Un petit paquet de cookies à la main, je me dirigeais vers le magasin bio de mon meilleur ami. A cette heure-ci, je devrais rentrer chez moi, attendre Cole pour passer la soirée avec lui. Mais depuis le réveil d’Ezra mon quotidien n’est plus le même et tout est bouleversé. Cole, ça fait quatre ans que je sors avec lui. C’est un type bien, vraiment. Il a perdu sa femme et leur enfant unique dans un accident de voiture quelques années avant notre rencontre. Deux âmes esseulées qui se sont trouvées. Sauf que moi, mon mari n’était pas mort. Il était dans le coma depuis quinze ans. Le pauvre Cole a dû faire avec. Avec mon refus de quitter mon alliance, d’emménager avec lui, de divorcer pour l’épouser. Car j’ai beau aimer Cole, le grand amour de ma vie, c’est Ezra.
Difficile d’expliquer ce qui s’est passé entre nous avec des mots... on s’est juste trouvés. Lui et moi ça a été évident dès le départ, le genre d’amour fusionnel dont tout le monde rêve et que peu de gens trouvent. J’avais dix-sept ans quand je l’ai rencontré et dès le premier jour j’ai su que j’allais l’épouser. Il a été mon premier... et après qu’il soit tombé dans le coma il m’a fallu quinze ans pour accepter d’envisager de sortir avec quelqu’un d’autre. Cole méritait bien mieux que moi... il méritait une femme qui s’investisse vraiment avec lui. Mais moi je n’ai jamais pu. Je suis entrée dans cette relation à reculons et malgré toute sa patience je n’ai jamais pu vraiment m’y investir comme il se doit.
Et il y a deux semaines les choses ont prit une tournure totalement inattendue. Après dix-neuf longues années, Ezra est sorti de son coma. Qui aurait pu imaginer ça ? Je n’y croyais plus depuis longtemps. Aujourd’hui le fait est que je culpabilise beaucoup. Vis à vis d’Ezra, de ne pas avoir pu l’attendre quatre années de plus, et vis à vis de Cole, qui a toujours été si patient, si gentil et amoureux, et que je ne parviens pas à quitter à cause de ça. Il a déjà beaucoup souffert dans la vie, et je m’apprête à en remettre une couche. Alors du coup je les évite tous les deux. Ezra, je n’ai jamais manqué une seule visite en dix-neuf ans. Tous les jours j’allais le voir, quoiqu’il arrive. Or depuis qu’il est réveillé je ne l’ai vu que trois fois. Quant à Cole, je m’invente des tas d’excuses. Pas très bien, trop fatiguée, le salon de thé à nettoyer, trop de choses à préparer pour le lendemain... Bien sûr il sent le vent tourner, il sait très bien où tout ça nous mène. Mais moi je me sens trop lâche pour rompre avec lui. Génial comme situation n’est-ce pas ?
Aujourd’hui j’ai envie de décompresser. Et pour décompresser, je ne connais rien de mieux qu’Azariah. On s’est rencontrés quand il a installé son épicerie Bio non loin de mon salon de thé. Il venait souvent pendant sa pause et de fil en aiguille on est devenus amis. C’est quelqu’un qui a pris une grosse importance dans ma vie et on est vraiment devenus très proches. Aujourd’hui je le considère comme mon meilleur ami. On peut se parler de tout, je lui fais entièrement confiance, et je sais que passer un peu de temps avec lui me fera le plus grand bien. Quand je pénètre dans l’épicerie, il ne reste que quelques minutes avant la fermeture et les derniers clients se pressent à la caisse. Je vais vers le rayon fruits et légumes pour acheter quelques citrons, choisis quelques patates douces et reprends un gros pot de miel d’Acacia avant de me diriger à mon tour vers le comptoir-caisse où je pose mes achats. Pendant que le caissier s’occupe de mon petit compte, je me tourne pour accueillir le patron qui vient à ma rencontre.
Salut beau gosse !
Grand sourire aux lèvres, je me hisse pour venir lui faire un big hug.
Tiens je t’ai apporté des cookies.
Je lui file le paquet dans les mains et me tourne vers le caissier pour lui payer mes petites courses, le salue, puis reporte à nouveau mon attention vers Azariah. Il a l’air crevé le pauvre...
Ca te dit de manger un bout ? J’ai une furieuse envie de passer un peu de temps avec toi. Et à voir ta tête ça te fera du bien aussi...