C'est pas ce que tu crois ...

Effectivement, la prison change un homme. Au départ, lorsqu'il envoyait des mecs en taule, il ne croyait pas en ce proverbe. Surtout pour les violeurs ou les assassins en réalité. Comment voulez-vous qu'un violeur change réellement lorsqu'il est enfermé ? Comment voulez-vous qu'il oublie ses pulsions ? Même s'il reste avec des mecs, son désir sexuel peut changer de bord, c'est évident. Et comment voulez-vous qu'un assassin change en étant en cage ? C'était pire selon lui. Il se retrouve enfermé, il est sans cesse avec ses pensées malsaines, il rumine sa vengeance, alors ouais il devient pire. Il devient fou allié. Hannibal n'est-il pas devenu encore pire ? Sans aucun doute. Les violents, les hommes battant leur femme sont encore pire selon lui : tout simplement car ils ont du contenir leur rage, ils ont du maintenir leur violence alors ouais, au bout d'un moment ça éclate et ils finissent par tabasser un mec au hasard. Combien de taulards sont morts sans raison, avec le crâne éclaté à coup de trique ? Beaucoup trop selon lui. De toute façon, les prisons sont surpeuplées, dans n'importe quel pays c'était une évidence aussi. Mais pour lui, c'était différent. Lui, la prison l'avait réellement changé. Il avait comprit son erreur. Il savait qu'il devait demander rédemption. Il comprenait qu'il avait mal fait. Mais comme on dit : le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas.

Alors, non, il ne resterait pas celui qu'il était auparavant. Il était quelqu'un de complètement différent dorénavant. Il était devenu encore plus froid, encore plus violent, mais surtout de plus réfléchi. Il se souvenait parfaitement de ses bagarres qu'il avait du éviter. Mais ce dont il se souvenait le plus, c'était le crâne de ce dealer qu'il avait éclaté contre les parois de sa cellule. Pourquoi ? De une, il avait parlé de sa femme, de deux il l'avait menacé avec un bout de fourchette. On ne menace pas un homme perdu, surtout pas un veuf. Alors, oui, il lui avait éclaté le crâne. Heureusement que le gardien était passé par là, sinon ce taulard serait sans doute mort à l'heure qu'il est. Après je ne dis pas qu'il ne s'en veut pas, ce serait vous mentir, mais il savait qu'il avait eu raison de faire ça. Tous les soirs, il revoyait son visage. Tous les soirs, il entendait ses cris, mais il acceptait volontiers de vivre avec cela.

" J'ai entendu parler d'un transfert personnellement. Après je t'avoue ne pas avoir cherché plus loin. " dit-il calmement, tout en tirant une latte sur sa clope. " On ne s'occupe que de son cul en prison comme on dit." poursuivit-il en souriant nostalgiquement.

En fait, il ne comprenait pas vraiment la nervosité de son partenaire de conversation. Faisait-il réellement peur à ce point-là ? Avait-il réellement le visage de l'ours comme le disait Eden, très souvent ? Il fit une moue mi-figue, mi-raisin pour finalement souffler la fumée qu'il avait dans la gorge. Soudain, un aboiement se fit entendre. Merde, il avait oublié Dionysus dans sa voiture. Alors, ni une ni deux, il s'approcha de cette dernière. Il ouvrit la portière, donna rapidement à boire à son chien pour finalement lui mettre la laisse et le faire sortir. Le berger allemand âgé de huit mois aboya sur le brun tandis qu'un accoue sur sa laisse lui fit comprendre de s'asseoir. Rapidement, il s'assit à côté de son maître en posant un regard méfiant sur le plus fin. Riley caressa brièvement son chien tout en continuant de fumer.

" Deux milles trois, hein ? " s'interroge-t-il en se grattant le menton. " Bizarre. J'ai l'impression de ne t'y avoir jamais croisé. Pourtant j'y officiais encore. "

Il se souvenait parfaitement de ses dernières années avant d'être enfermé. Il se souvenait de sa mauvaise humeur constante, de ses sautes d'humeur, mais surtout de sa violence pendant les arrestations. Il avait eu plusieurs congés forcés à ce moment précis, mais étant un très bon élément, son patron lui donnait toujours une seconde chance. Il n'aurait peut-être pas du au final, il aurait peut-être du l'envoyer voir quelqu'un, peut-être qu'ainsi le responsable ne se serait pas prit une balle dans la tête. Mais bon, avec le si, on refait le monde comme on dit. Après quand on y pense, c'était peut-être pour cette raison qu'il ne se souvenait pas du brun : car étant trop dans son monde, il ne remarquait personne autour de lui. Il n'y avait que lui et son chagrin qui comptait à ce moment.

" Je comprends. Quand on est en mission, il vaut mieux éviter de s'épancher sur le sujet mais surtout d'y repenser, sinon elles nous tuent petit à petit. " Finalement, il haussa les épaules à sa seconde question. " Moi, je suis sortie pour bonne conduite on va dire. Mais je pense surtout que mon capitaine a payé la caution. Sinon, ça fait deux - trois semaines que je suis ici. Je suis sorti début du mois. "

C'était même évident que son patron ait payé la caution. Il ne pouvait sortir pour bonne conduite au bout de dix ans, c'était même impossible. Comment un mec ayant tué un autre mec pouvait-il sortir au bout de dix ans ? Comment un assassin pouvait-il sortir pour bonne conduite ? Impossible. N'importe quel flic le savait, même le plus novice. Finalement, il reposa son regard sur le brun, se laissant aller à ses pensées.

En réalité, Riley était ce genre d'homme qui se moquait parfaitement de ce qui pouvait se passer autour de lui. Que ce soit dans son adolescence, sa vie professionnelle autant que sa vie personnelle. Il se souvenait parfaitement de son adolescence, il se souvenait de ces disputes qu'il voyait souvent dans les couloirs. Il les observait de loin, sans pour autant s'occuper de la raison du pourquoi. Il se souvenait d'une dispute en particulier : deux mecs, dont il ne se rappelait pas du nom, avait commencé à à se disputer dans le réfectoire. Ils avaient commencé à se balancer des insultes, puis ensuite les plateaux avaient volé et finalement les poings les avaient rejoins. L'adolescent, blond à l'époque, avait fini par se lever pour partir, par la suite, du réfectoire. Il avait soupiré et était parti s'installer dans la bibliothèque. C'étaient leurs affaires, pas les siennes. Et c'était exactement la même chose en taule : bien entendu qu'il avait entendu parler de l'évasion. Bien sûr qu'il avait vu les gardes courir partout, ainsi que les portes se fermer et les prisonniers rester dans leur cellule. Sans même demander, ils avaient tous comprit de quoi il s'agissait, mais ils avaient préféré occulter. Quand on reste neutre, quand on reste à l'écart de tout cela, on reste en vie, c'était une évidence.

" Beh disons qu'on en a tous entendu parler, c'est évident. Mais on a préféré ne rien dire, sinon tu connais les conséquences. "

En étant flic, ou ancien flic, on savait parfaitement qu'il valait mieux garder certaines choses pour soi. C'était une évidence. Comme certains meurtres que l'on pouvait voir, comme certaines scènes de crime que l'on remarquait, on évitait de les ramener chez soi : tout simplement car on ne veut malmener notre entourage et de plus, car on ne sait jamais à qui avoir réellement confiance. On a beau être marié, on a beau vivre depuis des années avec quelqu'un, on ne le connait jamais assez. Il suffit d'une simple conversation, il suffit d'un simple mot pour qu'une affaire soit dévoilée malheureusement. Il ne l'avait que trop vu, avec beaucoup trop de collègues. Finalement lorsque le brun lui demanda le nom de son chien, il hocha la tête, caressa la tête de son partenaire canin et ouvrit la bouche, avec une certaine tendresse.

" Dionysus. Tu as un chien, toi ? "

Oui, il n'avait pas tord le jeune. C'est même fort probable que son chef ait plaider sa cause, qu'il l'ait aidé à sortir. Certains seraient vexé qu'on les aide à ce point-là, mais lui, non. Lui, il était véritablement heureux qu'il l'ait aidé à ce point. Ca prouvait que son chef pensait encore à lui, qu'il était prêt à lui laisser une chance. Finalement lorsqu'il entendit la remarque du brun, il eut un petit rire. Et il secoua la tête, en venant lui tapoter l'épaule avec sa main droite.

" Ne t'en fais pas. C'est vrai que passer de barrière, de barres en fer et après d'une plage, ça choque réellement "

En fait, quand on y pense : la prison c'est un peu comme la vie scolaire mais en plus dangereux et surtout plus violent. Cette vie scolaire où vous avez l'impression que chacun de vos gestes seront retranscrits. Qu'ils seront déformés pour ensuite revenir aux oreilles de n'importe qui, que ce soient vos ennemis ou amis. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il y a eu plusieurs suicides de nos jours, que des jeunes se scarifient ou tombent dans la drogue. Ils ne se sentent plus à l'aise avec les autres, ils se sentent malheureux mais surtout ils ont l'impression que quoiqu'ils fassent ils ne sont que des merdes. Le harcèlement scolaire vient de là aussi, c'est certain. Délicatement, le vice s’immisce dans la vie des gens, subtilement les gens tombent dans la détresse sans qu'on y fasse réellement attention. Et les gens meurent sans qu'on y fasse réellement gaffe. La prison c'est pareil, mais en pire. Les taulards se suicident tandis que les gardes rigolent et que les autres passent à côté de la cellule sans y faire attention. Tandis que d'autres tentent de s'échapper, de s'évader sans même que quiconque les convainc du contraire. Ils les laissent faire, sachant parfaitement les conséquences et derrières les rumeurs naissent. Les mors disparaissent dans le noir, tandis que les âmes disparaissent des cerveaux. Alors oui, souvent les rumeurs naissent et meurent de la même manière.

Une caresse sur la tête de son chien, tandis qu'il hochait la tête à sa question. Il avait raison : ce dieu est le dieu de la fête, du vin, de la luxure ainsi que de la démesure. Mais pourquoi avait-il appelé ainsi son chien ? Pourquoi lui avoir donné un tel nom ? Car il lui correspondait parfaitement. Ce chien était la joie incarnée, c'était le bonheur à l'état pur. En fait, il représentait le bonheur qu'il n'avait pas connu depuis dix ans, un bonheur qu'il n'avait fait qu'imaginer au fil du temps. Puis ce chien était apparu, comme un ange tombant du ciel.

Finalement, il tira une seconde taf sur sa cigarette. Un regard sur cette dernière et il finit par la jeter plus loin. En réalité, il n'aimait pas réellement cette conversation, ça le mettait presque mal à l'aise. En fait, il pensait pouvoir créer un semblant de lien avec l'homme brun, mais pas du tout. Ils étaient bien trop différents pour pouvoir faire cela. Là, la question véridique tomba. Qu'avait-il fait en arrivant ? C'est vrai cela, qu'avait-il fait en sortant de prison ? Qu'avait-il pensé faire ? S'en souvenait-il surtout ? Bien sûr. Il se souvenait parfaitement de ce qu'il avait fait, alors il restera ce qu'elle avait toujours été, honnête.

" J'ai voulu aller voir la tombe de ma femme, malheureusement ses parents ont rapatrié son corps en Pologne. Du coup, beh j'ai déménagé direct ici et j'ai découvert Dionysus dans une benne, donc je l'ai élevé. Et toi ? " dit-il en se grattant le front.

Je pense qu'il s'en souviendra toute sa vie de cette journée si particulière selon lui. Il se souviendra des appels qu'il avait pu avoir, des cris qu'il avait pu laissé sortir mais surtout de cette rage qui était survenue. Il se souvenait de ce jour très particulier où il était sorti, espérant rejoindra sa femme défunte sous la terre, espérant déposer des fleurs sur sa pierre tombale. Mais non, il avait apprit par son voisin, mais surtout le frère d'Eden que ses parents étaient venus à l'improviste de Pologne. Ils avaient ordonné que leur fille soit enterrée dans son pays natal, car elle avait rien à faire aux USA. Riley l'avait prit très mal, comme complètement souillé et piétiné, mais il avait fini par céder. De toute façon, il ne pouvait plus rien y faire. C'était leur fille, il n'était que le fiancé.