuf ans, elle n’avait pas de raison d’être nerveuse pour un simple dîner, bon sang. Elle jeta un rapide coup d’œil à son téléphone où un message de sa mère, curieuse de savoir ce qui l’avait faite rentrer si précipitamment, l’attendait. Sawyer lui répondit rapidement qu’elle lui expliquerait plus tard et s’apprêtait à mettre verrouiller l’écran de l’appareil lorsque son regard s’arrêta sur la date… Elle avait oublié la Saint Valentin… Idiote, murmura-t-elle à nouveau. Elle pouvait bien lui reprocher de ne pas faire d’efforts, tiens…

La Saint Valentin… lança-t-elle en venant le rejoindre au salon. Ca m’était totalement sorti de la tête, je suis désolée… s’excusa-t-elle en s’avançant dans la pièce. Nerveuse. Gênée de cet oubli. Elle se sentait ridicule. C’était lui qui avait des soucis de mémoire et au final, c’est lui qui avait pensé à organiser quelque chose.  

S awyer se sentait absolument ridicule. Elle avait oublié. Elle, qui reprochait à son mari de ne faire aucun effort, avait oublié la Saint Valentin. C’était l’hôpital qui se foutait de la charité, vraiment. Stupide. Plantée là, face à lui, elle se sentait stupide. Touchée, aussi, parce que lui y avait pensé, contrairement à elle. Il avait passé du temps avec sa mère, qui n’attendait que ça, pour lui préparer cette surprise. Elle en aurait pleuré, si elle n’avait pas été déterminée à  ne pas commencer cette soirée dans les larmes. Cette petite soirée, aussi inattendue soit-elle, elle voulait en profiter. Elle voulait profiter de la bonne humeur de Ryan, qui se faisait tellement rare depuis son retour à la maison. Et puis honnêtement, des larmes, elle en avait déjà trop versées. Elle avait bien besoin de faire un break, de ce côté-là, et de passer une soirée dans le sourire et la bonne humeur. Combien de temps ses bonnes résolutions tiendraient-elles ? Plus longtemps que celles que l’on prend traditionnellement au nouvel an, elle l’espérait.

Tu es magnifique, fut tout ce que Ryan répondit à ses excuses. Sawyer en rosit de plaisir et le remercia d’un sourire, et ce même si elle n’avait pas fait de gros efforts. Une robe simple, pas de coiffure ou de maquillage élaboré… Pas le temps. Elle n’avait pas envie de passer deux heures dans la salle de bain, pas si ça signifiait qu’il devait passer deux heures à l’attendre. Si elle avait été au courant à l’avance, elle aurait sûrement pris le temps de quelques efforts supplémentaires, juste histoire de marquer le coup même si, quoi qu’il arrive, Sawyer restait quelqu’un de relativement simple.  Les talons de quinze centimètres, le maquillage à outrance et tout ce qui va avec, ça n’était pas elle. Et elle était ravie que sa simplicité plaise toujours à son mari. Au moins ça, ça n’avait pas changé. C’était un détail, un détail peut être même insignifiant aux yeux de certains, mais Sawyer prenait le positif là où elle pouvait le trouver.

Retrouvant finalement l’usage de ses jambes, Sawyer alla s’installer à la table, en face de Ryan. Me donne pas trop de crédit, ils en parlaient tellement à la télé que c’était impossible pour moi de passer à côté. Il était certain qu’il passait plus de temps en face d’un écran qu’elle, ces temps-ci. Sawyer s’abstint de le lui faire remarquer. L’heure n’était pas aux reproches. La dernière fois que j’ai passé plus de cinq minutes devant la télé, c’était devant un Disney avec Max. Alors pas de pub pour la Saint Valentin pour moi, préféra-t-elle plaisanter, sans même se dire qu’il n’avait peut être pas la moindre idée de qui était ce Max.

Les soirées Disney avec Max, c’était souvent du grand art. Une orgie de bonbons, crèmes glacées et autres cochonneries. Ils étaient beaux, tous les deux. Mais ça lui faisait un bien fou, de passer du temps avec lui. Il était revenu de ses voyages au bon moment, celui-là. Enfin, Max n’était pas à l’ordre du jour. Pas de soirée Disney, pas de nounours Haribo au menu. Ce soir, elle allait manger… Et bien, elle ne savait pas quoi, à vrai dire. Mais Ryan savait cuisiner, ça au moins, elle le savait. Et sa mère aussi. Elle était sûre à quatre-vingt dix neuf pourcents de se régaler, quel que soit le menu. Te blâme pas surtout, à ta place j’y aurais sans doute pas pensé non plus. Et Dieu sait si j’aurais eu envie de la fêter tout court, avoua Ryan. Leur situation n’était pas idéale, il y avait de quoi ne pas être d’humeur à célébrer. Y avait peut être de ça aussi… confessa-t-elle à mi-voix, le regard baissé, avant de relever les yeux vers lui. Mais je suis contente que tu aies fait tout ça. C’est… Une bonne surprise. C’était sincère. Sawyer était de toute façon tout sauf une menteuse. A quoi bon faire semblant ? Ca ne les avancerait pas plus. Ca ne règlerait pas leurs problèmes. Et s’il était important de ne pas ignorer leurs problèmes, elle estimait qu’il était aussi essentiel de remarquer les efforts, les améliorations.

En voyant Ryan s’emparer de son verre et le tendre devant lui, Sawyer l’imita et trinqua. A cette soirée. A cette soirée, répéta Sawyer, leurs verres s’entrechoquant légèrement, avant de le porter à ses lèvres. C’était un bon début. Une soirée. Pour la suite, on verrait plus tard. Inutile de presser les choses. Alors, qui sont les coupables qui t’ont fait prendre un bain forcé et ont voulu t’empêcher de venir me rejoindre ? lui demanda Ryan, quand ils eurent reposé leurs verres. Sawyer sourit à cette question, tant parce qu’elle la rappelait au bon souvenir de sa balade et aux frasques de cette fichue biquette que parce qu’en cet instant, il aurait été tellement facile d’oublier l’existence de leur montagne de problèmes. Une simple conversation entre mari et femme au terme d’une journée de travail. C’était tellement banal, familier… Dans le bon sens du terme, bien sûr.

Le bain forcé, c’est Silver, mon cheval. Il adore l’eau, c’est plus fort que lui, dès qu’il y met un sabot ca se fini en baignade. Je me doutais un peu que ça finirait comme ça en partant me balader sur la plage avec lui mais avec ce beau temps... J’avais pas le cœur à l’en empêcher. Quitte à partir en balade, autant qu’il se fasse plaisir, non ? Ce cheval, elle le montait depuis des années. Très jeune, il avait appartenu à son père. Aujourd’hui, il était à elle. Caractériel, fougueux, personne d’autre qu’elle ne s’était risqué à le monter. Mais Sawyer ne croyait pas aux cas désespéré, et Silver avait su lui donner raison. Quant à mon retard, demande à Echo, lança-t-elle, amusée. Le chien, entendant son nom, releva la tête. Pendant que tu étais… A l’hôpital, on a recueilli une chèvre orpheline au ranch.  Et elle a passé un peu trop de temps avec notre monstre, maintenant elle se prend pour un chien. Tu les verrais tous les deux, raconta-t-elle, un sourire aux lèvres. Parce qu’elle avait beau râler après Blake et ses frasques, les voir jouer elle et Echo, c’était tout un spectacle. Un peu de plus, et je rentrais à la maison avec une biquette, ce soir. Ca aurait été sympa, le dîner en amoureux avec un chien et une biquette occupés à galoper à travers la maison, non ? Et toi, tu m’as concocté quoi de bon pendant que je gérais ma ménagerie ? Eh oui, elle était curieuse. Le grand air, ça creusait, et l’odeur suffisait à lui ouvrir l’appétit.